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Chapitre 2. État des connaissances

2.5 Durabilité

2.5.1 Introduction

Suivant la localisation géographique, la période hivernale peut engendrer des désordres plus ou moins intenses sur les ouvrages en béton. Les agents responsables se classent dans deux catégories : les cycles de gel-dégel et l’application de sels fondants.

Le nombre de cycles de gel-dégel a une grande variabilité géographique. Annuellement de 0 à Biarritz, il s’élève jusqu’à 126 au nord du Japon alors que l’Ontario en subit une soixantaine par an. Comme le rappelle Whiting [WHI, 1987], « les bétons suffisamment âgés, lorsqu’ils sont secs, résistent naturellement aux cycles de gel-dégel sans précautions particulières. Les risques de dégradation par le gel n’existent que lorsque le béton est au contact de l’eau, dans un état saturé ou voisin de la saturation ». Les cycles de gel-dégel ont une action qui s’étend à la masse de l’ouvrage. Ils provoquent une légère expansion de l’ensemble qui peut engendrer la fissuration du matériau.[CAR, 1992]

L’application de sels fondants, combinée à l’action des cycles de gel-dégel, conduit assez fréquemment à des désordres qualifiés d’écaillage : des éclats de béton se détachent à partir de la surface, tels des écailles. Il s’agit donc d’effets superficiels.

Les auteurs s’accordent à reconnaître que, de nos jours, l’écaillage en présence de sels fondants cause les désordres les plus fréquents et les plus importants [CAR, 1992]. Cependant, la complexité des mécanismes impliqués, résultant de la combinaison simultanée de causes physiques et chimiques, a pour conséquence un état des connaissances moins avancé en la matière.

2.5.2 Dégradation par les cycles de gel-dégel

2.5.2.1 Gélivité de la pâte

C’est parce qu’elle occupe des espaces aux dimensions très variées que l’eau d’une pâte se présente sous des formes variables, depuis l’eau libre des pores capillaires jusqu’à une eau très énergiquement adsorbée sur les parois des pores des hydrates (C-S-H) et ne mesurant que quelques nanomètres. Cette dernière forme d’eau, fortement structurée, ne peut cristalliser sous forme de glace que si la température ne s’abaisse en-dessous de -78°C : en pratique cette situation n’est jamais rencontrée ; cette eau est donc considérée comme non gelable. Dans un pore de pâte de ciment, l’eau gèle donc à une température qui dépend notamment de la dimension du pore [CAR, 1992].

2.5.2.1.1 Théorie des pressions osmotiques (Powers et Helmuth, [POW, 1949]) :

Ainsi, l’eau gèle en premier dans les gros capillaires. Or, cette eau est en réalité une solution comportant différents ions. Dès lors, au cours du gel, il se produit une séparation en glace et en solution encore liquide, plus concentrée. L’eau des pores voisins, lorsqu’ils sont plus petits (par exemple les pores de C-S-H), n’a pas encore gelé : sa concentration ionique, ayant gardé son niveau initial, est largement inférieure à celle du gros pore. Ceci va créer un afflux d’eau des petits pores vers les plus gros suivant les lois de l’osmose. Ces transferts, s’effectuant par des cheminements déjà saturés, vont créer des pressions qualifiées d’osmotiques. Si ces pressions viennent à surpasser la résistance à la traction de la pâte, elles fissurent cette dernière. Selon les auteurs, le rôle des bulles est d’entrer en compétition avec les pores où la glace s’est formée, car il apparait aussi un peu de glace à la paroi des bulles. Si les bulles sont bien rapprochées, elles offrent une bonne protection contre le gel, car elles peuvent accueillir l’eau qui arrive sans qu’il ne se crée de contraintes trop importantes.

2.5.2.1.2 Analyse thermodynamique (Litvan [LIT, 1980]):

On peut schématiquement retenir que la formation de glace, sans qu’il ne se forme nécessairement de glace dans les capillaires, crée un déséquilibre thermodynamique (gradients de pression, température, etc.) qui pousse l’eau des capillaires vers les interfaces pâte-air (bulles d’air). Ce mouvement engendre des tensions qui sont d’autant plus fortes que le trajet à parcourir est long et que la vitesse de refroidissement est élevée.

2.5.2.1.3 Air entrainé

Il semble bien établi que pour les bétons courants d’ouvrages ordinaires, une condition nécessaire de durabilité en conditions d’exposition au gel avec possibilité de présence de sels en solution est qu’ils renferment de l’air entrainé. Les courbes de la figure 2-9 illustrent bien ce constat.

Figure 2-9: Influence du réseau de bulles d’air sur la durabilité des bétons soumis à des cycles de gel-dégel, d'après Marchand et coll., 1996 [MAR, 1996]

Le facteur de durabilité est ici le rapport entre les modules d’élasticité dynamique résiduel (à 300 cycles) et initial.

2.5.2.1.3.1 Paramètres caractérisant un réseau d’air entrainé [CAR, 1992]

Pour assurer la résistance du béton au gel, il ne suffit pas que le béton contienne de l’air entrainé, il faut également que le réseau de bulles d’air soit bien réparti. Un tel réseau est défini par trois paramètres :

 La surface volumique, α, exprimée en mm-1, qui indique la surface spécifique des bulles d’air.

 Le volume d’air, V, généralement exprimé en pourcentage du volume du béton.

 Le facteur d’espacement des bulles d’air , qui correspond approximativement à la demi-distance séparant les parois de deux bulles voisines du réseau supposé régulier.

Le volume d’air entrainé est un moyen simple de contrôle du béton frais. Le dosage généralement visé varie typiquement entre 5 et 8 %. Cependant, il définit une condition nécessaire, mais pas toujours suffisante pour une bonne durabilité, suivant la répartition spatiale du réseau de bulles d’air.

Contrairement à certaines idées reçues, le paramètre essentiel garantissant l’efficacité de la protection contre la fissuration interne par un réseau de bulles d’air entrainé n’est en effet pas le volume d’air entrainé, mais bien le facteur d’espacement , qui doit être inférieur à une valeur critique dépendant du béton et de l’environnement.

2.5.2.1.3.2 Processus de production d’un réseau de bulles d’air entrainé [CAR, 1992] C’est le processus de malaxage qui entraine les bulles d’air dans le béton. L’utilisation d’un adjuvant « entraineur d’air » (AEA) a pour résultat pratique la création de bulles d’air plus petites et plus stables. En effet, il abaisse la tension superficielle aux interfaces air/eau. Dès lors, pour une énergie de malaxage donnée, il permet de créer des interfaces plus étendues, soit des bulles de plus petites dimensions. La stabilité vient du chargement électrique des molécules de l’AEA.

2.5.2.2 Gélivité des granulats 2.5.2.2.1 Paramètres intrinsèques

La porosité et la perméabilité sont les caractéristiques essentielles qui créent le caractère gélif d’une roche. Cependant, pour l’étude d’un béton, il convient de prendre en considération un paramètre supplémentaire : la dimension du granulat. En effet, si un granulat, poreux même légèrement, gèle dans un béton alors qu’il est saturé, il apparait des pressions hydrauliques qui peuvent le fissurer. À une vitesse de refroidissement donnée, pour une perméabilité du granulat donnée, il correspond un trajet maximal que l’eau peut parcourir sans que les pressions hydrauliques engendrées n’excèdent la résistance à la traction du granulat : cela définit la dimension critique du granulat. Le diamètre critique est directement déterminé par la perméabilité et le degré de saturation de la roche.

Il est important de noter que l’indice de saturation du granulat peut influer sur le caractère gélif d’une roche, comme le montre la figure 2-10 :

Figure 2-10: Influence de l'indice de saturation (I) sur la déformation d'une roche poreuse au cours de son refroidissement [TOU, 1982]

On constate qu’une même roche peut être plus ou moins gélive selon son état de saturation.

Le gel des granulats dans un béton se manifeste plus fréquemment à la surface du béton: il se traduit par des éclatements locaux et par la formation de petits cratères («popouts» en anglais), tels qu’illustrés sur le schéma de la figure 2-11. La présence de granulats gélifs peut aussi occasionner de la fissuration dans la masse des bétons.

Figure 2-11: Schémas représentant les dégradations liées à la gélivité d'un granulat [CAR, 1992]

2.5.2.2.2 Influence du volume poreux

Le volume poreux conditionne la quantité maximale d’eau que peut emmagasiner un granulat et la vitesse à laquelle il peut l’absorber ou la restituer dépend essentiellement de la dimension des pores (lois de la capillarité et de la perméabilité). Pour comprendre la gélivité du béton, on ne saurait supposer qu’il y a simplement additivité des gélivités propres à la pâte de ciment d’une part et aux granulats d’autre part. En effet les interactions entre ces deux phases peuvent être élevées. Par exemple, un granulat à fortes perméabilité et porosité est susceptible d’expulser facilement de l’eau absorbée. En conséquence, la pâte sera alors envahie d’un grand volume d’eau. Or, cette quantité d’eau ne peut se déplacer que de faibles distances dans la pâte avant de générer des tensions néfastes. [CAR, 1992]

2.5.3 Dégradation par écaillage en présence de sels fondants.

L’analyse des facteurs responsables de l’accroissement des dégradations en présence de sels fondants peut être effectuée selon une démarche inspirée par Rosli et Harnilk [ROS, 1980], qui repose sur deux aspects majeurs:

 les sels fondants sont au contact immédiat des couches externes du béton qui ont une structure différente de celle du cœur du béton ;

 le contact des sels fondants modifie préférentiellement les propriétés de cette peau de béton.

2.5.3.1 Différences structurales entre peau et cœur du béton

Cette peau, d’une épaisseur de 2 à 3 cm, est engendrée par plusieurs causes liées à la mise en place et à la cure du béton : effet de coffrage, ségrégation, ressuage, évaporation et fissuration. Il en résulte l’apparition de gradients dans les principales propriétés du béton lorsque l’on se déplace de la surface au cœur. Notamment, la peau ainsi constituée est plus poreuse, et donc plus facilement accessible à l’eau. Les cycles de mouillage/séchage ne font ensuite qu’exacerber cette caractéristique.

2.5.3.2 Composantes de l’action des sels fondants 2.5.3.2.1 Choc thermique

L’application du sel sur une surface déjà glacée provoque une fusion brutale de la glace. C’est une réaction endothermique qui va puiser sa chaleur dans le matériau en contact, soit la peau du béton. Dès lors, celle-ci va se refroidir brutalement, donnant lieu à un gradient thermique dans le béton et à l’apparition de contraintes internes telles qu’illustrées dans les schémas de la figure 2-12.

Figure 2-12: Schémas représentants la distribution des contraintes internes découlant de l’action de sel fondant [ROS, 1980]

Des contraintes de traction atteignant 1,4 MPa peuvent se développer en surface et sont susceptibles de créer des fissures.

2.5.3.2.2 Action des sels fondants par eux-mêmes

De nombreuses études ont été faites sur ce sujet, notamment par Verbeck et Klieger [VER, 1957], dont voici les principales conclusions :

 tous les produits, minéraux ou organiques, employés comme fondants produisent un écaillage ; ainsi, on peut conclure qu’il s’agit d’une action physique et non chimique ;

 les désordres ne sont pas proportionnels aux concentrations salines, mais suivent une courbe en cloche ; les concentrations les plus délétères varient entre 2 et 4 % ;

 l’introduction d’air entrainé réduit le taux d’écaillage, mais ne l’annule pas systématiquement.

2.5.3.2.3 Degré de saturation [CAR, 1992]

Les sels fondants vont provoquer la fonte de la neige ou de la glace sur la surface concernée. Cette fonte maintient la peau du béton en état de saturation, renforcée par le caractère hygroscopique des sels.

2.5.4 Essais et normes associées

Plusieurs normes permettent de contrôler la fabrication des bétons et de réduire au maximum les dégradations provoquées par l’action des cycles de gel-dégel et des sels fondants. Les normes sont généralement rattachées au pays dans lesquelles elles sont appliquées. Cependant, que ce soit au Canada, en France ou aux États-Unis, les tests sont similaires sur de nombreux points.

2.5.4.1 Granulats

Plusieurs essais existent pour caractériser la gélivité des granulats. L’essai de gel- dégel non confiné (CSA A23.2-24A) vise à déterminer la résistance à la désintégration de gros granulats, après une succession de cycles de gel-dégel dans une solution de chlorure de sodium. Plus facile à mettre en place, plus précis, cet essai a remplacé l’essai au MgSO4 comme test de référence pour déterminer la résistance au gel-dégel de gros granulats au Québec [BLA, 2004].

2.5.4.1.1 Résistance au choc (Essai Los Angeles)

Le test Los Angeles (figure 2-13), régi par les normes CSA A23.2-17A ou ASTM C131-06, est une mesure de la dégradation de granulats minéraux par la combinaison de plusieurs actions : l’abrasion ou l’érosion, le choc, et le broyage dans un four rotatif en acier contenant des sphères d’acier. La gélivité du granulat s’évalue en comparant au coefficient de Los Angeles du granulat le même coefficient mesuré sur un échantillon ayant subi préalablement 25 cycles de gel-dégel.

Figure 2-13: Principe [ADM, 2010] et appareil [SOL, 2010] de l’essai Los Angeles

2.5.4.1.2 Résistance à l’érosion (Essai Micro-Deval)

L’essai de résistance à l’érosion Micro-Deval (figure 2-14), réglementé par les normes CSA A23.2-29A ou ASTM C670-03, mesure la résistance à l’abrasion et la durabilité de granulats minéraux par la combinaison de plusieurs actions : l’érosion et le broyage avec des billes d’aciers en présence d’eau. La gélivité du granulat s’évalue en comparant au coefficient de Micro Deval du granulat le même coefficient mesuré sur un échantillon ayant subi préalablement 25 cycles de gel-dégel.

2.5.4.2 Béton 2.5.4.2.1 Gel-dégel

La norme ASTM C666/C666M décrit les différentes étapes du test de la résistance d’un béton à des cycles rapides de gel-dégel. Deux procédures différentes existent. Dans la procédure A, le gel et le dégel sont effectués dans l’eau. Dans la procédure B, le gel s’effectue dans l’air et le dégel dans l’eau. Ces deux procédures permettent de déterminer l’évolution des propriétés du béton exposé à des cycles de gel-dégel rapides. Si elles fournissent un indice comparatif de la durabilité au gel d’un béton, elles ne donnent pas une information précise sur la durée de vie en service de ce même béton.

2.5.4.2.2 Écaillage

La norme ASTM C672/C672M décrit les différentes étapes du test de la résistance à l’écaillage de la surface d’un béton, exposé à des cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage de la surface est évaluée par une observation visuelle qualitative.

Ces deux essais soumettent les échantillons de béton à des conditions très sévères. Leurs résultats seront essentiellement interprétés dans la comparaison des comportements en laboratoire des échantillons de bétons ordinaires avec ceux en béton légers.

2.5.5 Durabilité des bétons légers

2.5.5.1 Norme ASTM C330

La norme ASTM C330 présente des spécifications liées à l’utilisation des granulats légers dans des bétons structuraux pour plusieurs tests, dont le test de gel-dégel.

Les modifications par rapport à la norme C666/C666M concernent uniquement la cure réalisée avant le début de l’essai, comme le montre le tableau 2-2:

Tableau 2-2 : Modifications des conditions de cure des éprouvettes destinées aux essais de gel-dégel pour les bétons à granulats légers

Normes Granulats Cure

Début de l’essai

ASTM C666 Normaux 14 jours de cure humide

ASTM C330 Légers 14 jours de cure humide 14 jours de séchage à l’air 23°C, 50 %HR 1 jour plongé dans l’eau

2.5.5.2 Résultats de travaux préalables.

Les premières études sur la résistance aux agressions hivernales des bétons légers ont été entreprises par Klieger et Hanson [KLI, 1961]. Ils ont étudié 10 différents types de bétons légers. Pour chaque type, des bétons à faible et haute résistance en compression, avec des granulats secs ou humides, avec ou sans air entrainé, ont été testés. Les anciennes procédures ASTM C666, pour les cycles rapides de gel-dégel dans l’eau (Procédure A), et ASTM C672, pour l’écaillage, ont été conduites. Globalement, les résultats montrent que les bétons avec air entrainé sont très durables, même avec des granulats ayant une forte teneur en eau. De plus, certains bétons légers sans air entrainé ont également montré des bonnes résistances. Ceci montre que la nature des granulats légers peut avoir une influence décisive sur les performances des bétons. Concernant la résistance à l’écaillage, uniquement des bétons avec air entrainé ont été étudiés. Les résultats témoignent d’une très bonne durabilité.

En 1991, Whiting et Burg ont étudié la durabilité au niveau de la fissuration interne de plusieurs mélanges de bétons légers, dont certains de haute performance. Tous les bétons ont été fabriqués avec de l’air entrainé et la procédure A de la norme ASTM C666 a été suivie. Une grande proportion des bétons a présenté de bons résultats. [WHI, 1991]

À la lumière de ces deux études et de plusieurs autres résultats, il apparait clairement possible de réaliser un béton durable avec des granulats légers.

Cependant, il existe une très grande diversité de granulats légers. Que ce soit la taille (petit ou gros granulat), la proportion dans le mélange, la porosité, l’absorption, la teneur en eau au moment de gâcher, tous ces paramètres singularisent les bétons légers.

En 1995, Jacobsen a étudié l’influence du degré de saturation des granulats légers sur la durabilité d’un béton. Les éprouvettes fabriquées avec des granulats légers ayant une teneur en eau de 30 % (% masse), n’ont pas dépassé 35 cycles de la procédure A de la norme ASTM C666. Or, avec des granulats légers ayant une teneur en eau autour de 7 % (% masse), les éprouvettes ont satisfait aux exigences. [JAC, 1995]

Pour éviter tout problème de résistance au gel-dégel, la cure doit être également appropriée. En 2004, Holm présentait les résultats d’une étude réalisée sur des bétons fabriqués avec des granulats légers ayant une teneur en eau de 24 %. Ses conclusions expriment la nécessité d’une période de séchage avant le début de l’essai de gel-dégel (ASTM C666, procédure A) pour obtenir des résultats satisfaisants. [HOL, 2004]

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