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LE DROIT DE CORRECTION

FONDEMENT DU POUVOIR POLITIQUE

LE DROIT DE CORRECTION

Au XIXe siècle, le père gouverne seul ses enfants. Il est l’unique détenteur

de la puissance paternelle, de son vivant443. Son pouvoir lui est attribué par le

Code Napoléon444.

Des prérogatives lui sont allouées pour faciliter l’exercice de cette autorité445. C’est ainsi que les enfants légitimes ne peuvent quitter le domicile

familial, sans avoir obtenu son autorisation, d’après le Premier consul446. Il peut,

d’ailleurs, se les faire ramener sans qu'ils puissent contester ce procédé447. C’est

ce que va rappeler la cour d’appel de Caen, le 30 décembre 1811 : « Une fille mineure qui, après avoir déserté la maison paternelle pour cause de mauvais traitements, ne s’est pas tout d’abord adressée à la justice, doit y être avant tout réintégrée, sauf ensuite à faire valoir ses griefs448 ». Le père de famille est donc

443 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Livre I, Titre VII, p. 515 : « Le père seul est investi de cette

puissance ; et malgré les droits donnés par la nature, mais sans doute en conséquence de cette antique législation qui plaçait jadis l’épouse sous la puissance paternelle, la mère n’a aucune participation à cette puissance ».

444 J.-L HALPÉRIN, Le Code civil, Dalloz, 2e édition, 2003, Paris, Tome I, p. 27. HALPÉRIN

considère le Code civil comme étant « une législation pour pères de famille ».

445 B. SCHNAPPER, De la magistrature domestique à la liberté surveillée, les pères de famille du Code

civil à 1889, Archives Aquitaines de Recherche sociale, 1989-1990, p. 13. SCHNAPPER assimile le

pouvoir du père de famille à « une magistrature domestique ».

446 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Livre Ier, Titre VII, p. 485 : « Le fils ne peut sans le

consentement de son père quitter la maison paternelle, ni voyager ; s’il le permet, le père a le droit de le faire ramener ».

447 L. RONDONNEAU, Corps de droit français, civil, commercial et criminel, contenant les codes

napoléon, de procédure civile, de commerce, d’instruction criminelle, et pénal, et les tarifs des frais et dépens en matière judiciaire, civile, criminelle, correctionnelle et de police, exposés des motifs des lois, présentés au Corps législatif, par les orateurs du Conseil d’État, Garnery, Paris, Tome I, p. 70 : « L’enfant n’a pas

d’action contre ses père et mère ».

448 Cour d’appel de Caen, Tissidre C. Antoinette-Marie Delétang, 30 Décembre 1811, (S. 1812. II.

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reconnu comme le maître absolu de son foyer domestique449. Il dispose, en effet,

d’un pouvoir de direction sur chacun de ses membres450.

On constate également qu’au XIXe siècle, l’autorité paternelle reste assez

marquée par l’utilisation du droit de correction. En effet, dès que l’enfant adopte un comportement répréhensible451, le père de famille requiert la détention dans

l’espoir de corriger son comportement452. C’est ce que souligne le tribunal de

Paris453. Cet attribut fait alors transparaître une réelle coopération454 entre le père

et l’État. Ce droit de correction, au sein de la sphère domestique, permet de préserver l’ordre au sein des familles455.

449 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome X, p. 545 : « Quand le père est mort, la mère peut

être tutrice ».

450 Article 374 du Code napoléon : « L’enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la

permission de son père, si ce n’est pour enrôlement volontaire, après l’âge de dix-huit ans révolus ».

451 BERLIER est assez septique à propos de l’application de cet article : « l’exercice de ce droit doit-

il purement dépendre de la volonté ou du caprice d’un père, sans le concours d’aucune autre autorité […] Dira-t-on que les pères sont généralement bons ? Mais, sans rejeter cette donnée, la loi doit prévenir l’abus que des pères méchants ou du moins irascibles, pourraient faire de cette attribution ». Pour lui, il ne s’agit pas de contester l’autorité du père sur ses enfants mais de soumettre ses décisions à un conseil de famille afin de les étudier in Discussion du Code Napoléon

dans le Conseil d’État, op.cit., 1808, p.489. Article 375 du Code napoléon : « Le père qui aura des

sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens de correction suivants ».

452 V° notamment P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Livre Ier, Titre VII, p. 527. 453 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome V, p. 167.

454 Sur ce sujet, v° P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Livre Ier, Titre VII, p. 486.

455 P.-A. FENET, Recueil Fenet, op. cit., Tome X, p. 528 : « L’autorité publique vient se joindre alors

à la magistrature paternelle, mais avec des ménagements compatibles avec l’intérêt de la famille ».

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Ici, il est mis en œuvre par voie d’autorité456 et de réquisition457 selon que

l’enfant est âgé de moins de seize ans ou non. Le père ne peut solliciter du magistrat qu’un emprisonnement d’un mois458 ou de six mois459.

Les motifs de la demande d’incarcération sont impérativement vérifiés par le président du tribunal. Mais le père peut renouveler ses griefs lorsque le comportement du mineur ne s’est toujours pas amélioré460.

Dans ce domaine, la principale inquiétude des codificateurs a été de garantir la sauvegarde de l’ordre au sein des foyers. L’emploi des tribunaux de famille est donc systématiquement rejeté lors des débats préparatoires461. Les

affaires privées doivent en effet, selon eux, être soigneusement préservées de toute interférence extérieure.

456 Moins de seize ans. 457 Plus de seize ans.

458 Article 376 du Code Napoléon : « Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père

pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet, le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation ».

459 Article 377 du même Code : « Depuis l’âge de seize ans commencés jusqu’à la majorité ou

l’émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant pendant six mois au plus : il s’adressera au président dudit tribunal, qui, après en avoir conféré avec le commissaire du gouvernement, délivrera l’ordre d’arrestation ou le refusera, et pourra, dans le premier cas, abréger le temps de détention requis par le père ».

460 Article 379 : « Le père est toujours maître d’abréger la durée de la détention par lui ordonnée

ou requise. Si, après sa sortie, l’enfant retombe dans de nouveaux écarts, la détention pourra être de nouveau ordonnée de la manière prescrite aux articles précédents ».

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C’est l’occasion pour certains orateurs, comme LEBRUN462 et RÉAL463, de

combattre l’envoi systématique du mineur en maison de correction. En effet, si les litiges doivent rester au sein de la sphère privée, il n’y a aucune raison valable pour que le père saisisse l’autorité judiciaire.

Les orateurs veulent donc faire du Code Napoléon l’initiateur du nouveau modèle de société. Le père apparaît alors comme la figure dominante de ce nouveau projet464.

L’État semble, par conséquent, avoir foi en cet individu pour préserver l’ordre politique465. Il le dote de nouveaux pouvoirs pour imposer son autorité

vis-à-vis des membres de sa famille. Sa puissance paternelle est donc absolue comme le rappelle la cour d’appel de Paris : « Ainsi, pendant le mariage, le père ne peut être privé de l’administration de la personne de ses enfants, même sur l’avis d’un conseil de famille et pour cause d’inconduite notoire, de dissipation et d’insolvabilité466 ». Cela est incontestable467. En effet, PORTALIS considère, lors

462 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome X, p. 96 : « Que les enfants ne soient pas envoyés

dans les maisons de correction, ce serait les envoyer au crime ».

463 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome X, p. 520 : « Donner de la publicité à des erreurs, à

des faiblesses de jeunesse ; en éterniser le souvenir, ce serait marcher directement contre le but qu’on se propose, et de ces punitions, qui ne sont infligées à l’enfance que pour épargner des tourments à l’âge mûr, ce serait faire naître des chagrins qui flétriraient le reste de la vie ».

464 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Livre Ier, Titre VII, p. 486 : « La puissance paternelle est

la providence des familles, comme le gouvernement est la providence de la société : eh ! Quel ressort, quelle tension ne faudrait-il pas dans un gouvernement qui serait obligé de surveiller tout par lui-même, et qui ne pourrait pas se reposer sur l’autorité des pères de famille pour suppléer les lois corriger les mœurs et réparer l’obéissance ? »

465 A. ADLER, « L’État, un ordre politique, un ordre cosmique », L’Homme, 202 | 2012, pp. 15-51. 466 Cour d’appel de Paris, Decambray C. Alaine, 29 août 1828, (Pal. 1850. II. 824).

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des débats préparatoires, qu’il est inconcevable que le père de famille en soit privé468.

Néanmoins, pour CAMBACÉRÈS « quelque confiance que méritent les pères, la loi ne doit cependant pas être basée sur la fausse supposition que tous sont également bons et vertueux469 ». Il faut donc vérifier l’utilisation de leurs

prérogatives mais pas les en priver470.

La sauvegarde de l’ordre familial conduit inéluctablement à l’émergence de nouveaux délits471. Parmi les crimes les plus réprimés, on trouve le parricide472.

En effet, puisque le père est la nouvelle figure de l’autorité de l’État, toute atteinte à sa dignité physique ou morale accable indubitablement son auteur473.

468 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome IX, p. 144 : « La puissance paternelle a un caractère

sacré de nature telle qu’aucun abus n’est à craindre. Il déclare même, à ce propos : Dira-t-on que les pères peuvent abuser de leur puissance ? Mais cette puissance n’est-elle pas éclairée par leur tendresse ? La nature a donné aux pères et aux mères un désir de voir prospérer leurs enfants. La loi peut donc sans crainte s’en rapporter à la nature ».

469 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome X, p. 496.

470 K.-S. ZACHARIAE, Cours de Code civil, op. cit., Tome VI, p. 94 : « Les tribunaux ne peuvent

point, par mesure générale, priver les père et mère de la puissance paternelle. Mais ils ont le droit, lorsque les circonstances l’exigent, d’en modifier ou d’en limiter l’exercice dans l’intérêt de l’enfant ».

471 V° notamment P. LASCOUMES, P. PONCELA, P. LENOËL, Au nom de l’ordre : une histoire

politique du Code pénal, Hachette, Paris, 1989, Tome I, p. 190.

472 Article 13 du Code pénal napoléonien : « Le coupable condamné à mort pour parricide sera

conduit sur le lieu de l’exécution, en chemise, nus pieds, et la tête couverte d’un voile noir. Il sera exposé sur l’échafaud pendant qu’un huissier fera lecture de l’arrêt de condamnation ; il aura ensuite le poing droit coupé, et sera immédiatement exécuté à mort ».

473 Article 312 du même Code : « Dans les cas prévus par les articles 309, 310 et 311, si le coupable

a commis le crime envers ses père ou mère légitimes, naturels ou adoptifs, ou autres ascendants légitimes, il sera puni ainsi qu'il suit : Si l'article auquel le cas se référera prononce l'emprisonnement et l'amende, le coupable subira la peine de la réclusion ; Si l'article prononce la peine de la réclusion, il subira celle des travaux forcés à temps ; Si l'article prononce la peine des travaux forcés à temps, il subira celle des travaux forcés à perpétuité ».

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Le Code pénal de 1810 va également puiser dans celui de 1791 pour juger les faits des enfants474. Il distingue ceux qui ont agi avec475 ou sans

discernement476. En se fondant sur cette différenciation, le magistrat a la

possibilité de prononcer l’acquittement pur et simple ou l’incarcération. L’emprisonnement de l’enfant peut être requis d’office si aucune autre solution n’est trouvée pour sa réinsertion477.

L’étude de la jurisprudence permet, ici, de mieux appréhender le rôle du droit de correction. Elle aboutit ainsi à s’intéresser au sort des enfants et aux éventuelles limites du pouvoir domestique. Mais quelle est l’attitude de l’État dans ce domaine ?

Dans les faits, il apparaît assez protecteur mais seulement envers la puissance paternelle, ce que la doctrine dominante conteste. Elle considère, en

474 L. RONDONNEAU, Collection générale des lois, Décrets, arrêtés, senatus consultes, avis du Conseil

d’État et règlements d’administration publiés depuis 1789 jusqu’au 1er avril 1814, éd. Paris, 1817, p. 151.

475 Article 67 du Code pénal de 1810 : « S’il est décidé qu’il a agi avec discernement les peines

seront prononcées ainsi qu’il suit : S’il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, ou de la déportation, il sera condamné à la peine de dix à vingt ans d’emprisonnement dans une maison de correction ; S’il a encouru la peine des travaux forcés à temps, ou de la réclusion, il sera condamné à être renfermé dans une maison de correction pour un temps égal au tiers au moins et à la moitié au plus de celui auquel il aurait pu être condamné à l’une de ces peines ».

476 Article 66 du même Code pénal : « Lorsque l'accusé aura moins de 16 ans, s'il est décidé qu'il

a agi sans discernement, il sera acquitté ; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque où il aura accompli sa 20e année ».

477 J.-G. LOCRÉ, La législation civile, commerciale et criminelle de la France, Treuttel et Würtz, Paris,

1831, Tome XXIX, p. 265. Lors de la séance du Corps Législatif du 3 Février 1810, le député FAURE explique que « la détention du mineur acquitté ne sera point une peine, mais un moyen de suppléer la correction domestique, lorsque les circonstances ne permettront pas de le confier à la famille ».

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effet, qu’il a l’obligation d’intervenir au sein des familles lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige478.

Mais ce devoir d’immixtion de l’État va finir par s’imposer. L’intervention du député RIBOUD, lors de la séance du Corps législatif du 13 février 1810, résume bien cette nouvelle tendance. Il déclare que « cette initiative de l’État est en quelque sorte une prévoyance publique assimilable à une vigilance paternelle479 ». Cette ingérence témoigne donc de l’existence d’un État

fort, garant de l’ordre au sein des familles.

Quant à l’autorité judiciaire, elle décide de collaborer, peu à peu, avec le père de famille afin d’atténuer le désordre qui règne dans certains foyers. Le contrôle de la puissance paternelle va devenir effectif.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’État considère, en principe, que les affaires

privées doivent être préservées de toute menace extérieure. La famille est « effectivement à l’image d’un ordre politique hiérarchisé avec des individus aux rôles différenciés480 ». Le père est considéré comme le maître absolu au sein de sa

demeure et c’est à lui que revient le devoir de régler les désordres qui s’y créent. Il est, en quelque sorte, le garant de la sûreté de l’État.

478 C. DEMOLOMBE, De l’adoption et de la tutelle officieuse ; de la puissance paternelle, De la puissance

paternelle, Auguste Durand, 1861, Paris, Tome I, p. 197 : « La loi n’a pas enlevé au père le droit de correction ; elle s’est confiée à sa raison, à sa tendresse ; et enfin, en cas d’abus, il ne serait pas impossible de se pourvoir devant le tribunal pour protéger l’enfant ».

479 J.-G. LOCRÉ, La législation civile, commerciale et criminelle de la France, op. cit., Tome XXIX, p.

278.

480 J. COMMAILLE. « La famille, l'état, le politique : une nouvelle économie des valeurs. Entre tensions

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L’autorité judiciaire s’octroie cependant le droit de se substituer au père de famille lorsque l’intégrité physique ou morale de l’enfant est gravement menacée481. L’intérêt de la société justifie pleinement cette intervention.

Au cours du XIXe siècle, le père de famille légitime apparaît donc comme

le garant du maintien de l’ordre. Pour l’aider dans sa fonction, on le dote d’un droit de correction envers ses enfants482. Ce qui lui permet de les corriger

lorsqu’ils adoptent un comportement répréhensible, mais aussi de les incarcérer d’office par voie d’autorité lorsqu’ils sont âgés de moins de seize ans (Section 1) ou par voie de réquisition après cet âge (Section 2).

481 L’article 309 du Code pénal de 1810 énonce, à ce sujet, que « sera puni de la réclusion, tout

individu qui aurait fait des blessures ou porté des coups s’il est résulté de ses actes de violence une maladie ou incapacité de travail personnel, pendant plus de vingt jours ».

482 J. BONZON, Cent ans de lutte sociale, La législation de l’enfance 1789-1894, Guillaumin, Paris, 1894;

B. SCHNAPPER, « La correction paternelle et le mouvement des idées au XIXe siècle 1789-1935», In Voies nouvelles en Histoire du Droit, La justice, la famille et la répression pénale (XVI-XXe), P.U.F., Paris, 1991, pp. 520-563.

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Section 1

L’emprisonnement par voie d’autorité

Le père de famille peut incarcérer son enfant de moins de seize ans s’il a commis un délit civil483 (§ 1) ou un délit pénal (§ 2). Mais il peut décider de le

gracier (§3) ou, à l’inverse, de le réincarcérer d’office en cas de récidive (§4).

§ 1 – En matière civile

En droit civil, le droit de correction du père de famille reste encadré par l’autorité judiciaire (A), ce qui exclut la résurgence des tribunaux de famille (B). Malgré ce contrôle, la puissance paternelle reste assez préservée (C), mais c’est également le cas des intérêts de l’enfant (D).

A - L’ENCADREMENT DU DROIT DE CORRECTION

L’article 375 du Code Napoléon dispose que « le père qui aura des sujets de mécontentements très graves sur la conduite d’un enfant aura les moyens de correction suivants ». L’article qui suit a permis de réaffirmer l’autorité du père au sein de sa famille et de renforcer plus spécifiquement son pouvoir décisionnaire484. L’article 376 expose, en effet, que « si l’enfant est âgé de moins

de 16 ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation ».

483 Délits et quasi-délits.

484 C.-B.-M. TOULLIER, Le droit civil français, op. cit., Tome I, p. 241. TOULLIER affirme que « le

père peut le faire détenir, pendant un temps qui ne peut excéder un mois, sans rendre compte à personne de ses motifs ».

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Ces deux articles ont fait l’objet de nombreux débats. BIGOT- PRÉAMENEU a d’abord contesté le délai trop bref qui existait entre la demande du père et l’ordre d’arrestation. D’après cet auteur, même si le père de famille est détenteur de la puissance paternelle, ses demandes doivent faire l’objet d’une analyse critique au préalable485. Car comme le rappelle BERLIER, une liberté

illimitée du père risquerait de rendre la puissance paternelle trop despotique.

La mise en exécution de la sentence n’est pourtant pas systématique. En effet, le père de famille est d’abord obligé de présenter sa demande auprès de l’agent de la force publique le plus proche. Il doit, pour mettre en exécution sa sentence, s’acquitter de tous les frais de justice et fournir des moyens de subsistance adéquats à son enfant486.

Par conséquent, même si le Code Napoléon fait renaître la puissance paternelle, il ne considère pas le père de famille comme un être naturellement juste et bon qui peut l’exercer sans contrôle. Les demandes d’arrestation de parents jugées sans fondement doivent pouvoir ainsi être anticipées.

Il est nécessaire de rappeler que la puissance paternelle telle qu’elle était pratiquée sous l’Ancien Régime a été rejetée par l’opinion publique. Cette tyrannie familiale a, de fait, laissé quelques blessures profondes. Et même si certains philosophes des lumières487 y étaient favorables, cette idée n’a pas réussi

à s’imposer lors de la Révolution française. La résurgence d’un éventuel

485 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome X, p. 493 : « Dans l’opinion de la section, il

conviendrait de mettre un délai de trois jours entre la demande du père et l’ordre d’arrestation ».

486 P.-A. FENET, Recueil complet, op. cit., Tome II, p. 68.

487 V° C. D. S. DE MONTESQUIEU, Œuvres de Montesquieu, contenant l’esprit des lois, A. Belin, 1817,

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despotisme paternel serait ainsi vivement rejetée. En conséquence, pour maintenir la puissance paternelle, il faut qu’elle soit impérativement maîtrisée488.

Une autorité juste et équitable permet ainsi à chaque individu de l’accepter. Et si

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