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Effet de l’apeline sur le métabolisme glucidique

PARTIE III : LE SYSTEME APELINE/APJ

A. Effet de l’apeline sur le métabolisme glucidique

1. Effet de l’apeline sur la sécrétion pancréatique d’insuline

En 2005, Sorhede et ses collaborateurs ont montré que l’apeline inhibe la sécrétion d’insuline stimulée par le glucose in vivo chez la souris et in vitro sur des îlots de Langerhans isolés (Sorhede Winzell, Magnusson et al. 2005; Guo, Li et al. 2009). En effet, l’injection d’apeline 36 par voie intraveineuse entraîne une diminution de la sécrétion d’insuline au cours d’un test de tolérance au glucose chez des souris en régime standard ou hyperlipidique. Cependant, une injection iv d’apeline 13-pyr (200 pmol/kg) trente minutes avant un test de tolérance au glucose ne modifie pas l’insulinémie (Dray, Knauf et al. 2008). Ceci suggère que l’effet de l’apeline sur la sécrétion d’insuline est dépendant de la forme d’apeline injectée et de la dose. Cet effet est direct puisque l’apeline 36 diminue la sécrétion d’insuline en réponse à une concentration élevée de glucose (16,7 mM) sur des îlots isolés de pancréas de souris. Il met en jeu une diminution des taux d’AMPc dans la cellule via l’activation de la PDE3B induite par la Pi3K (Guo, Li et al. 2009). De plus, une réponse biphasique a été observée puisque l’inhibition de la sécrétion d’insuline par l’apeline est maximale à la concentration de 100 nM et à plus forte concentration, l’apeline n’a plus d’effet (Sorhede Winzell, Magnusson et al. 2005; Guo, Li et al. 2009). Ceci laisse suggérer que chez des sujets obèses, l’apeline (en concentration plus élévée) n’aurait pas d’effet inhibiteur sur la sécrétion d’insuline.

2. Effet de l’apeline sur l’utilisation du glucose et la sensibilité à l’insuline

a) Effet de l’apeline sur le transport de glucose dans un contexte physiologique

L’apeline administrée par voie intraveineuse diminue la glycémie chez des souris C57Bl6/J normopondérales et améliore la tolérance au glucose lors d’une hyperglycémie provoquée (Dray, Knauf et al. 2008). La dose d’apeline injectée est faible (200 pmol/kg), elle correspond à un doublement des taux plasmatiques d’apeline et n’a aucune conséquence sur la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Lors d’un clamp euglycémique- hyperinsulinémique alors que la production hépatique de glucose est complètement inhibée,

120 l’apeline permet d’augmenter l’utilisation du glucose à l’échelle de l’organisme entier. Ce glucose est en fait capté par les muscles squelettiques et le tissu adipeux. Le foie ne semble pas être une cible directe de l’apeline car le récepteur APJ y est peu exprimé en conditions basales. Afin de vérifier qu’il s’agissait d’un effet direct de l’apeline, des études in vitro sur le muscle isolé, organe majeur impliqué dans l’utilisation du glucose, ont été réalisées. Les résultats obtenus ont démontré que l’apeline stimule directement le transport de glucose et son effet peut s’additionner à celui de l’insuline, suggérant l’implication d’une voie de signalisation différente de celle de l’insuline et qui pourrait impliquer l’AMPK (Dray, Knauf et al. 2008).

Des études in vitro sur muscle isolé ont montré que l’apeline phosphoryle l’AMPK et son activation est nécessaire pour l’effet de l’apeline sur le transport de glucose. De plus, in vivo, chez des souris exprimant une forme inactive de l’AMPK spécifiquement dans les muscles, la stimulation de l’utilisation du glucose par l’apeline au cours d’un clamp est supprimée dans les muscles mais reste augmentée dans le tissu adipeux où l’AMPK est active (Dray, Knauf et al. 2008). Ainsi, l’apeline phosphoryle et active l’AMPK dans le muscle squelettique ce qui permet d’augmenter le transport de glucose et contribue à une meilleure utilisation du glucose à l’échelle de l’organisme (figure 25). Plus récemment, les effets de l’apeline sur le transport de glucose, via l’activation de l’AMPK, ont été retrouvés sur la lignée myocytaire C2C12 (Yue, Jin et al.).

La eNOS, une autre cible moléculaire en aval de l’AMPK et pouvant intervenir dans le transport musculaire de glucose a ensuite été étudiée (Kapur, Bedard et al. 1997). Or il avait été montré que l’apeline pouvait activer la eNOS dans les cellules endothéliales (Tatemoto, Takayama et al. 2001) et c’est également le cas dans le muscle squelettique. L’étude de souris invalidées pour la eNOS a permis de mettre en évidence l’implication de la eNOS dans la stimulation du transport de glucose induit par l’apeline in vivo et ex vivo sur muscle isolé (figure 25) (Dray, Knauf et al. 2008).

Enfin, la voie intracellulaire impliquée dans la stimulation du transport de glucose rejoint finalement celle de l’insuline au niveau d’Akt qui est phosphorylé par l’apeline (figure 25).

Ainsi, ces résultats montre que l’apeline active non seulement l’AMPK qui stimule à son tour la eNOS mais aussi Akt ; l’ensemble conduisant à une augmentation du transport de glucose dans le muscle squelettique.

121 Figure 26 : Voie de signalisation de l’apeline conduisant à une augmentation du transport de glucose.

L’apeline stimule le transport de glucose dans le muscle via l’activation de l’AMPK, de la eNOS et d’Akt. L’apeline pourrait activer l’AMPK qui stimulerait la translocation de GLUT4 à la membrane plasmique via la eNOS. De plus, l’AMPK active Akt au niveau de la voie de signalisation de l’insuline permettant aussi d’augmenter l’entrée de glucose dans les cellules musculaires.

Les effets de l’apeline passent donc, au moins en partie, par une voie indépendante de celle de l’insuline. Ceci s’avère d’autant plus intéressant dans une situation d’insulino-résistance où la voie de signalisation de l’insuline est altérée. L’équipe a alors cherché à savoir si cet effet de l’apeline était conservé chez des souris rendues obèses et insulino-résistantes par un régime hyperlipidique.

b) Effet de l’apeline dans une situation d’insulinorésistance

Une injection i.v. d’apeline au cours d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale, améliore la tolérance au glucose chez ces souris. De plus, au cours d’un clamp euglycémique- hyperinsulinémique, les souris obèses et insulino-résistantes ont une moindre utilisation du glucose par les tissus insulino-sensibles comme les muscles et le tissu adipeux mais l’ajout d’apeline au cours du clamp augmente cette utilisation (Dray, Knauf et al. 2008). Ainsi

122 l’apeline, en traitement aigu, est efficace chez des souris obèses et insulino-résistantes et permet une meilleure utilisation du glucose. Cette amélioration de la sensibilité à l’insuline a été également retrouvée lors d’une infusion d’apeline pendant deux semaines chez des souris db/db (Yue, Jin et al.). Cet effet d’un traitement chronique par l’apeline s’accompagne d’une diminution de l’insulinémie, d’une augmentation des taux plasmatiques d’adiponectine sans modification du poids corporel. Dans cette même étude, les souris invalidées pour le gène codant l’apeline présentent une insulinémie plus élevée et une résistance à l’insuline exacerbée lors d’un régime riche en lipides et en glucides. Cette étude ne précise pas s’il s’agit d’un effet direct de l’apeline mais montre de manière intéressante que la perte de sensibilité à l’insuline est restaurée par une infusion d’apeline exogène pendant 2 ou 4 semaines.

Ainsi, l’ensemble de ces résultats montrent qu’un traitement aigu par voie iv, ou chronique par l’infusion d’apeline en sous-cutané améliore l’entrée du glucose dans le muscle et améliore la sensibilité à l’insuline chez des animaux insulino-résistants. L’apeline, dont les concentrations plasmatiques augmentent lors avec l’obésité, serait bénéfique et permettrait de retarder l’apparition de l’insulino-résistance. De plus, une injection d’apeline exogène étant toujours efficace dans un contexte où l’apelinémie est déjà élevée (obésité et insulino- résistance), il semblerait qu’il n’y ait pas de résistance à l’apeline (figure 26).