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N° 41 – 2003 Dossiers d'études Allocations FamilialesLES NOUVEAUX RAPPORTS AU TEMPS

Dans le document Les nouveaux rapports au temps (Page 109-111)

Quelle nouveauté dans les rapports au temps ?

« Qu’est-ce donc que le temps, si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus » (Confessions de St Augustin » au IVème siècle). Cette phrase garde toute son actualité. Car, à vrai dire le temps, en soi, ne signifie pas grand chose. Il n’existe pas un temps universellement reconnu, mais des temps différents selon le regard d’où l’on se place.

Jadis, les rythmes de vie étaient clairement fixés et scandés par des événements prévisibles : école, formation, métier, mariage, naissance des enfants, retraite. Le temps passé au travail et le temps hors travail étaient deux choses distinctes. Aujourd’hui, on assiste à une remise en cause de l’organisation sociale du temps issu de la révolution industrielle. L’ère des services, plus souple, a brouillé les frontières spatio-temporelles entre vie privée et vie professionnelle. Il est intéressant de constater que cette accélération des temps (professionnel, familial, temps administratif, relationnel, personnel, libres…) bouleverse les diverses dimensions de la vie en société aussi bien au niveau macrosociologique (articulation des temps sociaux), qu'au niveau microsociologique (tel ou tel temps social particulier).

La réduction du temps de travail, les horaires variables, l'alternance des périodes d'activité et de non-activité, le travail partiel, de week-end ou de nuit modifient profondément la vie quotidienne, de façon plus évidente encore dans les grandes villes. En France près de 80% de la population réside en zone urbaine. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs : la ville représente un laboratoire d'expérimentation pour de nouvelles régulations publiques des temps éclatés.

L'individualisation des pratiques de consommation, la diversité des formes de liens familiaux, la généralisation du salariat féminin remettent en cause les anciens équilibres. Les horaires des services publics, des équipements sociaux ne coïncident plus vraiment avec ceux des salariés. De nouveaux arbitrages, au sein des ménages, entre employeurs et employés sont en émergence. Cette énumération non exhaustive montre bien que l'on assiste à une remise en question des modes de gestion du temps des différents acteurs de la cité, qu'il soient publics, privés, prestataires de service, employeurs, usagers, clients, salariés ou citoyens.

On assiste à une diversification des modes de vie dans les villes. Plusieurs facteurs convergent pour expliquer ce casse-tête : brouillage des frontières entre travail et non-travail, recomposition des catégories territoriales, changements de nature socioculturelle tels que l’inscription croissante des femmes sur le marché du travail, évolution des structures familiales et de la composition des foyers (allongement de l’espérance de vie, individualisme, baisse de la nuptialité, précarité des unions).

Les services publics, les équipements et le rapport au temps

La gestion des files d’attente aux guichets, des horaires d’ouverture est une préoccupation importante des caisses d’allocations familiales et d’un grand nombre de services publics. Ce phénomène, fréquemment étudié sous l’angle de la gestion interne des organismes, est aussi le fruit d’une inadéquation de plus en plus vive entre les horaires des administrations et ceux des salariés urbains. Cette question se pose de façon accrue pour les salariés qui ont des horaires flexibles et/ou atypiques. Ce phénomène est surtout observable chez les usagers qui sont insérés dans la vie active. De leur côté, les usagers les plus précaires réclament plus d’écoute. Cette attente prend du temps aux agents des services publics sociaux, qui eux doivent gérer les flux dans des délais prescrits par leurs administrations. Sur ce point, il faut souligner qu’à terme des arbitrages entre les intérêts des usagers et ceux des agents des services publics seront nécessaires.

Il existe également d’autres dysfonctionnements quotidiens, particulièrement vécus par les femmes qui assument majoritairement les tâches domestiques et les responsabilités parentales. Ainsi, on retrouve les problèmes calendaires en ce qui concerne la garde des enfants au-dessous de trois ans, notamment les horaires des crèches, l’occupation des enfants pendant les vacances scolaires. Dans ce contexte, les services et équipements de ce type sont appelés à se développer en se préoccupant davantage de leurs offres temporelles. A titre d'exemple, au début de l'année 2002, les premiers résultats de l'enquête du Credoc sur les "Conditions de vie et aspirations des Français" montrent une forte demande des parents à propos du développement d'équipements et d'activités extra- scolaires pour les enfants et les adolescents.

Les pouvoirs publics, les acteurs et décideurs locaux, et notamment les caisses d’allocations familiales, impliqués dans la politique de la petite enfance élaborent de nouvelles réponses. En témoigne le développement

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de structures innovantes telles que les initiatives locales de services de proximité, les "maisons vertes", les crèches à "mi-temps", "les jardins d'enfants", les structures multi-accueil, les haltes garderies itinérantes, les bébé-bus ou l'extension des plages d'horaires d'accueil des enfants.

Plus généralement, on assiste depuis quelques années à des changements culturels des politiques des temps de la ville. Ces politiques, initiées par les femmes en Italie, ont été reprises par d’autres pays européens. En France, en 2001, à la suite du rapport d’Edmond Hervé sur les "Temps des villes", cette question a été inscrite sur l’agenda du gouvernement. Puis, une dizaine de territoires, soutenus par la Datar, ont entrepris de constituer des “bureaux des temps”. Ces politiques s’attachent à intégrer la dimension temporelle dans différents domaines : l’école, les transports, l’action sociale, l’aménagement de l’espace, la sécurité, la Poste et d’autres services publics. L’objectif est de repérer les dysfonctionnements dans les rythmes de la vie urbaine, par le biais de diagnostics, d'étude de besoins, puis de sensibiliser et de mettre autour d’une table les acteurs concernés. Au final, l'exercice est relativement complexe, car il faut allier le technique et le politique pour coordonner les horaires des principaux services urbains. Bien évidemment, cette dynamique ne peut se passer d’une concertation entre élus, usagers, employeurs et salariés. Les Caf vont probablement se positionner, en tant qu’acteurs des politiques publiques, sur ce nouveau type de partenariat.

« Il faut par ailleurs suivre de près l’évolution très rapide des services (aux USA de nouveaux services apparaissent chaque jour), le risque étant que des services marchands se substituent aux services publics. Si le service public ne s’adapte pas très rapidement, seules les populations qui en auront les moyens pourront y accéder » (Godard, Boulin, Dommergues, Datar, 2001).

Le temps dans l’articulation vie familiale, vie professionnelle

La politique des temps urbains ne peut ignorer la place des hommes et des femmes dans la société. En effet, l’accroissement du nombre de femmes sur le marché du travail (47% parmi les actifs en France) est une des tendances lourdes des dernières décennies. De plus, la présence d’enfants au sein d’un foyer contraint fortement le rapport au temps et ceci d’autant plus, que ce sont les femmes qui prennent majoritairement en charge la production domestique. En effet, la transformation de la place des pères dans les pratiques quotidiennes ne se fait que très progressivement. Trois acteurs principaux sont directement concernés :

• l’Etat, pour ce qui concerne les structures d’accueil des enfants, des personnes âgées, les systèmes d’éducation et de protection sociale ;

• les familles, au regard de la répartition des rôles et des tâches en son sein ;

• les entreprises, dans la mise en œuvre d’une réorganisation du travail facilitant la mise en place, pour les hommes et les femmes, d’un équilibre des temps et d’une meilleure qualité de vie.

En matière de politique familiale, les Français, interrogés dans le cadre de l'enquête 2002 du Credoc, souhaitent renforcer en priorité les aides aux grands enfants scolarisés (aides aux enfants étudiants et aide aux lycéens et collégiens). Le soutien aux familles ayant des enfants en bas âges arrive en deuxième position.

Enfin, il faut souligner que les questions familiales peuvent avoir une incidence sur le fonctionnement quotidien des entreprises (motivation, absentéisme, retards). Des employeurs et des organisations syndicales (CGC, 2002) commencent à réfléchir et à en prendre en compte les caractéristiques familiales dans la gestion de l'emploi.

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