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Chapitre 1 : Recherche d ’effecteurs de P. viticola reconnus par les vignes résistantes

3. Discussion

La stratégie de recherche de gènes de résistance par expression transitoire d’effecteurs

n’a pas permis d’identifier de nouvelles résistances.

Notre hypothèse de départ était que l’expression transitoire par agroinfiltration d’effecteurs de type RXLR sur des plantes de vigne pourrait conduire à l’apparition d’une mort cellulaire de type HR que signifierait l’identification d’un nouveau gène de résistance et/ou du gène d’avirulence chez l’agent pathogène. Dix-huit effecteurs conservés et exprimés ont été donc utilisés pour cribler des

espèces résistantes dans le but d’identifier des potentielles résistances durables. En parallèle, ces

gènes ont été aussi exprimés sur des génotypes de vigne portant des gènes de résistance connus, avec

le but d’identifier les gènes Avr correspondants. Aucune de ces expériences n’a conduit à l’identification d’une mort cellulaire associée à un effecteur.

Une première explication pour ce résultat serait le nombre d’effecteurs utilisés. Seulement 18 effecteurs RXLR ont été testés sur 51 effecteurs candidats à fort potentiel, et ces derniers ont été

sélectionnés à partir d’un total de 256 effecteurs candidats. Ouvrir le crible à un plus grand nombre d’effecteurs pourrait nous amener à l’apparitiond’une HR incontestable qui validerait notre stratégie.

Le choix d’effecteurs aurait aussi pu jouer un rôle dans l’échec de la stratégie. La sélection d’effecteurs sur la base de leur expression à 48 hpi pourrait correspondre à un temps un peu tardif.

Choisir des effecteurs exprimés plus tôt dans le cycle infectieux serait une alternative à prendre en compte. En effet, les observations microscopiques de tissus de vigne infectés par le mildiou montrent

la présence d’haustoria à 24 hpi (Diez-Navajas et al., 2008). Par ailleurs, l’expression d’effecteurs RXLR

de P. viticola dès 6 hpi a été montrée (Mestre et al., 2012; Gómez-Zeledón and Spring, 2018) et

l’effecteur RXLR de Phytophthora parasitica PSE1, très précocement exprimé, a été montre comme

jouant un rôle dans la virulence de l’agent pathogène (Evangelisti, 2013). Malheureusement, très peu

de reads de RNA-Seq ont été obtenus à 24 hpi, nous empêchant d’établir de claires différences

d’expression entre effecteurs candidats à des temps précoces. Par ailleurs, la sélection d’effecteurs

conservés peut avoir influencé l’absence de résultats dans la recherche de gènes d’avirulence

correspondant à des gènes de résistance connus. En effet, la pression de sélection exercée par un gène

de résistance conduit à une variabilité du gène d’avirulence correspondant, qui peut être détectée dans des analyses de génétique de populations en forme de sélection positive. Les gènes très conservés

utilisés lors de notre crible n’auront pas subi ces forces de sélection. Il est donc peu probable qu’ils

correspondent à des gènes Avr. L’utilisation de gènes plus variables, idéalement montrant des

signatures de sélection positive, pourrait être une stratégie plus productive pour la recherche de gènes

Figure 39 : Le milieu WM8 est responsable de l’appari on de symptômes nécro ques sur V. vinifera

cv. Syrah. La première feuille étalée de vigne cul vée in vitro est sec onnée et infi ltrée par du milieu

WM8. L’infi ltra on a été réalisée sous vide en trois étapes de deux minutes, (A) en feuilles en ères et

(B) en disques. Les photographies ont été réalisées 10 jours après infi ltra on.

A

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Un autre facteur qui pourrait expliquer l’absence de résultats serait que la méthodologie d’expression transitoire utilisée ne soit pas adaptée à l’objectif: en effet, le niveau d’expression obtenu est limité et nous n’avons pas de couple R/Avr connu pour être utilisé comme témoin et valider notre démarche. De plus, l’efficacité de la transformation est variable selon les génotypes, ce qui avait déjà

été décrit (Santos-Rosa et al., 2008) (Zottini et al., 2008). Un problème supplémentaire réside dans le

fait que la procédure induit des morts cellulaires. En effet les symptômes de type HR que nous

recherchons et les brunissements provoqués par l’expérimentation sont difficiles voire impossibles à

discerner. Sur des plantes très réceptives à la transformation comme V. vinifera cv. Syrah, le nombre

des ilots nécrotiques en conditions contrôles reste très inférieur au nombre d’ilots qui présentent la

coloration bordeau en condition VvMyba1. Sur les génotypes plus réfractaires, le nombre d’ilots

colorés par l’expression de VvMyba1 et nécrosés dans les conditions contrôle sont très proches. Le

crible est donc opérationnel seulement pour les génotypes qui se transforment facilement.

L’utilisation d’A. tumefaciens comportait le risque d’observer l’apparition de réactions de

défense sur des tissus foliaires (Kuta and Tripathi, 2005). En effet cette bactérie est pathogène de

vigne (Hemstad and Reisch, 1985; Perl et al., 1996; Zheng et al., 2003; Armijo et al., 2016). La

production de ROS et l’apparition de nécroses a déjà été observé en réponse à A. tumefaciens en

contact avec des tissus foliaires, des explants et des embryons de vigne (Pu and Goodman, 1992; Deng

et al., 1995; Perl et al., 1996; Das et al., 2002). Cependant, nos observations de nécroses lors

d’infiltrations faites avec le tampon de resuspension des bactéries montrent que ce sont principalement la manipulation et le tampon utilisé qui seraient en cause des brunissements observés

au cours de nos expérimentations. L’induction de nécrose par l’adjuvant Silwet L-77® sur des disques

foliaires de vigne a déjà été décrite (Lizamore and Winefield, 2015). Les auteurs mentionnent

l’apparition de nécroses à forte concentration de Silwet L-77® (au-dessus de 0.10%(v/v)) ou lorsque le temps de contact est prolongé (20 min) et ils préconisent de rechercher un équilibre entre la concentration de Silwet L-77® et le temps de traitement selon les génotypes pour des résultats

optimaux. Nous avons observé l’apparition des nécroses à des concentrations et temps de contact (à

0.03% (v/v) de Silwet L-77® et 10 min de traitement) considérés comme étant optimaux par (Lizamore

and Winefield, 2015). Nos tests n’ont cependant pas été réalisés sur les mêmes génotypes de vigne que l’équipe Néo-Zélandaise.

Une solution possible aux problèmes d’induction de mort cellulaire consisterait à changer la méthode d’agroinfiltration. Récemment, Brilli et ses collaborateurs ont montré que l’expression transitoire de l’effecteur RXLR PVITv1008311 de P. viticolaconduit au déclenchement d’une HR foliaire

chez V. riparia (Brilli et al., 2018). La différence entre leur approche de la nôtre est technique :

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Cette infiltration permet de la transformation sur une aire qui se limite à la zone de pression de la

seringue. La zone est limitée mais reste suffisante pour observer le déclenchement d’un HR. En

revanche l’apparition de nécrose non spécifique par des dégradations mécaniques arrive souvent via

cette pratique (Zottini et al., 2008). Toutefois, cet effecteur pourra être utilisé comme contrôle positif

de notre approche. La première étape sera de reproduire le phénotype observé par (Brilli et al., 2018).

L’agroinfiltration de V. ripariaavec Myba1 n’a pas montré une très grande efficacité de transformation

sur ce cépage. Cet effecteur permettrait de réaliser une comparaison des deux techniques

d’agroinfiltration, l’une dépendante du Silwet L-77® et l’autre de l’utilisation de la seringue, sur un

génotype difficile à transformer. Par ailleurs, d’autres auteurs ont décrit des techniques

d’agrotransformation foliaire de vigne sur plante entière basée sur la combinaison de l’utilisation d’un agent surfactant, des blessures créées par sonication, et de l’infiltration sous vide à haute pression

(Ben-Amar et al., 2013). Cependant, cette méthode exerce aussi un stress important sur la plante.

Finalement, d’autres voies sont possibles pour la recherche de gènes R via effectoromique, cependant elles font appel à des compétences et des matériels qui ne sont pas disponibles au laboratoire. Par exemple, la transformation de cultures cellulaires est potentiellement plus facile que celle réalisée au cours de la thèse. Cette approche nécessite cependant la mise en place de cultures cellulaires pour chacune des lignées testées et leur maintien en continu au laboratoire, ce qui comporte une charge de travail considérable et dont le succès peut être très génotype dépendant.

Les approches alternatives utilisées pour la recherche de gènes de résistance et de couples

R/Avr ont aussi des limitations.

Des approches alternatives ont été abordées pour essayer de contourner le problème du faible

niveau d’expression transitoire chez la vigne et les nécroses souvent associées à la procédure.

Une première tentative a consisté à profiter du clonage du gène Rpv1(Feechan et al., 2013)

pour le co-exprimer avec les effecteurs chez N. benthamiana, en espérant voir apparaitre une réponse

d’HR. Ces expériences non seulement pouvaient conduire à l’identification du gène Avr pour Rpv1 mais aussi elles pourraient fournir un contrôle positif pour le crible par agroinfiltration chez la vigne. Cependant, le criblage d’une trentaine d’effecteurs n’a pas conduit à l’identification de mort cellulaire. Comme c’était le cas pour les expériences chez la vigne, cet échec est probablement la conséquence du faible nombre d’effecteurs utilisés pour le crible. Il est également envisageable que ce gène de

résistance ne fonctionne pas normalement chez N. benthamiana, comme il a été montré pour d’autres

cas d’expression hétérologue (Bent and Mackey, 2007). Cependant, la facilité de réalisation de cette expérience nous amène à l’utiliser dans le futur au fur et à mesure que des nouveaux effecteurs seront

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Expression hétérologue en levure

Dans une stratégie d’effecteromique, la production des effecteurs par des levures suivie de l’infiltration directe de la protéine purifiée est une approche très intéressante pour remplacer

l’agroinfiltration chez les plantes peu réceptives à la transformation génétique, comme c’est le cas de

la vigne. La fusion au marqueur GFP et les étiquettes histidine et myc permettent de suivre la localisation de la protéine par microscopie à fluorescence ou par immunolocalisation, et aussi de rechercher les interactants par co-immunoprécipitation. Cette technique prometteuse nécessite

cependant des mises au point. Des résultats récents obtenus par l’équipe de l’Université d’Aarhus

montrent que le tag GFP à tendance à être clivé pour 40% des protéines. Ce clivage peut réduire

d’autant l’efficacité de la purification dépendant de la GFP. Un autre point à modifier serait l’utilisation du méthanol comme inducteur du promoteur AOX1. Le méthanol étant un composé toxique, les risques liés à son utilisation pourront être évités en utilisant un promoteur AOX1 rendu inductible au

glucose-glycérol (Wang et al., 2017a).

L'infiltration des effecteurs purifiés dans les tissus se fait via les stomates par pression physique

à l’aide d’une seringue sans aguille ; les protéines infiltrées se retrouvent dans l’apoplasme et

franchissent facilement les parois cellulaires pour avoir accès aux membranes des cellules ; en effet,

bien que la paroi constitue une barrière, l’eau et les particules de taille inférieure à 4 nm peuvent

diffuser à travers (Lodish et al., 2000). Cette approche est donc très efficace pour l’étude des effecteurs

apoplastiques, qui exercent leur fonction à l’extérieur des cellules, mais elle n’a pas été validée pour les effecteurs intracellulaires. Au niveau de la membrane plasmique, l’entrée de protéines est plus

complexe. Elle peut avoir lieu par des transporteurs actifs et spécifiques ou viala voie d’endocytose,

mais par cette dernière voie les éléments internalisés restent séparés du cytoplasme par les

membranes vésiculaires. Au cours de l’infection les agents pathogènes développent des interfaces

d’échange pour notamment permettre l’internalisation ; ainsi, oomycètes et champignons développent des haustoria en contact avec la membrane cellulaire invaginée et différenciée appelée

EHM (de l’anglais Extra Haustorial Matrix) (Hardham, 2007). Chez les champignons, des hyphes différenciés peuvent directement sécréter des effecteurs capables de traverser paroi et membrane

cellulaire pour atteindre le cytoplasme des cellules de l’hôte. D’après les analyses de séquences des

effecteurs, les motifs responsables de la translocation se situent dans le domaine N-terminal et différents motifs comme RXLR, LFLAK et CHXC chez les oomycètes, RGD chez les toxines de certains

nécrotrophes, sont supposés impliqués dans ce processus (Schornack et al., 2010; Petre and Kamoun,

2014).

Certains auteurs ont proposé que l’entrée des effecteurs RXLR dans la cellule végétale pouvait

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compartiment apoplastique au cytoplasme a été observée pour des effecteurs de P. sojae, entre autre

Avr1b (Kale et al., 2010; Sun et al., 2013).Cependant, ces travaux ont fait l’objet de controverse dans

la communauté scientifique, et les mécanismes qui permettent aux agents pathogènes filamenteux

l’internalisation des effecteurs restent actuellement inconnus et constituent une question

fondamentale en phytopathologie (Petre and Kamoun, 2014). De plus, dans les expériences décrites

dans ces travaux l’incubation des protéines a été réalisée au niveau racinaire, et l’absorption par les

poils racinaires, bien que contrôlée par des transporteurs actifs, reste un mécanisme très sollicité par

rapport aux cellules de l’épiderme foliaire. Les différences dans lacomposition et l’organisation des

membranes des deux organes peuvent être importantes et aussi impliquer une translocation

différente des effecteurs RXLR. En conséquence, l’approche d’infiltration de protéines purifiées

présentait le risque que les effecteurs candidats RXLR purifiés infiltrés dans l’apoplasme ne soient pas

internalisés dans les cellules végétales.

Les résultats obtenus avec la construction RXLR-GFP, qui conduit à l’expression de la GFP

fusionnée avec le motif RXLR de Avr3A de P. infestans en N-terminal, semblent confirmer l’absence

d’internalisation de la protéine, même si ces expériences doivent être répétées. De plus, les travaux de Wawra et collaborateurs ont montré qu’un clivage du motif RXLR d’Avr3a par l’oomycète, ainsi qu’une acétylation de la protéine clivée, ont lieux avant sa sécrétion, à l’image de ce qui a été décrit

pour les effecteurs au motif similaire PEXEL chez l’agentdu paludisme (Boddey et al., 2010; Hofmann,

2017; Wawra et al., 2017). Le motif RXLR ne serait alors plus nécessaire à la translocation chez l’hôte

mais uniquement au cours de la sécrétion par l’agent infectieux. Dans la majorité des études qui se

basaient sur une expression hétérologue en plante, les effecteurs conservaient le RXLR dans la séquence codante. Cette découverte implique de revisiter les recherches précédentes, car le motif

RXLR ne devrait pas faire partie de la protéine à l’intérieur de la plante en conditions d’infection. Les

constructions en levure des effecteurs candidats de P. viticola ont été dessinées en conservant le motif

RXLR, ce qui paradoxalement pourrait être un frein à l’internalisation cellulaire dans le cas où le motif

se révèle nécessaire à la sécrétion et ne joue pas de rôle dans l’internalisation. Toutes ces observations

nous ont conduits à arrêter le projet de façon temporaire.