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La démarche générale d’analyse exploratoire des données, illustrée Figure 15 a suivi à peu près le même cadre conceptuel et méthodologique que celle qui a été déroulée il y a quelques années pour le développement de 2 nouveaux indices diatomiques DOM, l’IDR à la Réunion (2014) et l’IDA aux Antilles (2013) :

Figure 15 : Analyses exploratoires réalisées sur les jeux de données abiotiques et diatomiques de Nouvelle-Calédonie.

Etape 1 : 2 Analyses en Composantes Principales (ACP), ont été réalisées sur le jeu de

données abiotiques pour étudier la structure des données et pour repérer les gradients physico-chimiques et hydrochimiques présents en Nouvelle-Calédonie. Une première analyse complète, réalisée sur données centrées-réduites mais sans aucune autre transformation, a permis d’étudier la totalité des gradients abiotiques présents et les sites présentant une chimie caractéristique ou extrême (par exemple les sites littoraux sous influence haline…). Les fortes redondances entre certains paramètres abiotiques ayant été repérées, une deuxième ACP plus « réduite » (suppression de quelques descripteurs redondants) et utilisant la méthode de Yeo-Johnson pour re-normaliser la distribution de certaines variables qui le nécessitaient, a permis ensuite d’affiner les analyses en améliorant notamment l’information relative à des sites à positionnement plus intermédiaire.

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Etape 2 : une biotypologie des communautés diatomiques réalisées à l’aide d’une

Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) sur l’assise totale de relevés exprimés en abondances relatives, a permis de repérer les principaux types de communautés diatomiques. Le rapprochement des biotypes et des box-plots de variables environnementales externes correspondantes a permis de comprendre les préférences écologiques de ces communautés. Le niveau de coupe finalement retenu, aux limites de nos possibilités de différenciation écologique, définit 7 clusters correspondant à 7 types de communautés diatomiques (également appelées biotypes diatomiques). Les premiers clusters qui se déterminent dans l’arbre sont surtout structurés par des environnements naturels aux conditions hydrochimiques différentes (substrats volcano- sédimentaires versus substrats ultramafiques), d’autres englobent à la fois des relevés de sites de référence et des relevés subissant déjà une altération non-négligeable, mais n’étant pas encore suffisante pour provoquer un basculement typologique de la flore. C’est le cas de 2 biotypes à l’intérieur desquels une pression de sélection très structurante a été exercée par une pression anthropique notable (respectivement, une très forte pollution de STEP et une influence nette d’altérations minières), entraînant une subdivision en 2 sous-biotypes, l’un naturel, l’autre anthropisé, qui ne se seraient isolés qu’avec un niveau de coupe nettement plus détaillé.

Etape 3 et Etape 4 : Deux démarches indépendantes, à savoir une Analyse Factorielle

de Correspondance (AFC) d’une part, et l’utilisation de l’outil TITAN (Baker et King 2010) d’autre part, ont permis de mieux étudier l’influence des facteurs de forçage environnementaux et anthropiques sur les assemblages biologiques en fonction de la composition des inventaires et des données de physico-chimie disponibles. Au final, les résultats de l’AFC ont seulement servi à conforter les éléments d’interprétation de l’arbre de classification et à mieux asseoir la trame abiotique naturelle permettant d’évaluer judicieusement les sites, illustrant par exemple de façon nette que l’HER B était un ensemble hétérogène en fonction des éventuelles influences hydrochimiques provenant de l’amont. Cela a conduit à la subdiviser pour l’évaluation en tenant compte de la présence ou de l’absence d’influences ultramafiques amont sur la structuration des flores locales. L’effet individuel de chaque descripteur abiotique associé à une altération anthropique a ensuite été étudié sous TITAN et a permis de repérer le positionnement et la typicité de partition de chaque espèce diatomique ayant passé les seuils de sélection indicielle dans le gradient en question.

Etape 5 : Les valeurs de paramètres repérées sous TITAN pour provoquer un

basculement de flore et les listes de taxons d’alerte repérés par paramètre d’altération ont ensuite été mobilisées dans la présente phase, qui concerne la mise au point de l’IDNC proprement dit.

La Figure 16 illustre la démarche spécifique qui a conduit à l’élaboration de l’IDNC (Etape 5 de notre démarche), à savoir la mise au point de différentes métriques d’anthropisation, puis le choix du principe d’agrégation le plus convenable par grand type de pollution afin d’évaluer de façon adéquate l’État Écologique du site en fonction des résultats des relevés biologiques obtenus.

Par opposition à la phase d’étude exploratoire des données présentée en Figure 15, qui a suivi une démarche relativement analogue à d’autres démarches antérieurement menées dans des contextes Outre-Mer globalement similaires sur le plan de leurs conditions naturelles (c.a.d. contexte îliens à reliefs prononcés sous climatologie tropicale), la technique utilisée pour mettre au point le nouvel IDNC a été bien spécifique à la Nouvelle-Calédonie et plus innovante :

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par le recours à des outils biomathématiques différents dans la démarche

visant à établir les métriques d’altération, à repérer les valeurs clés de basculement des communautés et à s’appuyer dessus pour la définition de la liste d’espèces retenues comme taxons d’alerte (utilisation de l’outil TITAN, Baker et King 2010),

par une construction de l’indice sur une base multimétrique : en effet, dans la

présente démarche, des taxons d’alerte ont été repérés et sélectionnés séparément pour la bioindication des effets de chaque paramètre d’altération

anthropique (pour mémoire les indices DOM précédemment mis au point avaient

été construits sur un gradient composite de toutes les altérations anthropiques),

par la prise en compte d’un groupe de métriques biologiques répondant à un

enrichissement trophique d’une part, et d’un autre groupe de métriques

répondant plus spécifiquement à la détection des altérations d’origine minière.

Figure 16 : Démarche générale d'élaboration du nouvel indice multimétrique (IDNC).

Ce dernier aspect est innovant pour un indice diatomique, y compris au niveau mondial. En effet, si des impacts toxiques ont déjà pu être évalués avec succès par des

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diatomées benthiques, c’est le plus souvent sur la base de biomarqueurs ou de descripteurs écotoxicologiques mesurés sur une population d’espèce pure exposée à un ou des toxiques donnés dans un cadre expérimental, et beaucoup plus occasionnellement dans des conditions directes d’évaluation ou de diagnostic in situ. Une publication récente (Larras, F. et al, 2017) a utilisé un outil de modélisation à base de random forests pour calculer une probabilité d’altération toxique significative sur les assemblages de diatomées de France métropolitaine détenus dans des jeux de données historiques des réseaux de surveillance, en utilisant des traits spécifiques intégrés au niveau des communautés pour typifier les ensembles naturels et pour bâtir des métriques de diagnostic. Ce modèle, tout en restant perfectible sur le plan de son pouvoir de discrimination, a donné des résultats jugés intéressants sur l’évaluation de probabilité d’impact toxique. Cependant, il n’utilise pas la composition spécifique détaillée des communautés à l’espèce, mais les traits qui les caractérisent. D’autre part, il serait plus à classer à la rubrique des outils de diagnostic qu’à celle d’un outil de bio- indication phytocénotique permettant d’évaluer l’état écologique. De toute façon, en Nouvelle-Calédonie, la connaissance des espèces est encore beaucoup trop récente pour avoir eu le temps de renseigner diverses bibliothèques d’attributs des espèces, sachant que certaines viennent tout juste d’être découvertes et que beaucoup d’entre elles n’ont encore jamais fait l’objet d’observation in vivo, étape souvent indispensable pour bien caractériser et classifier diverses catégories de traits. L’approche méthodologique qui précède, quel que puisse être son intérêt, n’y serait donc pas transférable dans l’immédiat.

Si beaucoup d’indices diatomiques élaborés en France, en Europe et dans le monde (c.f. métriques et indices calculables dans OMNIDA, dont les contenus ont été grandement importés ou conçus, programmés et régulièrement mis à jour par Michel COSTE, basé dans notre équipe de recherche à Irstea Bordeaux) prennent en charge de façon efficiente l’évaluation d’enrichissements organiques ou trophiques des milieux aquatiques, à notre connaissance, l’IDNC serait donc le premier indice diatomique s’appuyant sur la composition spécifique d’une communauté diatomique, exprimée en abondances relatives des taxons à l’espèce, permettant d’évaluer l’état écologique de cours d’eau en faisant une place aussi large à l’évaluation d’altérations minières (aspects toxiques, aspects de colmatage…).

La démarche utilisée pour élaborer l’IDNC (Figure 16) se base sur les taxons les plus révélateurs de l’altération provoquée par un paramètre hydrochimique donné, dont le gradient est sous influence directe d’un type particulier d’altération anthropique. L’utilisation de l’outil TITAN donne une indication sur l’aspect structurant du paramètre, mais aussi sur le seuil de basculement depuis une communauté naturelle jusqu’à une communauté impactée par ce paramètre (notion de shift dans la structure de la communauté).

Ainsi, 4 métriques ont été combinées, selon les modalités indiquées dans la partie gauche de cette figure, afin d’évaluer les effets d’altérations anthropiques provoquant un

enrichissement organique et trophique des milieux aquatiques. Ces pollutions sont le

plus souvent liées aux pollutions domestiques, urbaines, de STEP, aux activités agricoles et d’élevage, ou causées par des industries agro-alimentaires.

L’évaluation des sites par rapport à ces pollutions est calée par des grilles d’évaluation s’appuyant sur la trame des environnements naturels locaux (HER), et l’état écologique résultant de cette combinaison de 4 descripteurs se base sur la moyenne des états évalués par les différents descripteurs, selon la hiérarchie d’agrégation indiquée dans la

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figure (2 descripteurs NH4 et DBO5 étant au préalable agrégés dans une métrique

d’altération organique).

La partie droite de la figure représente la façon d’élaborer l’évaluation des impacts

d’activités minières, où 2 descripteurs représentent le gradient de métaux lourds

dissous transitant dans les cours d’eau, et une troisième métrique rend compte du degré d’altération particulaire (intensité du colmatage latéritique qui s’exerce dans les cours d’eau sous l’influence d’activités de type minier s’exerçant sur le bassin versant à l’amont du site d’observation). L’agrégation de ces métriques se fait là aussi sur la base de la moyenne des métriques concernées par un niveau d’agrégation. Par contre, l’évaluation par rapport à un niveau naturel de référence ne se fait pas à tout coup par rapport à l’implantation géographique du site dans l’une des HER définies en Nouvelle- Calédonie, mais en tenant compte du contexte géochimique rencontrée sur le bassin versant amont du cours d’eau, avec une dichotomie simple d’appartenance au contexte ultramafique (UM) ou volcano-sédimentaire (VS).

L’état diatomique trophique est assez représentatif d’un état trophique intégré de la colonne d’eau sur la durée de colonisation du biofilm (de l’ordre d’1 à 2 ou 3 mois, selon grande zone climatique et saison). Par contre, les problèmes sur le biote occasionnés par les activités minières sont plus liés à des perturbations « événementielles », qu’il s’agisse de pollutions accidentelles liées à un incident rencontré au cours des process liés à l’exploitation minière elle-même, ou à l’intervention d’évènements climatiques et hydrologiques entraînant ou amplifiant une perturbation (événements de type crue, dont les effets de la perturbation physique sur le biote sont amplifiés par des entraînements de particules fines latéritiques, par le colmatage du fond du cours d’eau et des substrats, ainsi que par une augmentation des teneurs en métaux lourds dissous (Ni, Cr…) pouvant entraîner des épisodes de toxicité aiguë.

La bio-indication diatomique envisagée ici rend donc compte de l’effet de facteurs d’altération différents, qui se placent dans des échelles temporelles différentes pour les événements déclencheurs et pour la réponse intégrative des organismes biologiques. D’autre part, certains problèmes diagnostiqués seront plutôt liés à une exposition relativement chronique (c’est le cas de l’enrichissement des milieux en nutriments), d’autres sont plus susceptibles d’intervenir sur le mode aigu (c’est par exemple le cas pour les pics toxiques de métaux dissous, pour des pics de flux de latérites, qui peuvent ne pas se passer du tout en saison sèche et marquer très fortement une rivière sur un épisode temporel favorable au déclenchement de flux intenses).

Compte-tenu de ces grandes différences au niveau de la dynamique déclenchante et au niveau de d’expression de symptômes sur le biote, il a été choisi, à la fin du processus d’évaluation, d’agréger l’état obtenu par l’évaluation trophique et celui obtenu au niveau de l’évaluation d’impacts miniers selon le principe du « One Out - All Out », souvent préconisé par la DCE pour renforcer l’effet protecteur de l’évaluation sur les milieux (on retient le plus mauvais des 2 états comme l’état écologique du site à la date donnée).

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IV. ANALYSES EXPLORATOIRES DES REFERENTIELS DE NOUVELLE-