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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

V. DONNEES TOXICOLOGIQUES

1. Toxicité aigüe, subchronique et chronique

La DL50 du TBBPA par voie orale est relativement élevée chez le rat comme chez la

souris: 4,5-5 g/kg. Le TBBPA n’est pas un irritant cutané (WHO, 1995). Seules des études sur des expositions à court terme ont été réalisées. Chez le rat, le TBBPA n’aurait pas d’effet observé à la dose de 100 mg/kg après une exposition de 3 mois. La dose minimale sans effet nocif observé a été évaluée à 700 µg/g de poids corporel (p.c.)/jour. Au-delà, les effets observés sont une perte de poids, une baisse de l’hématocrite et une augmentation du poids de la rate.

Une exposition chronique au TBBPA par inhalation (>18 mg/L/jour pendant 2 semaines) produit chez le rat un excès de salivation, des larmoiements, et des écoulements nasaux. Une augmentation du poids de la thyroïde et des glandes surrénales a été observée chez les femelles à une concentration de 8 mg/L (WHO, 1995). Les nouveau-nés semblent être plus sensibles à l’exposition au TBBPA que les adultes. Une néphrotoxicité irréversible (lésions poly-cystiques) a été observée chez des nouveau-nés exposés par voie orale à 200 et 600 µg/g p.c. de TBBPA de 4 à 21 jours, alors que les adultes traités n’étaient pas affectés (Fukuda et

al., 2004).

Pour le DBDE, la DL50 par voie orale chez le rat est supérieure à 5 g/kg. Celle de l’octaBDE

est de 10 g/kg et celle du pentaBDE est comprise entre 0,5 et 5 g/kg (Norris et al., 1975; WHO, 1994). Diverses études de 14 à 103 semaines ont été réalisées par voie orale chez les rongeurs (rats ou souris) avec le déca-mix, l’octa-mix et le penta-mix. Des effets toxiques sont observés principalement sur le foie, le rein et la thyroïde. Globalement, la toxicité de ces PBDE tendrait à décroitre avec l’augmentation du nombre d’atomes de brome.

Une sensibilité plus élevée des fœtus et des nouveau-nés a été notée dans de nombreuses études réalisées chez le rongeur, avec des effets neurologiques détectés à l’âge adulte (hyperactivité, altération du comportement spontané) (Kuriyama et al., 2005; Staskal et al., 2006).

Il est important de noter que ces effets ont été obtenus avec des doses très élevées, sans commune mesure avec les doses auxquelles l’Homme pourrait être exposé.

2. Toxicité sur la reproduction et le développement

Les études portant sur l’évaluation des fonctions de reproduction sont très incomplètes, aucune étude spécifique n'étant disponible concernant l'embryotoxicité, la toxicité péri et post natale, ou l'impact sur les descendants (étude multi-générations). En outre, la plupart des études ont été réalisées avec des mélanges commerciaux sans aucune précision concernant la composition des mélanges de PBDE utlisés. Pour le TBBPA aucune étude n’a été rendue publique.

Une étude de fertilité chez le rat exposé pendant 60 jours avant l'accouplement, durant la gestation et pendant la lactation à 100 µg/g p.c./j de déca-mix ne montre pas d'effet sur les principaux paramètres de la reproduction, ni d'effet toxique sur la mère ou les petits (Norris et

al., 1975). Cependant, des travaux plus récents montrent des effets sur le développement

sexuel de rats dont les mères ont été traitées avec du pentaBDE (BDE-99) par injection sous cutanée (1 ou 10 µg/g p.c./jour) au cours de la gestation (G10 à G18) (Lilienthal et al., 2006). Une altération des tissus ovariens dans la génération F1 dès 60 ng/g p.c. a été observée. Des anomalies osseuses chez la génération F2 ont également été répertoriées après une administration unique de ce PBDE au 6ème jour de gestation (Talsness et al., 2005).

Plusieurs études ont montré que les PBDE pouvaient avoir des effets sur le développement neurologique chez la souris, à la fois après administration des composés à la mère pendant la gestation ou après administration directement aux nouveau-nés. L’exposition au penta-mix par voie orale chez la souris gravide (6 µg/g p.c./ jour à partir du 6ème jour de gestation) a induit une réduction du nombre de nouveau-nés (Branchi et al., 2003). L’exposition aux PBDE de souriceaux (mélange ou molécule isolée, BDE-99, -153, -183, -203, -206, et DBDE) causerait chez l’adulte une altération irréversible du comportement spontané se traduisant par une hyperactivité et une altération des fonctions d’apprentissage et de la mémoire (Viberg et

al., 2004; Viberg et al., 2006). De plus, une étude récente a également montré que le penta-

mix avait un potentiel neurotoxique sur les cellules du cerebellum chez le rat in vitro (Reistad

et al., 2006). Ces résultats sont encore l’objet de controverses, les études ayant été menées

3. Etudes des fonctions endocrines

De nombreuses perturbations des fonctions endocrines pourraient être attribuées aux RFB, en particulier pour ce qui est de l’axe thyroïdien et des hormones stéroïdiennes.

Il a été montré que le TBBPA, en raison de sa ressemblance structurale avec les hormones thyroïdiennes (notamment la tétraïodothyronine, T4), était un puissant compétiteur de la T4 par rapport à la liaison à une protéine de transport des hormones thyroïdiennes : la transthyrétine humaine, TTR, in vitro (la liaison à cette protéine étant 10 fois plus forte que pour le ligand naturel) (Meerts et al., 2000). Ces auteurs ont montré que cette compétition est dépendante non seulement de l’halogène présent sur la molécule, les composés bromés ayant plus d’effet que leurs analogues chlorés, mais aussi du nombre d’atomes de brome présents (plus il y a de brome plus la compétition pour la T4 est importante). Le TBBPA peut également se lier aussi au récepteur aux hormones thyroïdiennes et ainsi empêcher la liaison de la triodothyronine T3 (Kitamura et al., 2005), les mêmes auteurs ont aussi démontré que le TBBPA avait un effet antagoniste in vivo vis-à-vis des hormones thyroïdiennes (chez les amphibiens). Une étude a démontré que le TBBPA avait un faible pouvoir œstrogénique in

vitro contrairement à son analogue non bromé, le BPA. Cet effet tend à augmenter lorsque le

nombre d’atomes de brome présents sur les bisphénols diminuent (Meerts et al., 2001).

Aucune donnée n’est disponible concernant le DBDE pour les perturbations des fonctions endocrines. En revanche, plusieurs études in vitro et in vivo ont été réalisées pour les PBDE de poids moléculaire plus faible.

Très récemment, des travaux ont mis en évidence des effets du pentaBDE (BDE-99) sur les fonctions endocrines, chez des rats adultes qui avaient été exposés in utero, les mères ayant été traitées par injection sous cutanée avec du pentaBDE (1 ou 10 µg/g p.c./j) au cours de la gestation (G10 à G18). Les effets observés étaient une diminution de la distance ano-génitale, une baisse de la concentration d’hormones sexuelles stéroïdiennes circulantes, du poids de la thyroïde, du nombre de follicules ovariens (femelles) et une augmentation de la préférence sucrée qui est un indice de féminisation (mâle). Les auteurs notent que ces effets ont été détectés à l’âge adulte, soit bien après l’arrêt de l’exposition au pentaBDE, démontrant la persistance des effets (Lilienthal et al., 2006). Stoker et al. avaient déjà mis en évidence en 2004 un retard dans la maturation sexuelle chez les rats mâles et femelles, après exposition dès le sevrage et durant 20 à 31 jours à 60 µg/g p.c./j d’un mélange commercial (penta-mix), qui pourrait être la conséquence d’effets sur la thyroïde. Ainsi, après exposition à ce même mélange commercial ou à du tétraBDE (BDE-47), une diminution du taux de T4 est souvent

rapportée chez le rat et la souris, sans effet sur les taux de T3 et de TSH, ou bien uniquement chez le mâle. Une modification histo-pathologique de la thyroïde est observée à partir de 60 µg/g p.c./j après 20 à 31 jours d’exposition au penta-mix (Fowles et al., 1994; Hallgren et al., 2001; Zhou et al., 2002; Stoker et al., 2004). Le taux de T4 est également diminué chez les fœtus dont les mères sont exposées à ce mélange, avec un retour à des valeurs normales 15 jours après le sevrage, correspondant à l’arrêt de l’exposition par l’allaitement (Zhou et al., 2002).

L'étude de l’activité biologique des PBDE n’en est qu’à son début, les premiers résultats montrent que certains congénères sont actifs in vitro. Par exemple, les BDE-19, 100, 155 et 49 sont des antagonistes ayant une bonne affinité pour les récepteurs AR (récepteur aux androgènes) et PR (récepteur à la progestérone) et des agonistes ayant une affinité pour le récepteur ERα (récepteur des œstrogènes). Ils inhibent l’activité de l’estradiol sulfotransférase et ont des effets potentialisateurs sur la prolifération induite par T3des cellules GH3 (Hamers

et al., 2006). Certains métabolites hydroxylés des PBDE comportant 3 à 5 atomes de bromes

(en fonction de leur stéréochimie) pourraient être des perturbateurs endocriniens (Meerts et

al., 2000 et 2001). Compte tenu de leur importante analogie structurale avec les hormones

thyroïdiennes (les atomes de brome remplaçant ceux d’iode présents sur les hormones), l’un des mécanismes proposés est une compétition des PBDE avec la T4 pour les récepteurs de la transthyrétine (TTR), la principale protéine de transport des hormones thyroïdiennes chez le rat, toutefois sa signification pour l’Homme reste à déterminer. Enfin, le penta-mix a montré un potentiel anti-androgène dans le test de Hershberger chez le rat immature (Stoker et al., 2005).

4. Immunotoxicité

Le potentiel immunotoxique des RFB est inconnu. Pourtant, une publication, concernant le TBBPA (Pullen et al., 2003) mentionne que ce composé pourrait être immunotoxique, compte tenu des effets observés in vitro avec des splénocytes de souris (inhibition de l’expression de la chaîne α du récepteur à l’interleukine 2). Récemment une équipe Norvégienne a mis en évidence que les bisphénols bromés pouvaient induire un stress oxydant par la formation de radicaux libres dans des cellules sanguines humaines (granulocytes neutrophiles), cette induction étant dépendante du nombre d’atomes de brome présents sur la molécule, et étant maximale pour le TBBPA (Reistad et al., 2005). Un tel processus (stress oxydant) avait été préalablement suggéré suite à l’observation de

l’augmentation de l’activité de la glutathion réductase chez le poisson par le TBBPA (Ronisz

et al., 2004).

5. Conclusions

La toxicité aigüe des RFB, compte tenu des données disponibles, est assez faible. Aucun de ces composés ne serait génotoxique. Cependant, de nombreuses altérations hormonales ont été rapportées concernant le TBBPA et certains PBDE, et particulièrement les métabolites hydroxylés des PBDE. Concernant la thyroïde, si les effets directs observés chez les rongeurs ne sont pas directement extrapolables à l’Homme, les effets indirects résultant de modifications hormonales thyroïdiennes pourraient avoir un impact certain sur les fonctions de reproduction, et plus particulièrement sur le déroulement de la maturation sexuelle, sur le développement de l’embryon et sur l’activité neurocomportementale des nouveau-nés. Les données disponibles restent cependant trop superficielles pour une analyse satisfaisante de ces aspects. De plus, aucune expérimentation n’a été à ce jour réalisée chez le non-rongeur.

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