• Aucun résultat trouvé

La double incrimination et les principes généraux de la coopération internationale

§ 1 Les instruments européens de lutte contre le terrorisme

A. Les conventions du Conseil d’Europe

1. La double incrimination et les principes généraux de la coopération internationale

344. La Convention de 1990 en son chapitre III, et la Convention de 2005 en son chapitre IV intitulés « Coopération internationale » présentent les principes généraux de mise en œuvre de la coopération internationale en vertu de ces conventions. Lesdites conventions incitent les parties à s’accorder l’entraide mutuelle la plus large possible en matière d’investigations et de procédures visant à la confiscation des instruments et des produits (ce qui revient à s’accorder, dans ce dernier cas, sur des mesures coercitives). La Convention de 2005 annonce, dès la première phrase du paragraphe 3 de l’article 15 que « l’entraide et les mesures provisoires prévues au paragraphe 2.b sont exécutées conformément au droit interne de la partie requise. ». Or, une telle phrase n’existe pas

349 Laurent MOREILLON et Aline WILLI-JAYET, Coopération judiciaire pénale dans l’Union Européenne,

éditions Helbing&Lichtenhahn / Bruylant / LGDJ, 2005, p. 354.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

dans la Convention de 1990 en tant que principe général d’entraide judiciaire mais est insérée à chaque article régissant chacune des mesures d’entraide judicaire350. Quoi qu’il

en soit, le fait de se référer à la loi nationale de l’État requis donne une chance de voir appliquée la double incrimination.

345. Le paragraphe 3 de l’article 15 de la Convention de 2005 ajoute par ailleurs que : « lorsque la demande portant sur une de ces mesures prescrit une formalité ou une procédure donnée imposée par la législation de la partie requérante, même si la formalité ou la procédure demandée n’est pas familière à la partie requise, cette partie donne satisfaction à la demande dans la mesure où cela n’est pas contraire aux principes fondamentaux de son droit interne ». Dans l’ensemble cette formulation est nouvelle, comparé à ce que prévoit la Convention de 1990 et vise à assurer une coopération harmonieuse afin de mener à bien les investigations et de mettre en place ensemble les mesures provisoires nécessaires à la confiscation351. Cette phrase est relativement proche

de l’idée de l’utilisation spéciale de la double incrimination vue précédemment. 2. La double incrimination et les conditions de mise en œuvre

des mesures d’entraide judiciaire

346. Les mesures d’entraide judiciaire pénale dans les Conventions de 1990 et de 2005 sont réparties au sein de trois sections : la Section 2 consacrée à l’entraide aux fins d’investigations, la Section 3 consacrée aux mesures provisoires et la Section 4 consacrée à la confiscation. L’article 17 de la Convention de 2005 intitulé « Demandes d’information sur les comptes bancaires » prévoit dans son paragraphe 4 que « la partie requise peut subordonner l’exécution d’une telle demande aux mêmes conditions que celle qu’elle applique pour les demandes aux fins de perquisition et de saisie ». Il est vrai que ce paragraphe n’a pas érigé explicitement la double incrimination au rang de condition susceptible d’être exigée par l’État requis, mais il a donné la possibilité à cet État d’appliquer les mêmes conditions qu’il appliquerait à la perquisition. Il convient de

350 V. les articles 9, 12, 14 de la Convention de 1990.

351 Rapport explicatif de la Convention de 2005, STCE., n° 198, p. 23.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

— 174 —

rappeler que la perquisition se définit comme « la recherche par un agent ou un officier de police judiciaire, dans un lieu clos, d’indices ou de pièces à conviction utiles à la manifestation de la vérité ou encore d’objet confiscable »352 et se trouve définie

également à l’article premier de la Convention de 1990 comme étant « une peine ou une mesure ordonnée par un tribunal à la suite d’une procédure portant sur une ou des infractions pénales, peine ou mesures aboutissant à la privation permanente du bien ». Il en résulte que la perquisition aux fins de confiscation doit être considérée comme une mesure coercitive. Il y a donc de grandes chances que l’État requis exige la double incrimination pour l’exécution d’une telle demande. De plus, ni la Convention de 1990 ni celle de 2005 ne contient de disposition dédiée expressément à la perquisition qui serait réclamée par un État, laissant ainsi la décision revenir à l’État requis.

347. La Convention de 1990 ne contient pas non plus d’article consacré aux informations bancaires. C’est son article 9 traitant de l’exécution de l’entraide judiciaire aux fins d’identification et de dépistage des instruments, produits et autres biens susceptibles de confiscation, qui prévoit que l’exécution de cette entraide doit être conforme à la loi de l’État requis.

L’article 18 de la Convention de 2005 concernant la demande d’informations sur les opérations bancaires reprend la rédaction susmentionnée en donnant le droit à l’État requis de subordonner l’exécution de ladite demande aux mêmes conditions que celles appliquées à la perquisition.

L’article 19 de la Convention de 2005 relatif à la demande de suivi des opérations bancaires diffère quelque peu au niveau de la rédaction mais ne s’écarte guère de la place donnée à la double incrimination353. En effet il prévoit que « la décision relative au suivi

des transactions est prise dans chaque cas individuel par les autorités compétentes de la partie requise, dans le respect de la législation nationale de cette partie ».

348. La Section 3 de la Convention de 2005 intitulée « Mesures provisoires » impose aux articles 21 et 22 l’obligation d’ordonner des mesures provisoires et ses exécutions sans

352 Serge GUINCHARD et Jacques BUISSON, Procédure pénale, 10e édition, 2014, p. 532, n° 625.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

aucune référence à la double incrimination ni à la loi applicable, au contraire de la Convention de 1990 qui a précisé à l’article 12 que « les mesures provisoires visées à l’article 11 sont exécutés conformément au droit interne de l’État partie requis et en vertu de celui-ci, et conformément aux procédures précisées dans la demande, dans la mesures où elles ne sont pas incompatibles avec ce droit interne ». Malgré l’absence de précision quant aux conditions d’application des mesures provisoires dans la Convention de 2005, la double incrimination trouvera sa place parmi les motifs de refus comme nous le verrons plus loin au point 3.

349. La confiscation est régie par la Section 4 de ces deux Conventions, respectivement à l’article 24 pour la Convention de 2005 et 14 pour la Convention de 1990 ainsi formulés : « les procédures permettant d’obtenir et d’exécuter la confiscation en vertu de l’article (..) sont régies par la loi de la partie requise ». La confiscation en tant que peine est dès lors considérée comme une mesure coercitive et appelle alors à l’application de la double incrimination lorsqu’elle figure en droit interne.

350. Le deuxième paragraphe lie l’État requis à la constatation des faits dans la mesure où ceux-ci sont exposés dans le rapport de condamnation ou le cas échéant la décision judiciaire de la partie requérante.

3. La double incrimination et les motifs de refus

Documents relatifs