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3. Le dialogue entre les gènes de résistance et les effecteurs

3.4 Effectoromique : combattre l’ennemi avec ses propres armes

Grace aux avancés techniques des dernières années en matière de séquençage, l’assemblage du génome des agents pathogènes est devenu possible. Il est alors envisageable de rechercher et d’identifier à haut-débit les séquences codantes des effecteurs. Ce processus est appelé effectoromique.

MEH Haustoria Hyphe Haustoria MEH Haustoria Hyphe Haustoria MEH Haustoria Hyphe Haustoria

Figure 24 : Représentation de la succession d’évènements intervenant dans l’interaction moléculaire

entre la plante et l’oomycète. La PTI a lieu lorsque les PAMP (boules ocres) de l’oomycète (en orange) sont

détéctés par des récepteurs de la famille des PRR, ce qui entraine une cascade de signalisation (flèche grise)

qui active les défenses immunitaires. Au cours de l’ETS, les effecteurs (boules rouges) sécrétés en amont dans

le cytoplasme de la cellule hôte par les haustoria suppriment la cascade de signalisation ou les défenses,

rétablissant la sensibilité de la plante. L’ETI intervient lorsque les effecteurs sont détéctés par des récepteurs

de type NLR et réactive une cascade de signalisation (flèche grise) aboutissant à la mise en place de défenses.

Réalisé à partir du modèle (Pieterse et al., 2009).

Induction

des défenses des défensesInduction des défensesInduction

ETI

ETS

PTI

PAMP

Seuil de

déclenchement

de la HR

Limite d’une

résistance

efficace

Amplitude des

méc

anismes de dé

fense

PAMP

Effecteurs

Couple

R/Avr

PTI ETS ETI ETS ETI

Effecteurs

Couple

R/Avr

Figure 25 : Le modèle en zigzag illustre le rendement quantitatif du système

immunitaire de la plante.

Le modèle de l’immunité végétale est représenté en 4 mouvements :

Apparition

de la maladie

Plante

saine

Le premier mouvement est la détection des PAMP, DAMP ou MAMP par la plante via les

PRR ce qui déclenche la PTI (PAMP-triggered immunity).

Au cours du second mouvement les agents pathogènes produisent des effecteurs

qui interfèrent avec la PTI ou qui favorisent la nutrition et la dispersion des agents

pathogènes, ce qui entraîne une sensibilité déclenchée par l’effecteur (ETS,

effector-triggered susceptibility).

Au cours du troisième mouvement , un effecteur est reconnu par une protéine

NB-LRR, activant l’immunité déclenchée par effecteur (ETI, effector-triggered immunity),

une version amplifiée de la PTI qui dépasse souvent un seuil d’induction de la réponse

hypersensible (HR).

Dans le quatrième mouvement, certains isolats d’agent pathogène sécrètent de nouveaux

effecteurs qui permettent de supprimer l’ETI.

La sélection favorise les nouveaux allèles NBS-LRR qui peuvent reconnaître l’un des

effecteurs nouvellement acquis, ce qui entraîne à nouveau une ETI.

Contexte Bibliographique

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Une approche résumée par Vleeshouwers et al. (2008)sur la base de l’effectoromique vise à

utiliser des séquences codantes des effecteurs pour identifier des gènes de résistance chez la plante.

En sachant que les gènes Avr reconnus par la plupart de gènes de résistance appartiennent à la famille

des effecteurs de type RXLR (Stassen and Van den Ackerveken, 2011) et que l’expression transitoire

de gènes Avr en présence du gène de résistance correspondant conduit à une HR (Scofield et al., 1996;

Bendahmane et al., 2000), il est possible d’identifier des gènes Avr par expression transitoire d’effecteurs RXLR chez des plantes portant des gènes de résistance. L’effecteur reconnu par le gène

de résistance donnera lieu à une HR. Réciproquement, l’expression d’effecteurs sur des plantes

résistantes dont les bases génétiques ne sont pas connues peut amener à l’identification de nouveaux gènes de résistance par l’apparition d’une HR (Figure 26). Cette approche peut être applicable par un crible à plus ou moins haut-débit, en prenant garde de valider l’avirulence de l’effecteur par des

analyses génétiques via un test de co-ségrégation avec la résistance à la maladie. Pour cela, l’effecteur

est exprimé au sein d’une population générée par le croisement d’un parent résistant et donc réactif à l’effecteur avec un parent sensible. Il est alors possible de vérifier que l’apparition de HR a lieu chez des individus présentant une résistance à l’agent pathogène. Le crible est réalisé sur une gamme d’espèces interfertiles avec l’espèce agronomique d’intérêt, ce qui permet une génération rapide d’hybrides résistants par introgression. Il est également possible de valider le couple R/Avr via une

co-expression directe, par agroinfiltration dans N. benthamiana, de l’effecteur avec le gène de résistance,

dans le cas où ce dernier serait cloné.

L’approche décrite par Vleeshouwers a permis l’identification accélérée de nouveaux gènes R

de la pomme de terre contre P. infestans(Vleeshouwers and Oliver, 2014). Elle s’est égalementavérée

efficace dans le cadre de la recherche de gènes de résistance contre deux autres oomycètes

phytopathogènes : Plasmopara halstedii et Bremia lactucae qui provoquent respectivement le mildiou

du tournesol et de la laitue.

Chez la laitue, l’équipe du Pr Jeuken a exprimé 16 effecteurs RXLR sur 150 lignées génétiques

de laitues résistantes, L. saligna (Giesbers et al., 2017). L’expression transitoire de l’effecteur RXLR

BlN31 a conduit à l’apparition de nécroses de type HR chez 5% des L. saligna. Ces lignées ont alors été

évaluées pour la co-segragation de la HR avec la résistance à B. lactucae. Des populations F1 et F2 ont

été obtenues en croisant un parent qui répond à l’effecteur et un parent qui ne répond pas. Une population BC1 a également été obtenue par rétrocroisement avec le parent qui ne répond pas à l’effecteur. BlN31 a été exprimé sur les trois populations. L’apparition de HR a été comparée avec la distribution de la résistance dans les populations, révélant une co-ségrégation avec un gène de résistance dominant.

Figure 26 : Identification de couples de gènes R/Avr. (A) Identification de séquences génomiques codant

pour des effecteurs en cherchant le motif caractéristique RXLR et clonage dans des vecteurs d’expression. Les

constructions sont ensuite introduites dans A. tumefaciens qui permet une expression transitoire du transgène

chez la plante hôte. (B)Un crible est réalisé en exprimant chacun des effecteurs clonés (rouge, jaune, vert et

bleu) sur une gamme d’individus résistants (représentés par des feuilles de formes et de couleurs différentes).

L’apparition de HR sur les tissus transformés témoigne de la correspondance d’un gène R avec l’effecteur

exprimé. (C)La validation du couple R/Avr est réalisée de deux manières. La première est basée sur la

co-ségrégation de la réponse à l’effecteur avec la résistance à P. viticola au sein des individus issus d’une même

population (créée à partir d’un parent qui induit une HR après expression de l’effecteur). La seconde est la

co-expression du gène R cloné avec l’effecteur. Extrait de (Vleeshouwers et al., 2011).

Contexte Bibliographique

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Concernant le mildiou du tournesol, de nombreux cas de contournement des résistances

commercialisées ont été observés. L’utilisation de résistances durables combinées à des pratiques

culturales réfléchies est primordiale. L’équipe du Dr Godiard a criblé 30 effecteurs RLXR conservés sur

16 lignées de tournesol résistantes (Pecrix et al., 2018). Cinq effecteurs ont conduit à l’apparition de

HR. Grâce aux infiltrations réalisées sur deux générations F3, il a été observé que l’effecteur PhRXLRC01

co-ségrège avec le QTL de résistance dominant P22. L’approche a aussi facilité le processus de réduction de l’intervalle du QTL dans une région génomique qui code 39 gènes exprimés au cours d’une

infection par le mildiou, dont 8 gènes NBS-LRR candidats.

Situation actuelle de l’effectoromique chez P. viticola

Ces dernières années ont été témoin d’une progression importante dans la création de

ressources transcriptomiques (Mestre et al, 2012; Yin et al., 2015; Mestre et al., 2016) et génomiques

(Dussert et al., 2016; Yin et al., 2017; Brilli et al., 2018) de P. viticola. Ces ressources ont permis

d’accéder aux effecteurs de cet oomycète pour des isolats de différentes origines (Mestre et al., 2016;

Yin et al., 2017; Liu et al., 2018) et d’identifier des effecteurs qui semblent être conservés entre des

espèces d’oomycètes, qui seraient des bons candidats pour aborder la recherche de gènes de

résistance (Mestre et al., 2016).Pour un nombre important de ces effecteurs, l’étude de leur possible

fonction comme suppresseurs des défenses des plantes, ainsi que leur localisation cellulaire ont été décrits (Xiang et al., 2016), conduisant à quelques résultats notables. Ainsi, il a été montré qu’un

effecteur RXLR induit une réponse immune chez N. benthamiana (Xiang et al., 2017) et qu’un

deuxième est capable de supprimer les défenses de la plante par le biais de la suppression de

l’accumulation de ROS et, par conséquent, réduit l’expression de gènes de défense (Xiang et al., 2016). Les gènes de résistance au mildiou de la vigne décrits dans le chapitre précédent sont localisés

dans des régions riches en gènes de type NLR, et le seul gène cloné, Rpv1, appartient à cette famille

(Feechan et al., 2013). À ce jour, les gènes Avr de P. viticola reconnus par ces gènes R n’ont pas été

identifiés. Identifier les gènes Avr correspondant aux gènes R de la vigne permettrait de mieux

connaître l’interaction plante-agent pathogène et de mieux appréhender les chances de durabilité des résistances utilisées.

Objectifs

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Objectifs

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Cette thèse s’inscrit dans une démarche de création variétale de vignes résistantes à

Plasmopara viticola, oomycète causant le mildiou, à partir des connaissances acquises dans la

littérature sur l’agent pathogène et sur les espèces de vignes résistantes à la maladie. Le principal inconvénient de la création de variétés résistantes est le fort potentiel de contournement des gènes

de résistance par l’oomycète. Afin de pallier le risque de mettre à disposition des viticulteurs des vignes

dont la résistance au mildiou serait rapidement inefficace, le programme de sélection développé par

l’équipe de Génétique et Amélioration de la Vigne (GAV) de l’INRA de Colmar, dans laquelle j’ai

effectué ma thèse, vise à pyramider des gènes de résistance de manière stratégique.

L’objectif du projet de thèse est d’utiliser les connaissances sur les effecteurs de P. viticola pour identifier de nouveaux gènes de résistance au mildiou potentiellement durables. À long terme, les gènes de résistance identifiés seront incorporés dans les programmes de création de variétés de vignes résistantes au mildiou. Pour atteindre cet objectif, deux stratégies ont été utilisées.

Dans un premier temps des gènes de résistance de type récepteur, reconnaissant les effecteurs

conservés de P. viticola, ont été recherchés. Le fait que les effecteurs soient conservés est révélateur

de leur importance dans le pouvoir infectieux ou dans la fitness de P. viticola. Les résistances ciblant

ces effecteurs devraient a piori être durables.

Dans un second temps la caractérisation fonctionnelle de ces effecteurs a été réalisée dans le

but d’identifier leurs cibles moléculaires et pouvoir ainsi proposer des résistances alternatives chez la vigne.