• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1. C ONTEXTE GÉNÉRAL

1.1.2.1 Eaux intermédiaires

De tels tourbillons ne passent pas le détroit Siculo-tunisien, et se maintiennent jusqu'à ~3 ans dans le centre du bassin Algéro-provençal (Millot et Taupier-Letage, 2005). Le courant Algérien se sépare en plusieurs branches dans l’est du bassin Occidental : une première branche circule le long de la côte ouest de l’Italie, à travers la mer Tyrrhénienne ; une deuxième branche pénètre dans le détroit Siculo-tunisien et y comble le fort déficit hydrique. Les deux premières branches se rejoignent dans la mer Ligure pour former le courant Nord (jusqu’à 50 cm.s-1), puis suivent les côtes françaises et espagnoles (à travers la mer des Baléares) pour se mélanger à nouveau avec la MAW nouvellement formée, sortant de la mer d’Alboran. On peut ainsi définir une gyre cyclonique suivant les limites de tout le bassin Occidental. La circulation de la MAW dans le détroit Siculo-tunisien est complexe, celui-ci ayant une bathymétrie très variable (entre 50 et 1000 m selon les endroits), sur une largeur de détroit assez importante.

À l’est du détroit Siculo-tunisien, une branche principale de la MAW suit la limite de la plateforme tunisienne (Fig. 4). Des tourbillons anticycloniques de méso-échelle se forment également à la sortie du détroit, qui dérivent puis se maintiennent dans le centre de la mer Ionienne et du bassin Afro-sicilien. Les branches tunisiennes se rejoignent pour former une branche dite libyenne, qui est à l’origine de tourbillons qui se propagent dans le sud de la mer Ionienne. La branche Libyenne devient le courant Libyo-égyptien en Cyrénaïque Nord. Ce courant génère des tourbillons anticycloniques similaires à ceux du courant Algérien, qui se maintiennent au sud-est de la Crête, avec ceux produits par le Meltem (un vent catabatique entre la Grèce et la Turquie). Le courant Libyo-égyptien continue de suivre la limite de la plateforme continentale, le long du Levant. D’autres tourbillons anticycloniques sont produits au large du delta du Nil, qui s’accumulent dans le bassin Levantin. Le produit des tourbillons et du courant Libyo-égyptien est nommé « courant d’Asie Mineure » le long du Levant et du sud de la Turquie. Les eaux se propagent au niveau de l’île de Rhodes, et à l’intérieur de la mer Égée. En sortie de la mer Égée, les branches se rejoignent et contournent le Péloponnèse avant qu’une branche entre en mer Adriatique par l’est du détroit d’Otrante, puis circule de manière cyclonique dans la mer Adriatique avant d’en ressortir par le côté ouest du détroit d’Otrante. Une autre branche n’entre pas en Adriatique et contourne directement la plateforme Est de l’Italie. Ainsi se boucle une deuxième gyre cyclonique, cette fois dans le bassin oriental.

1.1.2.1 Eaux intermédiaires

Le pourtour nord-méditerranéen est le lieu de décharges d’eaux douces fluviatiles (principalement, les fleuves Rhône, Pô et Nil). Ces eaux se mélangent à la MAW et sont en hiver modifiées par l’action des vents catabatiques (Fig. 5). Ces vents gravitationnels, produits par le poids d’une masse d’air froid coulant le long de la topographie, sont le

20

produit de l’orographie accidentée du pourtour méditerranéen. Ils entraînent de fortes pertes thermiques en hiver pour l’eau de surface, dépassant -1000 W/m2 (Mertens et Schott, 1998). Il existe plusieurs vents catabatiques agissant sur la Méditerranée : le Mistral et la Tramontane dans le golfe du Lion, la Bora en mer Adriatique, le Meltémi (synonyme : Étésien) en mer Égée et d’autres vents dans la mer ionienne (depuis le Golfe de Squillace notamment). Sous l’action de ces forts vents froids et secs, l’eau de surface se refroidit et s’évapore fortement ce qui induit une augmentation de la salinité et de la densité des eaux de surfaces. Ceci est à l’origine de la formation des masses d’eaux intermédiaires et profondes de la Méditerranée (discuté dans la section suivante). Cela est exacerbé dans l’est de la Méditerranée Orientale, particulièrement aride, où se forme la Levantine Intermediate Water (LIW) au Sud et au Sud-Est de l’île de Rhodes.

Figure 5 flux de chaleur net moyen à la surface de la Méditerranée, analyse atmosphérique ALDERA, et vent moyen, période 2006-2013 (modifié d’après Bosse et al., 2015).

La LIW circule à des profondeurs comprises entre 200 à 800 m et elle se caractérise par une température de 15-16°C, une salinité de ~39‰ et une densité de σ~29 (Lascaratos et al., 1993). Ce couple T-S est très caractéristique ((Fig. 2 et 3)) et permet le traçage de la LIW dans tout le bassin méditerranéen (Fig. 6), malgré le mélange continu avec d’autres masses d’eaux intermédiaires pouvant être relativement important dans le Nord de la Méditerranée occidentale (Millot et Taupier-Letage, 2005).

21

Figure 6 Circulation simplifiée de la LIW (masse d’eau comprise entre 200-800 m de profondeur) (d'après Millot et Taupier-Letage, 2005).

Au nord de la Méditerranée, la LIW circule le long de la plateforme continentale, avec un trajectoire globale semblable à celui des eaux de surface, et est affectée également pas des tourbillons méso-échelles. Elle se divise en deux branches au niveau de la Crête, la majorité passant par le sud et l’autre branche ne pénétrant que peu dans le nord de la mer Égée, peu profonde. La LIW circule dans le sud de l’Adriatique (le détroit d’Otrante a une profondeur de 800 m) et la majorité de celle-ci traverse le détroit Siculo-tunisien (profondeur de 400 m) pour passer dans le bassin Occidental. La branche qui ne pénètre pas le détroit Siculo-tunisien est entraînée le long de la plateforme tunisienne et boucle une gyre intermédiaire dans le bassin Oriental. La signature physico-chimique de la LIW qui sort du détroit Siculo-tunisien est modifiée par des mélanges avec les eaux de surface et l’eau profonde avec lesquelles elle est en contact turbulent dans le détroit. En mer Tyrrhénienne, la LIW longe alors la plateforme italienne à une profondeur de 200-600 m (Millot, 1987 ; Astraldi et al., 2001) et est caractérisée par une T comprise entre 13,1 et 13,7°C et une S comprise entre 38,4 et 38,7‰ (Bryden et Stommel, 1982 ; Salat et Font, 1987 ; Millot, 1999). Arrivée au nord de la mer Tyrrhénienne, elle se sépare en une branche qui contourne la Corse et la Sardaigne par le sud, et une autre qui traverse la mer Ligure, les deux branches s’y rejoignant.

Au terme de son trajet cyclonique, la LIW traverse le détroit de Gibraltar et devient ce que l’on appelle l’eau de débordement méditerranéen (Mediterranean Outflow Water : MOW). Cette masse d’eau se répand alors en Atlantique Nord à une bathymétrie

22

comprise entre 800 et 1200 m. Lors du débordement de la MOW, cette masse d’eau est modifiée par mélange avec la NEADW (North-Eastern Atlantic Deep Water) pour former la MSW (Mediterranean Sea Water). La LIW constitue plus de 80 % de la MOW (Baringer et Price, 1999), bien que ce terme comprenne alors non seulement les eaux formées dans le Levant, mais aussi des eaux intermédiaires secondaires qui se mélangent à la LIW au cours de sa trajectoire vers l’Ouest. Au niveau de Gibraltar, la MOW a une vitesse de l’ordre du m/s, et transporte 0,9±0,1 Sv (Send et al., 1999). La MSW remontant le long de la façade européenne a été identifiée jusqu’au bassin de Porcupine. Le front Subpolaire, dont la localisation varie au cours du temps avec la North Atlantic Oscillation (NAO), aurait un impact sur la progression de la MSW qui pourrait alors atteindre le chenal de Rockall et pénétrer dans la gyre subpolaire durant des périodes d’état de faible NAO (Lozier et al., 2008). Découverte dans les années 1980 (Farmer et al., 1988), la MSW est un vecteur important de sels dans l’Atlantique Nord (Spall, 1994). Elle pourrait ainsi être un facteur forçant dans la circulation thermohaline globale (Candela, 2001 ; Rogerson et al., 2006 ; Voelker et al., 2006 ; Lozier et al., 2008 ; Khélifi et al., 2009).

D’autres masses d’eau intermédiaires sont produites sur le pourtour septentrional de la Méditerranée, d’importance mineure comparée à la LIW. Ce sont notamment la Cretan Intermediate Water (CIW) en Méditerranée Orientale et la Winter Intermediate Water (WIW) en Méditerranée Occidentale. La CIW se mélange à la LIW, ce qui modifie peu ses propriétés physico-chimiques. La WIW se forme dans le Golfe du Lion, par mélange des eaux froides et douces de l’embouchure du Rhône, de la MAW et d’une partie de la LIW. Elle se forme en hiver lorsque la couche mélangée s’épaissit (D’Ortenzio et al., 2005 ; Houpert et al., 2015). La WIW (T = 12,5-13 °C ; S = 38,1-38,3 (Salat et Font, 1987) convecte alors jusqu’à 200-500 m (Fig. 2 et 3), la LIW étant située entre 300 et 800 m de profondeur. Elle est surtout distincte dans l’ouest de la Méditerranée Occidentale.