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Dynamique de coordination grapho-motrice

Dans cette section nous présentons les trois travaux qui sont à l’origine de notre démarche. Ces travaux ont montré l’existence de patrons de coordination préférentiels dans le tracé d’ellipses. Ils ont par ailleurs étudié la stabilité de ces patrons en regardant l’impact de la vitesse sur ceux-ci.

4.2.1 Travaux d’Athènes et al. 2004

Les travaux présentés par Athènes et al. [2004] ont tenté de mettre en évidence l’existence de patrons de coordination préférentiels lors de la production de traces elliptiques. Pour ce faire, les auteurs ont utilisé la méthode dite du "scanning" [Tuller et Kelso, 1989; Yamanishi, Kawato, et Suzuki, 1980; Zanone et Kelso, 1992] afin de montrer l’existence d’attracteurs.

Il a été demandé à 13 participants droitiers de reproduire 13 formes correspondant à 13 patrons de coordination. Le mouvement est ici vu comme la résultante de deux oscillateurs harmoniques vibrant selon x et y. La différence de phase entre chacun de ces oscillateurs est appelée phase relative (PR). A chaque PR est associé un patron de coordination, les 13 formes correspondant à des PR allant de 0˚ à 180˚ par pas de 15˚.

Ils ont aussi étudié l’amplitude relative (AR) par une série de 13 formes constituées de 6 ellipses orientées verticalement (avec une amplitude horizontale variant de 0 à 1

Figure 4.3 – Les deux séries de forme utilisées par Athènes et al. [2004] pour l’expérience s’appuyant sur la méthode du "scanning". Images empruntées à Athènes et al. [2004]. par rapport à l’amplitude verticale), d’un cercle et de 6 ellipses orientées horizontalement (avec une amplitude verticale variant de 1 à 0 par rapport à l’amplitude horizontale). Une rotation des formes ainsi obtenues de 45˚ permet d’avoir une équivalence entre les deux séries et d’associer une PR à chaque AR.

La figure4.3montre les deux séries de forme ainsi que leurs phases relatives associées. A chaque essai, une de ces formes était affichée sur la tablette et le participant devait la reproduire par superposition.

L’erreur et la variabilité de la PR produite, ainsi que la fréquence spontanée de pro- duction de la trace ont été étudiées. Les résultats obtenus sont montrés en figure 4.4. Ces profils d’erreurs ont révélé l’existence de quatre patrons préférentiels à 0˚, 45˚, 125˚ et 180˚ dont les formes correspondantes sont reproduites avec une plus grande précision et moins de variabilité. La pente négative observée, sur le profil d’erreur constante, pour les patrons 45˚ et 125˚ montre un pouvoir d’attraction de ceux-ci. En revanche, une pente positive pour 0˚ et 180˚ semble montrer que ces patrons sont répulsifs bien qu’ils soient attractifs sur le plan moteur. Ce phénomène pourrait s’expliquer par une discrimination visuelle des formes associées ayant un impact très négatif sur l’attraction de ces états. En ce qui concerne la fréquence de tracé, elle semble diminuer avec l’augmentation de la phase relative.

4.2.2 Travaux de Sallagoïty et al. 2004

Afin d’aller plus loin dans ce sens et pour tester le degré de stabilité des différents patrons préférentiels de coordination, Sallagoïty et al. [2004] ont étudié l’impact de la vitesse de production de la trace sur ces patrons préférentiels qui, en fonction de leur stabilité, de- vraient disparaître plus ou moins rapidement selon la vitesse de tracé des formes étudiées. Par ailleurs, l’effet de l’apprentissage a été mesuré en comparant la main dominante à l’autre main. Si les mêmes effets sont observés sur les deux mains, alors ces patrons stables seraient indépendants de l’apprentissage de l’écriture, ou du moins, de l’effecteur utilisé pour cet apprentissage.

Quatre conditions ont donc été étudiées : RHS (Main droite, vitesse spontanée), RHF (Main droite, vitesse rapide), LHS (Main gauche, vitesse spontanée) et LHF (Main gauche, vitesse rapide). La figure 4.5 montre les résultats obtenus. Les travaux de Athènes et al. [2004] avaient mis en évidence l’existence de quatre patrons de coordination stables pour le

Figure 4.4 – Résultat du "scanning" de la PR en haut et de l’AR en bas. L’erreur en PR est représentée en continu et l’écart-type en pointillés. Images empruntées à Athènes et al. [2004].

tracé d’ellipse à vitesse spontanée correspondant, en gros, au PR 0˚, 45˚, 120˚ et 180˚ ; le moins stable étant le patron associé à 120˚. Dans les présents travaux, on remarque que pour la main gauche, ce patron de coordination associé à 120˚ disparaît. Cela laisse supposer qu’il n’y a que trois états stables intrinsèquement liés aux propriétés neuro- biomécaniques du corps et en particulier du bras et de la main. Le quatrième état, le moins stable, peut avoir été acquis par l’exercice et l’apprentissage, pour un effecteur particulier. Cet état, moins naturel, serait donc moins stable s’il est soumis à plus de contraintes. La comparaison entre tracés d’ellipses à vitesse spontanée montre aussi la disparition de ce patron sous l’effet de la contrainte vitesse, et semble donc confirmer ces hypothèses.

4.2.3 Travaux de Danna et al. 2011

Pour mieux comprendre l’évolution de la dynamique de l’écriture, Danna et al. [2011] ont étudié la mise en place de ces patrons préférentiels de coordination au cours de l’enfance. Danna et al. [2011] ont par ailleurs inspecté plus en détails l’influence de l’excentricité et de l’orientation de l’ellipse à reproduire sur la dynamique de coordination ; nous ne développerons pas ce point ici.

La même expérience de reproduction d’ellipses initiée par Athènes et al. [2004], a été ef- fectuée sur des enfants du CP au CM2. Le premier résultat est que les enfants reproduisent trois patrons de manière préférentielle : 0˚, 90˚ et 180˚, contrairement aux adultes qui

Figure 4.5 – Résultat du "scanning" de la PR. En haut, l’erreur en phase relative. En bas, l’écart-type associé. Images tirées de Sallagoïty et al. [2004].

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reproduisent quatre patrons préférentiels, comme vu précédemment. Ainsi, au moins jus- qu’à 11 ans, les enfants tendent à reproduire plus facilement les formes les plus arrondies quand les adultes sont plus efficaces à reproduire des formes elliptiques associées à une PR de 45˚, 120˚(voir figure 4.3, pour un rappel des formes associées à chaque PR). Danna et al. [2011] proposent alors une extension de la fonction potentielle V (equation4.1) per- mettant de rendre compte de ces différences entre enfants et adultes. Le paysage de V est représenté en figure 4.6 où l’évolution du paysage des patrons préférentiels au cours de l’apprentissage semble déterminant.

Les deux autres observations remarquables de ces travaux sont, premièrement, que les enfants ne sont pas affectés par l’orientation des ellipses à reproduire (contrairement aux adultes [Danna,2011; Danna, Wamain, Kostrubiec, Tallet, et Zanone,2010]) et que, par ailleurs, les enfants ont une fréquence de mouvement beaucoup plus faible que les adultes, à savoir : 0.7Hz. contre 2Hz.

Figure 4.6 – Paysage de la fonction potentielle proposée par Danna. Image empruntée à Danna et al. [2011].

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