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Effet collectif du changement de nom.

Dans le document La Condition des aïeux en droit de la famille (Page 178-197)

LES AÏEUX ET LA CRISE DES TRANSMISSIONS INTERGENERATIONNELLES

Section 2 Effet collectif du changement de nom.

320. Le changement de nom a un effet collectif. Cela signifie qu’il ne se limite pas aux effets directs et immédiats pour l’intéressé. Il s’étend au nom porté par ses proches. Selon l’article 61-2 du Code civil, « Le changement de nom s’étend aux enfants du bénéficiaire… ». La modification du nom a des effets directs sur le patronyme du requérant et des répercussions subséquentes sur ses propres descendants. C’est ce que l’on nomme l’effet collectif du changement de nom.

321. Il est nécessaire de s’interroger sur les effets du changement du patronyme du grand-père ou de la grand-mère sur le nom de l’enfant. Le cas de la modification du nom de l’ascendant au deuxième degré ne peut être exclu en pratique. Dans une première hypothèse, cette modification peut résulter de la demande de changement de nom formée sur le fondement de l’article 61 du Code civil. Dans une autre hypothèse, elle peut être l’un des effets de l’établissement tardif de la filiation de l’ascendant554.

322. L’effet collectif tel qu’envisagé par les textes à l’heure actuelle résulte de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993555. Il signifie que la modification du nom d’une personne s’étend à ses descendants sans limitation de degré. L’effet collectif du changement de nom n’est pas limité aux descendants du premier degré. La loi ne limite pas cet effet à un degré quelconque de descendance. Cet effet s’applique dans certaines conditions, les unes ayant trait à la dévolution du nom de famille (§ 1), les autres au descendant de la personne dont le nom a été modifié (§ 2). Ces conditions limitent de manière importante l’effet collectif du nom.

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Cf. notamment l’hypothèse de l’établissement tardif de la filiation naturelle par possession d’état.

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J. RUBELLIN-DEVICHI, RTD. Civ. 1987. 67. ; J. HAUSER, RTD. Civ. 1993. 557. : Avant cette loi, « toute la famille changeait alors de nom par l’effet du remords tardif d’un ancêtre ».

§ 1 - Conditions relatives à la dévolution du nom de famille.

323. Concernant les conditions relatives au système de dévolution du nom, la modification ne peut avoir d’effet sur les descendants du bénéficiaire du changement que si celui-ci a transmis son nom à ses descendants en application des règles d’attribution du patronyme définies par l’article 311-21 du Code civil. L’effet collectif ne peut avoir de sens que si le titulaire du nom modifié a transmis son nom à ses descendants. Cette condition est inscrite implicitement dans la loi. Sans cette exigence, la loi n’aurait pas de sens. Le changement du nom du titulaire entraîne par répercussion celui de ses enfants auxquels il l’a transmis. L’effet collectif trouve son fondement dans les règles de dévolution du nom patronymique selon le lien indissoluble entre filiation et nom.

324. La modification du nom de l’un des grands-parents n’aura de répercussion sur celui de leurs petits-enfants uniquement si ceux-ci portent le nom ainsi modifié. La modification du nom d’une grand-mère qui n’a pas transmis son nom d’origine à ses enfants et petits-enfants n’aura pas d’effet sur le nom de ses descendants. La modification aura des effets relativement à la seule personne concernée.

325. Il convient de se référer au système de dévolution du nom de famille afin de rechercher dans quels cas l’effet collectif trouvera à s’appliquer. La loi n° 2002-304 modifiée par la loi n° 2003-516 a inscrit dans le Code civil les règles de dévolution du nom. Auparavant, les principes de transmission du nom étaient coutumiers556. Ils n’étaient pas inscrits dans le Code et résultaient de l’usage. L’enfant légitime se voyait attribuer automatiquement le nom de son père. C’est la raison pour laquelle le nom pouvait être désigné sous le terme de « patronyme ». La loi avait défini des dérogations à ce principe non écrit, notamment en matière de filiation naturelle. Ces principes sont toujours en vigueur à l’heure actuelle. Ainsi, en application de l’article

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334-1 du Code civil, « l’enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l’égard de qui sa filiation est établie en premier lieu ». L’enfant se voit attribuer le nom de celui de ses père et mère qui l’a reconnu en premier. Avant la loi de 2002, la dévolution du nom du père naturel n’était donc pas automatique, contrairement à l’attribution du nom dans la famille légitime. Si la filiation était établie concomitamment à l’égard du père et de la mère, ou en second lieu à l’égard du père, le principe de dévolution patronymique s’appliquait à nouveau suite à un accord des parents ou à une décision du juge aux affaires familiales557.

326. La loi du 4 mars 2002 a, au travers de ses règles, affirmé l’égalité des sexes. Le nom restait en effet le seul bastion de la prédominance de la « loi des mâles »558, de la prédominance masculine en droit de la famille, et, au travers de la modification des principes de dévolution du nom de famille, le législateur a souhaité y mettre fin. La loi nouvelle permet ainsi aux grands-parents maternels de voir leur nom transmis à leur petit-fils ou petite-fille559.

327. C’est pourquoi à partir de l’entrée en vigueur de la loi, les femmes pourront transmettre leur nom à leurs enfants. L’entrée en vigueur de la loi, fixée initialement au 1er septembre 2003560 a été reportée, compte tenu des difficultés de mise en œuvre du texte par les services de l’état civil pour lesquels il implique une profonde modification, au 1er janvier 2005 par la loi du 18 juin 2003.

328. La transmission à l’enfant du nom de sa mère pourra avoir lieu tant dans la famille légitime que dans la famille naturelle. Elle s’effectuera consécutivement à

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Article 334-3, alinéa 1er, ancien.

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Ph. JESTAZ, RTD. Civ. 1989. 271.

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Cf. J. MASSIP, « La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille », Defrénois 2002 n° 37563 p. 795 ; I. CORPART, « La vision égalitaire de la dévolution du nom de famille », D. 2003. Chron. 2845.

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un choix du père et de la mère de donner à l’enfant le nom de sa mère ou ce nom accolé à celui du père dans l’ordre choisi par les parents dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Les père et mère gardent la possibilité également de décider que l’enfant portera le nom de son père. S’ils n’exercent pas leur choix ou s’ils ne s’entendent pas sur le nom de l’enfant, la dévolution patronymique s’applique.

329. Cette réforme a été fortement critiquée par la doctrine avant même son entrée en vigueur. Certes, certains auteurs l’avaient appelée de leurs vœux561. La rapidité avec laquelle la loi a été votée et l’absence consécutive d’approfondissement de ses implications réelles a suscité la critique. Plus précisément, il a principalement été reproché à la loi de créer des faux-semblant en matière d’identité de régime entre filiation légitime et naturelle562, et également dans le domaine de l’égalité des sexes dans les règles de transmission du nom, la dévolution du nom de la mère étant soumise de fait à l’accord du père563.

330. Surtout, la liberté laissée aux parents de choisir le nom de l’enfant présente des désavantages que n’a pas la dévolution automatique du nom, même du nom du père.

331. Enfin, « lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent…ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants », article 311-21 in fine du Code civil. Les parents doivent donc choisir de ne transmettre qu’un seul de leur nom s’ils portent un nom double ou seulement leur nom double, le nom de l’autre parent ne pouvant alors être dévolu. Cet impératif présente le désavantage d’obliger le titulaire du nom, lors de la naissance de son premier enfant, à choisir entre ses deux noms, celui qu’il transmettra à ses enfants. Ce choix peut être psychologiquement très

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Ph. JESTAZ, RTD. Civ. 1989. 270 ; J. MASSIP, Gaz. Pal. 1er au 31/12/2002, p. 3 ; Defrénois 2002, n° 37588, p. 1062, « Suggestions pour une modification des règles du Code civil relatives au nom et aux prénoms ».

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F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Commentaire de la loi relative au nom de famille », RJPF. 2002. P. 6.

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difficile. Symboliquement, dans le domaine particulièrement sensible du nom de famille, il peut être interprété comme le reniement de la branche familiale qui a transmis le nom abandonné. Or, la loi ne prévoit pas de recours qui pourrait être exercé par les membres de la famille.

332. Compte tenu de l’absence de limitation de l’effet collectif relativement au degré de descendance et à défaut d’inscription dans la loi des règles de dévolution du nom de famille, cet effet du changement de nom trouvait donc à s’appliquer concrètement surtout au profit du nom du père.

333. Dorénavant, l’effet collectif trouvera plus fréquemment à s’appliquer au profit du nom de la mère, tant légitime que naturelle, lorsque celle-ci a transmis son nom à ses enfants en application des règles énoncées aux article 311-21 et suivants du Code civil et donc au profit du nom de la branche maternelle de l’enfant.

334. Les demandes de modification du nom se justifient par la volonté du requérant, certes de changer de nom, mais également et surtout de transmettre le nom ainsi modifié à ses descendants. La personne désire changer de nom pour elle-même mais aussi pour les membres de sa famille. On retrouve ici, intimement liés, les aspects individuels et familiaux du nom. Le demandeur souhaite transmettre un nom afin d’en éviter l’extinction ou pour éviter aux siens les moqueries dont l’ancien nom faisait l’objet. La dimension symbolique du nom prend ici tout son sens. L’absence de répercussions de la modification relativement à la transmission du nom peut décourager certain(es) à agir. On constate au travers du contentieux étudié que jusqu’à présent, peu de femmes ont sollicité la modification de leur nom. Se traduit sans doute ici, l’inégalité des hommes et des femmes dans la transmission de leur nom.

335. On pourra objecter à ces remarques que la femme désirant transmettre son nom modifié devra présenter sa requête en modification de nom pour elle mais aussi pour le compte de ses enfants mineurs. Si on applique la solution adoptée par le

Conseil d’Etat le 30 juin 2000564, elle n’aura pas à obtenir l’accord du père de ses enfants, co-titulaire de l’autorité parentale, pour agir. On peut cependant s’interroger sur le poids qu’accordera le juge à la volonté, certes légitime, de la mère, de voir changer de nom ses enfants, au profit de son nom modifié, si les enfants portent le nom de leur père, nom qui leur a été dévolu à la naissance. Seul l’abandon ou le désintérêt du père permettrait peut être de voir aboutir la requête de la mère.

336. Se répercute, au niveau des grands-parents, l’inégalité de la transmission du nom constatée à l’égard des père et mère et qui est difficilement réductible. Cette inégalité n’est pas une inégalité de sexe mais une inégalité de branche. Tant le père que la mère du parent qui n’a pas transmis son nom à l’enfant ne verra pas celui-ci porter son nom. Les grands-parents maternels ont statistiquement moins de chances de voir leur petit-fils ou petite-fille porter leur nom, à moins qu’en application de la loi du 4 mars 2002, la mère ait transmis son nom à l’enfant ou, qu’antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, la filiation établie soit une filiation naturelle.

337. Comme on l’a vu, les grands-parents peuvent agir en opposition ou tierce opposition au changement de nom de l’enfant565. Ils n’ont pas d’action personnelle pour solliciter la modification du nom de l’enfant. Jusqu’à présent, la dévolution du nom s’opérait par application des règles d’usage en la matière. L’attribution était automatique. Les parents n’avaient pas de choix quant au nom dévolu à leur enfant, sauf par exception dans la famille naturelle. Dorénavant, l’attribution du nom à l’enfant résulte du choix de ses père et mère. A défaut de ce choix, l’attribution se fait au profit du patronyme.

338. Le choix des parents relève des attributs de l’autorité parentale. Il s’opère par déclaration conjointe devant l’officier d’état civil. Les grands-parents ne disposent

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D. 2001. 3486, note J. MASSIP ; Droit de la famille 2001, jp n° 44, note P. MURAT ; RTD. Civ. 2000. 799, note J HAUSER.

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pas d’action quant au choix ou à l’absence de choix du nom que portera leur petit-fils ou petite-fille, en principe. Cependant, lorsque la décision est prise par le juge aux affaires familiales dans le cadre de la filiation naturelle566, ils pourront exercer la tierce opposition à l’encontre du jugement, puisqu’il s’agit d’une décision juridictionnelle.

339. Les grands-parents ne peuvent pas agir sur le nom porté par l’enfant. La modification de leur nom peut cependant avoir des répercussions sur le nom de l’enfant si celui-ci porte leur nom. Mais cette condition n’est pas suffisante. D’autres doivent être respectées pour que l’effet collectif s’applique.

§ 2 - Conditions relatives aux personnes sur lesquelles se répercute la modification du nom.

340. Il est nécessaire à travers plusieurs générations de savoir ce que l’on entend par « l’établissement ou la modification du lien de filiation ». Surtout, afin que s’opère l’effet collectif de la modification du nom des grands-parents sur celui de leur petit-fils ou petite-fille, il faut que le « maillon » intermédiaire, le parent qui, à son tour, a transmis son nom à ses enfants, ait accepté de modifier son nom en fonction du changement autorisé. L’effet collectif du changement de nom du grand-père ou de la grand-mère est soumis à la modification du nom de leur fils ou fille qui aura à son tour transmis son nom à ses enfants. L’effet collectif est une réaction en chaîne. Le changement de nom d’un ascendant n’entraîne pas automatiquement la modification du nom de ses petits-enfants. Elle est soumise à l’accord du père ou de la mère des enfants devant lui-même changer de nom. Les grands-parents n’ont donc pas non plus de droit sur la modification, consécutive à la leur, du nom de leurs petit-enfant. Ils ne sont pas maître de l’effet collectif « au second degré ».

341. L’effet de la modification du nom d’un ascendant sur le nom de ses petits-enfants est conditionné par le consentement à la modification de son propre nom du père ou de la mère qui a transmis son patronyme à l’enfant. Le changement de nom

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d’un grand-père ou d’une grand-mère n’aura d’effet sur l’enfant portant leur nom de famille du fait des règles de dévolution du nom si et seulement si le père ou la mère de l’enfant ayant servi de relais pour la transmission du nom a lui même donné son consentement à la modification de son nom. La modification du nom d’un grand-père n’a de répercussions sur le nom des petits-enfants que si la chaîne de transmission du nom est respectée et ininterrompue.

342. Dans le cas où le fils ou la fille du requérant refuse la modification de son nom, la modification ne pourra avoir d’effet sur le nom de l’enfant. La chaîne de dévolution ne peut être interrompue sous peine de faire barrage à l’effet collectif. L’enfant dont le père ou la mère qui lui a transmis son nom refuse la modification de son propre nom suite au changement du patronyme de son père ou de sa mère, ne pourra porter le nom modifié de se grands-parents.

343. Cette règle a deux justifications. D’une part, seuls les titulaires de l’autorité parentale ont la possibilité d’intervenir sur le nom de l’enfant. Les grands- parents ne peuvent donc pas, même indirectement, passer outre leur refus. D’autre part, elle se fonde sur les règles de dévolution du nom de famille. Si le père d’un enfant refuse de modifier son nom suite au changement du nom de son propre père, en application des principes de dévolution du nom, l’enfant garde le nom de son père. L’attribution du nom reste en principe liée à la filiation et la filiation qui unit le père à ses enfants est d’un degré plus proche que le lien de filiation qui lie les grands-parents et leurs petits-enfants. L’une des filiations se définit juridiquement comme formant un degré alors que l’autre concerne un lien de descendance à deux degrés. Le rapport entre père – enfants prédomine sur celui ascendants – petits-enfants. Le fils ou la fille du requérant peut lui-même repousser l’effet collectif du changement de nom lorsqu’il est majeur, en application des règles de l’article 61-3 du Code civil.

344. Se pose la question de savoir si la nature de la modification du nom des grands-parents se répercute sur la nature de la modification du nom des petits-enfants. Il ne s’agit plus ici de la répercussion de la modification elle-même mais de la nature

de la modification consécutive à la modification du nom en raison d’une modification d’état et étrangère à une modification d’état, selon la distinction opérée en ce domaine567.

345. Dans ce cas, le nom de l’enfant ne sera pas modifié. La modification du nom du requérant n’aura pas de répercussions sur le nom de sa petite-fille ou de son petit-fils. Le grand-père ou la grand-mère ne pourra agir sur le nom de ses petits- enfants.

346. Au contraire, si le père ou la mère qui a transmis son nom à son enfant accepte la modification de son patronyme en fonction du changement de nom de l’un de ses parents dont il porte le nom, cette décision aura un impact sur le nom de l’enfant. Celui-ci pourra voir son nom modifié, dans certaines conditions, selon le changement opéré du nom de son grand-père ou de sa grand-mère concerné.

347. « Le changement de nom s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de 13 ans » (article 61-2 du Code civil). L’effet collectif est donc automatique pour les enfants de moins de 13 ans.

348. Pour les enfants de plus de 13 ans, afin de déterminer si leur consentement est requis, il convient de faire une distinction selon que le changement de nom est consécutif à l’établissement ou à une modification du lien de filiation ou non. Certaines incertitudes naissent cependant de la difficulté à déterminer si justement la modification résulte d’une modification ou de l’établissement du lien de filiation notamment en matière d’adoption. Dans ce sens, cette distinction est inscrite dans le Code à l’article 61-3 du Code civil. Est-ce un principe général édicté par la loi de 1993 et qui s’applique donc en matière d’adoption et dans les autres hypothèses de modification du nom, ou cette règle est-elle spécifique à la modification du nom par décret. En toute logique, c’est un principe général puisque la changement de nom par

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décret n’est pas consécutif à l’établissement ou à la modification du lien de filiation. Il aurait donc été inutile de faire cette distinction dans une section du Code civil consacrée au seul changement de nom par décret.

349. Le principe de l’effet dévolutif ne s’applique pleinement que lorsque les enfants du bénéficiaire du changement de nom ont moins de 13 ans. Au-delà de cet

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