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1.3 Un saut dans les EDSRs du second ordre

1.3.1 EDSRs et incertitude de modèle

Toute modélisation mathématique d’un phénomène réel, qu’il soit de nature physique, biologique, économique ou humain constitue intrinsèquement une simplification de la réalité. Tout modèle comporte donc de manière inhérente une erreur, liée à l’écart entre ce que fournit le modèle et la réalité. Est-il alors possible de mesurer le risque d’un écart jugé trop important et, dans quel sens ? Considérer l’incertitude de modèle consiste à proposer des modèles dits "robustes", comprenant leur propre incertitude de paradigme.

Récemment, des contributions importantes ont été apportées dans le cas particulier de la mod-élisation stochastique, avec incertitude de volatilité (voir les références [100], [37] et [112]). Soner, Touzi et Zhang [112] ont défini les équations différentielles stochastiques rétrogrades du second or-dre, en imposant qu’une équation soit vérifiée P-presque sûrement, pour tout P appartenant à une famille non dominée de mesures de probabilité. Chaque mesure Preprésentant un scénario possible de volatilité, la solution est alors robuste en termes d’erreur de modélisation de la volatilité.

Nous montrons dans cette partie comment étendre les travaux de Soner, Touzi et Zhang au cas discontinu, et modéliser ainsi l’incertitude sur la mesure des sauts, à travers des EDSRs du second ordre avec sauts.

Avant de nous intéresser véritablement aux EDSR du second ordre, nous introduisons un problème annexe extrêmement important dans ce cadre, celui de l’agrégation de processus aléatoires.

1.3.1.1 La question de l’agrégation

Une question cruciale dans la définition des EDSR du second ordre (2EDSR dans la suite) donnée dans [112] est celle de l’agrégation de la variation quadratique du processus canonique B sur une large famille de mesures de probabilité.

Soit P un ensemble non nécessairement dominé de mesures de probabilité et soit {XP,P ∈ P}

une famille de processus stochastiques indéxés par P. On peut prendre par exemple une famille d’intégrales stochastiques XtP := (P)Rt

0HsdBs, où {Ht, t ≥ 0} est un processus prévisible. La dépendance en Pde X vient du fait que l’intégrale d’Itô (P)Rt

0HsdBs est définie comme une limite en probabilité sousP.

Le problème de l’agrégation de la famille {XP,P∈ P} consiste alors à en trouver un représentant universel au sens presque-sûr. Plus précisément,

Définition .10 Un représentant universel de la famille {XP,P∈ P} est un processus Xˆ tel que Xˆ =XP, P−p.s, pour toutP∈ P.

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Bichteler [11], Karandikar [69], ou plus récemment Nutz [95], ont montré sous différentes hypothèses qu’il est possible de trouver un représentant universel des intégrales stochastiques (P)Rt

0HsdBs. Une conséquence directe en est la possibilité d’agréger la variation quadratique {[B, B]P,P ∈ P}. En effet, grâce à la formule d’Itô, nous pouvons écrire

[B, B]Pt =BtBtT −2·

(PZ) t 0

BsdBsT

et puisque les intégrales stochastiques peuvent être construites trajectoriellement, nous obtenons l’existence d’un processus[B, B]tel que [B, B] = [B, B]P,P-presque sûrement, pour toute mesure P dansP.

Afin de définir correctement la notion d’EDSR du second ordre, nous avons besoin d’agréger non seulement la variation quadratique de la partie martingale continue du processus canoniqueB, mais aussi le compensateur de la mesure des sauts de B. Le compensateur dépend explicitement de la mesure de probabilité sous laquelle il est construit et il n’est pas évident d’en trouver un représentant universel de manière directe, comme pour la variation quadratique. Pour résoudre ce problème, nous restreignons l’ensemble des mesures de probabilité, en suivant la même approche que Soner, Touzi et Zhang [111].

En particulier, nous imposons une forme particulière aux mesures des sauts que nous considérons, forme analogue à celle de la densité des variations quadratiques dans [111]. Partant d’une classe simple de coefficientsA0, nous construisons une autre classeAde coefficients s’écrivant de la manière suivante :

νt(ω) =

+∞

X

n=0 +∞

X

i=1

νtn,i(ω)1

Eeni(ω)1τn(ω),˜τn+1)(t),

où les mesures de sauts (νtn,i) appartiennent à A0, (˜τn) est une suite de temps d’arrêt prenant au plus un nombre dénombrable de valeurs et pour chaque n,(Eein) est une partition deΩ. Nous dirons alors que la classe A est engendrée par la classeA0.

Les familles de mesures de probabilitéP, le long desquelles nous cherchons à construire des représen-tants universels, sont composées de solution à des problèmes de martingales. En effet, un problème de martingale nous permet de construire de manière naturelle une mesure de probabilité sous laquelle le processus canonique B a une densité de variation quadratique α et un compensateur de mesures des sauts ν qui sont prescrits. Pour être à même de traiter le problème de l’agrégation, nous devons limiter la forme des coefficients (α, ν) à la forme décrite plus haut.

Nous nous limitons aux coefficients (α, ν) dans A0 pour lesquels le problème de martingales cor-respondant a une solution unique. Nous montrons ensuite que ceci implique que le problème des martingales avec des coefficients dans une classe A, qui est engendrée par A0 a encore une solution unique. Nous prouvons alors que tout procesus, qui satisfait une condition de cohérence minimale, a un représentant universel. Cette condition de cohérence correspond à l’hypothèse de compatibilité avec la base stochastique présentée dans le premier chapitre de [45].

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1.3.1.2 Volatilité et mesures de sauts incertaines

Dans la continuité des travaux de Soner, Touzi et Zhang dans le cas continu, nous définissons une classe d’EDSR avec sauts, en demandant que ces équations soient vraies P-presque sûrement, pour tout P dans une famille de mesures de probabilité construite à partir de solutions de problèmes de martingales. Chaque mesureP représente un scénario de volatilité et de mesures des sauts.

Nous étudions des EDSR du second ordre prenant la forme suivante

Yt=ξ+ Z T

t

Fs(Ys, Zs, Us,α,ˆ ˆν)ds− Z T

t

ZsdBsc

− Z T

t

Z

E

Us(x)(µBd−ν)(ds, dx) +ˆ KT −Kt, Pα,ν-p.s ,∀Pα,ν ∈ P, (1.3.1)

où ( ˆα,ν) = (α, ν),ˆ Pα,ν-p.s ,∀Pα,ν ∈ P.

Nous mentionnons dans la suite quelques différences fondamentales entre les EDSRs classiques et le cas du second ordre, ainsi que les particularités liées à la présence de sauts.

(i) Premièrement, dans le cas du second ordre avec sauts, nous introduisons une équation similaire à celle du cas classique, mais dont le générateur dépend à la fois de la variation quadratique de Bc d’une part et du compensateur de la mesure des sauts de Bd d’autre part, où Bc et Bd désignent respectivement la partie martingale continue et la partie purement discontinue de B. Rappellons que le générateur d’une EDSR classique ne dépend pas de la variation quadratique du processus canonique, et que dans le cas du second ordre continu, le générateur ne dépend que de la variation quadratique de la partie martingale brownienne. Dans notre cas, puisque nous avons un terme de martingale à sauts additionnel dans l’équation, nous aurons une dépendence additionnelle dans le générateur.

(ii) Une deuxième différence importante avec le cas classique est, comme nous l’avons indiqué plus tôt, que l’EDSR doit être vraie au sens P-presque sûr, pour tout P dans une large famille de mesures de probabilité. Sous chaque P, Bc et Bd ont respectivement une variation quadratique et un compensateur de mesure des sauts qui sont prescrits. C’est pourquoi nous pouvons comprendre intuitivement les EDSR du second ordre avec sauts comme des rétrogrades classiques avec incertitude de modèle, où l’incertitude affecte à la fois la volatilité et la mesure des sauts du processus qui dirige l’équation.

(iii) Une troisième différence majeure dans le cas du second ordre est la présence d’un processus croissant additionnel K dans l’équation. Notons que la solution Y d’une EDSR du second ordre se représente comme un supremum essentiel de solutionsyP de rétrogrades classiques. Le processusK maintient Y au dessus de toute solution classique yP avec variation quadratique et compensateur de mesure des sauts donnés sous P. Le processus K est alors formellement analogue au processus croissant apparaissant dans les EDSRs réfléchies (telles que définies dans [46] par exemple).

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