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PARTIE I : PROBLÉMATISATION DE L’OBJET DE RECHERCHE

Chapitre 2 : Une légitimité contestée et l’essor de l’acceptabilité sociale

IV. La construction de l’acceptabilité sociale

4.4 Dynamique avec les mouvements sociaux et innovation sociale

Pour qu’un projet ou les activités d’une entreprise puissent revêtir une légitimité et prendre en considération différentes sources de connaissances et de production de savoir, issues des acteurs publics, non gouvernementaux, privés et des populations, de plus en plus de sociologues mettent en avant le transfert de connaissances. Sans entrer dans un débat épistémologique sur la notion de transfert de connaissance, la connaissance sera considérée, dans l’optique de cette recherche, comme :

« Une idée ou une représentation organisée de la réalité qui est basée sur l’expérimentation, l’expérience, la science, des faits ou des croyances. Par extension, les produits dérivés de cette représentation comme les pratiques, les techniques, les processus, les logiciels, les outils, les technologies sont traités comme des objets de la connaissance qui peuvent être transférés entre les acteurs dans un système social ». (Roq, Guindon, & Fortier, 1995)

En théorie organisationnelle, le transfert de connaissances, qui comprend la diffusion, le partage et l’adoption de l’innovation, est considéré essentiellement comme un actif dont la fonction est d’augmenter la performance organisationnelle (Ferliea, Crillyb, Jashaparac, & Peckhamd, 2012). En fait, le transfert de connaissances est un catalyseur qui stimule l’innovation (Liyanage, Elhag, & Ballal, 2012). C’est un processus organisé qui peut être décomposé en étapes successives : 1) la création de connaissances par le biais de l’invention et de l’innovation, 2) la transformation et l’adaptation des connaissances à des publics variés ou à différentes situations, 3) la diffusion et la circulation d’informations à travers des réseaux formels et informels de communication ( les réseaux sociaux, les réseaux de chercheurs, les réseaux universitaires, etc.), 4) la réception, 5) l’adoption, et enfin 6) l’utilisation, dans laquelle les nouvelles connaissances ont été intégrées dans la pratique et les méthodes (Roq, Guindon, & Fortier, 1995). Pour faire écho aux travaux de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, le transfert de connaissances peut être conceptualisé de la manière suivante :

Tableau 7 : Concepts utilisés dans le transfert de connaissances

TRANSFERT CONNAISSANCES

Concepts de départ

Mécanismes de diffusion, d’appropriation et d’utilisation des nouvelles connaissances pouvant conduire à l’adoption de nouveaux

comportements individuels et organisationnels.

Concepts de départ

Informations disponibles qui ont un caractère de nouveauté pour les personnes et les organisations à qui elles sont destinées : résultats de recherche, guides de prévention, procédés de fabrication, méthodes de travail, innovations…

Concepts associés

Diffusion, dissémination, communication, adoption, utilisation, valorisation.

Concepts associés

Information, recherche, résultats de recherche, innovation, technologie.

Source : Reproduction (Roq, Guindon & Fortier, 1995)

En lien avec l’objet de recherche qui est la construction de l’acceptabilité sociale à l’échelle internationale pour le secteur agricole, il sera intéressant de faire le parallèle avec le transfert de connaissances dans le secteur privé et les dynamiques sociales. En effet, en tant que processus, le transfert de connaissances a été largement étudié dans le domaine des affaires, afin d’expliquer notamment les dynamiques d’apprentissage (Lubatkin & Lane, 1998), en particulier dans une perspective sectorielle, d’entreprise à entreprise (B2B), même si elle peut être aussi bien appliquée au sein d’une seule même organisation. Le transfert de connaissances dans une relation B2B vise généralement à créer une plus grande valeur économique (Lubatkin & Lane, 1998). Dans cette optique, le concept de « capacité d’absorption » (ACAP) a été développé, entre autres, pour expliquer pourquoi certaines entreprises apprennent et innovent plus que d’autres. Cohen et Levinthal définis l’ACAP comme « la capacité à reconnaître la valeur de nouvelles informations externes, de les assimiler et de les appliquer à des fins commerciales » (Cohen & Levinthal, 1990, p. 128).

Alors que le transfert de connaissances est généralement accepté dans une relation B2B, récemment la notion de transfert intersectoriel de connaissances a émergé. Il a pris place en grande partie dans le cadre de collaborations entre des entreprises à but lucratif et des organisations à but non lucratif (alliances B2N).

Le but de ces alliances est clairement de stimuler l’innovation sociale (Le Ber & Branzei, 2010), où la valeur créée revient principalement comme un bénéfice global pour la société dans son ensemble plutôt que de satisfaire des intérêts particuliers (Phills, Deiglmeier, & Miller, 2008). Ainsi, alors que le transfert de connaissances B2B est une stratégie de profit pour les particuliers ou les entreprises, B2N est une stratégie d’innovation sociale plus proche de la notion de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE) (Jamali & Keshishian, 2009).

Toutefois, l’ACAP ne peut pas être directement appliqué au contexte des alliances B2N (Murphy, Perrot, & Rivera-Santos, 2012). Par conséquent, le concept de « capacité relationnelle pour l’innovation sociale » (RCSI) a été mis de l’avant. Le RCSI met l’emphase tout particulièrement sur « l’importance pour l’identité organisationnelle d’une entreprise de reconnaître la valeur sociale et envisager des innovations sociales ; des relations inter- partenaires et les mécanismes d’intégration sociale pour combler les lacunes dans les connaissances de base et faciliter le transfert de connaissances ; de cocréation et la transformation des schémas cognitifs des partenaires ». (Murphy, Perrot, & Rivera-Santos, 2012, p. 1706). Différents mécanismes de gouvernance sont alors nécessaires pour assurer une dimension sociale comme la participation des parties prenantes (Rivera-Santos & Rufin, 2010).

Par conséquent, les alliances de type B2N et cette recherche de la « capacité relationnelle pour l’innovation sociale » (RCSI) nécessitent des mécanismes de gouvernance différents de celles des alliances B2B, afin d’assurer l’équité et d’autoriser de nouveaux mécanismes à se mettre en place, comme la participation des parties prenantes. (Rivera-Santos & Rufin, 2010).

développement, Jamali et Keshishian soulignent « le rôle et bénéfices potentiels de ce type de partenariat dans la poursuite de la RSEE en particulier à la lumière des besoins et des attentes croissantes ». (Jamali & Keshishian, 2009, p. 292). Ainsi, ces auteurs affirment que pour construire des stratégies de RSEE efficaces, le secteur privé et les organisations à but non lucratif doivent collaborer. Ce partenariat est une opportunité, qui a pour but d’identifier des buts communs, de délimiter les relations, de négocier les attentes des acteurs et de construire des liens reposant sur un engagement et un apprentissage mutuel. (Jamali & Keshishian, 2009) .

Les alliances de type B2N ont été principalement construites dans l’optique de permettre la co-création d’innovations sociales. Il manque seulement un pas pour établir la connexion entre cette innovation sociale et l’acceptabilité sociale. En effet, l’acceptabilité sociale, en tant que construction sociale, dépend de l’efficacité perçue des politiques mises en œuvre pour parvenir à un développement durable (De Groot & Schuitema, 2012), basée sur des normes sociales, qui définissent un comportement environnemental jugé acceptable (Biel & Thogersen, 2007). Celui-ci ne se limite pas à des considérations environnementales, mais constitue un tout qui englobe la protection de l’environnement, le respect des droits de l’homme, ainsi que des objectifs de développement économique et social pour la région ou le pays accueillant le projet.