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3 — L’enjeu de la rémunération

S ECTION 1 — L’ ÉTHIQUE APPLIQUÉE

L’éthique appliquée a une double fonction instrumentale et corrective qui conditionne sa légitimité et sa pérennité comme mécanisme de gouvernance pour la conduite des agents économiques, à l’échelon individuel et organisationnel. À cette fin, elle s’adosse et accompagne l’impératif de maximisation de la valeur de la firme tout en révisant les critères classiques d’utilité personnelle et d’utilité collective des acteurs économiques.

702 L’éthique non adversative privilégie la coopération lorsque les opérations dont intégrées au sein de la fime alros que l’éthique adversative privilégie la concurrence lorsque les opérations sont réalisées sur le marché.

703 Sur les règles morales propres à des interactions stratégiques qui prennent forme sur le marché et sur l’idée qu’un plus grand nombre de comportements personnels et privés y sont autorisés, lire Arthur Isak Applbaum, Ethics

for Adversaries, Princetown, Princeton University Press, 1999 aux pp 113 et s. ; voir également Dominic Carl

Martin, Rivalité et marchés. Une éthique adversative pour les agents économiques, thèse de doctorat en philosophie, Université de Montréal, 2012, en ligne : Papyrus <https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/ 1866/8712> ; pour une illustration de l’éthique adversative appliquée au trading à haute fréquence, voir : Commission de l’éthique en science et en technologie, Les enjeux éthiques liés au trading haute fréquence (19 octobre 2016) en ligne : <http://www.ethique.gouv.qc.ca/fr/publications/trading-haute-frequence.html>.

Sous-section 1. — Une éthique fonctionnelle

La pertinence de l’éthique comme mécanisme de régulation des comportements est conditionnée par son degré d’opérationnalisation. Elle ne peut donc se limiter à des considérations génériques. À cette fin, elle est un instrument qui doit permettre de réduire les risques et les pertes liées à l’aléa moral dans la relation d’agence.

Paragraphe 1. — La fonction instrumentale

Afin d’assurer le bon déroulement de la vie des affaires, l’économie ne peut pas fonctionner sans un minimum de règles. Il convient d’ores et déjà de préciser qu’on ne saurait envisager ces règles d’une manière uniforme puisque selon le type d’opération visé, la dynamique éthique sera nécessairement différente. Ainsi, bien que les règles relatives aux interactions sur le marché et au sein d’organisations puissent répondre à une logique de maximisation, les contraintes morales qui pèsent sur chacune d’entre elles ne peuvent pas faire l’objet d’un traitement commun et similaire705. Effectivement, là où naissent des rapports concurrentiels, il y a nécessairement des perdants alors que les interactions basées sur la coopération et l’échange n’ont pas vocation à en produire706. L’éthique appliquée a donc une double dimension, adversative et non adversative, qui reflète les exigences morales attachées à des contextes et des environnements spécifiques.

L’éthique appliquée est à la fois pragmatique et positive et cette dimension est formalisée dans le courant de l’école américaine de business ethics. L’une des caractéristiques essentielles de cette éthique est sa visée pratique. En effet, l’éthique des affaires est une éthique appliquée de la philosophie sociale707. Elle vise donc une régulation concrète de l’action face aux erreurs, scandales et affaires qui nuisent à l’image et au bon fonctionnement des entreprises708. De la

705 James M. Buchanan, « Game Theory, Mathematics and Economics » (2001) 8 Journal of Economic

Methodology 27 à la p 28.

706 Joseph Heath, La société efficiente. Pourquoi fait-il si bon vivre au Canada?, traduit par Jean Chapdelaine Gagnon, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 2002, aux pp 138–139.

707 Carl Frederick Taeusch, « Business Ethics » (1932) 42 International Journal of Ethics 273 à la p 287 ; Ronald Jeurisssen, « The Social Function of Business Ethics » (2000) 10 Business Ethics Quarterly 821 à la p 830. 708 Fabienne Cardot, L’éthique d’entreprise, Paris, Presses universitaire de France, 2006 aux pp 8–9.

sorte, elle explique « la manière dont les considérations morales sont prises en compte par les entreprises, à proposer des critères éthiques permettant d’évaluer leurs activités et à développer des approches normatives susceptibles de prescrire la manière dont elles devraient agir au sein de la société »709. Autrement dit, elle est un instrument complémentaire qui accompagne, de manière considérée, l’action économique, notamment en proposant des obligations spécifiques à certains agents économiques. De la sorte, elle encourage l’adoption et l’intériorisation de normes et de valeurs qui orientent les décisions des agents dans la sphère économique et commerciale. C’est là tout le potentiel normatif qu’elle revêt. Par conséquent, elle vise à appréhender les motifs de l’action des agents économiques et leurs manifestations dans la pratique réelle des affaires710.

De manière générale, l’éthique appliquée peut viser spécifiquement le domaine de la prise de décision, certaines institutions économiques ainsi que des problématiques relatives au bien-être et à l’efficience comme paramètres privilégiés pour un objectif de maximisation de la valeur actionnariale711. Dans le contexte corporatif, l’éthique doit nécessairement proposer des solutions concrètes à des problématiques liées aux comportements des agents économiques. À défaut, elle perd sa raison d’être et sa dimension instrumentale pour l’amélioration de l’efficacité de l’action économique. Ainsi, cette éthique appliquée aux affaires doit se restreindre aux frontières de la firme et à ses interactions avec ses parties prenantes puisqu’elle a pour objectif de déterminer les motivations éthiques des individus à agir et de proposer, si nécessaire, des règles permettant de réorienter les comportements712.

Les effets externes du comportement des agents économiques ont soulevé de nombreuses interrogations en économie, notamment quant aux solutions envisagées pour les résoudre. Selon Luc Weber, une externalité « désigne des bénéfices ou des coûts qui, bien qu’ils s’ajoutent aux

709 Alain Anquetil, Éthique des affaires, Que sais-je, Paris, Vrin, 2008 à la p 1.

710 Arthur Rich, Éthique économique, collection Le champ éthique, Genève, Labor et Fides, 1994 à la p 43. 711 Alexander Rajko, Behavioural Economics and Business Ethics: Interrelations and Applications, New York, Routledge, 2012 à la p 13 ; Kenneth E. Boulding, « Economics as a Moral Science » (1969) 59 American Economic

Review 1 à la p 4.

712 Alexander Rajko, Behavioural Economics and Business Ethics: Interrelations and Applications, New York, Routledge, 2012 à la p 16.

bénéfices et aux coûts propres à une activité donnée, ne sont pas reflétés dans le prix sur le marché et touchent des agents économiques tiers, sans que ces derniers soient légalement tenus de payer ou en droit de recevoir un dédommagement »713. Si les travaux d’Alfred Marshall en 1890 sont le point d’origine du concept d’externalité714, ce sont les travaux ultérieurs de plusieurs économistes qui ont permis d’en donner une définition contemporaine715. Puisque les comportements humains et corporatifs produisent des effets économiques externes, imprévisibles et parfois non désirés, ils peuvent être une source d’inefficience. En effet, l’agir économique des agents va influencer d’autres acteurs et nuire aux intérêts en jeu, au fonctionnement du marché et à l’efficacité de la forme sociétaire. Dès lors, toute externalité peut empêcher une allocation optimale des ressources puisqu’elles créent une divergence entre les coûts et les bénéfices. À ce propos, comme le rappelle Luc Weber :

Les décisions prises par les producteurs et les consommateurs, qui cherchent à maximiser respectivement leur profit ou leur utilité, ne prennent en compte que les coûts et les bénéfices qui ont une réalité financière pour eux et omettent par négligence ou parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement de considérer les effets externes qu’entraînent leurs choix716.

Dès 1912, les travaux d’Arthur Pigou ont souligné le rôle des externalités dans l’accroissement ou le déclin des retours sur investissement et la nécessité de recourir à la fiscalité pour corriger les inefficiences dans l’allocation des ressources717. Par la suite, les travaux de Ronald Coase proposent une solution au problème des externalités718. Selon lui, en l’absence de

713 Luc Weber, L’État, acteur économique. Analyse économique du rôle de l’État, 3e éd, Paris, Economica, 1997 à la p 59.

714 Alfred Marshall, Principles of Economics, New York, MacMillan, 1890.

715 Parmi les travaux fondateurs James Edward Meade, « External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation » (1952) 62 The Economic Journal 54 ; James Edward Meade, The Theory of Economic Externalities.

The Control of Environmental Pollution and Similar Social Costs, Genève, Institut Universitaire des Hautes Études

Internationales, 1973.

716 Luc Weber, L’État, acteur économique. Analyse économique du rôle de l’État, 3e éd, Paris, Economica, 1997 à la p 60.

717 Arthur C. Pigou, Wealth and Welfare, Londres, Macmillan Company, 1912 ; l’argument de la « taxe pigouvienne » est de nouveau avancé et explicité dans Arthur C. Pigou, The Economics of Welfare, New York, MacMillan, 1920 ; Agnar Sandmo, « Optimal Taxation in the Presence of Externalities » (1975) 77 The Swedish

Journal of Economics 86 ; Krishna Bharadwaj, « Marshall on Pigou’s Wealth and Welfare » (1972) 39 Economica

32.

coûts de transaction, les agents qui sont à l’origine de l’externalité et ceux qui la subissent peuvent parvenir à corriger, par la négociation, le déséquilibre et parvenir à une allocation optimale719. Prenant appui sur l’analyse de Coase, les recherches de Kenneth Arrow vont conditionner la validité de cette solution à l’hypothèse d’information complète720. Pour les économistes néoclassiques, les effets externes de l’agir économique sont une défaillance du marché dont la notion même remonte à l’ouvrage d’Arthur Pigou, The Economics of Welfare721. Si dans le cadre des travaux susmentionnés la présence de défaillances du marché justifie l’intervention régulatrice de l’État, nous sommes plutôt d’avis pour y voir la principale raison au développement d’une éthique propre à la sphère économique et commerciale. Dès lors, le problème des externalités sur l’économie conforte le développement d’une éthique de l’agir économique722. En mettant l’accent sur les externalités que peut générer l’activité économique, l’importance et la raison d’être de la morale économique sont ainsi dévoilées : « [elle] est là pour ordonner et pour réguler le pouvoir d’agir. Elle doit exister d’autant plus que les pouvoirs de l’agir qu’elle doit réguler sont plus grands »723.

Dans la relation d’agence, l’hypothèse d’asymétrie d’information entre les intervenants joue à la faveur de l’agent qui va tenter de maximiser son utilité et les avantages liés à sa position. Le contrat entre le dirigeant et la société et son régime de rémunération ont donc pour objet de suppléer cette incertitude. Cependant, peu importe l’ampleur des moyens déployés, il est impossible d’obtenir ou de traiter parfaitement l’information. Il y aura donc nécessairement des problèmes liés aux coûts de transaction, à la rationalité et à l’opportunisme de l’agent724. À ce constat s’ajoute celui d’un opportunisme protéiforme. En effet, Oliver E. Williamson

719 Ronald Coase, « The Institutional Structure of Production » (1992) 82 The American Economic Review 713 à la p 717.

720 Kenneth J. Arrow, « The Property Rights Doctrine and Demand Revelation under Incomplete Information » dans Michael J. Boskin, dir, Economics and Human Welfare: Essays in Honour of Tibor Scitovski, New York, Academic Press, 1979, 23 à la p 24 ; Élodie Bertrand, « La thèse d’efficience du “théorème de Coase”. Quelle critique de la microéconomie ? » (2006) 57 Revue économique 983 à la p 1000.

721 Arthur C. Pigou, The Economics of Welfare, New York, MacMillan, 1920.

722 Peter Koslowsky, « Lignes directrices de l’éthique économique » dans Peter Koslowki, dir, Éthique économique,

entreprise et environnement, Collection Éthique des affaires, Paris, Éditions Eska, 1998, 1 aux pp 3–30.

723 Hans Jonas, Le principe de responsabilité, Flammarion, Paris, 1988 à la p 61.

724 Oliver E. Williamson, The Economic Institutions of Capitalism: Firms, Markets, Relational Contracting, New York, 1985 aux pp 12 et 29.

distingue entre les manifestations ex ante et ex post de l’opportunisme de l’agent. Dans le premier cas, il s’agit du problème de sélection adverse où l’agent peut fausser la réalité de ses compétences et expériences pour exiger, par exemple, une prime de bienvenue plus élevée à l’embauche. Dans le second cas, on parle d’une situation d’aléa moral, où il est difficile de déterminer a posteriori si l’agent a réellement exécuté ses obligations725. Afin de mitiger cet aléa qui pèse sur le principal, des mécanismes d’incitation et de surveillance sont mis en place afin de dissuader les comportements opportunistes de l’agent. Parmi les mécanismes d’incitation, nous pensons que l’éthique contribue à la mise en place de standards de conduite propres à la relation d’agence.

Comme nous l’avons présenté dans notre premier chapitre, les transactions des agents peuvent être organisées au travers du marché ou de la firme. D’un côté, le marché est présenté comme un mécanisme de régulation et de coordination des décisions qui permet la réalisation des objectifs de la société et des individus, tout en étant efficace et économe dans l’emploi des ressources qu’il mobilise726. Toutefois, le marché nécessite des règles pour fonctionner correctement et corriger ses défaillances. En effet, sans de telles règles le bon fonctionnement du marché s’en trouve affecté puisque sans confiance, honnêteté ou encore réciprocité les coûts de transaction vont croître. Sous l’angle de l’éthique économique, un système de coordination doit inclure le maximum de participants et intérioriser les externalités de leurs comportements économiques. D’un autre côté, l’idéal de coordination pour les agents économiques peut se matérialiser par une contractualisation de leurs relations au sein de la firme. Les rapports économiques sont ainsi appréhendés comme des rapports contractuels entre agents. Cette contractualisation des rapports s’accompagne donc de préoccupations qui sont relatives à la forme, à la mise en œuvre et aux coûts des arrangements contractuels. Dans la mesure où un contrat complet est hypothétique, l’éthique est nécessaire pour faciliter la coopération et l’échange entre les agents. Dans cette perspective, elle sert à corriger les problèmes de coordination qui peuvent surgir entre les agents et permettre le choix de meilleurs arrangements contractuels, voire institutionnels. Les justifications à l’éthique proviennent, d’une part, de la

725 Oliver E. Williamson, The Economic Institutions of Capitalism: Firms, Markets, Relational Contracting, New York, 1985 aux pp 47–48.

726 Peter Koslowsky, « Lignes directrices de l’éthique économique » dans Peter Koslowki, dir, Éthique économique,

confiance que nécessite la réduction des coûts d’élaboration, d’incitation et de surveillance et, d’autre part, du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’agent dans la réalisation de ses obligations contractuelles.

Appliquée au contexte de l’organisation, l’éthique envisage l’entreprise comme une entité abstraite qui a un cadre éthique et des obligations morales directes727. Contrairement à l’éthique concurrentielle relative aux interactions sur le marché, l’éthique de la coopération concentre son analyse sur les valeurs, les droits et les devoirs des agents plutôt que sur les règles de fonctionnement du marché728. Ainsi, une part du courant de l’éthique des affaires accorde une importance particulière à la dynamique de développement moral individuel axé sur des obligations déontologiques et leurs conséquences téléologiques729. Quand l’éthique est axée sur valeurs individuelles des agents, on suppose que le comportement éthique individuel va s’agréger au comportement éthique collectif dans l’économie730. Toutefois, les discussions contemporaines tendent à délaisser les comportements éthiques individuels au profit des processus de prise de décision au sein des entreprises731.

L’éthique des affaires a deux préoccupations centrales, l’individu et l’entreprise. En tant qu’activité économique à la fois humaine et sociale, l’entreprise est étroitement liée au progrès économique, au bien-être individuel et collectif732. Elle peut donc directement répondre à des revendications à caractère social et appuyer des comportements prosociaux733. Face à ce rôle,

727 Thomas Donaldson, Corporations and Morality, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1982 ; Patricia H. Werhane, « Formal Organisations, Economic Freedom and Moral Agency » (1980) 14 Journal of Value Inquiry 43 à la p 46. 728 Robert C. Solomon, « Business Ethics and Virtue » dans Robert E. Frederick, dir, A Companion on Business

Ethics, Malden, Blackwell, 1999, 30 aux pp 30–37, DOI : <10.1002/9780470998397> ; Ian Maitland, « Virtuous

Markets: The Market as School of the Virtues » (1997) 7 Business Ethics Quarterly 17 aux pp 17–31 ; Rosa Chun, « Ethical Character and Virtue of Organizations: An Empirical Assessment and Strategic Implications » (2005) 57:3 Journal of Business Ethics 269 ; Robert Ewin, « The Virtues Appropriate to Business » (1995) 5 Business

Ethics Quarterly 833.

729 J. Thomas Whetstone, « How Virtue Fits Within Business Ethics » (2000) 33:2 Journal of Business Ethics 101 à la p 101.

730 Alexander Rajko, Behavioural Economics and Business Ethics: Interrelations and Applications, New York, Routledge, 2012 à la p 17.

731 David Vogel, « The Ethical Roots of Business Ethics » (1991) 1 Business Ethics Quarterly 101 à la p 105. 732 Robert C. Solomon, « Business with Virtue: Maybe Next Year » (2000) 10 Business Ethics Quarterly 339 à la p 340.

l’éthique peut constituer un instrument approprié pour contribuer à l’objectif de maximisation des profits734. C’est dire aussi que la maximisation du profit n’implique pas nécessairement une gestion de la société dans l’intérêt exclusif des actionnaires. Dès lors, le principe de maximisation du profit n’implique pas une répartition prédéterminée de la richesse et encore moins une attribution exclusive à l’actionnaire735. Par ailleurs, l’intérêt porté à l’éthique des affaires ne se limite pas à l’élaboration de standards éthiques élevés pour la seule exemplarité des gens d’affaires, mais envisage également les bénéfices économiques qu’elle peut représenter pour l’entreprise736. Par conséquent, l’éthique a une fonction instrumentale : préserver les avantages de la forme sociétaire et accompagner la maximisation de la valeur actionnariale en proposant des modalités d’exécution cohérentes avec la réalité économique et le contexte de la société.

Paragraphe 2. — La fonction corrective

Nous l’avons dit, les externalités négatives et l’internalisation de leurs coûts rendent nécessaire le recours à l’éthique appliquée. La non-réalisation des idéaux relatifs à un fonctionnement parfait du marché, au mécanisme de la main invisible et des contrats complets donne toute sa signification à l’éthique des affaires. En effet, ce n’est que dans l’hypothèse d’une concurrence pure et parfaite que le mécanisme du marché permet d’inclure l’ensemble des acteurs et les externalités négatives qu’ils génèrent par leurs agissements737. Ainsi, les agents qui opèrent sur le marché, guidés par la recherche du profit, ont un comportement efficient738. Cependant, la réalité est toute autre puisque nombre de défaillances affectent aussi bien les

p 830.

734 Amartya Sen, « Does Business Ethics Make Economic Sense » (1993) 3 Business Ethics Quarterly 45 à la p 52. 735 Antoine Rebérioux, « Les fondements microéconomiques de la valeur actionnariale. Une revue critique de la littérature » (2005) 56 Revue économique 51 aux pp 53–54.

736 Lynn Sharp Pain, « Does Ethics Pay? » (2000) 10 Business Ethics Quarterly 319 aux pp 319–320.

737 James M. Buchanan, « Social Choice, Democracy and Free Markets » (1954) 62 Journal of Political Economy 114 aux pp 114–123 ; James M. Buchanan, « Individual Choice in Voting and the Market » (1954) 62 Journal of

Political Economy 334 aux pp 334–343.

738 James M. Buchanan, « Rent Seeking and Profit Seeking » dans James Buchanan, Gordon Tullock et Robert Tollison, dir, Toward a Theory of the Rent-Seeking Society, College Station, Texas A&M University, 1980, 1 aux pp 3–15.

transactions sur le marché que celles opérées au sein d’une société. Dès lors, la poursuite d’intérêts individuels ne se traduit pas nécessairement en résultats économiques et sociaux favorables aux intervenants sur le marché, aux participants à la forme sociétaire ou encore à la collectivité.

Conformément aux visions adversative et non adversative de l’éthique, il ne peut y avoir d’uniformité dans le degré d’exigence des attentes morales dans un contexte concurrentiel et dans un contexte coopératif. En effet, le jeu de la concurrence produit des gagnants et des perdants alors que dans un jeu de coopération le résultat désiré est une situation gagnant- gagnant739. À cette opposition s’ajoute le constat fait par Joseph Heath lorsqu’il recourt à l’analogie suivante : « the “invisible hand” of the market transforms certain vices into virtues, in a way that the “visible hand” of management does not »740. Par conséquent, le développement de règles éthiques dans le contexte de la relation d’agence doit permettre de décourager les comportements opportunistes et les décisions intéressées qui nuisent au bon déroulement de toute relation basée sur la confiance et la loyauté.

En lien avec la relation d’agence, la légitimité et le succès de l’éthique tiennent à sa capacité à promouvoir la confiance réciproque entre agents pour diminuer les coûts de transactions, notamment ceux relatifs au contrat entre le dirigeant et la société. En effet, comme

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