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Chapitre I Synthèse bibliographique

I. E.2 Microcompression

La compression de piliers de tailles micrométriques permet également de caractériser mécaniquement de faibles volumes, en s'affranchissant de plusieurs contraintes géométriques liées

Caractérisation micromécanique des matériaux irradiés

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à la nanoindentation. La préparation des micropiliers, généralement par FIB (Focused Ion Beam) est cependant plus complexe. Cette technique a généré une littérature importante (pour des revues, consulter par exemple: Uchic et al. 2009; Kraft et al. 2010; Greer and De Hosson 2011). Son utilisation pour étudier le changement de comportement mécanique de matériaux irradiés aux ions comme l’augmentation de la limite d’élasticité ou la modification du taux d’écrouissage semble très adaptée. Cette technique permet d’évaluer ces propriétés au niveau d'un seul grain (monocristal), ce qui peut faciliter l’analyse. Les essais de microcompression peuvent se faire ex-situ (Uchic et al. 2004; Monnet 2007) ou in-situ (Moser et al. 2007; Zhao et al. 2015; Tumbajoy‐Spinel et al. 2016). Dans le premier cas, la difficulté principale lors de l’essai sera alors de placer correctement l’indenteur pour ne comprimer que le pilier. Les essais de microcompression peuvent aussi être réalisés in-situ dans un microscope électronique à balayage ou à transmission (Kiener et al. 2011). Les essais in-situ permettent de caractériser directement le comportement du pilier lors de la déformation. In-situ ou ex-situ, des essais à froid et en température sont possibles, mais peu d’équipements de compression permettent pour l’instant de réaliser ces essais, du fait de la difficulté d’assurer une température équivalente entre échantillon et indenteur (Wheeler and Michler 2013; Wheeler et al. 2015). La microcompression est développée depuis 15 ans (Uchic et al. 2004; Hosemann et al. 2015) ce qui permet d’avoir un retour d’expériences relativement solide et de connaître les paramètres influant sur ce type d’essais. Un des premiers effets révélés par ce type d’essai est l'effet de taille, également présent en nanoindentation, mais pour lequel les explications ont tardé: plus le pilier était petit et plus la contrainte de limite élastique était importante. Cet effet est depuis largement expliqué par un échantillonnage de la microstructure. Quand les volumes testés sont faibles, la probabilité d'avoir des dislocations mobiles l'est également, ce qui implique de mobiliser ou de générer ces dislocations mobiles avec une contrainte accrue (Pharr et al. 2010; Mompiou et al. 2012; Kiener et al. 2012). La préparation des piliers se fait principalement par FIB, le plus souvent à l’aide d’ions gallium. L’utilisation de ces ions provoque des dommages d’irradiation à la surface des échantillons fabriqués, formant alors une couche irradiée sur les bords du pilier. Le calcul par SRIM (voir Chapitre II) de l’irradiation d’un acier par des ions gallium de 30 kV avec une incidence de 80° (pour simuler l’irradiation sur les bords d’un pilier dont les bords formeraient un angle de 80° par rapport au faisceau d’ions) donne une épaisseur d’une dizaine de nanomètres. La littérature a montré que cette fabrication par FIB n’a pas d’influence sur la déformation élastique du pilier, mais qu’elle peut avoir un effet lors de la plasticité, en particulier la localisation de la déformation (Lee et al. 2016). Lorsqu’un pilier est de petite taille, typiquement d’un diamètre sub-micronique, l’influence de la préparation par FIB est à considérer mais est négligeable pour des diamètres plus importants. Cette préparation est par contre très dommageable lorsque le matériau ne contient aucun défaut comme dans le cas de whiskers (Bei et al. 2007).

Ajouté à l’endommagement de la surface du pilier lors de la préparation, les irradiations aux ions, bien qu’effectuées dans une chambre sous vide, peuvent amener une pollution de surface qui se traduit par une déposition de carbone (Kiener et al. 2011). Lorsque l’étape d’irradiation vient à la suite de la fabrication, cela provoque la déposition du carbone sur les bords du pilier. Il est possible de s’en prémunir en réalisant la fabrication du pilier après l’irradiation.

Les dimensions optimales pour la fabrication d’un pilier ont également fait l’objet d’études dans la littérature. Ainsi, les travaux effectués par Zhang et al (Zhang et al. 2006) ont permis d’identifier le facteur de forme optimal pour un essai de microcompression. Ce facteur de forme, qui représente

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le rapport entre la hauteur et la largeur du pilier, doit être compris entre 2 et 5 pour éviter au pilier de se tordre (flambage) au lieu de se déformer linéairement. Deux formes de piliers sont principalement utilisées : la forme de cylindre et la forme de parallélépipède. Les deux ont l'avantage d'être relativement faciles à usiner et d'avoir une section constante. La forme parallélépipédique est moins fréquemment utilisée, mais présente l’avantage de former des faces planes sur les piliers, ce qui facilite l’identification des plans de glissement impliqués lors de la compression. Aucune différence significative sur le comportement mécanique n’est à noter entre les deux types de piliers (Kiener et al. 2009; Shin et al. 2014). La forme cylindrique d’un pilier a l’avantage d’être plus facile à produire, notamment par abrasion annulaire par FIB. L’abrasion annulaire consiste à balayer de manière circulaire un faisceau d’ions à la surface d’un matériau tout en laissant intacte un disque central pour former un pilier (voir Figure I-32a). Cette méthode comporte cependant un inconvénient, qui est de produire un pilier de forme légèrement conique. En effet, à cause de la forme gaussienne du faisceau d'ions, la base du pilier est plus large que le sommet. Les angles sont généralement de l'ordre de 2°, ce qui induit une différence de contrainte lors de l’essai entre le sommet et la base du pilier. Par exemple, dans le cas d’un pilier avec un facteur de forme de 3 et un angle de 2°, la contrainte à la base du pilier correspond à 68% de la contrainte au sommet du pilier. Cette différence de contraintes a favorisé la recherche de piliers les plus cylindriques possibles. Ceux- ci peuvent être préparés par une autre méthode, appelée « lathe milling » (traduit ici par le terme « détourage »), développée par Uchic et Dimiduk (Uchic and Dimiduk 2005) mais est plus compliquée à réaliser. Le détourage consiste à former un prisme droit contenant suffisamment de faces pour être assimilé à un cylindre (voir Figure I-32b). Le faisceau d’ions est balayé sur le côté du pilier en procédant à des étapes successives de rotation et de reconnaissance automatique de l’échantillon permettant son bon positionnement. Entre la base et le sommet du pilier, l’angle est généralement inférieur à 1° et les contraintes sont donc similaires sur l’ensemble du pilier. Dans ce cas, à cause de l’effet de taille, le pilier (plus dur), aura tendance à s’enfoncer dans la base (plus molle). L'avantage d'un pilier partiellement conique est de confiner la déformation dans le pilier et d’éviter sa propagation dans la base, ce qui put rendre l'interprétation de l'essai caduque.

La technique de microcompression a été utilisée dans la littérature pour étudier le comportement des matériaux irradiés. A la connaissance de l’auteur, seuls Hosemann et al (Hosemann et al. 2011b) ont publié des résultats au sujet d’essais de microcompression sur des échantillons irradiés aux neutrons. Leur travail a montré une bonne correspondance des limites d’élasticité mesurées par microcompression et par essais de traction uniaxiale conventionnelle. Les essais de microcompression peuvent être réalisés avec un volume de matière relativement faible, ce qui est un avantage non négligeable dans le cas d’échantillons irradiés aux neutrons, qui sont actifs et difficile à manipuler. Il est également possible de réaliser une quantité très importante de piliers et donc d’essais sur un faible volume irradié. De plus, comme le montrent Hosemann et al, des échantillons peuvent être préparés à partir d’éprouvettes de tractions irradiées et déjà testées, à partir de prélèvements dans des parties non déformées.

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Figure I-32 : Exemple de préparation de piliers cylindriques par deux méthodes (Hütsch and Lilleodden 2014)et (Singh et al. 2010). En haut, les parties grisées représentent les zones abrasées. a) La préparation par abrasion annulaire provoque un angle relativement important entre la base et le sommet du pilier (4° dans ce cas). b) la préparation par la préparation

par détourage (à droite) efface ce défaut.

Relativement peu d’études ont utilisé cette technique de caractérisation sur des matériaux irradiés. Le Tableau I-2 liste les références identifiées faisant part d’essais de microcompression sur des matériaux irradiés aux neutrons et aux ions (protons et ions lourds). Les matériaux utilisés, les formes et dimensions des piliers ainsi que les paramètres d’irradiation utilisés dans ces études sont diverses. Sur les 20 études référencées, 11 concernent des matériaux à base fer ou du fer pur, parmi lesquels 6 ont été irradiés par des ions lourds. La fabrication des piliers est moins délicate après les irradiations aux protons, du fait que la couche irradiée est plus profonde et les piliers peuvent alors être plus gros. Les études sur les aciers austénitiques inoxydables irradiés aux protons (Jin et al. 2016; Vo et al. 2017; Reichardt et al. 2017) ont montré un comportement cohérent avec celui attendu par une microstructure irradiée, c’est-à-dire un durcissement et une localisation de la déformation plus importante. Parmi la vingtaine d’études citées dans le Tableau I-2, 9 proposent de comparer ces résultats à des essais de nanoindentation. Hormis l’étude de Wang et al sur du Zr-2,5Nb qui est un matériau très texturé, les durcissements évalués par microcompression sont cohérents avec les résultats obtenus par nanoindentation.

Pour résumer, les essais de microcompression sur des matériaux irradiés aux ions lourds donnent la possibilité d’obtenir une courbe contrainte-déformation sur de très petits volumes. Le comportement sous compression peut donc être étudié, et des valeurs de limite d’écoulement et de taux d’écrouissage peuvent être obtenues. Les difficultés principales sont d’ordre expérimental. La préparation des piliers peut être en partie automatisée, mais requiert plus de temps que la préparation de surface pour la nanoindentation. La réalisation de l’essai de compression requiert par ailleurs une certaine minutie. Cependant, la microcompression permet d’obtenir les propriétés mécaniques du matériau étudié sans besoin d’extrapoler les résultats comme c’est le cas pour la

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nanoindentation. Dans la littérature, la compression sur matériau irradié aux ions lourds est utilisée de manière superficielle ou transverse et les principales recommandations concernent la géométrie des piliers en termes de taille (rapport de forme entre 2 et 3) et d’angle de cône (le plus faible possible).

1 NM = Non mentionné dans l’article

Auteurs, année Matériau Particule incidente Energie particule Profondeur d’irradiation Dose (dpa) Géométrie du pilier (largeur, facteur de forme) Evaluation de l’effet de taille Comparaison avec nano- indentation Piliers en surface ou transverses (Reichardt et al. 2017) 304SS H 2 MeV 20 µm 5 Carré (2 µm,

2,5) Non Oui Transverses (Vo et al. 2017) 304SS H 2 MeV 20 µm 10 Carré (3 µm,

3,33) Non Oui Transverses

(Jin et al. 2016) 316L H 2 MeV 20 µm 1 et 5

Cylindrique (de ~1 à ~12 µm, ~2)

Oui Non Transverses

(Pouchon et al.

2010) Acier ODS He 1.5 MeV 2.5 µm 1

Cylindrique (1 µm, NM1) Oui/non (Taille de grain) Oui NM (Hosemann et

al. 2011b) Acier ODS

Neutron et

He NM

1 NM1 7,7 à

13 Carré (8 µm, 2) Non Oui - (Prasitthipayon

g et al. 2018) Acier ODS Fe 70 MeV 7 µm 1 Carré (3 µm, 2) Non Oui Transverses (Yano et al.

2017) Acier ODS Fe 5 MeV 2 µm

3 et 100

Carré (100 à

600 nm, 6) Oui Non Surface (Hosemann et al. 2011a) HT9 H NM 1 NM1 25 NM1 Non Oui - (Hosemann et al. 2008) HT9 H + He 2 MeV et 2.5 MeV 20 µm et 4 µm 3 et 7 100 appm

Carré (5 µm, 2) Non Oui Transverses

(Grieveson et al.

2012) Fer pur Fe

0.5 MeV

et 2 MeV 1 µm 6

Cylindrique

(<1 µm, ~8) Non Non Transverses (Landau et al. 2014) Fer pur électro- plaqué He 50 to 400 keV 1 µm 0,4 % He Cylindrique

(100 nm, NM1) Non Non Surface

(Özerinç et al. 2014)

Cuivre

amorphe Néon 2,1 MeV 400 nm NM

1 Cylindrique

(1 µm, 2) Non Non Transverses

(Guo et al. 2013) Cuivre He 50 to 400

keV 1 µm 0,7

Cylindrique (120 nm, 4-5)

Non Non Surface

(Kiener et al.

2011) Cuivre H 1,1 MeV 8 µm 0,8

Cylindrique (de 80 à 1500 nm, >5)

Non Non Transverses

(Kiener et al.

2012) Cuivre H 1.1 MeV 8 µm 1

Cylindrique (de 80 à 2000 nm, NM1)

Non Oui Surface et transverse (Sharon et al.

2014) Cuivre Cu 30 MeV 5 µm 23

Cylindrique (2

et 5 µm, 2) Oui Non Surface (Li et al. 2011) Cuivre He De 25 à

400 keV 1 µm

7 % He

Cylindrique (500 nm, 2)

Non Non Surface

(Zhao et al. 2015) Nickel Ni 35 MeV 5 µm 40 25 2,5 et 0,25 Cylindrique

(1 µm, 3) Non Non Surface

(Shin et al.

2014) SiC Si 5.4 MeV 2,5 µm 1

Cylindrique (830±230 nm, ~2)

Oui Non Surface

(Wang et al. 2018) Zr-2.5Nb Zr 40 MeV 7 µm 0,06 0,2 et 0,6 dpa Cylindrique

(~1,8 µm, ~2) Oui Oui Surface

Conclusions et plan de l’étude

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