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Dualité ou polarisation du travail féminin

Annotations sur les inégalités de genre dans le marché du travail

1. Le travail des femmes au Brésil: quelles directions suit-il ? En analysant le travail féminin dans son évolution, on voit dominer

2.1 Dualité ou polarisation du travail féminin

On a appelé dualisation ou bipolarisation de l'emploi féminin (Kergoat, 1998) le processus de segmentation des emplois, occupés par les femmes, qui a été identifié dans les années 1980 et 1990. D'un côté on voit croître le nombre de femmes exerçant des professions qualifiées dans la médecine, l'ingénierie, sur des postes de direction ou comme avocates, tandis que de l'autre, le groupe des femmes ayant une faible qualification, ou pas de qualification, reste stable, ou est en augmentation; elles se consacrent àdes activités non valorisées, en général sans contrat ni protection légale. Si dans

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les autres pays d'Amérique latine comme au Brésil, des femmes en situation précaire sont au service de femmes, de familles de la classe moyenne urbaine, dans l'Europe des années 1980-1990, ce type d'activité a pris de l'importance aussi avec l'augmentation des migrantes en provenance de l'Europe de l'Est.

Kergoat et Hirata (2008) analysent ce phénomène sous l'angle de la division sexuelle du travail en mettant en évidence la réorganisation simultanée du travail rémunéré et du travail domestique: les femmes qui ont des professions qualifiées «externalisent» le travail domestique en le déléguant aux femmes les plus pauvres et les plus vulnérables, ces migrantes de l'hémisphère nord et sud ou àun certain nombre d'hommes, surtout des jeunes. L'externalisation du travail domestique conduit en même temps à atténuer les tensions à l'intérieur du couple, à accentuer la segmentation interne au groupe des femmes etàaugmenter le flux migratoire féminin des pays de l'Europe de l'Est et d'Afrique vers l'Europe, et des régions rurales vers les zones urbaines dans l'hémisphère sud.

Cunha et Fuentes (s.d.) de leur côté voient dans les «réseaux globaux de service» la concrétisation de la «mondialisation de la maternité» et repèrent la façon dont ces réseaux opèrentàdivers niveaux. Par exemple, la fille la plus âgée d'une famille pauvre prend soin de ses frères et sœurs tandis que la mère travaille en s'occupant des enfants d'une femme qui a migré à l'intérieur ou à l'extérieur du pays pour, elle aussi, prendre en charge les enfants d'une famille dans un pays riche ou dans une ville mondialisée, située dans l'hémisphère Sud ou dans le Nord, dans son propre pays ouàl'étranger. La mère de l'enfant qui vit dans le pays ou la région la plus développée, en bout de chaîne, achète les services domestiques de la femme migrante. Ainsi libérée des tâches de la reproduction sociale, elle peut consacrer plus de temps à sa carrière professionnelle. La femme migrante, au contraire, se trouve loin de sa famille et de ses enfants, qu'elle ne revoit qu'une ou deux fois par an, ce qui a des impacts négatifs sur l'éducation et la formation de ses enfants. Dans l'interprétation que ces auteures en font, les chaînes transnationales, nous dirions aussi, transrégionales, de services, qui incluent les tâches domestiques et l'aideàla personne, cherchentàminimiser le coût de reproduction de la main d'œuvre à travers un processus d'appropriation et d'accumulation non seulement du capital mais aussi du travail d'autrui pour la réalisation des tâches reproductives et du travail de soin.

Les pays de l'hémisphère sud, et particulièrement le Brésil, font aussi l'expérience de la bipolarisation du travail féminin, visible, d'un côté, dans le nombre croissant de femmes qualifiées occupant un large éventail de professions de niveau universitaire et de l'autre dans le maintien de près d'un tiers de femmes dans des activités précaires, comme l'emploi domestique, la production pour la consommation personnelle et le travail

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non rémunéré. Pas moins de six millions de Brésiliennes ont un emploi domestique configurant un réseau national de services aux familles.

2.2 Revenus du travail

En ce qui concerne les revenus du travail, une tendance amorcée dans les années 1980 va se consolider dans les années 1990: la disparité entre le salaire des hommes et des femmes diminue. Autrement dit, les femmes continuent à gagner moins que les hommes, indépendamment du secteur d'activité, de la durée de lajoumée de travail, du nombre d'années d'études, de leur position dans l'emploi ou de leur relation de travail, mais la différence entre leur salaire et celui des hommes a diminué (Buschini et Lombardi, 2003; Guimaràes, 2001). Cette tendance à la baisse de la différence de revenus entre les sexes a persisté, atteignant le plus faible niveau en 2007, année où le revenu moyen réel perçu par toutes les femmes correspondaità66,1 %du salaire moyen masculin (IBGE, 2008)6.

2.3 Travail domestique et permanence de la responsabilité des femmes

Au cours de ces quarante dernières années, les femmes n'ont pas cessé d'assumer principalement les tâches domestiques et la prise en charge des enfants et de la famille, ce qui a une incidence sur les opportunités d'emploi et le déroulement de leur carrière professionnelle. La PNAD de 2007 a montré que les femmes au Brésil de 10 ans et plus investissaient dans ces tâches en moyenne 25,6 heures par semaine et les hommes 10,3 heures seulement (FCC, 1998).

Dedecca (2008) a analysé le temps de travail en le décomposant en deux parties, une relative à la reproduction sociale et l'autre à la production économique. Selon lui, les femmes consacrent plus de temps à la reproduction sociale à laquelle est associé un temps de travail de durée variable. Autrement dit, plus une femme investit dans la production économique, et plus long sera son temps de travail global même si la part du temps dédié à la reproduction sociale tend alors àdiminuer légèrement. En outre, la flexibilité du temps consacré à la production économique a un impact sur la partie du temps destinée à la reproduction sociale: plus grande est la flexibilité, plus forte est la précarité. Le même auteur conclut alors que

«le degré de précarité de la régulation sociale du travail tendàs'aggraver avec la pression exercée sur le travail de reproduction sociale» (Dedecca, 2008, p 294). Ce scénario concerne avant tout les 12 millions de femmes ayant des positions précaires sur le marché du travail, comme nous l'avons dit plus haut.

6En 2004, les femmes gagnaient 63,5 % du revenu moyen masculin.

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3. Travail des femmes et accentuation des fragilités en temps