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S’informer dans le cadre professionnel prend différentes formes : depuis la consultation de documents électroniques de volume plus ou moins important, à la navigation sur internet, l’interrogation de bases de données bibliographiques, en passant par le recours aux collègues ou la fréquentation de centres de documentation ou de bibliothèques.

Chercher de l’information renvoie, en général, à des situations différentes, mais qui ne s’excluent pas. En seront ici présentées trois qui reviennent le plus fréquemment dans les résultats des études auxquelles j’ai participé139.

139 Un grand nombre d’études ont été consacrées aux stratégies de recherche d’information. Il n’est pas le lieu ici d’en rendre compte mais, dans le cadre de nos différentes publications, nos résultats sont présentés en relation avec ces recherches.1

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- La recherche par interrogation de bases de données ou de collections de documents numériques.

S’informer peut passer par l’interrogation de bases de données internes à l’entreprise, de bases de données accessibles via internet, de bibliothèques numériques ou encore d’archives ouvertes.

Ce type de stratégie implique que les usagers de ces dispositifs expriment leurs demandes par la formulation de requêtes. En général, les systèmes proposent la recherche sur mots du texte ou sur descripteurs avec utilisation d’opérateurs booléens. Nos études auprès de techniciens ou au sein de la banque ont montré les difficultés des usagers à formuler des requêtes par ces moyens-là, particulièrement lorsqu’il s’agit de trouver réponse à des demandes de type opératif. Lorsque l’indexation est effectuée avec un langage documentaire, la question du choix des termes pour interroger se pose également. Dans la banque, l’interrogation par thesaurus de la base de documents internes entraîne des difficultés et les usagers considèrent que le vocabulaire du thesaurus n’est pas exploitable car différent de celui qu’ils utilisent au quotidien, dans leur activité.

Ce type de recherche implique enfin que les usagers évaluent les résultats obtenus, et sélectionnent, parmi eux, les documents pertinents.

- La lecture et consultation de documents.

Il s’agit ici d’une lecture professionnelle, caractérisée par le contexte et l’objectif du lecteur (dépanner un système, ouvrir un compte-bancaire, rédiger une publication, préparer un cours,..). Ce type de lecture relève davantage de l'attitude du lecteur (exploration, appropriation d’un document) que par l'objet de lecture [Brouillette 1996]. Cette lecture revêt plusieurs formes selon Hochon [1994] : c’est un parcours individualisé que s’approprie le lecteur en fonction de ses connaissances et de sa culture ; c’est également une lecture attentive et scrutative des contenus ; c’est enfin une lecture d'exploration qui peut engendrer une activité de rédaction importante : annotation, recopie de passages ou, dans certains contextes, rédaction de fiches de lecture. Les objectifs liés à la lecture professionnelle sont multiples : apprentissage ou appropriation,

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exploration ou recherche d’information précise ; chacune de ces lectures nécessitant des parcours différents.

Ainsi, les acteurs rencontrés annotent-ils les documents qu’ils consultent : notes dans la marge ou dans un fichier annexe, surlignage, aident les lecteurs à comprendre les documents, à en faire une lecture singulière qui leur est propre, et leur permettent d’envisager une ré-exploitation future de ces documents. Ces annotations interviennent lorsque la lecture est effectuée sur support papier ; en revanche, lorsque la consultation est numérique, l’annotation à l’écran est jugée inconfortable.

- Le recours aux collègues.

Quel que soit le contexte professionnel, le recours aux collègues pour s’informer intervient très fréquemment. Gain de temps, confiance dans l’information, assurance de fiabilité de l’information reçue, simplicité dans la manière de formuler les questions sont des facteurs qui incitent à ce type de stratégies.

Le recours aux collègues dénote d’une singularité des activités informationnelles, menées hors des dispositifs ou outils existants, mais elle apparaît également comme un facteur de socialisation, de création de liens dans le service ou plus largement dans l’organisation. Dans ce type de relations, les rôles des acteurs évoluent, passant de celui qui sollicite à celui qui, dans un autre cadre ou à un autre moment, est sollicité.

Le recours aux professionnels de la documentation est absent des contextes que j’ai étudiés. Seuls les médecins hospitaliers, lorsqu’ils disposent d’une bibliothèque de service, s’adressent, de manière ponctuelle, aux bibliothécaires pour la recherche de documents.

Pour s’informer en contexte professionnel, les individus mettent en place des stratégies diverses. Ces stratégies, si elles prennent place au sein d’un contexte collectif, n’en demeurent pas moins fortement individuelles, choisies en fonction de divers facteurs comme le temps dont ils disposent, le type d’information attendue, les habitudes, ou encore l’expertise.

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Le terme de stratégies est largement utilisé dans les études consacrées aux activités informationnelles. Pour autant, est-il le plus adéquat ? En se référant à la manière dont Michel de Certeau [Certeau 1980] propose de définir la stratégie, il apparaît qu’elle est un « calcul des rapports de forces qui devient possible à partir du

moment où un sujet de vouloir et de pouvoir est isolable d’un environnement ». Selon l’auteur, la rationalité s’est construite sur ce modèle stratégique et la stratégie correspondrait à un mode d’activité des décideurs, de haut et de loin, selon un plan déterminé préalablement. Il semblerait alors plus opportun de parler à la fois de

tactiques et de stratégies pour qualifier les manières de faire observées en contexte professionnel, la tactique se définissant, toujours en suivant les propos de Michel de Certeau [1980] comme des moyens de contournement du système.