Section 2: Méthodologie et résultats empiriques
2.2 Dynamique du développement des EnR sur la période 1990- 2015…
Pour analyser la dynamique du développement des EnR sur la période 1990-2015, nous
étudions l’évolution moyenne annuelle des variables énergétiques (les 14 variables actives)
pour l’ensemble des régions françaises (métropolitaines et DOM). Dans cette analyse, les
années jouent le rôle des «individus» et les valeurs annuelles moyennes le rôle des variables.
Une analyse par grappe a été appliquée pour regrouper les années de la période 1990-2015 en
classes homogènes ou sous-périodes. Plus précisément, une classification ascendante
hiérarchique (CAH) a été appliquée pour les facteurs significatifs de l’Analyse en
Composantes Principales (ACP) des moyennes annuelles des variables. La variabilité
temporelle des variables actives constatée dans la section précédente permet de justifier
l’utilisation de l’ACP normée sur les années. Cette combinaison méthodologique des
méthodes factorielles et de classification constitue un instrument pour l'observation statistique
et l'analyse structurelle des données. Le dendrogramme de la figure 19 représente l'arbre
hiérarchique des années. Le tableau 11 résume les principaux résultats caractérisant la
partition choisie en quatre sous-périodes, obtenues à partir de l’arbre hiérarchique de la figure
19.
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Figure 19: Arbre hiérarchique des années selon le développement des EnR sur la période
1990-2015
Tableau 11: Partition synthétique en quatre sous-périodes
Classe 1
(Forte dépendance
à l’hydraulique et
au thermique)
Classe 2
(Émergence de la
biomasse)
Classe 3
(Développement
de l’éolien et du
photovoltaïque)
Classe 5
(Développement des
réseaux de chaleur et
transport
renouvelables)
Durée 5 ans 9 ans 8 ans 4 ans
Années 1990 à 1994 1995 à 2003 2004 à 2011 2012 à 2015
Profils (+) +Part.Hydr.PELRN +Part.biom.PELRN +Part.phot.PELRN +Part.ENR.CFTE
+Part.therm.PELRN +Part.Hydr.PELRN +Part.eol.PENR +PELRN.Gwh.hab
+Part.therm.PELRN +Part.ELRN.EPT
+CCF.hab +Part.eol.PENR
+Cons.Bioc.Ktep.hab
+Cons..CH.RN.Ktep.hab
Anti-Profils -Part.eol.PENR -Part.ELRN.EPT -Part.therm.PELRN -CCF.hab
(-) -Part.phot.PELRN -Part.ENR.CFTE -Part.Hydr.PELRN -Part.therm.PELRN
-Part.ELRN.EPT -Part.eol.PENR -Part.biom.PELRN -Part.Hydr.PELRN
-Cons.Bioc.Ktep.hab -Cons.CH.RN.Ktep.hab -Part.biom.PELRN
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La classification établie met en évidence quatre sous-périodes de développement des ENR.
La première s’étale sur quatre ans (1990-1994) et se caractérise par une forte dépendance aux
énergies hydraulique et thermique. Ces deux énergies sont parmi les énergies renouvelables
les plus matures pour produire de l’électricité. En effet, le développement de la filière
hydraulique en France remonte aux années de l’après-guerre mondiale (entre 1946 et 1960)
lorsque s’est posée la question de l’indépendance en termesd’approvisionnement en matières
premières, notamment le charbon qui apparaissait alors comme peu stratégique, le
développement de l’hydraulique est alors privilégié (Debay, 2017).Consécutivement à ce
plan, l’électricité est à 60% produite par des centrales hydrauliques entre 1946 et 1960.Cette
première sous-période se caractérise également par l’inexistence des nouvelles filières d’EnR,
notamment l’éolien et le photovoltaïque dont le développement n’a pris de l’ampleur que dans
les années 2000, la part des EnR dans la production de l’électricité demeure par conséquent
relativement faible aux cours de cette période, l’essentiel de cette production était assuré par
la filière nucléaire34. En effet, 74% de la production nette d'électricité de la période était
assuré par la filière nucléaire contre seulement 15% de production issue des EnR. Le
développement de cette filière a été initié par le général De Gaulle dans les années 50-60. Le
premier programme nucléaire civil français débute véritablement lors du troisième plan
quinquennal (1957-1961).La crise pétrolière de 1973 a accéléré les engagements. L’impact de
ce choc a conduit le gouvernement Messmer à engager un programme de construction
électronucléaire afin d'assurer l’indépendance énergétique du pays (Røren, 2013). Les moyens
financiers et humains étaient alors mobilisés dans ce sens au détriment du développement des
énergies renouvelables, à l'exception de l'énergie hydraulique développée très tôt. Enfin, nous
notons que cette première sous-période est marquée par une sous-consommation des
biocarburants avec la baisse du prix de pétrole après le contre-choc pétrolier de 1986 qui
continuait d’attirer les consommateurs ainsi que les industriels au détriment des biocarburants.
Au cours de la seconde période (1995 - 2003), le bouquet énergétique est encore peu
diversifié, il dépend fortement des combustibles fossiles, de l’hydraulique et du thermique.
Cependant, nous observons l’émergence de la biomasse dont la part moyenne est passé de
15,3% à la première sous-période à 37,4% à la seconde période. En effet, la biomasse, utilisée
34Le nucléaire ne ressort dans les profils ou les anti-profils sur aucune sous-période, la production moyenne de
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comme biocombustible pour produire de la chaleur et de l’électricité, a connu un fort
développement au cours des années 90. A l’échelle internationale, cette période est marquée
par l’adoption du protocole de Kyoto. En effet, en 1997 la convention Cadre des Nations
Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a été adoptée traduisant l’engagement
des parties prenantes (ratifiant le protocole) à diminuer leur niveau d’émission de gaz à effet
de serre. L’Union Européenne a eu un rôle prépondérant dans le domaine : elle a ratifié le
Protocole de Kyoto de 2002 et a pris l’engagement ambitieux de réduire ses émissions de
GES de 8% en 2012 par rapport au niveau 1990. Dans ce cadre, la France s’est orientée vers
l’utilisation accrue des sources d’énergie renouvelable, notamment de la biomasse. La
valorisation énergétique de la biomasse au cours de cette période a été marquée par
l’exploitation de la bagasse, résidu de la canne à sucre, par les centrales thermiques
(Bilionière, 2011).Cette période se caractérise également par une faible consommation des
énergies renouvelables que ce soit pour produire de l’électricité (faible part de l’éolien dans la
production de l’électricité renouvelable) ou de la chaleur (faible consommation de la chaleur
renouvelable). En effet, les combustibles fossiles continuent de dominer le paysage
énergétique grâce notamment à une relative stabilité des prix de pétrole durant cette période.
La troisième période s’étend de 2004 à 2011 et se distingue par le développement des deux
nouvelles filières d’ENR, à savoir les énergies éolienne et photovoltaïque. La France s’est
engagée en 2005 dans une politique volontariste de promotion des EnR visant à la
diversification du bouquet énergétique renouvelable. Par conséquent, à côté de l’hydraulique,
la biomasse et le thermique, la production d’énergie d’origine éolienne et photovoltaïque s’est
insérée dans le mix énergétique. Quasi inexistantes dans le mix de capacité électrique en
2000, aussi bien au niveau français qu’européen, ces deux technologies ont pu trouver leur
place, à côté de l’hydraulique, dans la génération d’électricité. Cette période est marquée par
l’adoption de lois favorisant le recours aux EnR. En effet, la Loi 13 juillet200535, dite loi
POPE est la première à chiffrer des objectifs de promotion des énergies renouvelables. Cette
loi repose sur la transposition en droit interne des directives européennes. Dans ce cadre,
l’Etat doit veiller à la cohérence de son action avec celle des collectivités territoriales et de
l'Union européenne. La Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement a fixé à l’horizon 2020 un objectif de 23 % d’énergies
renouvelables dans la consommation finale d’énergie en concertation avec les objectifs
européens, donnant ainsi une nouvelle impulsion politique forte à la promotion des EnR. Les
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objectifs fixés dans le cadre de cette loi ont été ensuite mis en œuvre et déclinés par la voie
règlementaire dans le cadre d’une programmation pluriannuelle des investissements pour la
chaleur et l’électricité (PPI). En plus de ces lois favorisant le recours aux nouvelles filières
renouvelables électriques, la filière de l’éolien offshore a exclusivement été soutenue via un
premier appel d’offre lancé en 2005. En contrepartie, les moyennes des parts des filières
classiques, hydraulique, biomasse et thermique dans la production de l’électricité
renouvelable sont significativement inférieures à celles de la période globale.
Au cours de la dernière sous-période (2012 à 2015), on assiste à la montée en puissance des
nouvelles filières d’EnR, notamment l’éolien et les biocarburants. Outre la production
d’électricité, les réseaux de chaleur et de transport renouvelables sont en plein essor.
Concernant l’électricité, le développement de la filière éolienne se fait à un taux de croissance
supérieur à celui des autres filières renouvelables (hydraulique, biomasse et thermique). Les
parts des EnR dans la production de l’électricité totale et dans la consommation totale
d’énergie, ainsi que la production de l’électricité renouvelable par habitant se situent à des
niveaux supérieurs par rapport à la moyenne sur la période globale. Quant à l’essor du réseau
de transport renouvelable, il a été surtout favorisé par la hausse du prix du baril de pétrole, les
biocarburants deviennent de plus en plus intéressants économiquement au cours de cette
dernière période. La production de la chaleur renouvelable s’est également développée
bénéficiant du soutien du fonds chaleur qui, selon le ministère de l’Environnement, de
l’Énergie et de la Mer (MEEM), devait ainsi atteindre 420 millions d’euros 2017 pour ainsi
atteindre l’objectif de plus de 50 % de la chaleur renouvelable en 2023 (par rapport à 2014).
Ces objectifs sont inscrits dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Nous notons qu’au cours de cette dernière période, toutes les régions françaises ont adopté les
Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE) dont le principal engagement est le
développement des EnR. Ce schéma est en parfaite adéquation avec la loi relative à la
transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) adoptée en 2015 fixant un objectif
ambitieux de 32% EnR dans la consommation finale brute d’énergie à l’horizon 2030.
En guise de conclusion, la méthode de classification adoptée nous a permis de relever
quatre sous-périodes de développement des EnR. La première s’étale sur quatre ans (1990-
1994) et se caractérise par une forte dépendance aux énergies hydraulique et thermique. Au
cours de la seconde période (1995 - 2003), le bouquet énergétique est encore peu diversifié se
basant sur les combustibles fossiles, les énergies hydraulique et thermique avec l’émergence
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développement des deux nouvelles filières d’ENR, à savoir les énergies éolienne et
photovoltaïque. Et finalement, sur la dernière sous-période (2012 à 2015), on assiste à la
diversification des EnR. A côté de la production d’électricité, les réseaux de chaleur et de
transport renouvelables sont en plein essor. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons à
l’analyse des trajectoires des régions en termes de développement des EnR en identifiant des
classes de régions dont le profil énergétique est similaire pour chaque sous-période.
2.3 Trajectoires moyennes du développement régional des EnR sur la période
Dans le document
La territorialisation des énergies renouvelables en France
(Page 93-98)