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Dynamique de peuplement de la région, premières hypothèses

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MATÉRIEL ET MÉTHODES

IV. 1.1.3.3 Données autosomales

IV.1.2 Dynamique de peuplement de la région, premières hypothèses

Dans un premier temps, l’étude et la compréhension de l’évolution du pool génique au sein même de la région nous ont permis de comprendre le processus micro-évolutif. Il est maintenant nécessaire de le discuter au vu des études paléogénétiques précédentes mais aussi par rapport aux données et hypothèses archéologiques proposées, afin de mieux appréhender les différentes hypothèses de peuplement de cette région.

Dans ce travail, nous avons étudié l’une des cultures les plus intéressantes de l’âge du Bronze, la culture d’Afanasievo. L’étude de cette culture serait un élément clé pour la compréhension des premières migrations indo-européennes. Selon des données archéologiques et anthropologiques, son origine a été associée aux cultures de l’ouest des steppes eurasiennes, la culture de Yamna ou la culture antérieure de Repin (Anthony, 2007). Les données moléculaires obtenues pour les individus Afanasievo, dans leur ensemble, suggèrent une affinité avec les populations européennes actuelles. Ces données génétiques semblent donc en accord avec les données archéologiques et anthropologiques, qui proposent une origine au niveau des steppes d’Europe de l’Est pour ces individus. Néanmoins, une étude récente a montré que l’aire de répartition des populations ouest-eurasiennes s’étendait jusqu’à l’ouest du lac Baïkal durant le Paléolithique, et que cette occupation avait perduré pendant le dernier maximum glaciaire (l’individu étudié était porteur de l’haplogroupe mitochondrial U et de l’haplogroupe Y R) (Raghavan et al., 2014). De la même façon, une étude publiée en 2006 a montré la présence de l’haplogroupe ouest-eurasien U5 dans la région Baïkal au Néolithique (Mooder et al., 2006). Une origine locale des individus Afanasievo, à partir de peuples caucasoïdes déjà présents, pourrait donc être une hypothèse également envisageable. Seul l’accès à des sujets sud-sibériens / altaïques antérieurs à la culture d’Afanasievo pourra nous permettre de répondre de façon plus fiable à cette question. De la même façon, aucune donnée génétique du début de l’âge du Bronze, et même un peu avant (culture de Repin, de Yamna), n’est actuellement disponible pour les populations des steppes eurasiennes, alors que de nombreuses hypothèses s’appuient sur ces populations. L’accès à ces échantillons et leur étude est donc une étape importante pour mieux appréhender ces mouvements migratoires. Malgré qu’un biais imputable au faible échantillonnage soit indéniable, le pool génique observé dans les cultures du début de l’âge du Bronze semble, d’après les données en notre

possession, avoir été modifié dans les cultures suivantes d’Okunevo et d’Elunino, et n’avoir que peu persisté puisque l’haplogroupe R1b1a2-M269, très présent au début de l’âge du Bronze, n’est plus présent que chez un individu dans la culture d’Okunevo, et que la séquence mitochondriale partagée par trois individus n’est plus retrouvée. En revanche, on voit clairement apparaître une composante asiatique, notamment au niveau du chromosome Y. Cette composante pourrait venir d’un retour de populations paléosibériennes du nord-est de la Sibérie (van Geel et al., 2004). Néanmoins, l’origine de cette composante asiatique est, au vu des données actuelles, difficile à déterminer. Ces résultats génétiques semblent cependant en accord avec les données anthropologiques qui présentaient la population d’Okunevo comme une population plus « mongoloïde » que celle d’Afanasievo. Cependant, il semble que des flux géniques aient persisté en provenance de l’Ouest, puisque l’on note l’apparition de nouveaux haplogroupes mitochondriaux ouest-eurasiens.

Au milieu du IIème millénaire, ce pool génique pourrait avoir de nouveau évolué avec l’apparition de l’haplogroupe R1a1a1b2 dans l’Altaï mongol. Cet haplogroupe, comme décrit précédemment, avait déjà été retrouvé chez plusieurs individus de l’âge du Bronze dans le sud de la Sibérie ainsi que dans le bassin du Tarim. De plus, une lignée paternelle (17 STR) est partagée entre deux individus inhumés sur deux sites différents dans l’Altaï, et une lignée mitochondriale non retrouvée dans la population actuelle est partagée entre un individu de l’Altaï et un du bassin du Tarim. Les résultats obtenus dans ce travail semblent donc montrer un partage de caractères génétiques entre ces trois ensembles géographiques. Ces résultats suggèrent donc une origine génétique commune, ou un flux de gènes entre ces régions, qui aurait modifié considérablement le pool génique présent dans la région. Du fait de sa répartition géographique, certains auteurs ont associé l’haplogroupe R1a1a à l’expansion des peuples indo-européens (Semino et al., 2000; Wells et al., 2001). L’analyse du marqueur M458, réalisée après le travail de thèse de Caroline Bouakaze chez les sujets sud-sibériens de la culture d’Andronovo, les plus anciens de notre échantillon, a révélé la présence de l’allèle ancestral pour ce marqueur. Ces individus seraient donc R1a1a(xM458), haplogroupe présent chez les populations actuelles de langues indo-iraniennes (Underhill et al., 2010). Ainsi, ces résultats semblent en accord avec le lien proposé entre la culture d’Andronovo et la diffusion de la branche indo-iranienne des langues indo-européennes (Lamberg-Karlovsky, 2002). La diffusion de l’haplogroupe R1a1a(xM458) pourrait ainsi être liée à la diffusion de la culture d’Andronovo puisque les individus R1a1a1b2 étudiés dans l’Altaï sont postérieurs à cette culture, et que des hypothèses ont été émises entre la culture d’Andronovo et le peuplement

du bassin du Tarim (où R1a1a a également été retrouvé mais pour qui les sous-haplogroupes ne sont pas connus). Cette hypothèse est bien évidemment à considérer avec prudence. Seul l’augmentation du nombre de données sur le chromosome Y des populations de cette région nous permettra de la discuter.

Dans l’article publié par Keyser et al. en 2009, le partage de caractéristiques phénotypiques (apparence europoïde) et de caractères génétiques (partage de lignées mitochondriales) entre des individus de la culture d’Andronovo et les momies du bassin du Tarim avaient permis d’argumenter en faveur de l’hypothèse d’un peuplement du bassin du Tarim via les steppes du Nord. Des données du chromosome Y sont venues supporter cette hypothèse quelque temps après en montrant la présence exclusive de lignées Y R1a1a chez 7 individus du site de Xiaohe dans le Bassin du Tarim (Li et al., 2010). Dans l’hypothèse des steppes, deux vagues de migrations se seraient succédées, une première par des individus porteurs de la culture d’Afanasievo puis une seconde par les porteurs de la culture d’Andronovo. Si tous les résultats sont en accord avec un lien entre Andronovo et le bassin du Tarim, a contrario, le lien entre la culture d’Afanasievo et le bassin du Tarim est plus discutable. En effet, si les marqueurs génétiques analysés suggèrent une origine ouest-eurasienne pour ces individus et si certains sont porteurs d’un phénotype plutôt europoïde, les lignées paternelles sont, elles, différentes (R1b vs R1a). Ces données sont néanmoins à nuancer puisque seuls quelques individus Afanasievo ont été analysés dans ce travail et les données des lignées paternelles du bassin du Tarim ne proviennent que d’un seul site.

Enfin, si le massif de l’Altaï culmine parfois à plus de 4000 mètres d’altitude, les données obtenues dans ce travail montrent un partage de lignées (maternelles ou paternelles) entre les individus du sud de la Sibérie et de l’Altaï mongol, ou tout du moins une homogénéité dans les haplogroupes présents. Il semble donc que le relief montagneux n’ait pas été un frein aux mouvements de populations dans cette région et que des flux géniques ont eu lieu, au moins dès le début de l’âge du Bronze. Les différences de pools géniques semblent, d’après ce travail, beaucoup plus liées à la composante culturelle et temporelle qu’à la composante géographique.

IV.2 Discussion sur la stratégie expérimentale employée

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