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2) Les outils pour étudier les tsunamis

2.3 Données d’entrée

2.3.1 Données bathymétriques et topographiques

2.3.1.1 Données bathymétriques

Les données de bathymétrie sont des données essentielles pour la modélisation d’un tsunami. De leur qualité dépendra la précision et la pertinence des résultats de simulation obtenus. En effet, un principe fondamental (approximation) de la propagation des ondes longues en milieu de faible profondeur relie la vitesse de déplacement d’un tsunami à la profondeur d’eau en un point donné :

T h g

C = = λ

, avec C la vitesse de phase, g= 9,8 m.s-2 l’accélération de la pesanteur, hla profondeur d’eau, λ la longueur d’onde du tsunami et

Tsa période. D’après la théorie des vagues en faible profondeur (‘shallow water theory’),

g

C

C = dans une zone de faible prodondeur (i.e. λ >>h), avec Cg la vitesse de groupe, ou vitesse de transport de l’énergie ; celle-ci diminue donc aussi avec la réduction de la profondeur d’eau. C’est dans les zones côtières que la remontée des fonds marins est la plus importante, marquant ainsi la zone de ralentissement, de diminution de la longueur d’onde et d’amplification des vagues (ou ‘wave shoaling’), menant parfois à leur déferlement (Figure

14). A noter que même au large, l’influence de la géométrie des fonds océaniques sur les ondes de tsunami est importante : un tsunami se propagera beaucoup plus vite à l’aplomb des grandes plaines abyssales, qu’au dessus d’une dorsale.

Figure 14 : Génération, propagation et interaction avec la côte pour un tsunami généré par un séisme. Deux types de comportement au rivage sont proposés, avec ou sans déferlement.

Une connaissance accrue de la géométrie du fond de la mer et de la côte (géomorphologie côtière prenant en compte la géométrie des baies ou des ports, la pente des plages, la présence de canyons sous-marins ou de récifs coralliens, etc.) permettra de s’approcher au mieux de la réalité et donc du comportement d’un tsunami réel dans la région considérée ; ainsi les processus de réfraction, réflexion, amplification des ondes qui seront reproduits permettront une meilleure estimation de l’impact d’un tsunami en terme de zone touchée, mais aussi de hauteur de vagues et de distance ou hauteur d’inondation (‘run-up’) (Chatenoux and Peduzzi, 2005, 2007 ; Cochard et al., 2008 ; Duong et al., 2008).

Par exemple, la forme de certaines baies peut les rendre propices à l’effet entonnoir (‘funelling effect’) comme nous le verrons plus tard pour la baie de la Trinité en Martinique (partie 3.1.3). De la même manière les canyons sous-marins vont entraîner une concentration de l’énergie des vagues sur leurs côtés (Figure 15) ; il se passe en définitive la même chose que pour les vagues longues classiques (houle) comme au niveau du canyon de Capbreton dans le sud-ouest de la France (Cirac et al., 2001 ; Abadie et al., 2006 ; Bourillet, 2007): c’est à l’extrémité côtière des deux côtés de ce canyon que l’on trouve parmi les plus grosses vagues d’Europe31

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. Pour expliquer ceci, Speranski et Calliari (2001) indiquent que les http://wwz.ifremer.fr/var/drogm/storage/images/media/drogm/cartographie/projets/plateau_continental/capbret on/vue_3d/297398-1-fre-FR/vue_3d.jpg

irrégularités de la topographie du fond de la mer agissent comme des « lentilles bathymétriques », entraînant une focalisation des vagues (‘wave focusing’) en certain endroits donnant lieu à des amplifications notables des ondes (Berry, 2007). Ce point peut poser des problèmes en terme de vulnérabilité quand la région focale inclue des sections de côte. C’est typiquement le cas des îles : lorsque le train d’onde incident contourne une île du fait de la réfraction, les deux fronts ainsi créés de part et d’autre se rejoignent en un point situé à l’opposée (‘wrap around’), dans une zone a priori à l’abri, entraînant une amplification notable des vagues, associée bien souvent à un flux destructif (Yeh et al., 1994 ; Lin et Liu, 2007).

Figure 15 : Effet d'un canyon sous-marin sur la forme du tsunami; ralentissement et amplification des ondes beaucoup plus important sur les côtés du canyon. (La flèche indique le sens de propagation)

Satake (1988) met en évidence les mêmes phénomènes de ‘wave trapping’ ou ‘wave

focusing’ pour les tsunamis trans-océaniques qui se voient focalisés et défocalisés par les

Les barrières de corail peuvent jouer un rôle important quant à la propagation et l’impact d’un tsunami dans le sens où elles sont capable de retarder sa propagation (remontée de la bathymétrie induisant une diminution de la vitesse) et diminuer son amplitude (Baba et al., 2008). Il convient alors de les reproduire au mieux dans les grilles qui serviront aux simulations. A noter que Cochard et al. (2008) indiquent que, lorsque cette barrière de corail se trouve fragmentée, comme c’est le cas en Martinique, on aura alors une augmentation de la vitesse du tsunami (+ courants) dans les chenaux existants. Enfin, la présence d’une barrière de corail défini un bassin clos (lagon) qui peut réagir à l’arrivée des ondes longues si la période propre de ces vagues (période d’oscillations) est égale ou proche à la période propre du lagon ou d’une de ses harmoniques (Gourlay, 1996 ; Losada et al., 2008).

En accord avec la discussion sur les modèles numériques utilisés, et pour des raisons de temps de calcul, il sera possible d’utiliser des données bathymétriques dont la résolution croit à l’approche des côtes afin de reproduire au mieux les structures capables d’avoir une incidence majeure sur le comportement du tsunami.

Les données bathymétriques généralement utilisées proviennent de collections

uniformisées de jeux de données telles que GEBCO32 (IOC, IHO et BODC, 2003) ou

SRTM30+33

32 General Bathymetric Chart of the Oceans,

(Sandwell et Smith, 2009). Ces jeux de données sont fournis sous forme de grilles régulières. Les données GEBCO, publiées pour la première fois en 1905, sont maintenant disponibles avec une résolution de 30 secondes d’arc (~925 m à l’équateur), tout comme les données SRTM30+. A savoir que les données GEBCO proviennent principalement de campagnes de levés bathymétriques (par sondeurs multifaisceaux ou sonars latéraux bathymétriques par exemple) (Lurton, 2001) et de mesures gravimétriques par satellite (anomalie à l’air libre) qui permettent de déterminer la bathymétrie (Basu et Saxena, 1993). L’intérêt du couplage des deux méthodes permet d’une part d’améliorer la précision des données obtenues par méthode gravimétrique, dans les zones où des campagnes marines ont été réalisées, et d’autre part de pallier la limite d’exploitation des données gravimétriques près des côtes, dans des zones de variations rapides en temps et espace du niveau marin (zones littorales où les marées sont visibles), dans les zones de forte couverture sédimentaire et les zones avec des structures de type mont sous-marin montrant une compensation isostatique

http://www.gebco.net/

importante, générant ainsi des incertitudes plus ou moins fortes (Vignudelli et al., 2005,

2008 ; Hwang et al., 2006 ; Lebedev et al., 2008). D’ailleurs dans ces zones de faibles

profondeurs (lacs, côtes, plateau continental, etc.), c’est la méthode d’interférométrie sonar latérale qu’il convient d’utiliser (Llort-Pujol et al., 2009).

En fonction de l’étude réalisée, des données d’autres types pourront être ajoutées aux jeux de données précédents comme par exemple les données d’acquisition aéroportées LIDAR (Light Detection and Ranging) qui permettent de couvrir de vastes zones côtières en peu de temps (jusqu’à 50 km2/h), ce qui représente un avantage dans des zones de fortes marées. De plus cette méthode technique permet de couvrir des zones aquatiques de faible profondeur (< 20 m) ce qui permet de compléter les données de sondage classiques. A noter que la fréquence du LIDAR topographique, n’utilisant pas les mêmes fréquences de signal et la même méthode de mesure, est 10 fois plus élevée que celle du LIDAR bathymétrique (Quadros et al., 2008). On peut également ajouter des données provenant de cartes marines (point de sondes, lignes de niveau) qui sont alors scannées, géoréférencées34

Pour les simulations de tsunami, la qualité des résultats dépendra donc fortement de la qualité des données bathymétriques. De la même façon, les données topographiques sont à prendre en considération prudemment dans l’interprétation des résultats de calcul d’inondation.

et digitalisées. Elles sont essentiellement utilisées dans les ports ou les baies par exemple, afin de reproduire au mieux les structures portuaires ou encore la forme des récifs coralliens pour les études approfondies sur les phénomènes de résonance (Sahal et al., 2009 ; Roger et al., 2010a).

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