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LES AÏEUX ET LA PROTECTION DU NOM DE FAMILLE

Dans le document La Condition des aïeux en droit de la famille (Page 197-200)

LES AÏEUX ET LA CRISE DES TRANSMISSIONS INTERGENERATIONNELLES

LES AÏEUX ET LA PROTECTION DU NOM DE FAMILLE

374. Le titulaire du nom a le droit le plus absolu d’user de son patronyme en toutes circonstances589. Le nom s’analyse dès lors non seulement comme une institution de police civile, mais aussi comme un droit de la personnalité. La protection du nom résulte d’une action des membres de la famille. Tant les petits-enfants que les aïeux peuvent agir pour défendre le nom de famille.

375. La protection du nom n’a pas donné lieu à un texte de loi, contrairement aux autres domaines du droit du nom590. On constate donc l’absence de textes sanctionnant les atteintes portées au nom, ce qui explique que la protection du nom découle d’une œuvre essentiellement prétorienne. Ceci est vrai même au regard de l’article 61-1 du Code civil qui n’indique pas à quelles conditions la protection du nom doit être mise en œuvre591. La jurisprudence a élaboré la protection du nom au sein de sa construction générale des droits de la personnalité592.

376. Le nom et ses accessoires sont protégés contre les atteintes que les tiers peuvent leur porter. Les titulaires légitimes d’un nom, grands-parents comme petits- enfants, ont le droit de s’opposer à ce qu’il soit usurpé par les tiers et également de

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A. BENABENT, J-Cl. Civ. fasc. F – Du nom – Usage et protection du nom, n° 2 et suivants.

590

Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002, modifiée par la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003.

591

Déjà en ce sens, KAYSER, « La défense du nom de famille d’après la jurisprudence civile et d’après la jurisprudence administrative », RTD. Civ. 1959. 10.

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contester à ceux-ci le droit de le porter593. L’action en contestation de nom entraîne une rectification de l’état civil de l’usurpateur du nom, tandis que l’action en interdiction aura pour conséquence la cessation de l’utilisation litigieuse du nom.

377. On constate qu’aucune action n’est prévue au profit des grands-parents pour l’opposition au changement de prénom de l’enfant. Cet élément d’identification des personnes physiques qui permet de différencier, au sein d’une même famille, les personnes qui portent le même nom, ne présent pas d’aspect familial, contrairement au nom de famille. Les grands-parents n’interviennent ni dans son choix, qui est une prérogative du père et de la mère, ni dans la procédure tendant à sa modification. L’intérêt à former tierce opposition des grands-parents à une telle décision ne semble pas pouvoir être caractérisé. Deux types d’action permettent la protection du nom. D’une part, l’action devant les tribunaux judiciaires, d’autre part, l’action devant les juridictions administratives.

378. L’action devant les tribunaux judiciaires prend la forme d’une action en contestation de nom, qui peut également être nommée « action en interdiction de nom, action en suppression de nom, action en usurpation de nom, ou même action en revendication de nom »594. Ces vocables recouvrent une même réalité : l’action engagée vise à permettre à une personne de faire cesser un usage injustifié de son nom par un tiers.

379. En ce qui concerne le relèvement du nom des citoyens morts pour la France, le recours visant à la protection du nom intervient avant la décision de modification du nom. Des membres de la famille, petits-enfants du défunt par exemple, peuvent s’opposer à la modification du nom requise pendant le délai de

593

P. KAYSER, préc.

594

publication de la requête595. Passé ce délai de 3 mois, aucune opposition n’est plus recevable596. Les tiers ne disposent plus d’action pour s’opposer à la décision régulièrement prise.

380. L’intérêt à former tierce opposition n’est pas non plus défini par la loi du 2 juillet 1923. Tout membre de la famille possède un intérêt, soit à faire valoir un droit préférable à relever le nom, soit de protéger ce nom contre une demande émanant d’une personne indigne ou ne remplissant pas les conditions légales. L’un des petits- enfants du défunt pourra s’opposer à l’action en relèvement du nom formée par un autre des petits-enfants du citoyen mort pour la France, bien que du fait des conditions légales, l’hypothèse d’une telle demande soit rare. Il semble plus difficile d’admettre l’opposition d’un porteur du nom étranger à la famille compte tenu des intérêts moraux impliqués dans la demande de relèvement. Une telle action serait alors fondée sur l’absence des conditions légales et non sur l’indignité. le tribunal siégeant en audience publique statue sur l’opposition597. Le tribunal prend sa décision sur le relèvement en chambre du conseil à l’expiration du délai de 3 mois.

381. Les juridictions administratives connaissent des oppositions aux demandes de changement de nom adressées au gouvernement dans le cadre de la procédure administrative. Le juge judiciaire ne statue pas en la matière598.

382. Le nom peut ainsi être défendu contre l’autorisation donnée à une personne par décret de changer de nom. L’article 7 de la loi du 11 Germinal an XI énonçait que « toute personne y ayant droit sera admise à présenter requête au

595

La publication est effectuée dans l’auditoire du tribunal, à la mairie du dernier domicile du défunt et à celle du domicile du demandeur.

596

Loi du 2 juillet 1923, article 2, alinéas 1er et 2.

597

Le Ministère public est entendu, article 3 alinéa 1er de la loi du 1 juillet 1923.

598

Gouvernement pour obtenir la révocation de l’arrêté autorisant le changement de nom, et cette révocation sera prononcée par le Gouvernement s’il juge l’opposition fondée ». Le recours ainsi prévu a suivi l’évolution générale de la législation. Depuis la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, « tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d’Etat au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal officiel » (article 61-1 du Code civil). Le décret portant changement de nom prendra effet à l’expiration du délai pendant lequel l’opposition est recevable ou, dans le cas contraire, après le rejet de l’opposition.

383. Seul le délai pour agir a été abrégé et ramené à 2 mois. L’esprit du texte n’est pas modifié. C’est la raison pour laquelle il peut être fait référence à la jurisprudence du Conseil d’Etat rendue sous l’empire de la loi de Germinal599. Aucune disposition législative ne prévoit que le Gouvernement doive, avant de prendre un décret autorisant un changement de nom, inviter les personnes portant le nom dont le port est ainsi accordé, à présenter leurs observations600.

384. C’est la publication du décret au Journal officiel qui ouvre aux tiers un droit d’opposition. Tant les aïeux que les petits-enfants devenus adultes peuvent exercer le recours. Il est intéressant de constater que le nom porté par le requérant peut également être le nom que le demandeur prétend abandonner. Ce fut d’ailleurs le cas dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat du 9 décembre 1983601. Le père s’opposait au décret ayant autorisé son fils à substituer à son nom celui de sa mère. Il invoquait le risque de disparition du nom de famille602. Cette hypothèse est tout à fait transposable aux grands-parents. Ils disposent d’un droit d’opposition au

599

E. HIRSOUX, J-Cl civil, n° 28, préc., note n° 373.

600

E. HIRSOUX, préc. n° 27.

601

Affaire VLADESCU, D. 1984. 138, conclusions GENEVOIS, préc. et Cf. supra.

602

Le père succomba dans son action car il ne démontrait pas un préjudice suffisamment grave. Il avait en effet sollicité la francisation de son propre nom.

Dans le document La Condition des aïeux en droit de la famille (Page 197-200)