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Chapitre I : Présentation et contexte bibliographique

B) Effet de substitution sur les propriétés d'isomérisation

Une des premières études exhaustives de substitutions sur l'unité DHP a été réalisée dans les années 1970 par Blattmann et Schmidt (Figure 18, A)[71].

Figure 18 : Représentation des premières modifications du cœur DHP

Au cours de cette étude, il a été montré que lorsque le cœur DHP était substitué en position 2 (R1) par des groupements électro-attracteurs comme les groupements nitro ou formyle, le rendement quantique d'ouverture était grandement amélioré avec des valeurs comprises entre 0,3 et 0,4. En revanche, cette optimisation de l'ouverture photo-induite s'accompagne également d'une diminution de la stabilité thermique de la forme CPD. Tandis que le CPD parent admet un temps de demi-vie d'environ 12 heures à 30 °C (k = 0,001 min-1) le dérivé 2-nitro se referme en une dizaine de minute (k = 0,069 min-1), exaltant cet aspect négatif pour de futures applications. Par ailleurs, les substitutions réalisées en position 4 (R2) n'ont eu que peu d'effet positif (faible ouverture/retour thermique accéléré).

Il est intéressant de remarquer que les propriétés d'isomérisation observées dans le cas du dérivé trans-10b,10c-diméthyl-10b,10c-dihydropyrène ne sont pas transposables à son homologue cis-10b,10c-diméthyl-10b,10c-dihydropyrène (Figure 18, C) en raison d'une géométrie défavorable[70].

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Des études complémentaires ont été réalisées afin d'étudier l'influence de la modification des groupements internes (Figure 18, B). De manière générale, le changement des groupements internes n'impact pas de façon significative la capacité d'ouverture photo-induite mais se répercute principalement sur la stabilité thermique du photo-produit CPD. Pour exemple, lorsque les méthyles internes sont remplacés par certains groupements plus volumineux, la vitesse de relaxation thermique augmente de pair avec la taille des substituants. Des stabilités thermiques remarquables ont pu être obtenues en modifiant les méthyles par des groupements nitriles (CN)[72] et amines (NH2)[73] avec notamment un temps de vie de 30 ans à 20 °C pour le dérivé CN. Cependant, pour ces exemples, la stabilité photochimique est grandement perturbée en raison d'une décomposition par des réarrangements sigmatropiques et des réactions d'élimination.

L'équipe de Mitchell a particulièrement exploré l'influence de la fusion de cycles benzéniques sur les propriétés photo-commutatives de l'unité DHP (Figure 19)[74,75,76].

Figure 19 : Exemple de dérivés DHP fusionnés avec des groupements benzène

Dans le cas du [a]-benzoDHP, l'apport du cycle benzénique induit une forte déstabilisation de la forme CPD se traduisant par un retour thermique important qui prévient de toute photo-isomérisation. En revanche, le [e]-benzoDHP affiche des propriétés sensiblement améliorées permettant alors une photo-conversion rapide et quantitative vers la forme CPD tout en préservant une stabilité thermique accrue (k = 0,00078 min-1 à 30 °C). De façon surprenante, l'introduction de deux groupements benzyliques en position [e] permet d'aboutir à l'un des rares exemples de dérivé DHP présentant un photochromisme positif (forme CPD la plus stable thermiquement).

A l'heure actuelle, le dérivé DHP présentant les meilleures propriétés de commutation photo-induite a été synthétisé et étudié par l'équipe de Mitchell en 2011[77] (Figure 20).

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Figure 20 : Dérivé DHP admettant les meilleures propriétés[77]

Ce système substitué par des groupements éthyléniques internes ainsi qu'un groupement acétyl-naphtalène en position 2 du cœur DHP s'isomérise quantitativement sous irradiation dans le visible (551 nm) avec une efficacité quantique ϕDHP-CPD de 0,66 et admet une stabilité thermique de plus de deux ans à 20 °C.

Malgré les différents bénéfices de ces substitutions, un facteur majeur à prendre en compte réside dans la faisabilité et l'accessibilité de la mise en œuvre de ces dérivés. En effet, comme il a été mentionné précédemment les premières voies de synthèse du motif DHP étaient longues et fastidieuses, permettant d'aboutir qu'à de faibles quantités de produit final (de l'ordre du milligramme). De plus, les différentes substitutions chimiques réalisées nécessitaient dans la plupart des cas une préfonctionnalisation des synthons de base impliqués dans la synthèse du DHP parent. Cet obstacle au développement des dérivés du système DHP a pu être levé principalement par les nombreuses études et optimisations mécanistiques menées par l'équipe de Mitchell.

Figure 21 : Systèmes t-DHP les plus utilisés

De nos jours, la méthode la plus performante et la plus utilisée se base sur la post-fonctionnalisation du dérivé t-DHP (Figure 21, A). Bien que ce système présente une efficacité quantique moindre comparé au DHP parent (ϕt-DHP = 0,0015 vs ϕDHP = 0,006), il offre de nombreux avantages synthétiques. Tout d'abord, l'insertion des groupements tert -butyles a augmenté de façon significative le rendement global de synthèse, permettant d'obtenir plus rapidement des quantités non négligeables de ce dérivé de l'ordre du gramme. De plus, le caractère encombré de ces groupements favorise une certaine sélectivité vis-à-vis des positions 4,5,9 et 10. De ce fait, il est donc possible d'obtenir aisément des dérivés du

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cœur DHP mono ou di-substitués et ce, avec une géométrie de type linéaire (positions 4 et 9), coudée (position 4 et 10) ou bien encore de façon "cis" (positions 4 et 5).

Suite à leurs précédents résultats, l'équipe de Mitchell a donc également développé un système de type t-DHP en fusionnant en position [e] un cycle benzénique[75] (Figure 21, B). Ce composé admet une photo-isomérisation vers la forme CPD efficace (ϕDHP-CPD = 0,042) tout en préservant une stabilité thermique accrue de la forme CPD (t1/2 = 7 jours à 20 °C). Récemment, l'équipe de Royal au laboratoire CIRE a découvert une nouvelle stratégie afin d'optimiser les propriétés du système t-DHP en introduisant des groupements électro-attracteurs de type pyridinium[78] (Figure 21, C). L'exploration des propriétés commutatives a révélé que, pour ce système t-DHP-py+, il était possible d'obtenir une isomérisation rapide et quantitative vers la forme CPD en peuplant le premier état singulet autour de 680 nm, donnant lieu à l'un des systèmes photochromiques les moins énergétiques. Même si l'amélioration de l'efficacité quantique (ϕDHP-CPD ≈ 0,04 à 480 nm) s'accompagne d'une diminution de la stabilité thermique de ces dérivés (t1/2 ≈ 1 heure à 25 °C), cette stratégie sera principalement exploitée dans le cadre de ce travail en raison des propriétés remarquables de ce dérivé.