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La diversité des sources d’inspiration de la protection des droits fondamentau

La délicate recherche d’instruments communs aux États membres dans le développement de la protection des droits fondamentau

Section 1 La diversité des sources d’inspiration de la protection des droits fondamentau

L’établissement d’une politique jurisprudentielle favorable à la protection des droits fondamentaux dans le cadre de l’Union européenne se doit d’être spécifique à l’ordre juridique dans lequel elle intervient. Dans cette optique, la Cour de justice a pu avoir recours à différentes sources externes afin d’assurer la protection des droits fondamentaux et de limiter les réticences des Cours constitutionnelles des États membres à l’égard du droit communautaire puis du droit de l’Union européenne.

Antérieurement à l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux, la Convention européenne des droits de l’homme est apparue comme étant la source privilégiée de la protection des droits fondamentaux par la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a cependant été précédée par la référence aux traditions constitutionnelles communes aux États membres (§1) et aux instruments juridiques internationaux (§2).

440 RIDEAU (J.), « La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté

133

§1 : Les traditions constitutionnelles communes aux États membres comme source d’inspiration initiale de la protection des droits fondamentaux

Les traditions constitutionnelles communes ont été la première source externe utilisée par le juge de Luxembourg dans le cadre de sa protection des droits fondamentaux.

La mise en œuvre d’une protection spécifique des droits fondamentaux par les principes généraux du droit telle qu’établie par l’arrêt « Stauder » du 12 novembre 1969441 a en effet rapidement été soutenue par une aide exogène matérialisée par ces traditions constitutionnelles.

C’est par son arrêt « Internationale Handelgesellschaft » que la Cour de justice a combiné la protection des droits fondamentaux avec les traditions constitutionnelles communes. Ainsi, la Cour a affirmé que « le respect des droits fondamentaux fait partie

intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le respect » et que

« la sauvegarde des droits fondamentaux, tout en s'inspirant des traditions constitutionnelles

communes aux États membres, devait être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la Communauté »442.

Cet arrêt est doublement instructif quant à la protection des droits fondamentaux par la Cour de justice des Communautés européennes.

Rappelant en premier lieu que la protection des droits fondamentaux doit être spécifique à l’ordre juridique de l’Union européenne, le juge renforce l’objet de sa mission par l’association naturelle des principes généraux de droit aux traditions constitutionnelles communes.

441

C.J.C.E., 12 novembre 1969, aff. 29/69, « Stauder », précité.

442

C.J.C.E., 17 décembre 1970, aff. 11/70, « Internationale Handelsgesellschaft mbH c/ Einfuhr und Vorratsselle für Getreide und Futtermittel », Rec., p. 1125, pt. 4. Néanmoins, il ne s’agissait pas de la première référence aux principes communs aux États membres. En effet, dans une affaire « Algera » de 1957, la Cour avait affirmé la nécessité, en l'absence de règles fixées par le Traité, de s'inspirer des principes généralement admis par le droit des États membres. C.J.C.E., 12 juillet 1957, aff. jtes 3/57 à 7/57, « Algera c/ Assemblée commune », Rec., III, p. 83. Concernant le principe de la révocabilité des actes administratifs illégaux dans le silence des Traités.

134 Également, par une telle incise, le juge de Luxembourg entend démontrer aux Cours constitutionnelles des États membres une prise en compte relative de leurs droits.

Cet arrêt marque ainsi l’insertion des droits nationaux en tant que source d’inspiration de la protection des droits fondamentaux par la Cour de justice. Il s’agissait pour le juge de Luxembourg de répondre au tribunal administratif de Francfort qui considérait comme contraire à la loi fondamentale un régime de cautionnement prévu par la réglementation communautaire. La Cour de justice a fermement rappelé que « la validité de tels actes ne

saurait être appréciée qu'en fonction du droit communautaire », reprenant ainsi le principe

posé par l’arrêt « Costa c/ Enel »443. Néanmoins, elle a également affirmé l’utilité des droits nationaux pour la protection des droits fondamentaux.

Pour J.-F. RENUCCI, une telle prise en compte des droits nationaux apparaît comme naturelle444. En effet, la Cour de justice s’inscrit dans une volonté de protection efficace des droits de l’homme conjointe à celle des systèmes constitutionnels nationaux. Les constitutions nationales consacrent en effet des droits généralement proclamés au niveau international. Aussi, pour M. DARMON, le recours aux « traditions constitutionnelles communes » repose sur la question préalable de savoir si le principe de primauté du droit de l’Union européenne peut se heurter aux protections constitutionnelles nationales445. En ce sens, le recours aux « traditions constitutionnelles communes » s’est effectué afin de légitimer et de rendre effective la protection des droits fondamentaux par la Cour de justice.

Dans ce cadre, l’apport de cette justification se doit pour certains auteurs d’être relativisé. Pour R. TINIÈRE, si cette source « est régulièrement citée par le juge quand celui-

ci a recours aux principes généraux du droit (…) elle n’est pas nécessairement la plus prolixe »446. Au contraire, pour J.-F. RENUCCI, « les traditions constitutionnelles des États

membres jouent un rôle important » en tant que source d’inspiration de la protection des

droits fondamentaux par la Cour de justice447.

443

C.J.C.E., 15 juillet 1964, aff. 6/64, « Costa c/ Enel », Rec., p. 1141.

444 RENUCCI (J.-F.), Traité de droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., coll. Traités, 2007, pp. 644 et s. 445 DARMON (M.), « Juridictions constitutionnelles et droit communautaire », R.T.D.E., 1988, pp. 217 et s. 446 TINIÈRE (R.), L’office du juge communautaire des droits fondamentaux, Bruylant, 2007, thèse, p. 67. 447 RENUCCI (J.-F.), Traité de droit européen des droits de l’homme, précité, p. 647.

135 Nous nous situerons sur une voie médiane quant à ces deux affirmations. Selon nous, la référence aux traditions constitutionnelles communes ne doit ni être minorée ni être extrapolée. Tout comme les principes généraux du droit ont constitué un instrument de protection des droits fondamentaux dans la Communauté économique européenne puis l’Union européenne, les traditions constitutionnelles communes sont l’élément de l’incorporation postérieure de divers droits, au premier rang desquels figureront ceux protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.

Rappelons en effet que la première référence à la Convention européenne dans la jurisprudence de la Cour de justice a été établie par l’arrêt « Rutili » en 1975448. Cette première référence ne s’est manifestée que postérieurement à la ratification par la France de la Convention européenne des droits de l’homme en 1974. Aussi, antérieurement à 1975, il paraissait impossible ou tout du moins délicat pour la Cour de justice de se référer à la Convention européenne des droits de l’homme. L’utilisation des traditions constitutionnelles communes aux États membres permettait à la Cour de pallier l’absence d’une adhésion générale au texte de la Convention tout en s’assurant l’acceptation des Cours constitutionnelles nationales449. Il est d’ailleurs tout à fait possible d’observer une certaine collaboration entre juges et notamment avec le juge allemand450.

La Cour de justice a par conséquent reconnu un certain nombre de droits fondamentaux au titre des « traditions constitutionnelles communes »451. Par exemple, dans son arrêt « National Panasonic » du 26 juin 1980, le juge de Luxembourg s’est appuyé sur cette source pour reconnaitre le droit au respect de la vie privée et familiale452. De même, dans une affaire

448 C.J.C.E., 28 octobre 1975, aff. 36/75, « Rutili », Rec., p. 1219.

449 Cette dynamique d’utilisation préférentielle de la notion de traditions constitutionnelles communes peut se

révéler par une comparaison de la fréquence d’utilisation de cette source antérieurement et postérieurement à 1975.

450

Voir en ce sens RIDEAU (J.), Le droit des communautés européennes, Paris, P.U.F., Coll. « Que sais-je », 1995, N°2067, p. 69.

451 Pour une étude complète des droits reconnus par la Cour de justice au titre des traditions constitutionnelles

communes aux États membres : PICOD (F.), « droit de l’Union européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales », Jurisclasseur libertés, fascicule 120, pts. 140 et s.

136 « Pays-Bas c/ Parlement européen et Conseil » en date du 9 octobre 2001, la Cour de justice a reconnu un droit à l’intégrité de la personne453.

Pour autant, la portée de la référence aux « traditions constitutionnelles communes aux États membres » peut être limitée à l’égard des Cours constitutionnelles des États membres. J.-F. RENUCCI met en lumière le « souci légitime (pour le juge national) de maintenir la

protection des droits fondamentaux à un degré aussi élevé que celui offert par la Constitution de son pays, de sorte qu’il peut être amené à exercer un contrôle de la compatibilité de la norme communautaire avec la norme constitutionnelle »454. De même, il conviendra de remarquer que l’utilisation d’une telle source peut se révéler délicate en termes de légitimation. Ces limitations sont d’ordre pratique. Si les principes généraux sont pour P. PESCATORE une « source féconde dans laquelle la Cour communautaire communie avec

toutes les juridictions internationales et internes »455, le besoin de légitimation tel qu’exprimé par Ph. GERARD456 peut difficilement se concrétiser par des traditions constitutionnelles communes aux États membres lorsque ces derniers sont aujourd’hui au nombre de 28457.

Aussi, face à ces difficultés, le juge de Luxembourg s’est rapidement engagé, à la suite de son arrêt « Internationale Handelgesellschaft » en date du 17 décembre 1970, sur la voie de l’utilisation d’autres sources internationales pour la protection des droits fondamentaux.

§2 : La recherche d’instruments juridiques internationaux pour la protection des droits fondamentaux

La prise en compte d’une protection concrète des droits fondamentaux à travers les principes généraux du droit s’est vue complétée par la référence délicate aux traditions

453

C.J.C.E., 9 octobre 2001, aff. C-377/98, « Pays-Bas c/ Parlement européen et Conseil », Rec., I, p. 7079, pt 70.

454

RENUCCI (J.-F.), Traité de droit européen des droits de l’homme, précité, pp. 647 et 648.

455 PESCATORE (P.), Le droit de l’intégration, A. W. Sijtohff, Leiden, 1972, p. 70.

456 GÉRARD (Ph.), « Aspects de la problématique actuelle des principes généraux du droit », précité, p.77. 457 Pour une étude antérieure au 1er juillet 2013 : TINIÈRE (R.), L’office du juge communautaire des droits fondamentaux, précité, p. 76.

137 constitutionnelles communes aux États membres. Dans cette dynamique, la Cour de justice affirme dans son arrêt « Nold »458 qu’afin d'assurer la sauvegarde des droits fondamentaux, elle s'inspire non seulement des traditions constitutionnelles communes aux États membres, mais également des instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré.

Preuve de son ouverture à l’égard de textes pouvant être considérés comme pertinents pour la protection des droits fondamentaux dans la mise en œuvre du droit communautaire, la Cour de justice a pu se référer à des textes émanant d’organisations internationales. Cette volonté de rattacher l’action normative communautaire à des textes de droit international témoigne non seulement de la capacité de l’ordre juridique communautaire à perméabiliser sa structure à l’égard des droits étrangers mais également sa volonté d’enrichir son droit.

Dans de nombreuses affaires, le juge de Luxembourg a su « emprunter » au droit international divers principes afin de densifier sa propre protection des droits fondamentaux. Parmi ces affaires, la Cour de justice a pu combiner la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres textes internationaux. Le juge communautaire a ainsi pu se référer soit à des conventions internationales prises individuellement soit en les combinant à la Convention européenne des droits de l’homme.

En matière de combinaison d’un texte issu du Conseil de l’Europe avec une autre Convention internationale et concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, la Cour de justice a pu prendre en considération dans son arrêt « Defrenne » du 15 juin 1978 la « Charte sociale européenne, du 18 novembre 1961, et la Convention 111 de

l'Organisation internationale du travail (…) du 25 juin 1958 »459. De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 a pu être évoqué à travers de nombreuses affaires dont l’arrêt « Orkem c/ Comm. C.E. » en date du 18 octobre 1989460.

458 C.J.C.E., 14 mai 1974, aff. 4/73, « J. Nold, Kohlen- und Baustoffgroβhandlung c/ Commission des

Communautés européennes », Rec., p. 491, pt. 13.

459

C.J.C.E., 15 juin 1978, aff. 149/77, « Defrenne », Rec., p. 1365, att. 28.

460

C.J.C.E., 18 octobre 1989, aff. 374/87, « Orkem c/ Comm. CE », Rec., p. 3283, pt. 31 : « L'article 14 du pacte

international, qui consacre, outre la présomption d'innocence, à son paragraphe 3, sous g), le droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable, ne vise que les personnes accusées d'une infraction pénale dans le cadre d'une poursuite judiciaire et est, dès lors, étranger au domaine des enquêtes en matière de droit de la concurrence ».

138 La Convention relative aux droits de l’enfant a également pu être citée dans la jurisprudence de la Cour de justice. Ainsi, dans son arrêt « PE c/ Cons. UE », la Cour a pu rappeler que si « le pacte international relatif aux droit civils et politiques figure au nombre

des instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme dont elle tient compte pour l'application des principes généraux du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 18 octobre 1989, Orkem c/ Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 31; du 18 octobre 1990, Dzodzi, C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 68, et du 17 février 1998, Grant, C-249/96, Rec. p. I-621, point 44). Tel est également le cas de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée qui, tout comme le pacte précité, lie chacun des États membres. »461.

La Cour a poursuivi sa démarche visant à rattacher sa protection des droits fondamentaux à des textes de droit international en l’enrichissant de diverses références. Elle a pu lier une telle protection dans la mise en œuvre du droit communautaire non seulement à la Convention européenne des droits de l’homme mais également à d’autres textes. Ainsi, la Cour a pu estimer que « la protection des droits de l’enfant est reconnue par différents

instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 19 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, et la convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par ladite Assemblée le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990. La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler que ces instruments internationaux figurent au nombre de ceux concernant la protection des droits de l’homme dont elle tient compte pour l’application des principes généraux du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C-540/03, Rec. p. I-5769, point 37) »462.

La Cour de justice a donc pu enrichir sa réflexion sur la protection des droits fondamentaux par l’intermédiaire de diverses sources de droit international. Le juge communautaire a aussi pu se référer à la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 en la

461 C.J.C.E., 27 juin 2006, aff. C-540/03, « Parlement c/ Conseil », Rec., p. 5769, pt. 37 et également pt. 57. 462 C.J.C.E., 14 février 2008, aff. C-244/06, « Dynamic Medien Vertriebs GmbH c/ Avides Media AG », Rec.,

139 combinant au Protocole de Kyoto463. La Cour de justice a également pu à de nombreuses reprises se référer à la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants464.

La référence à ces sources internationales, autres que celles résultant d’un accord conclu dans le cadre des Communautés européennes ou de l’Union européenne, s’est trouvée par la suite enrichie par leur combinaison avec la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, dans une affaire « Land Baden-Württemberg contre Panagiotis Tsakouridis » en date du 23 novembre 2010, le juge communautaire a étayé sa solution en se référant à la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et à la Convention européenne des droits de l’homme465. Il a également pu combiner ce texte issu du Conseil de l’Europe au Pacte des Droits civils et à la Convention contre la torture,466 à la Convention de Vienne du 23 mai 1969467, à la Convention de Londres sur la pêche de 1964468 ou encore à la Convention de Genève469. De même, dans une affaire « Brahim Samba Diouf c/ Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration » en date du 28 juillet 2011, la Cour de justice a pu se référer à la fois à la Convention relative au statut des réfugiés et à la Convention européenne des droits de l’homme tout en se référant à la Charte des droits fondamentaux470.

Cette dernière affaire constitue une nouvelle étape pour la protection des droits fondamentaux par la Cour de justice. En effet, l’affaire « Samba Diouf » est marquée par l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux. Le juge énonce en effet que le principe général du droit à un recours effectif, inspiré par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, est exprimé par l’article 47 de la Charte des droits

463

C.J.U.E., 21 décembre 2011, aff. C-366/10, « Air Transport Association of America e.a. », non encore publié,

site internet.

464 C.J.U.E., 22 décembre 2010, aff. C-497/10, « Barbara Mercredi contre Richard Chaffe », Rec., 2010, I,

p.14309

465 C.J.U.E., 23 novembre 2010, aff. C-145/09, « Land Baden-Württemberg contre Panagiotis Tsakouridis », Rec., p. 11979.

466

C.JC.E., 6 mai 2008, aff. C-133/06, « Parlement européen contre Conseil de l’Union européenne », Rec., I, p. 3189.

467

C.JC.E., 12 mai 2005, aff. C-347/03, « Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia et ERSA », Rec., I, p. 3785.

468 C.J.C.E., 10 juillet 1984, aff. C-63/83, « Kirk », Rec., p. 2689.

469 C.J.C.E., 9 décembre 1982, aff. C-258/81, « Metallurgiki Halyps / Commission », Rec., p. 4261.

470 C.J.C.E., 28 juillet 2011, aff. C-69/10, « Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de

140 fondamentaux471. Aussi, c’est à travers le prisme de la Charte des droits fondamentaux que le juge de Luxembourg examine la compatibilité à la Convention relative au statut des réfugiés. L’affaire « Samba Diouf » démontre la volonté du juge d’utiliser la norme qu’il juge non seulement la plus protectrice des droits fondamentaux mais également la mieux adaptée au droit de l’Union européenne.

L’ensemble de ces arrêts témoigne de la capacité de la Cour de justice à utiliser diverses sources d’inspiration pour la consécration de droits fondamentaux par les principes généraux du droit. Aussi, c’est avec prudence que le juge de Luxembourg utilise ces sources d’inspiration.

Section 2 : La prudence du juge dans l’utilisation des sources d’inspiration de la protection des droits fondamentaux

Malgré l’important apport pouvant résulter des références aux sources externes du droit de l’Union européenne, la Cour de justice ne semble pas en avoir fait un usage immodéré.

Ces sources « exogènes » suscitent des difficultés dans leur utilisation. Leur contour demeure à ce titre relativement flou puisqu’aucun critère précis n’est établi pour leur révélation. Il importe également d’observer que la Convention européenne des droits de l’homme, instrument juridique international commun aux États membres, n’a fait l’objet d’une ratification générale qu’en 1974.

Aussi, c’est avec prudence que le juge de Luxembourg a pu recourir à des telles sources (§1). De même, les traditions constitutionnelles communes aux États membres et les instruments juridiques internationaux n’ont pu servir de sources d’inspiration dans le processus de consécration des principes généraux du droit que par une démarche spécifique de la Cour de justice de l’Union européenne. Le juge utilise ces sources externes avec pragmatisme, et ce toujours afin de maintenir l’unité du droit communautaire puis de l’Union européenne (§2).

141

§1 : Les raisons et difficultés du recours aux sources exogènes de la protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne

L’utilisation de sources exogènes pour la protection des droits fondamentaux répond bien évidemment à certains impératifs auxquels a dû faire face la Cour de justice de l’Union européenne. Afin d’expliciter et de légitimer son action, le juge de Luxembourg s’est attaché à lier sa protection des droits fondamentaux à des normes communément acceptées (A). Pour autant, cette recherche ne peut s’établir sans difficulté en raison notamment de la pluralité des droits avec lesquels le droit de l’Union européenne s’articule (B).

A- La volonté de rattacher la protection des droits fondamentaux à des normes acceptées

Si la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire puis de l’Union européenne a été introduite par le juge grâce à la notion des principes généraux du droit, ces derniers devaient nécessairement trouver une assise juridique afin d’éviter toute qualification de gouvernement des juges. Parallèlement, il importait toujours d’affirmer l’effectivité du droit communautaire à l’égard des droits nationaux

On pourrait ainsi affirmer que le droit communautaire perd de son autonomie à l’égard des droits nationaux. Cependant, il convient d’avoir conscience que le juge communautaire adopte une démarche de recherche d’acceptation du droit communautaire et donc cherche à écarter toute difficulté de mise en œuvre de ce dernier. En effet, concrétisant sa formulation selon laquelle « elle est tenue de s’inspirer des traditions constitutionnelles communes », la Cour de justice énonce également dans son arrêt « Wachauf » en date du 13 juillet 1989 que