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B - SITUATION ACTUELLE: FRANCE, EUROPE, MONDE

La situation actuelle de la recherche pour chacun de ces questionnements fait apparaître différentes forces et faiblesses.

1) Dynamique de la biodiversité

Sur cette question, la communauté nationale est importante et les recherches sont d’une qualité reconnue au plan européen et international. On peut cependant identifier un certain nombre de faiblesses :

Il existe peu d’approches intégratives et pluridisciplinaires qui permettent de renforcer des approches fonctionnelles de la biodiversité, de quantifier le poids relatif des interactions, de mieux comprendre les mécanismes d’assemblage / désassemblage / ré-assemblage des communautés ainsi que leurs conséquences fonctionnelles.

Il existe trop peu de liens entre les équipes travaillant sur le milieu terrestre et celles travaillant sur les milieux aquatiques et marins; celles travaillant sur la biodiversité rurale et urbaine, ou encore celles travaillant sur la biodiversité ordinaire, utile, et remarquable.

Les travaux expérimentaux sur la dynamique des écosystèmes restent trop souvent déconnectés des besoins pour élaborer des modèles prédictifs des changements de biodiversité.

Malgré une force reconnue en écologie et en biologie évolutive, la communauté scientifique française est particulièrement sous-représentée dans les sciences de la conservation, alors que la France abrite un niveau de biodiversité parmi les plus importants.

Cette communauté n’est pas assez structurée en vue d’aborder les questions de dynamique de la biodiversité de façon intégrative. En particulier, il est important d’encourager des structures visant à renforcer les passerelles entre l’écologie évolutive et l’écologie des communautés, entre la biologie intégrative et l'écologie, ou permettant des approches pluridisciplinaires.

Pour répondre aux questions identifiées ci-dessus visant à comprendre les relations entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes, le principal obstacle est le manque de structuration déjà évoqué. La trop grande séparation entre les équipes travaillant sur l’écologie des communautés, celles traitant des formes et des mécanismes de l’évolution, celles se consacrant aux approches en terme d’écologie fonctionnelle, celles qui explorent l’écologie des paysages, etc, ne favorise pas les interactions réciproques entre ces équipes et les approches interdisciplinaires.

Le recul récent constaté en France des recherches en écophysiologie animale comme végétale se répercute sur la capacité à comprendre les dynamiques des espèces (et leurs interactions) et le fonctionnement des écosystèmes. Cela constituera, à terme, un frein pour la compréhension de la dynamique de la biodiversité et de ses conséquences pour le fonctionnement des écosystèmes.

L’analyse des effets sur le fonctionnement des écosystèmes de différentes composantes de la biodiversité, de l’influence de la stabilité des populations sur celle des écosystèmes, des interactions de la biodiversité avec les variables de forçage, de la dynamique des populations et des niveaux trophiques… nécessite de développer des approches à partir de l’analyse de systèmes complexes. Ceci reste une lacune au niveau international, malgré les injonctions de différents programmes internationaux. En matière de biodiversité marine, des recherches s’appuyant sur les niveaux trophiques se sont développées en Amérique du Nord, en particulier au Canada (Vancouver) et en Australie, et commencent à émerger en France. Il s’agit là d’une force émergente à bien identifier et utiliser.

3) Processus de dynamique spatiale de la biodiversité et des services

Les processus associés à la dynamique spatiale de la biodiversité et des services ne sont pas assez étudiés en France, notamment par rapport aux autres pays du nord-ouest de l'Europe. Cela semble notamment dû à la faiblesse du nombre d’étudiants formé à ces questions, le vivier de chercheurs est donc trop petit. Les liens naturels qui devraient s’établir entre géographes et écologues n’existent pas de façon pérenne et avec une intensité suffisante. Par ailleurs les compétences en analyse spatiale manquent dans les laboratoires d’écologie.

L’analyse des concurrences d’usage et des conflits est abordée dans sa composante spatiale par les géographes, dans ses composantes économiques et sociales par les économistes et par les sociologues, et dans sa composante juridique par les juristes. Cependant, cette analyse ne fait pas suffisamment l’objet d’approches pluridisciplinaires.

4) Notion de système couplé homme-écosystème

Cette thématique n’est pas vraiment nouvelle en France : elle était au cœur de plusieurs actions et programmes de recherche depuis une vingtaine d’année, tels que : le Programme Systèmes intégrés du CNRS (PIREV), l'Action Incitative DURR (Dynamique et Usages des Ressources Renouvelables) de l’IRD, le Groupe de l’IFB « Usages, accès et dynamique de la biodiversité », des projets soutenus par le BRG sur la conservation in situ participative (dite conservation « à la ferme »), ou encore les programmes « Recréer la nature » et « la nature dans la ville ». Il existe donc, en

France une richesse des travaux réalisés sur cet axe. Les compétences sont diverses. Il existe de nombreux travaux sur une multiplicité de terrains et de zones ateliers ou observatoires, en France comme dans les zones tropicales du fait de l’histoire de la France avec, dans ce cas, l’existence de réseaux de partenaires solides et anciens.

Durant les années 1990, cette situation constituait une des forces françaises et a permis des avancées des recherches interdisciplinaires. Cependant la capitalisation des résultats de ces recherches n’est pas suffisante. Cette communauté manque de visibilité et les questions de biodiversité ne sont pas forcément une entrée privilégiée (il existe davantage de travaux sur l’environnement). Par ailleurs, le manque d’accord sur ce que recouvre la notion de biodiversité et sur la place de la diversité culturelle constitue un frein au développement des coopérations entre équipes.

On constate un recul dans les années 2000, contrairement à la progression observée au niveau européen (depuis le 5ème PCRD) comme au niveau mondial (voir par exemple le Millennium Ecosystem Assessment, les programmes stratégiques de Diversitas et de différents projets de l'IGBP tels que le Global Land Project, LOICZ…). La cause s'en trouve dans l’évolution des structures de recherche et dans les modes de recrutement et d’évaluation des enseignants chercheurs et des chercheurs : repli des UR et UMR sur des approches plus disciplinaires (au nom de l’excellence scientifique), manque de reconnaissance institutionnelle et scientifique des travaux à l’interface de diverses disciplines (ou à la « marge »), pas ou peu de prise en compte de la prise de risque liée au travail aux frontières des disciplines. Force est aussi de constater que depuis quelques années les réseaux de recherche dans les zones intertropicales ont tendance à s’affaiblir.

La communauté scientifique traitant de l’analyse des services fournis par les écosystèmes est embryonnaire en France, contrairement à ce que l’on observe chez nos voisins d'Europe du nord-ouest et aux pays anglo-saxons ou même sud-américains. Par conséquent ce champ de recherche manque d’expérience et de profondeur historique. Il convient de l’encourager et de favoriser les recherches théoriques sur les questions des services écosystémiques et les recherches appliquées au travers des études de cas, en favorisant leur développement à partir de zones ateliers. L'insertion dans les réseaux internationaux sur ce sujet est très faible, et demande donc à être encouragée et soutenue.

Dans le même esprit, dans le domaine maritime, si le couplage entre les modèles économiques et les modèles biologiques est une réalité et si les équipes nationales en ont maintenant une bonne expertise, le couplage avec les modèles environnementaux constitue une question d’actualité et doit être encouragé.

De manière générale, le manque d’effectifs en sciences humaines et sociales est un constat récurrent. Outre les faiblesses déjà décrites, cela se traduit par un faible potentiel de capitalisation des acquis et d’innovation qui permettrait de mieux comprendre les évolutions de la biodiversité par l’analyse approfondie du rôle des facteurs anthropiques.

D’un point de vue transversal à l’ensemble de questions abordées on constate, en France, un manque d’analyse rétrospective des recherches sur les thèmes qui continuent d’apparaître au cours des années (ce qui permettrait d’éviter de trop se focaliser sur des questions « nouvelles »). Il n’existe pas assez

d’identification des progrès qui donnent lieu à de nouvelles questions, ou d’analyses des points de blocage et de leurs causes.

Problème général particulièrement saillant, les connaissances ayant trait aux transferts d'échelles et de pas de temps, mais surtout aux interconnexions entre échelles et niveaux d’organisation, ne connaissent que peu d’avancées décisives du point de vue conceptuel depuis plusieurs années, alors qu'il s'agit d'un point de blocage important. Chaque spécialiste a tendance à privilégier son échelle d’observation (l’agronome privilégie la parcelle ou l’exploitation, l’écologue l’écosystème …) sans que les interconnections d’échelles soient privilégiées. Les géographes, bons « passeurs de frontières » entre disciplines, savent bien qu’il n’y a pas une échelle d’observation pertinente mais plusieurs selon la question posée. Ce type de réflexions est mené par exemple au sein d’initiatives européennes telles que le réseau ANAEE (Analysis and experimentation on Ecosystems, FP7) visant à développer des infrastructures de recherche intégrées sur les écosystèmes naturels et agroécosystèmes et dans lequel la France est bien présente.