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Les éco-innovations : un prolongement des concepts schumpétériens et évolutionnistes

Section 2 Les accélérateurs de l’innovation

2.3 Les éco-innovations : un prolongement des concepts schumpétériens et évolutionnistes

L’innovation technologique trouve ses sources d’une part dans la recherche scientifique et, d’autre part au sein des entreprises, dans les départements de R&D. Il existe comme cela a été rappelé précédemment, cinq types d’innovations, selon Schumpeter. La tradition veut que l’innovation technologique soit distinguée des autres types d’innovations. Dans le cas présent, c’est la dimension de l’innovation technologique qui est retenue. « Innover, c’est concevoir et produire un objet qui n’existe pas » (Devalan, 2006 : 17). C’est en partant de cette première définition que l’innovation incrémentale sera caractérisée (2.3.1) avant d’aboutir à l’innovation de rupture (2.3.2).

2.3.1 Les éco-innovations incrémentales

Ce type d’innovation est généralement qualifié d’innovation de caractère mineur en raison du fait qu’il s’agit d’améliorations intervenant soit dans le processus de production (ou dans son organisation), soit dans les produits. Certaines entreprises ont compris l’importance de telles innovations et encouragent leurs employés à travailler dans le sens d’une amélioration continue (Toyota, Renault, …). Une telle démarche se traduit par la mise en place de « boîtes à idées » dans lesquelles les employés pourront suggérer des modifications, soit dans la manière de produire, soit introduire des modifications dans le produit afin d’en réduire le coût et en augmenter l’efficacité. Elles s’inscrivent dans la recherche d’une plus grande efficacité et d’une dynamique d’entreprise. Néanmoins, comme le soulignent Chanaron et Lung (1995 : 47) « les

systèmes de suggestions dont l’efficacité a été largement démontrée au Japon, ont été partout systématisés. Mais en Europe, les réticences à ce type d’implication demeurent vives. C’est ainsi, par exemple, que les résultats de Fiat restent très en deçà de ceux de

Toyota : en 1992, 0,75 suggestion par salarié contre 35,6 et 47% des suggestions adoptées contre 98% ».

L’industrie automobile ne se caractérise pas par ses innovations techniques de rupture, privilégiant les évolutions progressives. La plupart du temps les innovations sont introduites sur des véhicules haut de gamme (segment premium) ou sur des modèles de niche.

L’ABS (système empêchant les freins de se bloquer lors d’un freinage d’urgence) par exemple, a tout d’abord été commercialisé à un prix très élevé sur les Mercedes « classe S » (segment premium) avant de se généraliser à l’ensemble de la gamme puis de devenir un équipement monté en série sur toutes les voitures. Cette stratégie permet au constructeur de rentabiliser le plus rapidement possible l’investissement effectué dans le cadre de sa R&D, en touchant une clientèle sensible aux innovations ou désireuse d’être à la pointe en matière de technologie. Les avis émis par les utilisateurs de ces nouvelles technologies participeront à sa diffusion au travers des rendements croissants d’adoption. « Chaque génération de nouveaux modèles est l’occasion privilégiée

d’introduction de nouveautés techniques importantes certes, comme l’ont été en leur temps l’injection électronique, le turbocompresseur, le freinage antibloquant, les sacs gonflables (airbags), par exemple, mais qui restent de simples perfectionnements qui se généralisent peu à peu (souvent à partir des modèles haut de gamme vers le bas de la gamme) » (Chanaron, Lung, 1995 : 27).

Figure 2-15 - Typologie de l'innovation

Ainsi, comme le montre la typologie de Derek Abell (Figure 2-15), l’innovation incrémentale se trouve à l’intersection d’une ancienne technologie conjuguée à d’anciens comportements en matière de consommation alors que l’innovation de rupture, en mobilisant une nouvelle technologie va créer de nouveaux modes de consommation et modifier ainsi les « anciennes habitudes ».

2.3.2 Les éco-innovations de rupture

Selon Christensen (1997-2011), la technologie qui caractérise une innovation de rupture n’est pas au départ, performante au regard du marché car elle ne répond pas nécessairement à un besoin. Néanmoins au fur et à mesure qu’elle sera adoptée (ce qui peut demander un temps plus ou moins long) et qu’elle évoluera, sa demande sur le marché pourra la conduire à le dominer (Graphique 2-9). Elle pourra également être amenée à remplacer la précédente technologie dominante (destruction créatrice).

Graphique 2-9 - The Disruptive Innovation Model

Source : Christensen, 1997

La typologie de Derek ABELL (Figure 2-15) situe l’innovation de rupture à l’intersection d’une nouvelle technologie avec de nouvelles habitudes de consommation. Ceci s’explique par le fait qu’une nouvelle technologie, en rupture avec les anciennes va générer de nouvelles habitudes de consommation et également de nouvelles utilisations. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce type d’innovation.

Un des plus connus est celui de Nescafé qui a lancé la « dosette » sur le marché et la machine à café qui permettait de l’utiliser. Bien que les débuts aient été difficiles, la marque a su dans un environnement commercial plutôt stagnant se démarquer, obtenir ainsi un monopole sur le marché d’un produit de grande consommation et en modifier le positionnement. En effet, les dosettes sont vendues dans un réseau se situant hors de la grande distribution, et dans des boutiques dédiées exclusivement ce produit.

La gamme s’est progressivement élargie et aujourd’hui, la marque est fière d’annoncer

« Nespresso, l'art de l'espresso parfait. 16 Grands Crus, une gamme de machines et une collection d'accessoires pour sublimer vos dégustations ». La marque est également mobilisée sur le front du développement durable. L’objectif selon son PDG est de faire en sorte que d'ici 2013, 80% du café (utilisé) soit issu du Programme Nespresso AAA Sustainable Quality™ Coffee, avec certification Rainforest Alliance et de mettre en place des systèmes de collecte pour tripler la capacité à recycler les capsules usagées afin d’atteindre un taux de 75% d'ici 2013 (Projet AluCycle™).

La démarche entreprise s’inscrit dans une conception du développement durable selon laquelle « le développement durable n’impose pas de renoncer à exploiter les

ressources naturelles ; il impose de reconstituer au sens économique du terme les ressources utilisées. Cela passe par la recherche d’une meilleure efficacité dans la transformation et l’usage de ces ressources (efficacité énergétique, efficacité- matières) » (Godard, 2002 : 117).

La production d’une tonne d’aluminium nécessite l’utilisation de grandes quantités d’électricité : « L’électricité est essentielle à la production de l’aluminium. Un peu plus

du tiers (35%) des coûts de production d’une tonne métrique d’aluminium »

(Association de l’aluminium du Canada, 2013). Ainsi l’intérêt du recyclage est-il crucial afin d’une part de limiter les consommations de matière première et d’autre part de réduire la consommation d’électricité. Cette réduction est d’autant plus importante que dans certains pays tels que la Chine l’électricité est en partie produite par des centrales thermiques à charbon.

L’Association Française de l’Aluminium36 rappelle que « la consommation totale

d'aluminium en France en 2010 a été de 1 276 000 tonnes. Le métal recyclé a contribué à hauteur de 554 000 tonnes à la satisfaction du besoin total (soit près de 43 % de celui-ci, un chiffre particulièrement élevé) ».

Sur le plan des émissions de CO2 l’entreprise s’est fixée, pour la période 2009-2013,

une réduction de l'empreinte carbone de chaque tasse de 20%. La dosette de café confirme bien son statut d’innovation de rupture car au travers d’une nouvelle technologie, elle a modifié les habitudes des consommateurs. Le nouveau produit a été à l’origine de la création de cafetières adaptées. Cette nouvelle innovation découlant de la première s’inscrit dans la vision de Schumpeter pour qui le progrès technique est au cœur de l'économie. Les innovations apparaissent en grappes ou essaims : après une innovation de rupture due à un progrès technique, d'autres innovations sont portées par ces découvertes.