• Aucun résultat trouvé

II. DISPOSITIF ET STRATEGIE DE TERRAIN

II.4 LES REFERENTIELS DE DONNEES

II.4.1 Les données abiotiques

II.4.1.6 Données de chimie liées au substrat

Ces paramètres sont essentiellement liés aux conditions naturelles environnantes, en particulier à la nature des substrats géologiques présents dans le bassin versant considéré. Les valeurs élevées de certains d'entre eux (élévation conjointe du Na, du Cl,

du K, du SO4) sont révélatrices d’une influence haline littorale avec intrusion d’eaux

salées dans le chenal du secteur aval des cours d’eau. Par ailleurs, dans le contexte de la Nouvelle-Calédonie, une augmentation exagérée des teneurs en certains métaux lourds (Ni, Cr, Mn…) et/ou de forts symptômes de colmatage du fond du cours d’eau par des particules fines latéritiques peuvent être révélateurs d’impacts miniers liés à l’exploitation des péridotites et/ou à l’extraction du nickel.

Ces paramètres sont les suivants :

- Calcium (Ca++) : issu du lessivage des roches sédimentaires calcaires ou de

formations métamorphiques liées à la transformation par la chaleur et la pression de formations calcaires (par exemple les roches schisteuses), sa concentration est variable selon la nature du terrain traversé. Il est très présent sur les Iles Loyauté, d’origine corallienne récifale, mais beaucoup moins sur la Grande Terre. Les substrats les plus riches en calcium sont trouvés dans la partie Nord de l’île, à savoir pour les cours d’eau issus de l’HER C : «Collines schisteuses de la Pointe Nord » et de l’HER F : «Massif du Mont Panié», elle aussi de nature schisteuse. Par contre, la concentration en calcium est particulièrement basse sur les terrains ultramafiques et notamment sur tout le Sud de la Grande Terre.

- Magnésium (Mg++) : de manière assez classique au niveau mondial, il est présent en

assez fortes teneurs et associé au calcium dans les roches sédimentaires calcaires (HER C et F précitées, situées sur la partie Nord de la Grande Terre). Spécificité calédonienne, il est aussi fortement présent dans des formations de surface issues du manteau terrestre, qui affleurent dans l’HER E « Substrats Ultramafiques». Dans ce contexte géologique bien spécifique, les péridotites, roches basiques et riches en magnésium mais par contre, presque totalement dépourvues de calcium, produisent une hydrochimie des cours d’eau très particulière à l’échelle mondiale, ou sont observées des flores diatomiques très originales et particulièrement marquées d’endémisme.

45

Les formations ultramafiques sont aussi associées à de fortes teneurs naturelles des roches en nickel, c’est donc au sein de ces formations que se déploie l’activité d’extraction du minerai de nickel, très importante pour l’économie locale.

- Dureté totale : sur le plan général, c'est un indicateur plus particulièrement influencé

par la teneur en cations calcium et magnésium. En Nouvelle-Calédonie, le rapport calcium sur magnésium est très faible sur les sols ultramafiques, procurant un référentiel de dureté bien spécifique essentiellement influencé par les teneurs en Mg.

- Chlorures, Sodium (Cl-, Na+) : Naturellement présents à des teneurs modestes dans

différents substrats géologiques, ces ions constituent de bons descripteurs des influences halines à proximité du littoral. Une forte concentration de Na ou de Cl peut aussi indiquer une pollution par des eaux usées domestiques (sels régénérants) ou des usages chimiques ou industriels.

- Sulfates : souvent d’origine naturelle, ils caractérisent une nature géologique régionale

des terrains traversés par le cours d'eau. Ils sont directement présents à l’état naturel

dans certains vertisols1 calédoniens (Podwojewski 1988). Ils sont aussi générés par

l'oxydation de sulfures présents dans les sols, roches et sédiments. Ils peuvent accompagner certains effluents anthropiques plutôt sous influence de pollutions chimiques, domestiques et/ou minières (usage d’acide sulfurique). Les teneurs les plus importantes, en conjonction avec Na, Cl, K, sont le signe manifeste d’une intrusion d’eaux marines.

- Potassium (K+) : sa source naturelle principale est l'altération météoritique des roches

contenant du potassium, comme le feldspath. Le potassium accompagne des rejets organiques domestiques ou d’élevage, et peut aussi être signe de pollution diffuse en liaison avec la fertilisation potassique des parcelles agricoles. Sa teneur est relativement élevée en mer par rapport aux eaux de rivières, les fortes teneurs conjointes à celles de

Na, de Cl et de SO4 sont le signe d’intrusions halines littorales.

- Aluminium, Nickel, Chrome, Cobalt, Fer, … : ces micropolluants métalliques (entre

autres) peuvent se trouver, en solution ou complexés, dans les environnements naturels et anthropisés de Nouvelle-Calédonie. Le cortège de métaux trouvés localement, particulier selon les substrats géologiques du bassin versant, contribue à sélectionner des assemblages diatomiques typiques adaptés à l’hydrochimie locale (on peut notamment citer les flores ultramafiques liées aux substrats de péridotites).

La spéciation des métaux, qui peut notamment varier selon le pH de l'eau et le potentiel redox intra-sédimentaire dans le lit du cours d’eau, influence leur biodisponibilité. L’action de l’homme peut exercer une action à deux niveaux :

• Elle peut augmenter les flux dissous et particulaires de métaux, par diverses

actions mécaniques génératrices d’érosion, par la création et l’exploitation de voiries spécifiques à l’activité minière, par les transports de matériaux, par les lavages d’engins de transport, par les déplacements et stockages de « stériles » dans des vallons pentus exposés à des épisodes de pluies tropicales ;

• elle peut aussi influer sur l’effet toxique entraîné par ces métaux sur le milieu, certaines pratiques liées à l’exploitation minière pouvant entraîner des répercussions sur les conditions physico-chimiques locales et sur la spéciation des métaux.

46

Même si des teneurs non-négligeables de ces micropolluants sont trouvées dans des conditions parfaitement naturelles de Nouvelle-Calédonie, les pratiques humaines liées à l’activité minière directe et au génie civil qui y est lié conduisent de façon certaine à une forte augmentation des flux de micropolluants métalliques par rapport au bruit de fond géochimique. Elles génèrent aussi un risque important de changement de forme chimique des métaux (spéciation) et de renforcement de leur effet toxique dans les milieux impactés, par rapport au contexte naturel de ces zones à péridotites.

Le présent programme a intégré une démarche spécifique en vue de répondre à cette problématique locale de surveillance des risques liés à l’activité minière : outre l’utilisation classique du maillon diatomique pour l’évaluation de l’état écologique sur le

plan de l’enrichissement trophique (voir indices diatomiques IPS et IBD en métropole,

IDR à la Réunion, IDA aux Antilles, parmi une longue liste d’indices diatomiques européens et mondiaux), un volet de recherche-développement plus original et innovant vise à évaluer les altérations de l’état écologique causées par les pratiques

minières (génération de flux accrus de MES et d’impacts toxiques liés à la présence de

micropolluants métalliques) à partir de modifications induites sur la composition

multispécifique des communautés diatomiques.

- Silicium (Si) : le silicium se trouve sous forme H4Si04, c'est une espèce dissoute

neutre. Sa solubilité dépend du pH en milieu basique. Les sols ultramafiques sont très pauvres en silicium qui entre dans la composition de la paroi des diatomées. Cependant, les eaux des nappes et leur écoulement en surface sont concentrés en silicium. Dans la littérature, il n'a pas été mis en évidence de concentrations limitantes en Nouvelle-Calédonie par les précédentes recherches (Moser 1999).

- Titre Alcalimétrique Complet : le TAC (ou alcalinité totale) représente un dosage regroupé des carbonates, des bicarbonates et des hydroxydes. Les ions hydroxydes n’étant pas dosables seuls, il n’est pas possible de boucler un bilan analytique basé sur le cumul des espèces ioniques alcalinisantes dosées une par une, d’où le recours à un dosage titrimétrique global par déversement d’acide à la burette jusqu’au virage d’un indicateur coloré en conditions acides. Le TAC présente une relation quasi-linéaire avec le cumul (hydrogénocarbonates + carbonates), paramètres hydrochimiques influençant le plus fortement l'alcalinité d’une eau naturelle de surface (hors contexte bien spécifique des sources thermales). Les hydrogénocarbonates sont très largement

majoritaires dans la plupart des eaux naturelles. Les carbonates CO32- ne commencent

à apparaître qu’à des pH élevés (> 8,3), dans des eaux étant arrivées à saturation en

hydrogénocarbonates H2CO3- et HCO3-. C’est leur présence en excès qui provoque des

précipitations de calcite et le phénomène des eaux pétrifiantes dans des contextes très fortement carbonatés (à noter que ce phénomène n’est jamais rencontré dans les contextes géochimiques de la Grande Terre).

Pour résumer, le TAC est un indicateur de conditions chimiques naturelles représentant bien le gradient géochimique, sous influence de la nature du substrat géologique, entre des eaux peu minéralisées et acides à faible conductivité électrique et des eaux très minéralisées et plutôt basiques. Le positionnement dans ce gradient provoque des basculements typologiques des communautés diatomiques naturelles, depuis des flores acidobiontes typiques d’eaux à faible conductivité électrique et acides jusqu’à des flores alcaliphiles qui se complaisent dans des eaux fortement minéralisées et alcalines. A noter que les plus fortes valeurs de TAC peuvent caractériser des sites sous influence d’entrées halines littorales.

Dans d’autres contextes subissant une forte pression de rejets anthropiques, des valeurs anormalement fortes peuvent rendre compte des effets d’une forte altération

47

chimique anthropique alcalinisante (rejets basiques de certaines STEP, d'industries chimiques et agro-alimentaires…).