Pour une matrice rectangulaire la notion de valeur propre n’a pas de sens. N´eanmoins, les matrices carr´ees A∗A et AA∗ sont hermitiennes semi d´efinies positives. De plus,
rang(A) = rang(A∗A) =rang(AA∗) =r ,
et d’apr`es la propri´et´e P8 de la section 1.8, lesr valeurs propres non nulles (positives) de A∗A et AA∗ sont identiques.
On appelle valeurs singuli`eres deAles racines carr´ees des valeurs propres non nulles de A∗A ou de A∗A
µi=p
λi(A∗A) =p
λi(AA∗).
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2.5.1 Deux versions de la DVS
Version ”maigre” (DVS1) : Soit A m×n telle querang(A) =r. Alors [V|V˜] carr´ee n×n unitaire, ont leurs colonnes form´ees respectivement par les vecteurs propres de AA∗ et de A∗A. Pour obtenir P (resp. Q) on compl`ete les vecteurs colonnes de U (resp. V) de la DVS1 par les vecteurs colonnes de ˜U (resp ˜V) qui sont les vecteurs propres deAA∗ (respA∗A) associ´es `a la valeur propre multiple 0. On forme ainsi une base orthonorm´ee de IKm (resp. IKn) :P∗P =P P∗ =Im, Q∗Q=QQ∗ =In. De plus
AA∗ et AA∗ sont hermitiennes (sym´etriques), semi-d´efinies positives et ont mˆemes valeurs propres non nulles. Par Schur,∃Q unitaire telle que
Q∗A∗AQ= diag(µ21, ..., µ2n).
Posons C =AQ. Soit cj laj`eme colonne deC, alors ci∗cj =µ2iδij.
Comme rang(AQ) = r, on peut supposer que µ1, ..., µr sont strictement positifs et queµr+1, ..., µn sont nuls.
Alorscj = 0m pour j =r+ 1, ..., n, car c’est un vecteur associ´e `a une valeur propre
nulle et donckcjk22 = 0.
On construit P par colonnes : pj =µ−1j cj si j = 1, ..., r. (*)
pi∗pj = (µiµj)−1ci∗cj =δij pour 1≤i, j ≤r.
On compl`ete la matriceP pour former une base orthonorm´ee deIKm,P = [p1· · ·pm] et∀i, j ∈ {1, ..., m} pi∗pj =δij.
V´erifions DVS2 en calculant un ´el´ement de la matrice P∗AQ : Si 1≤ i, j ≤r, [P∗AQ]ij =pi∗cj =µjδij .
Si j > r, [P∗AQ]ij = 0 car alors cj = 0m. Si j ≤r et si i > r, pi∗cj =µjpi∗pj = 0.
Donc,P∗AQ= Λ.
V´erifions que les colonnes deP sont les vecteurs propres deAA∗ : AA∗P = AInA∗P =AQQ∗A∗P
= AQΛ∗ =PΛΛ∗
= P
µ21 0 0 . .. ... 0 µ2r 0 0 · · · 0 0
.
Par construction les colonnes deQ sont vecteurs propres de A∗A. 2 Remarque : Dans la pratique :
– Le nombre de valeurs singuli`eres fournit le rang de la matrice. Ces valeurs singuli`eres sont ordonn´ees, µ1 ≥ . . .≥ µr > 0, ce qui induit un ordre sur les colonnes deU et deV.
– Dans le calcul deU et deV, on ne calcule les vecteurs propres deAA∗ou deA∗Aque pour celle de ces matrices de plus petite dimension, les vecteurs propres de l’autre se d´eduisent par des ”formules de transition” (*) et (**). Par exemple, si m ≥ n, on calcule les vecteurs propresv1, . . . , vr de A∗A, ceux de AA∗ associ´es aux valeurs propres non nulles, sont donn´es par
U =AVΛ−1/2r , (∗)
o`u Λ−1/2r = (Λ1/2r )−1 =diag(1/µ1, . . . ,1/µr). Dans l’autre cas, on utilise
V =A∗UΛ−1/2r . (∗∗)
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Pour obtenir la DVS pleine il faut calculer les vecteurs propres associ´es aux valeurs propres nulles.
Corollaire 1 : La d´ecomposition en valeurs singuli`eres donne A∗A=VΛrV∗ =
Xr i=1
µ2ivivi∗,
AA∗ =UΛrU∗ = Xr
i=1
µ2iuiui∗. 2
Cas particulier : DVS d’une matrice hermitienne semi-d´efinie positive
A∗A =AA∗ =A2 et les valeurs singuli`eres de A sont ´egales `a ses valeurs propres. Alors, U =V dans la DVS1 et la d´ecomposition de Schur co¨ıncide avec la DVS (modulo le signe des vecteurs propres).
Corollaire 2 : Soit A m×n avec rang(A) = r. La DVS2 de A s’´ecrit A =PΛQ∗, avec P = [U|U˜] et Q= [V|V˜]. Alors,
KerA= KerA∗A= Im ˜V =E(vr+1, ..., vn), ImA= ImAA∗ = ImU =E(u1, ..., ur), ImA∗ = ImV =E(v1, ..., vr) ={KerA}⊥,
KerA∗ = KerAA∗ = Im ˜U =E(ur+1, ..., um) ={ImA}⊥,
o`uE(xi, . . . , xj) d´esigne l’espace vectoriel engendr´e par les vecteurs xi, ..., xj. 2 Preuve de la premi`ere ´egalit´e
Ax= 0⇔A∗Ax= 0. Donc KerA= KerA∗A.
Comme A =UΛ1/2r V∗ d’apr`es la DVS1,x ∈Ker A⇐⇒UΛ1/2r V∗x= 0.
Comme (AB = 0)⇐⇒(A∗AB = 0), on obtient :
Λ1/2r U∗UΛ1/2r V∗x= 0⇔Λr V∗x= 0⇔V∗x= 0, puisque Λr est inversible.
x orthogonal aux vecteurs colonnes de V, c’est-`a-dire `a (v1, ..., vr), appartient `a E(vr+1, ..., vn). 2
Corollaire 3: Il y a d’importantes projections orthogonales associ´ees `a la d´ecomposition en valeurs singuli`eres. Soit A suppos´ee de rang r et A = UΛ1/2r V∗ = PΛQ∗, la DVS de
A. Rappelons les partitions colonnes de P et de Q
P = [U|U˜], Q= [V|V˜].
Les r´esultats sur la projection orthogonale pr´esent´es dans l’exemple fondamental et qui seront d´emontr´es au chapitre 4 doivent ˆetre associ´es au corollaire 2 pour donner
V V∗ = projection orthogonale sur {KerA}⊥= ImA∗ V˜V˜∗ = projection orthogonale sur KerA
UU∗ = projection orthogonale sur ImA
U˜U˜∗ = projection orthogonale sur {ImA}⊥ = KerA∗
Corollaire 4: El´´ ements propres de la matrice de projection sur Im A
Proposition : Soit A = UΛ1/2r V∗ = PΛQ∗, la DVS de la matrice A de rang r. La matrice PA=UU∗ est diagonalisable, ses vecteurs propres sont les colonnes de P et donc orthonorm´es, ses valeurs propres sont 0 ou 1. Les vecteurs propres associ´es `a la valeur propre 1 sont les colonnes de U ceux associ´es `a 0 sont les colonnes de ˜U. De plus,
trace(PA) = rang (PA) = rang (A). 2
Preuve: Bien sˆur, PA=UU∗ hermitienne est diagonalisable. Le fait que P = [U|U˜] est carr´ee unitaire donneP∗ =P−1 et
PA=P
"
Ir 0 0 0
# P−1. En outre, trace(PA) = trace(Ir) =r. 2
2.5.2 D´ ecomposition polaire
Proposition : SoitAcarr´een×n, alors il existe une matrice carr´ee unitaireU et une matrice H hermitienne semi d´efinie positive telles que
A =UH . 2
Preuve: Si A=PΛQ∗ est carr´ee n×n, alorsP, Λ et Q de la DVS2 sont carr´ees n×n.
On pose
A=PΛQ∗ = (P Q∗) (QΛQ∗) .
=U H
avec U = P Q∗ et H = QΛQ∗. U est unitaire comme produit de matrices unitaires et H est par construction hermitienne semi d´efinie positive. 2
Remarque : Le nom de ”d´ecomposition polaire” rappelle la repr´esentation polaire d’un
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nombre complexe z = ρeiθ (ρ r´eel positif ou nul et eiθ nombre complexe unitaire). Il y a analogie entre ces deux id´ees car les valeurs propres de H sont des nombres r´eels non n´egatifs, et les valeurs propres de U sont des nombres complexes unitaires. Pour une matrice A normale, l’analogie est encore plus stricte : une valeur propre λ de A est de la forme λ = ρeiθ o`u ρ est une valeur propre de H et eiθ est valeur propre de U. En effet, par Schur, pourA normale, de valeurs propres {ρjeiθj}j,∃V unitaire telle que
A=V diag(eiθ1, . . . , eiθn) diag(ρ1, . . . , ρn)V∗
= Vdiag(eiθ1, . . . , eiθn)V∗
(V diag(ρ1, . . . , ρn)V∗) =UH.