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PARTIE I : PRESENTATION DE LA RECHERCHE

I- 5-1- Du communautarisme au monopartisme et au multipartisme

D’entrée de jeu, parler de monopartisme au Gabon revient d’abord à en parler d’une manière plus large, c’est-à-dire au niveau de l’Afrique. Mais il convient d’abord d’apporter une définition au vocable de « Monopartisme » : « étymologiquement, le Monopartisme du grec “monos” et du Latin

« pars », ainsi le monopartisme correspondrait donc à la situation d’un État où un seul parti exerce le pouvoir effectif sans qu’il y ait de possibilité d’alternance politique » (A. Kashamura, 1971 : 77).

Plus simplement et de manière moins hermétique, le monopartisme pourrait être définie comme « un

système organisé autour d’un seul parti »(A.B. Emile, 1982 :107). Dans cette optique, quelle lecture peut-on faire autour de ce vocable au niveau tout d’abord du continent africain et plus particulièrement du Gabon. Ainsi il convient de dire qu’en Afrique et mieux en Afrique centrale, ces Etats au soir des années 1960, s’inscrivent dans un climat post- colonial. Ce dernier n’est pas anodin, il met en lumière tout le caractère pyramidal autour duquel est organisé toute la vie politico-administrative des états africains. En effet, « l’Etat colonial était un Etat exécutif dans lequel les

pouvoirs étaient fortement concentrés entre les mains du Gouverneur » (A.B. Emile, op.cit.). Ici nous

avons un système ou une organisation qui met en relief une unicité autour de laquelle se construit toute une pluralité.

En Afrique, avant l’arrivée des occidentaux, la société était organisée de telle manière que tous les membres d’une famille, ou d’une communauté faisaient partie intégrante à part entière dans une structure complexe ; en effet, tous les membres étaient liés aussi bien juridiquement que socialement. « Les liens de parenté, les rapports économiques, religieux et politiques constituaient

un tout comme c’est encore le cas aujourd’hui » (A.B. Emile, idem). À la lumière de cet héritage, on

imagine bien que les indépendances ne pouvaient pas tout balayer du revers de main à cause des habitudes et des manières de faire qui étaient jadis encrées dans le quotidien des africains voire dans leur culture : « Les Etats africains reçurent en héritage des structures administratives centralisées et

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va nécessiter beaucoup de travail et d’efforts pour nos pays africains. Ces Etats ont des modes de gestion qui favorisent certes des concertations entre le chef et son peuple, mais celui qui dirige ou le chef est presque totalement détenteur de tous les pouvoirs. Le chef dirige et organise toute la vie sociétale et sociale de son peuple ; dans un tel régime, les contestations, les protestations et autres contre-pouvoirs ne sont pas les bienvenus, et font souvent l’objet de sévères sanctions pouvant parfois conduire à des exclusions, et même à la mort. C'est ainsi que dans la période qui a suivi les indépendances, il parut nécessaire de remodeler les constitutions africaines : les colonies anglaises par exemple ont basé leur constitution sur un modèle particulier appelé « le modèle de Westminster » (idem : 101), qui avait été établi lors des conférences de Lancaster House, tandis que les colonies françaises, quant à elles, s’inspiraient de la constitution française de 1958, à l’exception toutefois de la République de la Guinée. Sous l’influence du chef d'Etat français le Général de Gaulle, l'Afrique francophone allait se voir dotée d’une nouvelle forme de gouvernance appelée « présidentialisme ». Cette nouvelle doctrine se décline comme étant le fait que le président de la République serait « à la

fois chef de l’Etat et chef du gouvernement, acquérait un pouvoir exceptionnel reposant sur un parti politique dominant dont il est également le chef. Cela entraîna l’adoption d’appareils monopartites dès la cinquième ou la sixième année après la proclamation de l’indépendance : en 1966, toutes les anciennes colonies françaises avaient opté pour ce régime. » (A.B. Emile, ibidem). Il est vrai que ces

anciennes colonies françaises n’étaient pas les seules à épouser ce mode de gouvernance : certes elles étaient majoritaires, mais on dénombre aussi quelques Etats britanniques comme par exemple le Ghana. Suite à tout ce qui précède, l’avènement du monopartisme a certes émaillé le paysage africain d’une manière générale. Mais qu’en est-il en particulier du Gabon ? Comment s’est-il construit et quel a été ses avantages et ses inconvénients ?

Concernant le Gabon, l’acte de naissance du monopartisme se concrétise d’une manière officiellepar le décret du président Omar Bongo relatif à l’abolition du multipartisme et la création du parti unique (PDG : Parti Démocratique Gabonais) le 12 Mars 1968.

Il n'est certainement pas moins important de rappeler le contexte dans lequel naquît ce monopartisme gabonais, en restituant à l’histoire sa vérité et en procédant à une rétrospective. Au moment de l’indépendance gabonaise le 17 Août 1960 coexistent deux grands partis politiques ; d’une part le Bloc Démocratique Gabonais (BDG), présidé par Léon Mba et l’Union Démocratique et Sociale Gabonaise (UDSG) dirigée quant à lui par Jean Hilaire Aubame. À la suite d’une élection postindépendance organisée dans le cadre d’un régime parlementaire. Plus tard, le BDG sera élu, grâce au support des trois des quatre députés indépendants, ce qui fera de Léon Mba le premier ministre du jeune Etat gabonais. Puis sous le nouveau régime présidentiel, les deux partis décidèrent de présenter une liste commune, ce qui permit à Léon Mba de devenir premier président gabonais en

1961, et son ancien rival Jean Hilaire Aubame devint le ministre des affaires étrangères. Cette organisation pluripartite est de rigueur jusqu’en 1963, date à laquelle les membres de l’UDSG présenteront leur démission du gouvernement suite à une cohabitation difficile avec les membres du BDG. Après deux malheureux événements à savoir le coup d’état présidentiel le 18 février 1964, et le décès du président Léon Mba en France suite à une longue maladie en 1967, ce qui conduira Albert Bernard Bongo à la présidence de la République la même année, après une révision de la constitution en 1966, qui désignait le vice-président comme le successeur du président. Comme nous l’avons dit plus haut, en 1968, le nouveau président instaura le parti unique en abolissant le régime multipartite. Au soir du monopartisme, les années 90 ouvrent une ère nouvelle par l’avènement de la démocratie multipartiste symbolisée par deux actes fondateurs : D’une part le 27 Mars 1990, qui ouvre une conférence nationale et marque le début de la transition démocratique ; et d’autre part l’adoption d’une nouvelle constitution le 26 Mars 1991, qui met fin au parti unique. À l’aube de la reconduction de la démocratie multipartite, le Gabon compte à peu près 40 partis politiques et associations à connotation politique.

Une pluralité de partis politiques s’est formée autour du PDG pour constituer le bloc de la majorité présidentielle du Gabon. Il est devenu le parti-état, d’où sont issues les principales forces vives de la nation, et ce depuis près d'un demi-siècle. En effet le PDG est le parti autour duquel s’organise quasiment toute la vie non seulement socialement, mais davantage politiquement. Si le Gabon se veut être un pays démocratique dans lequel on assiste à une diversité de partis politiques, il n’en demeure pas moins que l’aspect sociolinguistique est important dans l’organisation du pays. Nous avons vu plus haut que le Gabon regorgeait plus d’une cinquantaine de langues et d’ethnies reparties géographiquement sur tout le territoire national. Ainsi certaines langues sont très représentatives par rapport à d’autres qui le sont de moins en moins. À l’exemple des Fang, considérés comme l’ethnie majoritaire, occupent en totalité le nord du pays (le woleu Ntem), mais sont aussi présents dans trois autres provinces : L’estuaire ; le Moyen Ogooué et l’Ogooué Maritime où ils sont minoritaires. Ces différentes ethnies sont presque toutes représentées dans les différentes instances de décisions : c’est la géopolitique gabonaise. Cette dernière constitue la pierre angulaire ou l’épicentre de la vie politique gabonaise. Mais qu’est-ce que la géopolitique ? Quels sont ses avantages et ses inconvénients au Gabon ?

Il est important de mesurer les conséquences culturelles pour les populations de l’évolution historique de la région : il existait une situation originelle où de nombreuses ethnies vivaient chacune dans sa région, sa langue, ses coutumes ; cet état des choses a été une première fois perturbé par la colonisation, avec pour conséquence l’emprise d’une puissance étrangère imposant non seulement sa

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langue, mais aussi un peu de sa culture, et surtout remodelant la géographie locale par constitution d’un État regroupant de façon plus ou moins arbitraire des ethnies dont l’étendue territoriale réelle n’était plus nécessairement respectée ; puis cet état nouvellement formé et rendu à des pouvoirs politiques locaux a connu une seconde perturbation, interne cette fois, par le passage d’un multipartisme qui accordait aux différentes ethnies un certain pouvoir d’intervention dans la politique locale, à un monopartisme qui faisait ombre complètement aux disparités ethniques d’origine. Cette uniformisation politique a donc eu pour effet de gommer plus ou moins les disparités culturelles, coutumières et linguistiques, jusqu’à tendre à les faire disparaître. Toutes ces évolutions ne sont pas sans conséquences sur le sentiment identitaire, sur la hiérarchie des langues coexistantes sur le même territoire, où la prégnance du français ne peut que se renforcer, parallèlement à la disparition progressive des langues ethniques, où ce français gabonais lui-même pourrait se modifier, avec la disparition progressive des formes ethniques qu’il véhicule encore.

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