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PARTIE I : PROBLÉMATISATION DE L’OBJET DE RECHERCHE

Chapitre 3 : Les réponses à la crise de légitimité dans le secteur minier et agricole

III. Les instruments de régulation hybrides pour répondre à une légitimité contestée

3.3 Configuration de la gouvernance des investissements agricoles

Afin de mieux cerner les zones d’intervention et d’influence pour des investissements agricoles internationaux responsables, une schématisation des leviers peut être proposée :

Figure 10 : Les zones d’influence et d’intervention pour des investissements agricoles internationaux responsables

Les leviers pour des investissements responsables dans un projet s’articulent en plusieurs temps. Notons tout d’abord que tout projet repose sur des terres, dont l’appartenance et l’utilisation devraient être discutées préalablement. Au niveau des moyens de pression obligatoires, représentés en rouge sur le schéma, il est possible de constater que :

 Lorsqu’un pays demande un prêt pour un projet, les bailleurs de fonds peuvent influencer sur la prise en compte des PRAI. Également, si le bailleur de fonds est la Banque mondiale, elle pourra aussi mettre de l’avant ses politiques de sauvegarde. Si le bailleur est une banque privée, elle devrait se référer aux Principes de l’Équateur.

 Lorsqu’une entreprise demande un prêt, les bailleurs de fonds peuvent aussi promouvoir les PRAI. Si le bailleur de fonds est la Société financière internationale, ses standards de perfomance s’appliqueront également. Si le bailleur est une banque privée, elle devrait se référer aux Principes de l’Équateur.

 Lorsqu’un gouvernement définit un cadre de régulation plus serré, les entreprises devront s’y conformer, aussi bien concernant les questions foncières, agricoles, alimentaires, les quotas d’exportation, les redevances, et les investissements directs à l’étranger, etc.

Au niveau des moyens de pression non obligatoires mais sur une base volontaire, l’autorégulation de l’industrie, les initiatives de transparence et de traçabilité, influenceront la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Notons que ces « normes volontaires internationales » influencent aussi les gouvernements nationaux et leur cadre de régulation, comme dans le cas de l’ITIE.

Certaines organisations, comme l’OMC et la CPI, pourront servir de recours respectivement pour les gouvernements et les populations. Également, il serait intéressant que

Finalement, les marchés (dont les prescripteurs de développement durable par l’intermédiaire de critères extrafinanciers), l’actionnariat engagé et la consommation responsable pourront continuer de faire pression pour une meilleure légitimité et donc acceptabilité sociale.

IV. Synthèse :

Dans ce chapitre, les éléments communs de la « crise de la légitimité » dans le secteur minier et agricole ont été mis en lumière. Un des enjeux principaux de cette crise aussi bien dans le secteur minier que le secteur agricole est le chevauchement possible des critères externes formels de jugement de cette légitimité. Concrètement, les enjeux environnementaux peuvent entrer rapidement en litige avec le droit des populations. L’enjeu majeur actuel reste la conciliation de ces contraintes, aussi bien dans le secteur minier que dans le secteur agricole.

On pourrait penser que les transactions agricoles internationales sont d’abord permises par des dispositions législatives étatiques et reposent sur l’action préalable des pouvoirs publics, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas, en particulier dans un contexte où les régimes fonciers sont défaillants dans les pays en voie de développement. Même dans les pays développés, le cadre législatif ne prévoyait pas toujours l'acquisition massive de terres par des étrangers. Dans le secteur minier, le cadre réglementaire s’est davantage construit au fur et à mesure des années et des conflits, pourtant la crise de légitimité est loin d’être pleinement répondue par ces cadres réglementaires nationaux, et des initiatives à l’échelle internationale ont pris forme, en particulier l’autorégulation de l’industrie et des initiatives de transparence.

Face à cette crise de la légitimité et aux défaillances du cadre réglementaire et législatif traditionnel, un certain nombre de réflexions se sont mises en place au cours du temps à savoir :

 Le consentement libre, préalable et éclairé (CLPE)

 Le permis social d’opérer, plus spécifique au secteur minier  L’acceptabilité sociale

La différence majeure, qui distingue l’acceptabilité sociale des deux autres notions, se caractérise par son « caractère socialement construit », un processus dynamique continu qui se construit dans le temps, avec la communauté et les entreprises, sans être exclusivement centré sur l’un ou l’autre. (Batellier P. , 2015). Ce mouvement vers la recherche d’acceptabilité sociale conduit à investiguer des modes de régulation le plus adéquats possibles, afin de combler ce vide au niveau social et de gérer des situations potentiellement conflictuelles.

En ce sens, confronté depuis longtemps à des conflits marquants, le secteur minier, est une source d’information pertinente pour comprendre la trajectoire potentielle de l’acceptabilité sociale d’un secteur contesté à l’échelle internationale. Ainsi, il est intéressant de constater qu’aussi bien dans le secteur minier que dans le secteur agricole, en réponse à la précarité de la légitimité des activités reliées à ces deux secteurs, des initiatives de responsabilité sociale multipartites qui sont considérées comme des instruments de régulation hybrides, comme par exemple les initiatives de transparence ou les Principes pour des investissements agricoles responsables.

Adossées à la règlementation, ces initiatives demeurent volontaires et réunissent des acteurs privés et publics. Elles semblent donc être une forme de réponse au niveau sectorielle pour répondre à l’exigence de l’acceptabilité sociale. Dans une certaine mesure, elles peuvent être considérées comme complémentaires à la fois aux défaillances des politiques de RSE du secteur privé, et des lacunes des politiques publiques et du cadre régulateur gouvernemental. Elles semblent de plus s’apparenter au partenariat décrit par Delmas-Marty dans la recherche du bien-commun. Elles semblent aussi être une réponse à « l’acceptabilité sociale, qui émerge dans un contexte marqué par l’ouverture à la démocratie participative en tant que complément à la démocratie représentative ». (Gendron, Yates, & Motulsky, 2016, p. 3). Elle serait donc un élément du reflet d’une « émancipation citoyenne », évoqué par Gendron. (Gendron, Yates, & Motulsky, 2016).

Chapitre 4 : Position épistémologique et cadre théorique