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Figure 33 : Variation de la viscosité élongationnelle d’un mélange PP/silicates sans (a) et avec compatibilisant

(b) à différentes vitesses d’élongation (de 0,05 à 1 s-1) [56]

5. DEFAUTS DEXTRUSION

Lors de leur extrusion, les mélanges élastomère/silice, mais également plus généralement les polymères thermoplastiques ou les élastomères seuls, peuvent présenter des instabilités d’extrusion surfaciques ou volumiques. Ces différents défauts ont été amplement étudiés à partir des années 1960, principalement sur des polyéthylènes et des polystyrènes [59]. Ces défauts posent de nombreux problèmes et une non-conformité du produit après son extrusion. Afin de les limiter ou de les empêcher, il est nécessaire d’imposer un débit d’extrusion lent, non compatible avec les critères de productivité industrielle. Cette partie décrira brièvement les différents défauts d’extrusion, au cœur du projet ANR dans lequel s’inscrit cette thèse.

5.1 D

EFINITION ET ORIGINE DES

«

DEFAUTS D

EXTRUSION

»

Les défauts d’extrusion également appelés « défauts d’extrudât » se divisent en deux familles principales : les défauts surfaciques et les défauts volumiques qui comme leur nom l’indique sont localisés respectivement sur la surface et dans le volume entier du polymère. Les défauts de surface, sont généralement connus sous le nom de défauts de « peau de requin ». Ils apparaissent en surface du polymère lors de son extrusion sous forme de rayures périodiques et perpendiculaires à l’écoulement (Figure 34). Ils sont initiés en sortie de la filière sous l’effet de fortes contraintes élongationnelles dues à la réorganisation du profil de vitesse [60]. En effet en sortie de filière, le polymère passe d’un profil de vitesse d’écoulement parabolique de type Poiseuille à un profil de vitesse uniforme (Figure 35). En conséquence, les couches surfaciques subissent une forte accélération tandis que les couches centrales de l’extrudât se voient ralenties, entraînant un effet « peau de requin » [61].

53 Figure 34 : Aspect d’un extrudât présentant un défaut de type « peau de requin » [62]

Figure 35 : Formation des défauts « peau de requin » en sortie de filière [61]

Les défauts volumiques se présentent sous la forme de « défaut hélicoïdal » ou de « défaut chaotique » (Figure 36). Les premiers forment une hélice régulière, avec une variation de diamètre égale ou supérieure à 10 % [59, 60]. Les défauts chaotiques, parfois notés « gross melt fracture », sont quant à eux fortement distordus. Ces défauts se forment généralement en entrée de filière. Cependant, il n’a pas été mis en évidence de mécanisme précis à l’origine de la formation de ces défauts.

Figure 36 : Aspect d’extrudâts présentant des défauts de type « hélicoïdal » (a) et « chaotique » (b) [62]

Il existe également d’autres formes de défauts d’extrudât, telles que les défauts « bouchon » ou « oscillant », présentant une alternance de zones lisses et de peau de requin, ou parfois une combinaison de déformations de surface et de volume.

54 Plusieurs types de défauts peuvent être observés en sortie de filière, sur un même matériau. La littérature a eu tendance à attribuer deux comportements différents face aux défauts pour les polymères « linéaires » et « ramifiés ». Les polyéthylènes linéaires, présentent généralement des défauts de surface à faible vitesse d’écoulement puis des défauts oscillants suivis de défauts volumiques lors de l’augmentation de la vitesse. Les polybutadiènes étudiés par Inn et al [63], ont un comportement similaire à celui d’un polyéthylène linéaire, avec l’apparition successive des défauts de surface, défaut bouchon puis défaut de volume avec l’augmentation du débit d’écoulement. Les polyéthylènes ramifiés ainsi que le polypropylène et le polystyrène, ont quant à eux davantage tendance à former directement des défauts volumiques à leur extrusion [59]. Cependant la classification selon « linéaire » ou « ramifié » est utilisée de manière abusive et ne se prête pas à tous les polymères.

5.2 C

ARACTERISATION DES DEFAUTS ET PARAMETRES INFLUENÇANT LEUR APPARITION

La rhéométrie capillaire est la technique la plus couramment utilisée pour caractériser les défauts d’extrusion [60-62]. Elle permet la détermination des courbes d’écoulement et l’observation directe des défauts en sortie de filière. Les courbes d’écoulement présentent la pression à l’entrée du capillaire ou la contrainte à la paroi en fonction du débit ou du taux de cisaillement apparent. Elles mettent alors en évidence les différents régimes d’écoulement associés aux types de défauts observables sur le matériau extrudé en sortie de filière. Si on reprend la classification précédente, les polymères linéaires ont tendance à générer des courbes d’écoulement discontinues où deux branches stables sont séparées par une zone instable tandis que les polymères ramifiés présentent une courbe d’écoulement continue (Figure 37).

Figure 37 : Courbes d’écoulement caractéristique d’un polymère linéaire (a) et d’un polymère ramifié (b) [62] Si aucun mécanisme d’initiation des défauts volumiques n’est bien défini, on suppose que ces défauts trouvent leur origine en entrée du capillaire et sont la conséquence d’une déstabilisation de l’écoulement [62]. De nombreux paramètres influencent leur apparition telles que la nature du polymère (masse molaire, branchements, élasticité…), la géométrie de la filière (forme, longueur,

55 angle d’entrée…), ainsi que les conditions d’extrusion (température, vitesse…). Cependant, la littérature regroupe de nombreuses observations divergentes quant à l’influence de ces paramètres. On peut néanmoins en tirer quelques observations et tendances générales. On note par exemple qu’une augmentation de la viscosité ou du caractère « élastique » du polymère tend à diminuer le débit critique d’apparition du défaut [59]. De plus, une augmentation du caractère « branché » ou « enchevêtré » du polymère entraîne le plus souvent un déclenchement plus précoce du défaut [59]. L’ajout de charge peut aussi influencer l’apparition des défauts. Portal et al [60] ont notamment observé qu’après l’ajout de noir de carbone, le défaut volumique avait tendance à se déclencher pour une plus grande contrainte de cisaillement.

6. CONCLUSION

Le pneu possède une structure complexe regroupant un grand nombre de matériaux. La bande de roulement est ainsi constituée de plusieurs élastomères, charges et divers additifs nécessaires à l’obtention d’un mélange qui répond aux différents critères d’adhérence, de résistance à l’usure, à l’abrasion ou au roulement attendus pour une performance optimale du pneu. La compréhension de l’interaction entre les différents composants est primordiale pour permettre d’atteindre les propriétés recherchées. Depuis quelques années, le noir de carbone est remplacé par des charges de silices permettant la diminution de la résistance au roulement recherchée pour réduire la consommation de carburant et son impact environnemental. De nombreuses études ont donc été menées sur des mélanges élastomères/silice pour mieux comprendre et caractériser leur structure et leurs propriétés.

L’ajout de silice aux élastomères a entrainé l’utilisation d’agents de couplage tels que les silanes. En effet, les charges de silice, hydrophiles et polaires, n’ont pas d’affinité avec les chaines élastomère telles que le polybutadiène ou le copolymère de styrène-butadiène. Il est donc nécessaire d’ajouter au mélange un silane qui peut se lier à la surface de la silice et également se greffer aux doubles liaisons des élastomères. Le greffage des silanes sur la silice se fait par condensation des fonctions éthoxy préalablement ou non hydrolysées, sur les fonctions silanol de la silice. Ces réactions ont été largement décrites dans la littérature. Cependant la quantification d’un tel greffage au sein d’un mélange avec un élastomère est une mesure complexe et peu abordée qui fera l’objet d’une partie de ce travail de thèse. Le TESPT, possédant 6 fonctions éthoxy potentiellement réactives avec la surface de la silice et une chaine d’environ 4 soufres est devenu le silane le plus étudié et utilisé dans les mélanges élastomère/silice pour pneumatique. L’incorporation de silane permet la réduction des interactions charges/charges et ainsi une meilleure distribution et dispersion des agrégats de silice nécessaire à un renforcement optimal du mélange. Ce phénomène a été observé par de nombreux auteurs via des analyses microscopiques en MET, MEB ou SAXS mais également par des caractérisations rhéologiques.

Le silane permet également le couplage des chaines élastomère sur la silice. Cette réaction de greffage est fortement dépendante de la température de mélangeage. Ainsi une température d’au moins 140 °C est recommandée pour permettre l’ouverture des ponts soufrés du silane et leur

56 greffage sur les doubles liaisons de l’élastomère. Cependant cette forte température peut également entrainer la libération de soufre dans le mélange, qui engendrera une pré-réticulation du mélange, potentiellement dommageable à la mise en forme du mélange. De nombreux paramètres tels que les conditions de mélangeage (temps, température, vitesse…) ou la nature des composants influencent le couplage gomme/charge et la dispersion de silice. Le contrôle de ces paramètres est alors nécessaire pour l’obtention de la structure et des propriétés souhaitées.

Les défauts volumiques qui peuvent apparaitre lors de l’extrusion de tels mélanges sont reliés aux propriétés élastiques et élongationnelles des mélanges. Ces propriétés sont majoritairement caractérisées dans la littérature par des mesures rhéologiques en viscoélasticité linéaire et beaucoup plus rarement en domaine non linéaire par des mesures élongationnelles. Les défauts d’extrusion sont fortement dépendants de la structure moléculaire. Il est donc nécessaire de bien connaitre cette structure et les propriétés rhéologiques des mélanges pour espérer comprendre l’origine des défauts et pouvoir les supprimer.

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Chapitre 2 : Matériels et