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Eco-innovation : élément constitutif du développement durable

Section 2 Les accélérateurs de l’innovation

2.4 Eco-innovation : élément constitutif du développement durable

Le champ couvert par les innovations environnementales ou éco-innovations inclut l’ensemble des innovations qui ont un effet positif sur l’environnement37. Le principal impact environnemental de la plupart des produits, de leur fabrication, à leur fin de vie (recyclage) en passant par leur utilisation peut en partie se traduire par leur « bilan carbone », c'est-à-dire la quantité de CO2 émise tout au long du cycle de vie « from

cradle to grave ». Cet enjeu est particulièrement important dans l’automobile, dont de nombreux composants, outre l’utilisation, sont source potentielle de pollutions (métaux lourds des batteries, métaux rares des composants électroniques, émissions de CO2 des

véhicules, …).

Le bilan carbone ne peut résumer l’ensemble des contraintes environnementales. En effet, la réduction de la diversification des cultures par l’introduction du palmier à huile (jathropa) en vue de produire des biocarburants peut-elle être considérée comme un choix approprié en raison d’un bilan carbone positif. Si, dans certains pays comme le Mali, les effets ont été positifs, mais uniquement à l’échelon local, dans d’autres pays

36 http://www.af-aluminium.fr/l-aluminium/production.0_2_85625_.php

37 Dans la littérature anglo-saxonne, les termes « green innovation », « éco-friendly » et « éco-

innovation » sont utilisés indifféremment pour désigner des « innovations environnementales ».

comme à Madagascar, le projet n’a pas abouti et a été qualifié de catastrophe pour les habitants qui ont cru pouvoir accroître leurs ressources grâce à cette nouvelle culture mais n’ont pas obtenu le retour sur investissement escompté.

L’éco-innovation apparaît comme un « concept-clé » se situant à l’intersection de l’efficacité et de la réduction de l’utilisation rationnelle des ressources naturelles et de l’énergie. Elle s’inscrit dans la droite ligne du Traité de Lisbonne dont les objectifs étaient de concilier les enjeux de la croissance économique avec ceux de l’emploi et du développement durable.

« L’innovation et l’éco-innovation sont des voies complémentaires :

− L’innovation technologique permet grâce à des procédés plus efficaces, un

meilleur usage des ressources (matières premières, sources d’énergie, eau) et la réduction de l’impact sur l’environnement, par la minimisation des rejets ou la correction des effets ;

− L’éco-innovation encadre les progrès technologiques en les inscrivant dans un

nouveau modèle de développement qui entraîne une modification des

comportements sociaux » (MEDDTL, 2009, 2012).

L’éco-innovation associe également les deux dimensions que sont la compétitivité et l’innovation en vue d’une performance environnementale, laquelle sera quantifiée en vue de sa valorisation. Dans l’automobile, cette valorisation se traduit essentiellement par une communication en direction des clients, fondée sur les innovations permettant de réduire les émissions de CO2. Dès lors que le progrès technologique se trouve soumis

à des problématiques environnementales, des « éco-innovations » émergent, entraînant de nouveaux comportements sociaux tant de la part des entreprises que de la société et l’émergence de nouveaux produits répondant à ces critères, lesquels remplaceront progressivement les anciens (destruction créatrice).

« L’éco-innovation se définit comme la production, l’assimilation ou l’exploitation de la nouveauté dans les produits, processus, services ou les méthodes managériales avec pour objectif, tout au long de leur cycle de vie, de prévenir ou réduire de manière substantielle les risques environnementaux, la pollution et les autres impacts négatifs liés à l’utilisation des ressources nécessaires » (MEDDTL, 2009, 2012).

Les éco-innovations (ou innovations environnementales) sont à l’origine de nombreuses innovations de nature différente. Soit elles s’inscrivent dans le prolongement d’une

« innovation ancêtre » et il s’agit d’innovations incrémentales, soient elles constituent une rupture comme ce fut le cas avec l’arrivée des véhicules hybrides sur le marché.

Propos d’étape – Chapitre 2 – Section 2

Cette section, a permis de mettre en lumière le fait que certes l’entrepreneur est au cœur du processus d’innovation, mais que certaines circonstances étaient de nature à favoriser voire accélérer ce processus. Dans le cas de l’automobile, la section 1 a conduit à noter le poids des facteurs environnementaux. Dans la section 2, il apparaît que les réglementations découlant de la ratification du Protocole de Kyoto constituent un accélérateur de l’innovation allant au-delà de ceux identifiés en 2008 (Innovating to win).

Le rôle de l’État et des Politiques Publiques est un facteur déterminant. En effet, en imposant des malus aux catégories de véhicules les plus polluants et en attribuant des bonus à ceux qui sont peu ou pas émetteurs de CO2, l’État a conduit les constructeurs à

innover en produisant des véhicules dont les performances n’étaient pas dégradées mais dont les émissions avaient été réduites. Si de telles améliorations n’avaient pas été apportées, il est légitime de penser que le marché aurait sanctionné les constructeurs peu respectueux de l’environnement, en se tournant vers d’autres. L’hypothèse de Porter van der Linde (1995) selon laquelle une réglementation bien conduite, dans un environnement concurrentiel, aurait un effet positif sur les activités de R&D réalisées dans un objectif de développement de nouvelles technologies orientées vers l’écologie est ainsi validée.

Comme cela a été montré, les innovations évoluent vers une plus grande prise en compte de l’environnement, devenant ainsi des innovations environnementales. Elles ne différent pas des innovations « ordinaires » dans la mesure où elles peuvent être soit de nature incrémentale, c'est-à-dire constituer une amélioration, soit être de rupture dans le sens où elles introduisent un changement radical. Ces innovations pourront progressivement parvenir à remplacer les précédentes technologies dominantes (Schumpeter, Christensen, 1997, 2011). Les innovations « vertes » constituent également un facteur de croissance économique par la réduction de l’utilisation des ressources, la limitation des rejets de toutes sortes et par les nouveaux métiers qui se développent.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

Au terme de ce chapitre, il est possible de conclure que le débat environnemental initié au début des années 1970 a progressivement conduit à la prise en compte de la dégradation du climat et de ses conséquences tant humaines que matérielles. L’homme depuis les débuts de l’ère industrielle a dépensé sans compter les ressources naturelles fossiles. Elles ont permis à l’industrie de se développer, à de nombreuses innovations de voir le jour telles les locomotives à vapeur ou l’automobile. Ces ressources ne sont pas inépuisables, de nombreux sites d’extraction de charbon ou de sites pétroliers ont fini par fermer, les réserves étant épuisées. Qui plus est, lors de leur combustion, les produits d’origine fossile émettent du CO2, un gaz à effet de serre responsable du

réchauffement climatique identifié par le Protocole de Kyoto comme devant faire l’objet d’une forte réduction.

Ainsi que l’avait souligné Grübler (1998), la relation existant entre la technologie et l’environnement est complexe. En effet, d’une part la technologie utilise des ressources et impose une pression sur l’environnement mais, d’autre part, la technologie peut conduire à une meilleure utilisation de ces ressources et donc réduire la pression sur l’environnement. Elle peut même, dans une situation optimale permettre de réduire la pollution existante. La finalité est de parvenir à ce que Weaver et al. (2000) qualifient de « Sustainable Technology Development »38. « In order to make technological change

sustainable, technical change alone is not sufficient » (Hekkert et al., 2007 : 414). Reconnaître que le changement technologique ne peut à lui seul assurer un « développement durable » conduit à considérer que cette transition nécessite des changements à tous les niveaux de la société.

La double nécessité d’une part de réduire le prélèvement de ressources naturelles et, d’autre part de limiter les émissions de gaz à effet de serre a progressivement orienté les innovations vers un contenu environnemental ce qui rejoint l’analyse de porter et Van der Linde selon laquelle un certain nombre de pollutions trouvaient leur source dans des gaspillages. Les auteurs aboutissaient à la conclusion qu’une réduction de la pollution était de nature à accroître la productivité. Il semble pertinent d’en déduire que les éco-

38 Titre de l’ouvrage

innovations tout en réduisant la consommation de matières premières et l’émission de pollutions sont un facteur de croissance économique susceptible de créer des emplois. L’État dans la transcription du Protocole de Kyoto au niveau national apparaît comme un levier pour le développement des éco-innovations. Appliquées à l’industrie automobile qui a dû réagir face aux mesures de limitation des émissions de CO2, ces

innovations se sont déjà traduites par des évolutions permettant de satisfaire aux nouvelles réglementations en matière de réduction des émissions de CO2 ou des

ruptures telles que l’apparition de véhicules hybrides.

Le troisième chapitre de la thèse analysera l’industrie automobile en mobilisant les théories schumpétériennes et leurs prolongements évolutionnistes ainsi que le concept d’éco-innovation. Ce chapitre étudiera l’impact des carburants fossiles sur cette industrie et des contraintes environnementales auxquelles elle doit s’adapter sous peine de disparaître. Ce chapitre montrera que la prise en compte d’une part des considérations environnementales depuis Kyoto, en se traduisant par des innovations « vertes » est de nature à faire émerger des innovations de rupture susceptibles d’assurer la pérennité de cette industrie et que d’autre part la fin annoncée des ressources pétrolières est également un facteur incitatif pour s’engager sur la voie de solutions alternatives au moteur à combustion interne, lesquelles constitueront des ruptures par rapport au « dominant design » actuel.