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LE DROIT AU SEIN DE L’OIT : RECONNAISSANCE AVANT-GARDISTE DES PROBLÈMES EN AGRICULTURE

DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION INTERNATIONALE DU DROIT À LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET À LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DES

A. LE DROIT AU SEIN DE L’OIT : RECONNAISSANCE AVANT-GARDISTE DES PROBLÈMES EN AGRICULTURE

La protection de la liberté d’association est un enjeu central des travaux de l’OIT. Le principe est présent depuis les débuts dans la Constitution de l’organisation629 et il s’agit

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Constitution de l’OIT de 1919, supra note 37. La Constitution de l’OIT de 1919 découle de la Partie XIII du Traité de Versailles, signé par les Puissances alliées et l’Allemagne, 28 juin 1919, qui met officiellement fin à la Première Guerre mondiale et crée la Société des Nations et l’OIT. L’OIT découle donc d’une volonté générale de garantir et maintenir la paix mondiale, comme le spécifie l’introduction de la partie XIII du Traité

de Versailles : « Attendu que la Société des Nations a pour but d’établir la paix universelle, et qu’une telle

paix ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ; Attendu qu’il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger […] Attendu que la non adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ». Le préambule de la

Constitution de l’OIT établit donc le lien entre paix et justice sociale et met en garde contre les conséquences

du nivellement par le bas en matière de droits du travail. Ensuite, l’article 427 du Traité de Versailles prévoit les principes généraux devant guider les travaux de l’OIT, parmi lesquels se trouve la liberté d’association :

« Les hautes parties contractantes, reconnaissant que le bien-être physique, moral et intellectuel des travailleurs salariés est d'une importance essentielle au point de vue international, ont établi pour parvenir à ce but élevé, l'organisme permanent prévu à la section I […].

Elles reconnaissent que les différences de climat, de moeurs et d'usages, d'opportunité économique et de tradition industrielle rendent difficile à atteindre, d'une manière immédiate, l'uniformité absolue dans les conditions du travail. Mais, persuadées qu'elles sont que le travail ne doit pas être considéré simplement comme un article de commerce, elles pensent qu'il y a des méthodes et des principes pour la réglementation des conditions du travail que toutes les communautés industrielles devraient s'efforcer d'appliquer, autant que les circonstances spéciales dans lesquelles elles pourraient se trouver, le permettraient.

Parmi ces méthodes et principes, les suivants paraissent aux hautes parties contractantes être d'une importance particulière et urgente :

1. Le principe dirigeant ci-dessus énonce que le travail ne doit pas être considéré simplement comme une marchandise ou un article de commerce.

2. Le droit d'association en vue de tous objets non contraires aux lois, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs. [nos soulignés]

3. Le payement aux travailleurs d'un salaire leur assurant un niveau de vie convenable tel qu'on le comprend dans leur temps et dans leur pays.

4. L'adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où il n'a pas encore été obtenu.

5. L'adoption d'un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures au minimum, qui devrait comprendre le dimanche toutes les fois que ce sera possible.

6. La suppression du travail des enfants et l'obligation d'apporter au travail des jeunes gens des deux sexes les limitations nécessaires pour leur permettre de continuer leur éducation et d'assurer leur développement physique.

7. Le principe du salaire égal, sans distinction de sexe, pour un travail de valeur égale. 8. Les règles édictées dans chaque pays au sujet des conditions du travail devront assurer un traitement économique équitable à tous les travailleurs résidant légalement dans le pays. 9. Chaque État devra organiser un service d'inspection, qui comprendra des femmes, afin d'assurer l'application des lois et règlements pour la protection des travailleurs.

d’un des quatre principes fondamentaux de la Déclaration de 1998 de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (ci-après « Déclaration de 1998 »)630. Toutefois, de manière générale, et plus particulièrement pour les travailleurs agricoles, la protection de la liberté d’association a évolué différemment pendant la période d’après- guerre qu’à ses débuts suite à la Première Guerre mondiale.

i. Aux origines : rejet des arguments protectionnistes par l’adoption de la

Convention (n°11) sur le droit d’association (agriculture) 1921

La nécessité de protéger le travailleur agricole s’est manifestée très tôt dans les travaux de la CIT. À sa troisième session en 1921, elle adoptait trois conventions spécifiques au secteur agricole dont la Convention (n° 11) sur le droit d’association (agriculture) (Convention n° 11)631. Toutefois le processus d’adoption de ces conventions a soulevé de nombreuses oppositions.

La France a en effet dès le début remis en question la compétence de l’OIT en matière d’agriculture, insistant sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une industrie à proprement parler. Comme nous l’avons déjà constaté, l’agriculture était encore considérée, au début du 20e siècle, comme une activité humaine « noble » et antinomique à l’insensibilité de l’industrie. Après que diverses questions concernant l’agriculture aient été inscrites à l’ordre du jour de la troisième session de la CIT632, la France, suivant les procédures prévues à l’article 402

Sans proclamer que ces principes et ces méthodes sont ou complets, ou définitifs, les hautes parties contractantes sont d'avis qu'ils sont propres à guider la politique de la Société des Nations et que, s'ils sont adoptés par les communautés industrielles qui sont membres de la Société des Nations, et s'ils sont maintenus intacts dans la pratique par un corps approprié d'inspecteurs, ils répandront des bienfaits permanents sur les salariés du monde ».

L’article 427 n’est pas reproduit dans la Constitution de l’OIT, ayant plutôt été remplacé dans son contenu par la Déclaration de Philadelphie de 1944, supra note 37.

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Déclaration de 1998, supra note 7. Les principes et droits fondamentaux au travail sont au nombre de quatre : la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Les droits et principes fondamentaux correspondent à huit conventions fondamentales : la Convention n°87, supra note 38, la Convention n°98, supra note 39, la

Convention (n°29) sur le travail forcé (1930), la Convention (n°105) sur l’abolition du travail forcé (1957), la Convention (n°138) sur l’âge minimum (1973), la Convention (n°182) sur les pires formes de travail des enfants (1999), la Convention (n°100) sur l’égalité de rémunération (1951) et la Convention (n°111) concernant la discrimination (emploi et profession) (1958).

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Convention n°11, supra note 40, 122 ratifications (en date d’octobre 2011). Les deux autres conventions adoptées lors de la 3e session de la CIT sont la Convention (n°10) sur l’âge minimum (agriculture) (1921) et la Convention (n°12) sur la réparation des accidents du travail (agriculture) (1921). Il existe de nombreuses autres conventions spécifiques à l’agriculture ; pour la liste de ces conventions, se référer à l’Annexe I.

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Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 14. Ces questions touchent à la réglementation des heures de travail, la protection des femmes et des enfants, l’enseignement technique agricole, la garantie des droits d’association et de coalition, la protection contre les accidents, la maladie, l’invalidité et la vieillesse.

du Traité de Versailles633, a déposé un mémoire auprès du BIT demandant de retirer la question des travailleurs agricoles de l’ordre du jour. Selon elle, puisque le Traité de Versailles de 1919 ne mentionnait pas expressément les travailleurs agricoles, les doutes sur la compétence de l’OIT en la matière suffisaient pour faire rayer les questions de l’ordre du jour en attendant l’examen sur le fond de la compétence de l’organisation634.

L’ordre du jour officiel de cette 3e session de la CIT d’octobre 1921 a tout de même maintenu l’agriculture comme sujet avec notamment comme point la « garantie des droits d’association et de coalition »635. Les questions d’agriculture constituaient plus de la moitié de l’agenda de la session de la CIT de 1921636. Elle adopta finalement trois projets de conventions et sept recommandations concernant la protection des travailleurs agricoles.

Cependant, la France déposait le 13 janvier 1922 une résolution auprès du Conseil de la Société des Nations (ci-après « SdN ») afin de saisir la Cour permanente de justice internationale (ci-après « CPJI ») sur la compétence de l’OIT sur les travailleurs agricoles637. La SdN invita le 12 mai 1922 la CPJI à se prononcer par avis consultatif sur la question à savoir : « La compétence de l’Organisation internationale du Travail s’étend-elle à la réglementation des conditions de travail des personnes employées dans l’agriculture ? »638. La CPJI a conclu que l’OIT avait une telle compétence.

Le principal argument contre l’OIT était que, dans la mesure où la création de l’organisation comportait une renonciation à certains droits dérivés de la souveraineté

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Article 402 du Traité de Versailles : « Chacun des gouvernements des membres aura le droit de contester l’inscription, à l’ordre du jour de la session, de l'un ou plusieurs des sujets prévus. Les motifs justifiant cette opposition devront être exposés dans un mémoire explicatif adressé au directeur, lequel devra le communiquer aux membres de l'organisation permanente.

Les sujets auxquels il aura été fait opposition resteront néanmoins inclus à l'ordre du jour si la Conférence en décide ainsi à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents. Toute question au sujet de laquelle la Conférence décide, à la même majorité des deux tiers, qu'elle doit être examinée (autrement que prévu dans l'alinéa précédent), sera portée à l'ordre du jour de la session suivante ».

634

Voir Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 16.

635

Tel que rapporté dans Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 18. Les membres de la Conférence ont ce pouvoir en vertu de l’article 402, supra note 633. 74 contre 20 ont voté en faveur du maintien des points à l’ordre du jour. Dû à la contestation devant la CPJI, les délégués du Gouvernement français se sont abstenus de voter sur toute question relative aux travailleurs agricoles (Voir Auteur inconnu, « Agriculture and the International Labour Organisation » (1923) 7 Int’l Lab Rev 642 aux pp 645-646).

636

Ibid à la p 645.

637

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 18. La Partie XIII du Traité de Versailles (supra note 629) prévoit à l’article 423 que toutes questions relatives à l’interprétation de cette partie peuvent être soumises à la CPJI ; il s’agit de l’équivalent de l’article 37 de la Constitution de l’OIT de 1919 (supra note 37), qui permet également un recours devant la Cour internationale de justice.

638

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 8 ; la France demanda également un avis complémentaire sur la question de la compétence de l’OIT sur l’organisation et le développement des moyens de production agricole, qui a fait l’objet d’un autre avis consultatif de la CPJI (Compétence de l’OIT pour l’examen de

proposition tendant à l’organisation et à développer les moyens de production agricole (1922), Avis

nationale, la Constitution de l’OIT de 1919 ne pouvait pas être interprétée de manière à élargir la compétence de l’Organisation639. Tout en acceptant cette thèse, la Cour estime qu’elle doit tout de même examiner le sens exact des termes du traité accordant les compétences à l’OIT, indiquant qu’il devait être lu dans son ensemble et qu’on ne pouvait isoler quelques phrases du texte pour en tirer leur signification640.

Le but du Traité de Versailles de 1919 étant d’établir une organisation permanente du travail, la Cour estime qu’en soi cet objectif vient déjà à l’encontre de l’argument suivant lequel l’agriculture devrait être exclue de la compétence de l’OIT du seul fait qu’elle n’est pas expressément mentionnée, dans le mesure où cette industrie constitue une des plus vieilles et « donne du travail à plus de la moitié des salariés du monde »641.

La Cour procède à une analyse des objectifs de l’OIT, en soulignant le caractère compréhensif de la Constitution de 1919 et en identifiant les deux éléments principaux du préambule : d’abord la menace que des mauvaises conditions de travail posent à la paix universelle et ensuite la nécessité d’un régime international pour empêcher le nivellement des conditions de travail par le bas642. Elle estime que ce dernier principe s’applique à toutes les industries, incluant la navigation, la pêche ou l’agriculture. Dans tous ces cas, l’adoption de normes de travail humaines pourrait être retardée par le jeu de la concurrence sur les marchés et donc constituer un obstacle préjudiciable pour tous les États643. Analysant les versions anglaises et françaises de la Constitution de l’OIT, la CPJI constate : Le mot industrial dans le texte anglais s’applique à l’agriculture, et le mot « professionnelles », rendu au préambule par le mot anglais vocational, est, dans son acceptation ordinaire, applicable aux organisations de travailleurs agricoles644.

639

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 22. Les renonciations à la souveraineté nationale ne peuvent toutefois se présumer (voir Affaire du Lotus (France c Turquie) (1927), CPJI (sér A) n° 10).

640

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 22.

641

Ibid à la p 24.

642

Ibid. Voir texte du préambule, reproduit supra note 629. Selon Helfer, ces deux éléments ont été considérés fondamentaux et indissociables par les rédacteurs de la Constitution pour l’accomplissement du rôle de l’OIT. Le principe d’universalité de l’OIT, c’est-à-dire d’une adhésion universelle à l’organisation, aurait été adopté dans le préambule afin d’éviter un nivellement des normes du travail par le bas. Les fondateurs estimaient qu’en établissant un socle commun de droits du travail globaux contraignant pour tous les membres, ce nivellement par le bas serait évité. L’OIT a d’ailleurs travaillé concrètement vers cette adhésion universelle, en admettant des États non-membres de la SdN dès les années 20. Par contre le processus de ratification des traités, par soumission aux branches politiques internes des États, freine l’adhésion rapide aux normes (voir Helfer, supra note 624 aux pp 673-673 et 682-683).

643

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 26.

644

Tout en constatant certaines différences dans l’utilisation des termes dans les versions anglaises et françaises, la Cour n’y voit pas une limitation à la portée de la compétence de l’OIT.

La CPJI procède ensuite à l’analyse des principes généraux de l’article 427645 du Traité de Versailles de 1919 qui présente les principes devant guider les États membres de l’Organisation dans l’élaboration de normes internationales du travail. Selon la Cour, même si certains principes peuvent en effet se révéler inapplicables dans le cadre du travail agricole646, le Traité reconnaît cette difficulté et l’article 427 n’oblige aucun État à appliquer tous les principes, que ce soit à une époque particulière ou une catégorie spéciale de travail647.

Au contraire, l’énonciation de ces principes est précédée d’une déclaration explicite à l’effet que les Hautes Parties contractantes reconnaissent que les différences « de climat, de mœurs et d’usages, d’opportunité économique et de tradition industrielle, rendent difficile à atteindre, d’une manière immédiate, l’uniformité absolue dans les conditions de travail », mais que, « persuadées qu’elles sont que le travail ne doit pas être considéré simplement comme un article de commerce, elles pensent qu'il y a des méthodes et des principes pour la réglementation des conditions du travail que toutes les communautés industrielles devraient s'efforcer d'appliquer, autant que les circonstances spéciales dans lesquelles elles pourraient se trouver, le permettraient. »648.

La CPJI souligne que cette idée des différences culturelles ou de développement doit être prise en considération par la CIT lors de la rédaction d’une recommandation ou un projet de convention d’application générale en fonction de l’article 405 du Traité649 et précise : « Il est évident que selon leurs termes mêmes, ces dispositions sont applicables à l’agriculture »650.

Bref, il n’existe aucune limitation de compétence imposée à l’OIT dans le texte du traité constitutif qui vise le bien-être des travailleurs et l’amélioration de leurs conditions de travail. Quant à la thèse selon laquelle les mots français « industrie » et « industriel »

645

Reproduit supra note 629.

646

Les plaignants invoquaient le caractère irréconciliable des principes de la durée de travail, du repos hebdomadaire, de la suppression du travail des enfants et des services d’inspection du travail avec le travail agricole (voir Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 30).

647

Ibid.

648

Avis consultatif n° 2, supra note 58 à la p 30.

649

Actuel art 19 para 3 de la Constitution de l’OIT de 1919 : « En formant une convention ou une recommandation d'une application générale, la Conférence devra avoir égard aux pays dans lesquels le climat, le développement incomplet de l'organisation industrielle ou d'autres circonstances particulières rendent les conditions de l'industrie essentiellement différentes, et elle aura à suggérer telles modifications qu'elle considérerait comme pouvant être nécessaires pour répondre aux conditions propres à ces pays ».

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s’entendent dans l’usage courant de l’industrie manufacturière651, la Cour conclut : « Bien qu’ils soient employés dans un sens restreint par opposition à l’agriculture, il n’en est pas moins vrai que dans leur sens primitif et général, ils comprennent cette forme de travail productif »652. C’est le contexte d’utilisation des mots qui doit être utilisé comme critère définitif de l’acceptation des termes, c’est-à-dire « la place de ces mots dans la Partie XIII du Traité de Versailles »653.

Or, les mots « industrie » et « industriel » sont absents du préambule, qui utilise essentiellement les termes « conditions de travail ». C’est également le mot « professionnel » qui est utilisé pour désigner les organisations aptes à représenter les travailleurs. Les clauses qui contiennent le mot « industriel », interprétées à la lumière de l’ensemble du Traité de Versailles, sont destinées à embrasser également l’industrie de l’agriculture. La CPJI indique que même si certaines clauses excluaient explicitement l’agriculture de leur champ application, on ne pourrait par pour autant conclure à l’exclusion totale de l’agriculture de la compétence de l’OIT654 :

La Cour n’a pu trouver aucune ambiguïté dans la Partie XIII considérée dans son ensemble, en ce qui concerne son applicabilité à l’agriculture. La Cour ne doute pas que le travail agricole y soit inclus655.

La Cour procède également à l’analyse de l’intention des parties signataires du Traité, constatant qu’entre juin 1919, moment de la signature du Traité, et octobre 1921, époque de la 3e session de la CIT, aucune des Parties contractantes ne remît en question l’inclusion de l’agriculture dans la compétence de l’OIT656. Cette dernière avait plutôt fait partie de nombreuses discussions pendant ce laps de temps657. De plus, les arguments invoqués en faveur de l’incompétence en matière agricole s’appliqueraient tout autant pour la navigation et la pêche. Or, aucune opposition n’avait été soulevée à l’égard de ces secteurs de l’économie658.

Ce dernier point est intéressant dans notre étude car il semble confirmer l’idée que le litige dans l’Avis consultatif n° 2 n’est pas tant le reflet d’un conflit juridique d’interprétation qu’une réticence politique à peine dissimulée à inclure l’agriculture dans le

651

Avis consultatif n°2, supra note 58 à la p 32.

652 Ibid à la p 34. 653 Ibid. 654 Ibid à la p 36. 655 Ibid à la p 38. 656 Ibid. 657 Ibid à la p 40. 658 Ibid.

champ d’étude de l’OIT. Une telle hypothèse n’est pas exagérée sachant que l’agriculture française s’est développée sur un modèle de petits paysans indépendants, récalcitrants face au salariat, méprisant l’industrialisation du secteur. Toutefois, pour la CPJI, le texte du traité constitutif ne laisse aucun doute sur la compétence de l’Organisation : la protection légale internationale qu’offre l’OIT doit pouvoir s’étendre au TAS.

Malgré la contestation devant la CPJI par la France de la compétence de l’OIT sur l’agriculture, la CIT a tout de même procédé à l’adoption de certaines conventions visant l’agriculture. Parmi celles adoptées à la 3e session de la CIT de 1921 se trouve la Convention n°11 dont le but principal était d’assurer que les travailleurs agricoles ne recevraient pas un traitement différent des autres travailleurs en ce qui a trait à leur liberté d’association. L’article 1 prévoit que les mêmes droits d’association et de coalition accordés aux « travailleurs de l’industrie »659 doivent s’appliquer aux travailleurs agricoles. Il invite également les États ayant ratifiés la Convention n°11 à abroger toute disposition législative visant à restreindre ces droits aux travailleurs agricoles :

Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail ratifiant la présente convention s'engage à assurer à toutes les personnes occupées dans l'agriculture les mêmes droits d'association et de coalition qu'aux travailleurs de l'industrie, et à abroger toute disposition législative ou autre ayant pour effet de restreindre ces droits à l'égard des

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