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Documenter les facteurs à l'origine des changements et pertes de biodiversité

D – PROPOSITIONS D'ACTIONS

Action 2 Documenter les facteurs à l'origine des changements et pertes de biodiversité

Si un but majeur des recherches sur la biodiversité est sa préservation, il est essentiel de connaître les causes actuelles de son érosion. Un effort important doit par conséquent être consenti sur les aspects causaux à plusieurs échelles.

Au niveau global, il est important de caractériser les grands moteurs de changements globaux affectant la biodiversité, tels que les changements climatiques et atmosphériques, les changements d’occupation des sols, la pollution ou les invasions biologiques. Ceci implique par exemple de diffuser largement et rendre accessibles aux échelles pertinentes les données climatiques passées et les scénarios climatiques futurs, régulièrement mis à jour et régionalisés à des échelles fines. Les études permettant de scénariser l’évolution de ces changements ainsi que leur impact au niveau global restent très minoritaires et encore inadéquates malgré leur valeur évidente. On pourra ainsi citer les travaux pionniers sur les effets probables des changements climatiques qui indiquent un taux d’extinction supplémentaire de 15 à 37% d’ici 50 ans du seul fait de l’élévation de température ; de telles approches constituent un modèle pour des travaux futurs. Un effort similaire est celui de l’UICN France qui a commencé à répertorier l’ensemble des informations sur les espèces envahissantes en France métropolitaine et d’Outre-Mer. Les travaux de ce type doivent se multiplier et être approfondis (notamment passer par des étapes de quantification et de prédiction) afin d’établir un état global des différents forçages écosystèmiques en présence.

Au niveau de certains écosystèmes ou de certaines régions, la démarche nécessaire est d’identifier les causes spécifiques locales, de les caractériser et de les quantifier, afin de pouvoir développer des stratégies de recherche et d’actions qui soient adaptées aux écosystèmes considérés. On pourra ainsi développer des axes de recherche pour une meilleure connaissance des zones humides du Sud Ouest de la France, de l’origine et de l’étendue des menaces sur ces régions spécifiques et des moyens à mettre en œuvre pour lutter contre elles. Les recherches à ce niveau seront nécessairement plus axées sur des niveaux d’écologie des communautés, de fonctionnement des écosystèmes (écologie fonctionnelle) et d’intégration des activités humaines (création et gestions de réserves naturelles, mais aussi économie locale, aménagement du territoire, coutumes et savoirs ancestraux, etc…)(voir aussi axe "Comprendre").

Au niveau intraspécifique, l’homogénéisation relative observée dans de nombreuses espèces domestiquées ou cultivées, ainsi que dans plusieurs espèces menacées (guépards, tamarins-lions, etc…), doit être quantifiée et suivie.

L’étape de documentation des causes de déclin de la biodiversité et des processus par lesquelles elles opèrent ne constitue qu’une étape préalable, mais indispensable, aux recherches plus finalisées visant à optimiser la gestion des ressources naturelles, regroupées classiquement sous le champ de « biologie de la conservation ».

Action 3 - Construire des bases de données informatisées, mettre à disposition l’information

Les opérateurs nationaux que sont par exemple le SINP, le GBIF-Fr, les réseaux ressources génétiques constituent des leviers d'action forts, déjà en place pour une politique nationale coordonnée et une stratégie de développement de la connaissance en biodiversité. Ils assurent des systèmes d’information et d’alerte efficaces et pérennes (y compris pour les dynamiques sociales touchant à la biodiversité) et dans, leur prolongement, garantissent l’interface indispensable (mise en place et suivi) avec les structures internationales actuellement en projet (initiative

LifeWatch par exemple). En jouant pleinement leur rôle de passerelle d'échange vers les initiatives similaires aux niveaux européen et international, ils permettent de renforcer le rôle d'acteur international que la France souhaite jouer dans les domaines de la biodiversité.

En rassemblant ce corpus de données normalisées et informatisées, on fournit ainsi une documentation de qualité pour alimenter les étapes suivantes d'analyse des données, de compréhension de la dynamique de la biodiversité et de modélisation (axes 2, 3). Cependant, la diversité des acteurs (privés, publics, et associatifs), l'hétérogénéité des informations qui seront collectées et la disparité des outils déjà mis en oeuvre imposent de réfléchir à une structure organisatrice pérenne qui coordonnera le fonctionnement nécessairement distribué d'une telle initiative. Plusieurs pistes ont été récemment évoquées par les ministères (Observatoire national de la biodiversité par le MEEDDAT, TGIR LifeWatch par le MESR) ; elles vont toutes dans ce même sens, mais les réflexions doivent maintenant être articulées sous une forme qui permette d’associer et de coordonner le recueil des données sur la biodiversité à l’échelle nationale et la gestion de celles-ci sous la forme de bases de données normalisées et interactives. C’est le projet, appelé ECOSCOPE et présenté ci-après.

La France trouvera ainsi à sa disposition les bases de connaissances organisées nécessaires à sa future recherche en biodiversité, et l'occasion de transgresser des frontières disciplinaires encore trop souvent bien étanches.

Action 4 - Vers un « ECOSCOPE » : coordonner les observatoires de la biodiversité et la gestion des données sur la biodiversité au niveau national dans une perspective européenne et internationale.

L’ensemble des thématiques exposées dans les actions précédentes convergent vers la nécessité que la communauté scientifique française puisse disposer d’outils et de moyens à la hauteur des enjeux et des questions posées. L’outil prioritaire qui permettra d’y répondre est la mise sur pied d'une structure coordinatrice pérenne qui s’apparente à une Très Grande Infrastructure de Recherche (TGIR), qui en emprunte la rigueur et certaines des modalités de gestion et d’évaluation, mais qui fonctionne de manière distribuée. Une telle structure (éventuellement baptisée ECOSCOPE5) aura pour rôle d’animer et de synchroniser la collecte des données (via des réseaux professionnels ou amateurs dont certains existent ; la plupart restant toutefois à développer sur des bases scientifiques rigoureuses). Elle pourra s’appuyer, en les structurant autour de la stratégie nationale pour la biodiversité, sur les réseaux des observatoires existants ou à créer et fonctionnant pour diverses échelles (in vitro, en milieu cultivé [réseaux des ressources génétiques], en conditions expérimentales [écotrons] et in natura) et permettant d’archiver de longues séries temporelles.

A un premier niveau, elle sera en charge d’archiver, d’organiser la collecte et la distribution les données. A un second niveau, elle devra contribuer à l’intégration des données dans des modèles (voir axe "Modéliser et scénariser") : développement d’algorithme, aide aux utilisateurs, réponse à des demandes issues de tutelles ou de       

5 Le terme "Ecoscope" est déjà utilisé pour un projet du Centre de Ressources Halieutiques de Sètes (CRH). On pourrait donc parler ici d'Ecoscope National. 

la société civile. Elle aura également un rôle de formation à destination d’un public scientifique (de type formation permanente), mais aussi tournée vers la société civile (monde éducatif, citoyens) et les décideurs du monde économique ou politique (cycles de conférences). Son fonctionnement supposera notamment de disposer de ressources humaines en systématique, écologie fonctionnelle, évolutive et du paysage, mais aussi en économie, sociologie ou géographie, ainsi que de techniciens spécialisés, et d’y adjoindre une science participative contrôlée (appui nécessaire des associations en partenariat avec les scientifiques). Ceci impliquera aussi de s’appuyer sur des moyens modernes (barres codes génétiques, éco-informatique). De telles ressources pourraient s’apparenter à un corps des “observateurs de la biodiversité”. Ceci positionnerait également la France en leader potentiel dans le développement d’opérations à plus grande échelle, européenne par exemple.

Un tel projet, dont le montage devra nécessairement prendre en compte et tirer profit des réflexions et travaux menés dans le cadre de la mise en place du SINP (MEEDDAT), devrait ainsi trouver son intégration dans la contribution française à des initiatives européennes (en devenant par exemple composante française du projet européen LifeWatch) et internationales (GEO BON). Il pourrait démarrer avec la mise sur pied d’un comité de projet chargé d’en explorer à la fois la dimension scientifique et opérationnelle. Un tel comité devrait assurer la bonne coordination entre les organismes de recherches, les associations et les industriels. Sa tâche principale sera de promouvoir la mise sur pied d’une structure qui devra s’inscrire dans la durée. Une fois mise sur pied, elle devra s’appuyer sur un conseil scientifique et un conseil de gestion garant de la qualité scientifique et du suivi logistique des opérations retenues.

Cette structure s’appuyera sur des observatoires (à créer ou existants) fonctionnant à diverses échelles (in vitro, en milieu cultivé [réseaux des ressources génétiques] et in natura) et permettant d’archiver de longues séries temporelles. Elle aura pour rôle d’archiver, d’organiser la collecte et la distribution des données, puis de contribuer à leur intégration dans des modèles. Elle aura également un rôle de formation à destination d’un public scientifique (de type formation permanente), mais devra aussi être tournée vers la société civile (monde éducatif, citoyens) et les décideurs du monde économique ou politique (cycles de conférences). Son fonctionnement supposera notamment de pouvoir faire appel à des ressources humaines en systématique (académiques ou non) et en écologie, à des techniciens spécialisés, d’y adjoindre une science participative contrôlée (appui nécessaire des associations en partenariat avec les scientifiques), et de s’appuyer sur des moyens modernes (barres codes génétiques, éco-informatique). De telles ressources pourraient s’apparenter à un corps des “observateurs de la biodiversité” ce qui témoignerait d’un engagement fort en faveur de la cause “biodiversité” tel que prévu au Grenelle.

ENCART 5 : Documenter les pressions de plus en plus fortes