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Situation géographique

Les Eeyouch du Québec, vivant sur le territoire traditionnel de la Baie-James (Eeyou Istchee; «le territoire du peuple»), représentaient en 2012, 16 000 habitants répartis en 9 communautés197. Cet immense territoire Eeyouch, de plus de 300 000 km2 situés entre le 49e et 55e parallèle Nord, comprend les lacs et rivières qui drainent l’Est et le Sud-Est de la Baie-James198

. Cinq communautés sont situées le long de la côte (Waskaganish, Eastmain, Wemindji, Chisasbi et Whapmagoostui), alors que les autres villages sont situés à l’intérieur des terres (Waswanipi, Nemaska, Oujé-Bougoumou et Mistissini) (Figure 7 ).

Santé

La population Eeyouch de la Baie-James augmente près de trois fois plus rapidement que la population globale du Québec. La majorité de la population a moins de 25 ans199. Cette jeune population Eeyouch fait face à un lourd fardeau de maladies chroniques196 dont une importante prévalence d’obésité abdominale (67,7% et 94,8% chez les hommes et les femmes respectivement) et de taux élevés d’insuline200

. La prévalence de DM2 a été estimée à 17,3%16, près de 3,5 fois plus élevée que dans la population québécoise non-autochtone201. La prévalence de surpoids chez les adultes a été estimée à 91,6% incluant 70,6% d’obésité17

. Plus de 17% des décès entre 2007 et 2011 ont été attribués au MCV202. Lucas et collègues, dans un échantillon représentatif de la population Eeyouch rapportaient la prise d’un traitement anti-hypertensif auprès de 25% de la population203. La prévalence de dyslipidémie y est également importante. On y rapporte une prévalence de HLD-C bas de 44.3% et la présence d’hyperTG auprès de 32.6% de la

population Eeyouch204.

Malgré ce lourd fardeau de santé, un déséquilibre important existe quant aux données disponibles traitent de la santé de bon nombre de communautés autochtones203. Les derniers rapports estimant la prévalence de MetS chez les Eeyouch datent de 1990200. Il était alors rapporté que la prévalence de MetS était de 21% chez les hommes et 25% chez les femmes.

Pratiques ancestrales alimentaires

Traditionnellement, les Eeyouch de la Baie-James pratiquaient la chasse, la pêche et la cueillette comme moyens de subsistance196,203,205. Ces pratiques ancestrales alimentaires sont bénéfiques pour la santé et la cohésion des collectivités puisqu’elles favorisent la pratique d’activité physique et le partage de nourriture195,196,206

.

La chercheuse Noreen Willows définit l’alimentation issue des pratiques ancestrales comme étant basée sur des aliments culturellement acceptables provenant de l’exploitation de ressources naturelles207 . Ceux-ci comprennent les plantes et leurs fruits obtenus par la cueillette, les poissons obtenus par des pratiques de pêches ainsi que des animaux marins ou terrestres issus de la chasse ou du trappage208. Ces aliments sont dépendants du milieu dans lequel la communauté évolue ainsi que des saisons. Ces pratiques culturelles, propres à chaque culture, font partie du savoir collectif et sont transmises de génération en génération. Chez les Eeyouch, les aliments locaux issus de la cueillette, la pêche et la chasse (ALICPC) les plus consommés sont l’ours, le caribou, l’orignal, l’oie, le lapin et divers types de poissons196

mettent l’accent sur le poisson et les oiseaux alors qu’en hiver davantage de mammifères ainsi que des oiseaux comme l’oie des neiges ou l’oie du Canada sont chassés209

.

Plusieurs données scientifiques supportent la qualité nutritionnelle des ALICPC et du même fait, des pratiques ancestrales supportant leur consommation. Les ALICPC contribuent à la qualité du régime alimentaire, fournissant un apport suffisant en protéines ainsi qu’un apport modéré en gras et faible en glucides210,211

.

Des apports plus élevés en ALICPC ont été associés à un état de santé favorable ainsi qu’à une augmentation des apports en nutriments importants dont de nombreux minéraux (fer, magnésium, zinc, cuivre, phosphore, potassium et sélénium), les acides gras essentiels, les vitamines A, D et E ainsi que plusieurs vitamines du complexe B195,207,208,212. Le rôle important des ALICPC, en partie par son apport riche en acides gras oméga-3, a été soulevé dans la prévention des MCV, de l’IR, du DM2 et l’obésité203,207,208,213

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Transition nutritionnelle et changement d’habitude de vie

De nombreuses communautés autochtones subissent les effets d’une transition nutritionnelle157 . Celle-ci s’exprime par le passage d’une alimentation riche en produits locaux et de subsistances (ALICPC) à une alimentation occidentalisée qui est principalement constituée de produits alimentaires ayant de faibles valeurs nutritives157,195,196. La perte de ces pratiques alimentaires de subsistance est accompagnée d’un apport accru en UPP denses en énergie, de glucides raffinés, en gras saturés et faible en fibres alimentaires195,203,210,215,216

.

Le développement rapide des régions, la sédentarisation forcée des communautés, la disponibilité de produits alimentaires industriels sont tous des facteurs contribuant à ces changements157,195,207.

La qualité alimentaire : un enjeu de sécurité alimentaire chez les Cris

La sécurité alimentaire, selon la définition la plus récente adoptée par la FAO (Conférence Mondiale de l’Alimentation, Rome, 1996) existe lorsque, en tout temps, l’accessibilité physique et économique, à une nourriture suffisante, saine et nutritive permet aux individus de satisfaire leurs besoins énergétiques et les préférences alimentaires afin de mener une vie saine et active217. Si différentes définitions de la sécurité alimentaire ont été proposées, elle s’oriente généralement autour des mêmes axes : 1) la disponibilité; 2) l’accessibilité; 3) l’utilisation et 4) la stabilité218

. Le premier réfère à la présence d’aliments sains de qualité et en quantité suffisante. Ce premier pilier souligne de façon importante le principe de qualité alimentaire. Le second se traduit par un accès adéquat aux ressources financières, matérielles permettant de développer un système alimentaire sain. L’utilisation englobe l’ensemble des connaissances nécessaire à la pratique d’une alimentation saine et sécuritaire ainsi qu’au respect des préférences individuelles afin d’assurer des aliments culturellement et socialement acceptables219. Finalement, le pilier de stabilité souligne l’aspect temporel de la sécurité alimentaire et de l’importance d’assurer de façon constante une sécurité alimentaire afin de soutenir le développement d’un individu, d’une communauté.

Les Cris de la Baie-James, comme bon nombre de peuples autochtones à travers le globe, font face à d’importants enjeux de sécurité alimentaire s’orientant autour de ces quatre piliers196

. Effectivement, le coût des aliments nutritifs demeure plus élevé que dans les autres régions du Québec220. En 2016, le coût d’un panier d’épicerie des communautés Eeyou Istchee était environ 45% plus élevé que dans la région de la capitale nationale. La perte des pratiques ancestrales de subsistances ainsi que la crainte d’une éventuelle contamination des ALICPC réfèrent à des enjeux importants d’utilisation inadéquate d’un savoir collectif important. Également, divers enjeux et décisions politiques ont contribué à l’instabilité des systèmes alimentaires cris en précipitant la transition nutritionnelle et la perte de souveraineté alimentaire221.

L’adoption de saines habitudes alimentaires chez les Eeyouch, s’oriente donc autour du développement et de la promotion d’un environnement alimentaires sains pour l’ensemble de la collectivité. De tel démarche sont essentiel afin d’assurer la disponibilité d’aliments nutritifs, accessibles et socialement acceptables.

Impact d’une faible qualité nutritionnelle

Seuls quelques auteurs ont tenté d’évaluer la qualité alimentaire des Eeyouch de la Baie- James196,203,210,213. Selon Johnson-Down et coll., la majorité des Eeyouch n’atteint pas la plupart des recommandations du Guide alimentaire canadien196. La consommation de boissons sucrées est également très importante196,210. La faible qualité alimentaire des Eeyouch a également été associée à des conditions de santé. Lorsqu’examinés en termes de patrons alimentaires, ceux qui sont associés aux ALICPC contribuaient à un apport significativement plus élevé en EPA et DHA (p-tendance <0,001) alors que le patron alimentaire à base de produits prêt-à-manger augmentait les niveaux plasmatiques d’insuline à jeun ainsi que d’HOMA-IR (p<0,05)203

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Bien que des études aient observé une relation significative entre la qualité du régime alimentaire et la transformation des aliments avec des maladies chroniques (maladies coronariennes, obésité, DM2, etc.), et plus particulièrement avec l’IR chez les Eeyouch du Québec, la qualité alimentaire auprès de ceux-ci n’a jamais été évaluée à l’aide d’indices empiriques d’évaluation alimentaire. La relation avec le MetS et la qualité alimentaire, évaluée à l’aide du aHEI-2010, FQS et de la part d’UPP selon la Classification NOVA, n’a jamais été évaluée auprès des premières nations canadiennes, notamment chez les Eeyouch de la Baie-James au Québec.

PROBLÉMATIQUE, OBJECTIFS & HYPOTHÈSE DE

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