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7.5.1

Motivation

Les spectres de bruits discutés jusqu’à présent se comportent tous comme des fonctions valeurs absolues pour les très grandes fréquences. En effet, dans cette limite — bruit du vide oblige — la densité spectrale sera toujours S˜(ω

E

ħ)

=

2|ħω|

R , avec

E

représentant toutes les échelles d’énergie pertinentes autres que la fréquence de mesure f

=

ω/2]. Ce résultat n’est pas surprenant; on mesure

toujours le bruit du vide si l’échelle d’énergie de la fréquence de mesure est beaucoup plus grande que celles des autres phénomènes en jeu.

Toutefois, la bande passante d’une mesure est toujours finie ; les mesures expérimentales de densités spectrales se voient donc limitées à une fréquence maximale fmax. Dans le cas d’une mesure bien calibrée, ce sera donc simplement

l’équivalent de l’application d’un filtre passe–bas, ou filtre carré, à la fréquence

fmax. Dans le cas d’un spectre de bruit dans le domaine fréquentiel, cette situa-

tion est tout-à-fait appropriée, mais elle est inadéquate si on veut plutôt étudier l’autocorrélation dans le domaine temporel. La multiplication par une fonction

porte rectangulaire dans le domaine fréquentiel vient effectivement convoluer

le résultat temporel avec une fonction sinus cardinal qui brouille les détails de celui-ci [86, §4] ; c’est simplement la conséquence du théorème de convolution.

Si on s’intéresse à des résultats dans le domaine temporel, il importe donc de regarder des quantités qui se comportent bien à f ≳ fmax; typiquement via

des soustractions judicieuses.

Deux telles soustractions sont présentées aux sections7.5.2et 7.5.3dans le cas d’une jonction tunnel soumise à un biais en tension continue, soit respective- ment les contributions de la tension de biais et de la température au bruit total émis par la jonction.

7.5.2

Bruit en excès DC

Une quantité respectant les critères établis à la section7.5.1pour les mesures dans le domaine temporel est le bruit en excès DC. Il s’agit de la contribution du biais en tension continue au bruit total d’une jonction tunnel soumise à celui-ci. Concrètement cela consiste simplement à soustraire le bruit mesuré à Vdc

=

0

de celui pour Vdc

̸=

0.

Soit Sˆdc(T, Vdc), le corrélateur courant–courant attendu pour le signal émit

par une jonction tunnel soumise au biais V(t)

=

Vdc. Via (7.67), on calcule dc(T, Vdc)

=

Tlim →∞ 1 T

T 2 −T 2 Seq(T)cos ⎛ħe

t+T t Vdcdt ′⎞ ⎠dt (7.88)

=

lim T→∞ 1 T

T 2 −T2 Seq(T)cos (ħeVdcT) dt (7.89)

=

⎛⎜ ⎝Tlim→∞ 1 T

T 2 −T2 dt⎞⎟ ⎠ 1 Seq(T)cos (ħeVdcT) . (7.90)

Puisque la moyenne temporelle est disparue — le signal étant indubitablement stationnaire au sens large — le chapeau est caduc et on obtient

Sdc(T, Vdc)

=

Seq(T)cos (eVħdcT) . (7.91)

Posons maintenant le bruit en excès DC défini

Sdc(T, Vdc)

=

Sdc(T, Vdc)

Sdc(T, 0) (7.92)

=

Seq(T)(cos (eVdcT

ħ )

1) (7.93)

et utilisons l’identité trigonométrique sin2(θ)

=

1−cos(2θ)

2 pour le réexprimer

Sdc(T, Vdc)

=

2 Seq(T)sin2(eVdcT

2ħ ) . (7.94)

À T fixe, le bruit en excès DC correspond donc à une autocorrélation qui oscille selon Vdc. Autrement dit, la corrélation au temps T est contrôlée par Vdc.

Bien que le signe devant Seq(T) puisse être inattendu de prime abord, la

propriété Seq(T)

0 ∀ T force le bruit en excès DC à être positif11, soit

Sdc(T, Vdc)

0 ∀T. (7.95)

7.5.3

Oscillations de Pauli–Heisenberg

À l’instar du bruit en excès DC présenté à la section7.5.2il est intéressant d’isoler la contribution de la température au bruit total d’une jonction tunnel soumise à un biais en tension continue, et ce, dans le but de respecter les critères de la section7.5.1et d’ainsi avoir une mesure temporelle probante. On appelle l’autocorrélation résultante dans le domaine temporel le bruit en excès thermique ou les oscillations de Pauli–Heisenberg [52,53].

Définissons le bruit en excès thermique dans le domaine temporel en ajoutant explicitement la dépendance en température dans (7.91) et en soustrayant les expressions à température finie et à température nulle, soit,

SPH(T, Vdc, Te)

=

Sdc(T, Vdc, Te)

Sdc(T, Vdc, 0) (7.96)

=

(Seq(T, Te)

Seq(T, 0)) cos (eVdcT ħ ) . (7.97) Posons ensuite ∆SPH eq (T, Te)

=

SPH(T, 0 , Te)

=

(Seq(T, Te)

Seq(T, 0)) pour obtenir12 ∆SPH(T, Vdc, Te)

=

SeqPH(T, Te) cos (eVdcT ħ ) . (7.98)

Cette équation a la forme d’une oscillation harmonique ayant comme enveloppe une fonction décroissante d’origine thermique ; ce sont les oscillations de Pauli- Heisenberg [52,53].

Le nom Pauli–Heisenberg provient de l’interprétation de la partie oscillante comme la conséquence combinée du principe d’exclusion de Pauli [80] — qui empêche deux électrons de sauter à travers la barrière tunnel vers le même niveau d’énergie en même temps — et le principe d’incertitude d’Heisenberg [90,91] — qui décrit l’incertitude minimale sur les niveaux d’énergie étant donnée l’incertitude temporelle des sauts.

12. On ne présente pas la forme de ∆SPH

eq (T, Te) ici, car elle est inélégante et peu pertinente à

L’enveloppe ∆SPH

eq (T, Te) a un comportement assez intéressant. En effet, bien

que Seq(T) diverge en T

=

0, voir l’équation (7.60), l’expansion de Taylor de (7.98)

autour de T

=

0 vaut, via (7.57) et (7.62),

SeqPH(T

0 , Te)

](kBTe)

2

3Rħ

]3(kBTe)4

15Rħ3 T2

+O

(T4). (7.99)

Ainsi, l’enveloppe a une ordonnée à l’origine en T2

e qui est d’autant plus grande

que la température est élevée ; conséquence de sa définition comme contribu- tion thermique au bruit. Cependant, bien qu’elle décroisse toujours en 1/T2, sa

décroissance est accélérée en T4

e par la température ; conséquence du jitter13

thermique accru. On remarque aussi que la conséquence de (7.61) est lim

T→∞

SPH(T, Te)

=

0 , (7.100)

c’est-à-dire qu’à long temps, le jitter thermique vient masquer la partie oscillante et les deux signaux soustraits sont donc équivalents.

Un compromis est donc nécessaire pour bien mesurer cet effet : il faut une température assez faible pour que l’enveloppe ne décroisse pas trop rapidement dans le temps, mais assez élevée pour que l’autocorrélation soit tout de même aisément mesurable. Par chance, les températures les plus froides atteignables expérimentalement avec les cryostats à dilution, soit de l’ordre de

10 mK, se prêtent bien à cette mesure — voir les résultats de la référence [52], avec le cryostat à 8 mK et Te

=

30 mK.