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L’ensemble des résultats obtenus dans ce chapitre soutiennent l’hypothèse que le signal endogène et les signaux radio-induits ont pour origine des radicaux o-semiquinones anioniques. Le processus de formation du signal endogène reste encore inconnu, toutefois il est fort probable que ces radicaux sont générés lors de la genèse de l’ongle. Nous avons également mis en évidence deux signaux UV-induits : l’UVIS 2 et l’UVIS 5. Ce dernier n’avait jamais été identifié auparavant et, à l’instar du signal radio-induit stable RIS 5, il sature avec la dose de rayonnement UV. Les radicaux UV et radio-induits sont générés à partir des molécules de DOPA présentes dans les ongles.

Figure 91 : Mécanisme de formation des radicaux o-semiquinones anioniques à partir des molécules de DOPA.

Les molécules de DOPA proviennent de l’oxydation partielle de la tyrosine, acide aminé naturellement présent dans la kératine des ongles. Les ongles contiennent également un certain nombre d’ions chargés positivement tels que Al3+, Ca2+ et Mg2+. Ces derniers permettent de stabiliser une partie des radicaux o-semiquinones anioniques par interaction coulombienne. La détermination des concentrations et de la nature de ces impuretés métalliques est fondamentale et constitue dès lors une perspective à considérer pour soutenir ce travail. La proximité d’impuretés cationiques permet d’expliquer l’existence de deux populations de radicaux o-semiquinones anioniques (figure 92) :

Étude et caractérisation du signal endogène et des signaux radio-induits

Figure 92 : Schéma explicatif de la stabilité des radicaux o-semiquinones anioniques par interaction coulombienne avec les impuretés métalliques présentes intrinsèquement dans les ongles.

Ceux qui seront stabilisés par les charges positives voisines (éléments traces Al3+, Mg2+, Ca2+

…) seront à l’origine des signaux endogène BKS, radio-induit RIS 5 et UV-induit UVIS 5 observés après humidification des échantillons. En revanche, ceux qui sont localisés à trop grande distance de ces charges, et qui a fortiori sont plus nombreux du fait de la faible concentration en cations intrinsèques, sont responsables des intenses signaux endogènes BKS (après oxydation de certaines molécules DOPA en contact avec le dioxygène ambiant), radio-induit RIS 2 et UV-radio-induit UVIS 2. Il est alors possible de dresser une hiérarchie de la stabilité de ces différents signaux, qu’ils soient endogènes, radio-induits ou UV-induits (figure 93). De plus, un schéma explicatif est présenté en figure 94.

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Figure 94 : Schéma explicatif des signaux BKS, UVIS et RIS observables dans les ongles et ayant pour origine des radicaux o-semiquinones anioniques. Les radicaux stabilisés par interaction coulombienne sont à l’origine des signaux BKS, UVIS 5 et RIS 5. A contrario, les radicaux non stabilisés seront éliminés par humidification.

Considérons une quantité finie de molécules DOPA ainsi qu’un ensemble également fini de charges positives (Al3+, Ca2+, Mg2+…) dans les ongles. Avant irradiation, seuls les radicaux o-semiquinones anioniques stabilisés par ces charges positives seront observables des ongles (BKS et UVIS 5). Lors de l’irradiation, des radicaux o-semiquinones anioniques seront générés à partir des molécules de DOPA conduisant aux signaux radio-induits RIS 2 et RIS 5. Après humidification puis séchage des ongles irradiés, les radicaux radio-induits et stabilisés par les charges positives voisines vont s’ajouter au signal endogène BKS et UV-induit UVIS 5. La quantité de radicaux radio-UV-induits stables (RIS 5) dépend du nombre d’impuretés métalliques intrinsèques à l’échantillon d’ongle ce qui explique le phénomène de saturation de ce signal avec la dose absorbée [Trompier et al., 2014]. Enfin la variabilité

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individu de la concentration de ces cations est cohérente avec la variabilité inter-individus constatée des signaux stables.

Nous avons également mené une étude sur la variabilité des signaux endogènes et radio-induits. Nous avons montré que la variabilité inter-individus en intensité du signal endogène pouvait atteindre 350 %. Une telle variabilité pourrait être expliquée par les différences en concentration d’impuretés métalliques intrinsèques entre les donneurs (alimentation, génétique, pathologies...). La différence en intensité du BKS peut également varier pour un même individu selon l’extrémité prélevée (mains, pieds) à hauteur de 51 %, et tout au long de l’année avec une dispersion relative maximale constatée de 18 % qui s’explique par la quantité de radicaux UV-induits stables (UVIS 5). Concernant les signaux radio-induits, nous avons montré que la radio-sensibilité pour un même individu semble être similaire pour les ongles de mains et de pieds avec une légère différence de 8 %. Cette radio-sensibilité ne diffère qu’à hauteur de 11 % entre les individus. Toutefois, pour une même dose de rayonnements ionisants, la différence en intensité spectrale peut atteindre 47 % rendant toute courbe de réponse en dose universelle inenvisageable.

Avant le début de ce travail de thèse, il existait deux protocoles de dosimétrie RPE sur les ongles qui sont présentés dans la figure 95.

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Figure 95 : Illustration des protocoles existants de dosimétrie RPE sur les ongles (détaillés en annexe). Le premier se base sur le signal radio-induit RIS 2, et le second sur le signal radio-induit stable RIS 5.

Le premier protocole [Romanyukha et al., 2014] se base sur la relation linéaire entre l’intensité du signal radio-induit RIS 2 et la dose de rayonnements ionisants. Toutefois, étant donné qu’une simple humidification des ongles suffit à éliminer ce signal, on comprend qu’il est inenvisageable de l’utiliser en cas réel d’accident radiologique. Le second protocole a été développé à l’IRSN en 2014 [Trompier, 2014]. Il se base sur le phénomène de saturation du signal radio-induit stable RIS 5 avec la dose. Bien que ce protocole ait permis d’estimer les doses reçues par trois victimes d’accident [Trompier et al., 2014], les délais d’expertise sont relativement importants et il n’est pas possible de quantifier des doses comprises entre 0 et 10 Gy à cause de l’importante variabilité du BKS mais également au-delà de la dose de saturation.

Dans l’optique de dépasser ces difficultés, nous avons donc proposé deux approches complémentaires pour discriminer les individus sains de ceux irradiés et sont présentées dans la figure 96.

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Figure 96 : Illustration des protocoles de dosimétrie RPE sur les ongles proposés dans le cadre de ce travail. Le premier se base sur la régénération du signal radio-induit RIS 2 après son élimination totale, et le second sur les

courbes de saturation en puissance micro-onde des radicaux radio-induits stables.

Le premier protocole, plutôt original, consiste à régénérer le signal dosimétrique RIS 2 après son élimination totale ou partielle à l’aide d’un traitement chimique oxydant. Il est fondamental de poursuivre les investigations car, bien que les résultats soient prometteurs, nous ne sommes pas actuellement en mesure de régénérer de manière systématique ce signal radio-induit. La seconde approche se base sur le comportement du signal radio-induit stable RIS 5 avec la puissance du rayonnement micro-onde. Plus l’échantillon aura été irradié, plus les temps de relaxation des radicaux radio-induits seront faibles et plus le signal sature à forte puissance micro-onde. En mesurant l’aire sous la courbe de saturation, proportionnelle à la

Développement d’un nouveau protocole pour le traitement numérique des spectres RPE

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