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Nos données cliniques et moléculaires dans 14 familles de Syndrome de Nager

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CHAPITRE II : POLARISATION ANTERO-POSTERIEURE DU MEMBRE

V. Deuxième modèle d’étude : Le Syndrome de Nager

V.3 Nos données cliniques et moléculaires dans 14 familles de Syndrome de Nager

Nager n’était pas identifié. Dans le cadre de notre activité de génétique clinique, nous avons identifié 5 patients atteints de syndrome de Nager suivis au CHRU de Lille, appartenant à 4 familles différentes. Par le biais de collaborations nationales et internationales nous avons recruté progressivement 10 familles supplémentaires, aboutissant à un total de 18 patients atteints, dans le but d’identifier l’anomalie moléculaire en cause dans cette affection.

Un séquençage haut-débit de l’exome a été réalisé chez les 3 premiers patients recrutés, selon une stratégie de chevauchement (Biesecker and Green, 2014). Il s’agissait de 3 cas sporadiques de Syndrome de Nager. Ces analyses avaient été effectuées par la plateforme de prestation Otogenetics (Norcross, GA, USA), utilisant la technologie MiSeq, Illumina. Alors que l’analyse des résultats était en cours, l’identification du gène SF3B4 comme responsable du Syndrome de Nager a été publiée par Bernier et coll. dans le cadre du projet FORGE Canada (Finding Of Rare Disease Genes in Canada) (Bernier et al., 2012). Ce gène était couvert par le séquençage de l’exome réalisé chez nos 3 patients, en revanche la profondeur de lecture était particulièrement faible (< 20X) pour les exons 1 à 3 (Figure 26).

Figure 26 : Profondeur moyenne de lecture des 6 exons de SF3B4 pour les 3 exomes réalisés.

Suite à l’identification du gène SF3B4, nous avons mis au point le séquençage Sanger de ses 6 exons. Les 3 patients étudiés en exome étaient porteurs d’une mutation (Patient 1 : Exon 1 c.1A>G, p.Met1?; Patient 2 : Exon 3 c.452C>A, p.Ser151X ; Patient 3 : Exon 3 c.577C>T, p.Arg193X). Rétrospectivement, la visualisation des lectures couvrant les nucléotides concernés sur nos exomes a permis de suspecter une mutation uniquement chez le

0 20 40 60 80 100 120 140

Exon1 Exon2 Exon3 Exon4 Exon5 Exon6

SF3B4 P ro fo n d e u r (X ) Patient1 Patient2 Patient3

Patient 1. Cependant, la profondeur de lecture était trop faible pour que ce variant soit retenu après les filtres de l’analyse bioinformatique (Figure 27).

Nous avons poursuivi le séquençage Sanger du gène SF3B4 chez les 18 patients de notre cohorte. Les données cliniques et moléculaires ont fait l’objet de l’article 3 ci-après.

Figure 27 : Mise en défaut du séquençage de l’exome chez 3 patients porteurs de mutations du gène

SF3B4.

Les nucléotides concernés par les mutations identifiées en séquençage Sanger sont encadrés.

Pour le Patient 1, 5% des lectures (1/19) mettent en évidence la mutation. Pour les Patients 2 et 3, la mutation n’est pas identifiée malgré une profondeur respective de 22 et 35 lectures. Total count : profondeur de lecture.

Article 3

Discussion

Le séquençage du gène SF3B4 chez les 18 patients de notre cohorte a permis de confirmer son implication majeure dans le Syndrome de Nager, avec une anomalie moléculaire identifiée chez environ deux tiers des familles.

La description clinique de nos 18 patients souligne une incidence accrue des cardiopathies congénitales chez ces patients, proche de 15% chez les porteurs d’une mutation

SF3B4. Ceci est concordant avec le fait que l’orthologue murin de SF3B4 est exprimé au

cours du développement cardiaque (Ruiz-Lozano et al., 1997).

De plus, nous avons décrit la présence d’une atteinte des membres inférieurs chez nos patients à type d’anomalies mineures comme une hypoplasie du premier métatarsien, un hallux court ou des pieds bots, ce qui est également concordant avec l’expression du gène dans le membre inférieur chez la souris. Au vu de ces observations, le diagnostic de Syndrome de Nager ne doit donc pas être remis en question en cas d’atteinte des membres inférieurs.

Enfin, il s’agissait chez nos patients porteurs d’une mutation SF3B4 d’une majorité de cas sporadiques par mutation de novo, ce qui a permis de délivrer un conseil génétique rassurant aux parents.

La dysostose acrofaciale de Nager, constitue un nouvel exemple d’affection développementale en rapport avec une dérégulation génique. Elle appartient à un groupe grandissant d’affections en lien avec une altération de l’épissage que l’on peut regrouper sous le terme de « splicéosomopathies ». Le gène SF3B4, en cause dans près de deux-tiers des cas, code la protéine SAP49 qui joue un rôle dans l’épissage médié par le splicéosome majeur.

L’épissage alternatif est une caractéristique de la régulation du transcriptome des eucaryotes et près de 95% des transcrits humains multi-exoniques y sont sujets (Pan et al., 2008). Il est régulé différentiellement selon le type cellulaire et le stade de développement, cette régulation contrôlant l’expression spatiale et temporelle des différentes isoformes. L’épissage alternatif enrichit le protéome des organismes supérieurs mais accroit également leur complexité de fonctionnement, augmentant d’autant leur susceptibilité aux pathologies. Les mutations des composants de la machinerie d’épissage ou de ses régulateurs peuvent potentiellement altérer l’expression de gènes multiples. Le faible nombre de pathologies en rapport actuellement décrites est probablement lié à la létalité cellulaire ou embryonnaire de ces mutations (Kalsotra and Cooper, 2011). Néanmoins, en plus du Syndrome de Nager,

plusieurs affections en lien avec une altération de la machinerie d’épissage ont été décrites ces dernières années : certaines formes autosomiques dominantes de rétinite pigmentaire (Chakarova et al., 2002; McKie et al., 2001; Vithana et al., 2001), le syndrome de Taybi Linder (ou nanisme primordial ostéodyplasique avec microcéphalie de type 1, MOPD1) (Edery et al., 2011; He et al., 2011), et la dysostose mandibulo-faciale type Guion-Almeida (Lines et al., 2012). Dans ces affections, la raison pour laquelle une altération de la machinerie d’épissage ubiquitaire a des conséquences uniquement tissu-spécifiques est mal connue.

A l’heure actuelle, les gènes dérégulés au cours du développement des membres dans le Syndrome de Nager ne sont pas identifiés. Compte tenu des anomalies préaxiales observées chez les patients, la dérégulation de la voie de signalisation de SHH est probable. Cependant, en plus de son rôle dans l’épissage, la protéine SAP49 intervient dans la voie de signalisation des BMPs au cours du développement squelettique en inhibant la différenciation ostéochondrale par liaison directe avec le récepteur BMPRIA (Watanabe et al., 2007). Ainsi, les malformations observées dans le Syndrome de Nager pourraient être liées à des anomalies de l’épissage de gènes impliqués dans le développement et/ou au rôle direct de la protéine SAP49 dans le développement squelettique.

Environ un tiers des patients atteints de Syndrome de Nager ne présentent pas de mutation ponctuelle du gène SF3B4 (Bernier et al., 2012; Petit et al., 2014). Aussi bien dans les séries de la littérature actuelle que chez nos patients, la recherche de grands réarrangements du gène n’a pas été effectuée, suggérant que ce pourcentage puisse être sous- évalué. Depuis notre étude sur les 18 familles rapportées, le séquençage du gène SF3B4 a été mis en place en diagnostic de routine dans le laboratoire, permettant l’identification de plusieurs autres patients porteurs de mutations ponctuelles. Afin de compléter les investigations moléculaires dans les cas pour lesquels le séquençage est négatif, la recherche de grands réarrangements du gène par PCR quantitative devra être envisagée.

Néanmoins, l’hypothèse d’une hétérogénéité génétique dans cette affection reste probable. Concernant les 5 familles pour lesquelles l’étude du gène SF3B4 s’est avérée négative, nous participons à la collaboration FORGE Canada visant à identifier un autre gène en cause par analyse de l’exome.

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