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Données préliminaires sur la prise en charge des plaies causées par l’ulcère de Buruli. Résultats du traitement de lésions avec et sans colonisation

microbienne locale

Affiche : Maria Letizia Iabichella

Iabichella ML*, Fusari V**, Topolinska M*; Amaku Anzako C***, Pediliggieri C*, Iabichella A*

* Helios Med Onlus – International Health Cooperation

** Université de Pavie

*** Ariwara Hospital, République démocratique du Congo (Afrique centrale)

Contexte

Depuis 2012, en République démocratique du Congo et au Bénin, Helios Med Onlus collecte des données démographiques et cliniques pour le traitement des lésions cutanées. Helios Med Onlus cherche à identifier les infections siégeant dans les plaies cutanées aiguës ou chroniques dues à l’ulcère de Buruli (UB) et à d’autres causes (n-UB) qui influent non seulement sur le temps de guérison des lésions trophiques mais aussi sur la qualité de vie des patients. Le but est de former les agents de santé locaux à la prise en charge des plaies par l’ozonothérapie et l’application d’Hyperoil afin de répondre aux besoins locaux.

Helios Med Onlus a développé une méthode pour le nettoyage topique des plaies par l’ozone et l’Hyperoil. Les meilleurs résultats sont obtenus avec 3 applications au cours de la première semaine, consistant à positionner une poche autour de la lésion et à insuffler un mélange O2-O3 à une concentration de 20 à 30 μg/ml. La poche gonflée est fixée juste au-dessus de la lésion pour éviter toute fuite de gaz. Elle est ensuite positionnée de manière à ce que le mélange de gaz soit en contact avec l’ulcère pendant environ 20 minutes. Après avoir retiré la poche, la plaie est soignée normalement en appliquant quelques gouttes d’Hyperoil dans le lit de l’ulcère avec une gaze tous les deux jours jusqu’à guérison complète. Un bandage non compressif protège la plaie de la poussière.

Par leurs propriétés, l’ozone et l’Hyperoil évitent l’aggravation des plaies, réduisent le risque infectieux et stimulent la réparation tissulaire. De ce fait, son utilisation chez les patients atteints d’UB chronique a été efficace. L’extrait de fleurs d’Hypericum (Hypericum perforatum) et l’huile de neem (Azadirachta indica) aux propriétés anti-inflammatoires, antiœdémateuses, bactériostatiques et naturellement curatives ont été utilisés avec succès dans le traitement des plaies compliquées. En outre, ils sont faciles à utiliser par les soignants, surtout dans les lieux éloignés des centres de dépistage de l’ulcère de Buruli et en l’absence d’équipements et d’électricité pour produire de l’ozone.

Méthodes

L’ulcère de Buruli a été diagnostiqué conformément aux lignes directrices de l’OMS. Les données traitées portaient sur 96 lésions compliquées par une colonisation microbienne locale (CML) de différentes étiologies (UB ou non-UB par exemple après la pose d’un cathéter, une injection intramusculaire, une morsure de serpent, une mastite, une césarienne ou une intervention chirurgicale) : 26 plaies aiguës (1 UB nouvelle: 1F; 25 n-UB: 20F et 5M) et 70 plaies chroniques (39 UB: 20F et 19M; 31 n-UB: 13F et 18M) ont été suivies jusqu’à guérison complète ou abandon. Les données traitées portaient également sur 96 lésions sans colonisation microbienne locale (n-CML) de différentes étiologies (UB ou n-UB): 39 plaies aiguës (8 UB nouvelles: 6F et 2M; 31 n-UB: 24F et 7M) et 57 plaies chroniques (28 UB: 10F et 18M; 29 n-UB: 10F et 11M) ont été suivies jusqu’à guérison complète ou abandon.

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Pendant la première semaine, le traitement consistait à utiliser la poche d’ozone et à appliquer quelques gouttes d’Hyperoil sur la lésion. L’Hyperoil a été appliqué sur les plaies tous les deux jours, après nettoyage avec un soluté salin, jusqu’à guérison complète. Aucun antibiotique systémique n’a été donné aux patients pendant le traitement topique de leurs plaies.

Résultats

Comme le montre le Tableau 1, la proportion de lésions aiguës CML s’élevait à 27,1 % (1 % UB et 26,1 % n-UB) et celle des lésions aiguës n-CML à 40,6 % (8,3 % UB et 32,3 % n-UB), tandis que la proportion de lésions chroniques CML s’élevait à 72,9 % (40,6 % UB et 32,3 % n-UB) et celle des lésions chroniques n-CML à 59,4 % (29,2 % UB et 30,2 % n-UB). L’UB était souvent impliqué dans les lésions chroniques, tandis que les causes n-UB étaient plus fréquentes dans les lésions aiguës.

Une grande proportion de femmes (20,8 %) demandait des soins en cas de lésions aiguës, CML et n-CML, surtout quand les lésions n-UB étaient dues à une césarienne. Aucune différence entre les sexes n’a été observée pour les lésions UB CML (19,8 % M; 20,8 % F) et les lésions n-UB CML (18,8 % M; 13,6 % F). La proportion d’hommes avec lésions chroniques n-CML qui demandait un traitement était plus élevée que chez les femmes (M: 18,8 % UB et 19,8 % n-UB; F: 10,4 % UB et 10,4 % UB et 10,4 % n-UB). En revanche, la proportion de femmes qui demandait des soins en cas de lésions aiguës n-UB n-CML (25,0 %) était plus élevée que chez les hommes (7,3 %), de même qu’en cas de lésions aiguës UB n-CML (2,1 % M; 6,3 % F).

Tableau 1

Étiologie

Type de lésion Sexe

Nouvelle/aiguë (%) Chronique (%) Nouvelle/aiguë (%) Chronique (%)

M F M F

CML UB 1 (1,0) 39 (40,6) 1 (1,0) 19 (19,8) 20 (20,8)

n-UB 25 (26,0) 31 (32,3) 5 (5,2) 20 (20,8) 18 (18,8) 13 (13,6) n-CML UB 8 (8,3) 28 (29,2) 2 (2,1) 6 (6,3) 18 (18,8) 10 (10,4) n-UB 31 (32,3) 29 (30,2) 7 (7,3) 24 (25,0) 19 (19,8) 10 (10,4) Le Tableau 2 montre qu’en cas de CML, le temps de débridement et de guérison des plaies UB aiguës et chroniques étaient plus longs que ceux des plaies n-UB, mais ces temps ne différaient pas en l’absence de CML (n-CML) tant pour les plaies UB que n-UB.

Le temps de débridement pour les plaies UB aiguës et chroniques CML et n-CML était supérieur (CML: 18±0,0 nouvelles et 9,6±0,0 chroniques; n-CML: 5±1,0 nouvelles et 6,2±3,1 chroniques) à celui des plaies n-UB (CML: 3,7±1,4 aiguës et 7,2±2,1 chroniques; n-CML: 3,0±2,1 aiguës et 5,0±1,9 chroniques). Le temps de guérison pour les plaies UB nouvelles et chroniques CML et n-CML était également supérieur (CML: 65,0±0,0 nouvelles et 51,7±10,5 chroniques; n-CML: 10,8±7,3 nouvelles et 28,0±10,0 chroniques) à celui des plaies UB (CML: 10,8±7,3 aiguës et 44,4±24,7 chroniques; n-CML: 15,0±7,1 aiguës et 21,0±14,1 chroniques).

Tableau 2

Étiologie Temps de débridement (jours) Temps de guérison (jours) Nouvelle/aiguë Chronique Nouvelle/aiguë Chronique CML UB 18,0 ±0,0 9,6 ±2,4 65,0 ±0,0 51,7 ±10,5 n-UB 3,7 ±1,4 7,2 ±2,1 10,8 ±7,3 44,4 ±24,7 n-CML UB 5,0 ±1,0 6,2 ±3,1 28,0 ±10,0 40,1 ±9,1

n-UB 3,0 ±2,1 5,0 ±1,9 15,0 ±7,1 21,0 ±14,1

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Seuls 67,90% des patients avaient suivi le traitement jusqu’à la guérison. Comme le montre le Tableau 3, la proportion d’abandon était supérieure en cas d’ulcères chroniques, tant CML (UB 2,0%;

n-UB 14,6%) que n-CML (UU 2,1%; n-UB 8,3%). La proportion d’abandon était plus élevée chez les hommes avec des plaies chroniques n-UB CML (9,4% M; 5,2% F) et n-CML (8,3% M; 0,0% F) qu’avec des plaies UB CML (1% M; 1% F) et n-CML (2,1% M; 0,0% F). On n’a observé aucun abandon pour les nouvelles plaies UB avec CML dans les deux sexes ; l’abandon était minimal en l’absence de CML (M 1,0%; 0,0% F) et inférieur à celui que l’on a observé avec des plaies aiguës n-UB CML (1,0% M; 1,0% F) et n-CML (2,1% M; 0,0% F).

Les temps de débridement et de guérison des plaies UB et n-UB sans colonisation microbienne sont plus courts. Le débridement non chirurgical des plaies UB et n-UB semble compliqué par une colonisation microbienne locale (CML).

Comme on le sait, la colonisation microbienne peut conduire à une chronicisation des plaies et, quand elle ne concerne pas des lésions UB nouvelles et chroniques, elle entraîne un temps de guérison plus long que celui des lésions ayant d’autres étiologies. En revanche, quand des lésions UB sont compliquées par une colonisation microbienne, leur temps de guérison est plus long que celui des lésions n-UB, de même que leur temps de débridement, surtout en cas de lésions UB nouvelles.

La colonisation microbienne locale des ulcères aigus et chroniques allonge notablement le temps de guérison des lésions comparativement au temps de débridement, quelle que soit l’étiologie. Ces données suggèrent que le traitement local des plaies UB nécessite impérativement des pansements antiseptiques capables de réduire le risque d’infection locale et de stimuler efficacement le tissu de granulation et la réparation tissulaire complète.

Les lésions aiguës infectées UB et n-UB sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, lesquels présentent plus fréquemment des ulcères chroniques UB et n-UB et ont davantage tendance à demander des soins médicaux. A contrario, le pourcentage de lésions UB chroniques avec colonisation microbienne locale est similaire chez les femmes et les hommes, mais les plaies UB chroniques sans colonisation microbienne locale sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, la formation des agents de santé locaux est pertinente pour prévenir la colonisation microbienne locale des plaies afin d’éviter une chronicisation et les complications liées à la prise en charge.

L’observance du traitement est optimale à 1-2 semaines et réduite à 1-3 mois. Un traitement efficace à court terme est bien suivi, mais quand il dure plus de 2 semaines, même s’il améliore l’état de la lésion, la majorité des patients ne le suivent pas jusqu’au bout et cela favorise l’abandon du traitement, avec de légères différences entre les sexes.

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Ces chiffres sont dus à plusieurs facteurs, comme le manque de confiance dans les traitements étrangers nouveaux pour l’environnement culturel local, les difficultés à supporter les coûts, l’amélioration de l’état de santé ou le retour au travail, l’absence d’amélioration immédiate ou la détérioration de l’état des plaies. Tous ces facteurs peuvent conduire à l’abandon du traitement.

Les patients atteints d’UB semblent davantage enclins à suivre le traitement que les patients souffrant d’autres types d’ulcères chroniques. Cela s’explique probablement par les campagnes de sensibilisation à l’ulcère de Buruli menées par l’OMS au travers des centres de dépistage et de traitement de l’ulcère de Buruli locaux.

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La prise en charge intégrée des plaies et complications de l’ulcère de Buruli