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Ces activités informationnelles prennent place au sein d’une organisation. Le cadre de cette organisation se traduit par un ensemble de règles, de procédures et de ressources qui structurent et fixent le contenu des activités que les personnels ont à mener. Ce cadre est constitué des délais, du budget, de la manière dont l’entreprise s’organise, des prescriptions en termes de contenu des activités principales et donc des résultats attendus et qui seront évalués.

Ce cadre contraint fortement la manière dont les acteurs de l’entreprise travaillent avec les informations et notamment le temps dont ils disposent, le budget qu’ils peuvent utiliser pour accéder à des ressources payantes, le recours possible à des professionnels de l’information documentation pour s’informer.

Des contraintes liées à la manière dont l’organisation est structurée hiérarchiquement, peuvent également intervenir. Elles s’illustrent très clairement dans les métiers de la banque. Ainsi, lorsqu’un commercial doit répondre à ses clients, que ce soit via l’accueil ou l’orientation vers un produit ou un service, il peut être amené à rechercher une information pour accomplir son travail et se trouve alors dans une situation que l’on peut qualifier de paradoxale. D’un côté, il accueille le client vis-à-vis duquel il doit remplir un objectif de type relationnel. Ainsi, il faut lui faire bon accueil et se montrer efficace pour le service demandé, sachant que dans le cas contraire, le client pourrait se retourner vers un concurrent ou vers un autre service. Cependant que, d’un autre côté, le commercial rend compte de son activité à sa hiérarchie. L’objectif est alors commercial puisqu’il s’agit d’obtenir des résultats commerciaux, de décrocher des contrats par exemple, de faire entrer un nouveau client dans la banque ou encore

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d’empêcher que le client ne s’échappe vers les concurrents. Mais le commercial se doit également de conduire son activité avec prudence et dans un cadre réglementaire très strict, sous peine de mettre son entreprise en situation illégale.

Les activités informationnelles du commercial s’inscrivent alors dans cette situation contradictoire. Côté client, l’employé qui prend du temps pour vérifier une information ou faire confirmer un choix par un collègue risque d’apparaître méfiant sinon peu efficace, voire même incompétent aux yeux du client dans la mesure où il ne fournit pas immédiatement la réponse au problème soulevé. Côté hiérarchie, il pourra au contraire, donner l’image d’un employé prudent et responsable. En effet, il montre qu’il a à cœur de ne pas engager son entreprise dans une situation potentiellement difficile.

Les personnels chargés de contrôler la légalité des opérations, se trouvent également confrontés à ce type de situation. Dans leur activité principale, ils ont un objectif de vérification en vue du respect de la légalité. En effet, ce sont eux qui s’assurent que les procédures d’ouverture de comptes respectent les règles légales et ils doivent en rendre compte à leur hiérarchie. Mais ils sont d’un autre côté confrontés aux commerciaux puisqu’ils valident et vérifient le travail fourni par ces derniers.

Les activités informationnelles des contrôleurs s’inscrivent également dans cette contradiction puisque le contrôleur doit être suffisamment prudent pour assurer à sa hiérarchie qu’il ne laissera pas passer un dossier « risqué », cependant que s’il est trop pointilleux dans sa vérification, il peut apparaître méfiant et suspicieux par rapport au travail de ses collègues commerciaux.

Les deux études menées auprès des médecins montrent également les contraintes liées à l’environnement institutionnel dans lequel leur activité prend place. Le cadre d’exercice, qu’il soit l’hôpital d’un côté ou en libéral de l’autre influence les activités informationnelles. Ainsi, la pratique professionnelle au sein d’un CHU favorise le partage d’informations via des séances collectives de bibliographies, l’échange d’articles annotés entre collègues, ou encore le recours aux bibliothèques environnantes pour accéder à des ressources documentaires. A l’inverse, le cadre en libéral qui implique le plus souvent une activité isolée, favorise une manière plus individuelle de s’informer. Chaque médecin se crée ses propres collections de ressources en s’abonnant

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à des revues, achetant les manuels jugés incontournables, ou en sauvegardant les documents issus de recherches effectuées sur internet.

Les activités informationnelles sont également liées à la culture informationnelle de l’entreprise [Choo 2008]. Ainsi l’importance que l’entreprise accorde à la place de l’information influencerait les pratiques informationnelles des individus.

La culture informationnelle s’entend, ici, comme l’orientation et les choix que fait l’organisation par rapport à l’information. Chaque organisation développe sa propre culture et établit des valeurs et des normes en lien, par exemple, avec la gestion de l’information, le développement de dispositifs et de systèmes d’information, la latitude accordée à ses employés quant à l’accès aux ressources informationnelles qu’elles soient produites en interne ou externe, l’incitation au partage de l’information, l’organisation des connaissances en interne, la présence de professionnels pour l’organisation des ressources, la production verticale ou horizontale des contenus numériques,…Je ne fais donc pas ici référence aux travaux qui appréhendent la culture informationnelle comme « la capacité, pour un individu au sein de la société, à utiliser l’information au travers d’un véritable travail intellectuel de compréhension des processus d’information » [Gardiès, 2008].

Davenport [1997] distingue plusieurs dimensions de la culture informationnelle : elle peut être ouverte ou fermée ; orientée sur les faits ou basée sur les rumeurs et les intuitions ; centrée sur ce qui se passe en interne ou en externe ; et enfin contrôlant ou donnant du pouvoir137.

Dans le cadre de la banque objet de plusieurs études138 par exemple, de nombreux contenus sont produits dans une dynamique de haut vers le bas, la gestion des informations et ressources internes n’est pas confiée à des professionnels de l’information documentation, les dispositifs d’accès à l’information (les intranets notamment) se multiplient et rendent peu lisible, en interne, l’offre de ressources disponibles. Ce fonctionnement influence les pratiques informationnelles : les personnels ont des difficultés à se retrouver dans l’ensemble des sources d’information proposées, ils ne voient pas la cohérence des dispositifs existants et, finalement, gère

137 “Information culture can be open or closed, factually oriented or rumor- and intuition-based, internally or externally focused, controlling or empowering”. (page 84)1

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leurs activités informationnelles de manière individuelle. Ainsi, ils mettent en place des collections personnelles de documents vers lesquelles ils se tournent lorsqu’ils cherchent des informations, et en n’envisagent pas de partager l’information avec leurs collègues.

Au Centre Hospitalier et Universitaire de Grenoble, la culture informationnelle est étroitement liée aux activités de recherche et de publication des praticiens. C’est une culture plus ouverte aux ressources externes (bases de données spécialisées, revues scientifiques,..) incontournables pour le travail de recherche et d’enseignement, qui s’appuie sur la bibliothèque universitaire qui met à disposition un portail de ressources spécialisées et la possibilité de prêt entre bibliothèques ainsi que sur les bibliothèques de service, et qui incite aux échanges et partage d’informations entre collègues.