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Distribution, bio-´ecologie et importance m´edicale

Chapitre 3 Les moustiques vecteurs, Aedes aegypti et Aedes albopictus 45

3.2 Distribution, bio-´ecologie et importance m´edicale

3.2.1 Ae. aegypti

Aedes aegypti (Linn´e, 1762), vecteur principal de la fi`evre jaune, du DENV, du CHIKV et de nombreux autres arbovirus (Annexe 2), est un moustique d’origine africaine (Christophers 1960 ; Failloux et al. 2002 ; Gubler 1998 ; Powers & Logue 2007). En Afrique, deux formes diff´erenci´ees par des crit`eres morphologiques et ´eco-´ethologiques y sont pr´esentes : (i) Ae. aegypti

Les moustiques vecteurs, Aedes aegypti et Aedes albopictus

Figure 19 – Morphologie (A) et anatomie interne (B) d’une femelle de moustique.

formosus, forme ancestrale sombre de pr´ef´erences trophiques diverses (homme et animaux), vit aussi bien en milieu forestier qu’urbain, les larves se d´eveloppant dans des gˆıtes naturels (creux de rochers, trous d’arbres, aisselles des feuilles) et artificiels (r´ecipients de stockage d’eau) ; (ii) Ae. aegypti aegypti, forme plus claire dite domestique et strictement anthropophile, vit en milieu urbain, les larves se d´eveloppant dans des gˆıtes artificiels tels que les pneus usag´es, les pots de fleurs, ou les r´ecipients utilis´es par l’homme pour stocker l’eau (Paupy et al. 2010).

Ae. aegypti pique de pr´ef´erence tˆot le matin et au cr´epuscule, pouvant se nourrir sur plu-sieurs hˆotes au cours du mˆeme cycle gonotrophique. Quant aux formes pr´e-imaginales, Ae. aegypti s’adapte aussi `a des conditions climatiques extrˆemes. En effet, il a ´et´e montr´e que des larves pouvaient rester viables apr`es cong´elation (Bliss & May Gill 1933), et que

Les moustiques vecteurs, Aedes aegypti et Aedes albopictus

taines populations se maintiennent dans des r´egions d´esertiques o`u la temp´erature peut

at-teindre 40

C (Tyagi & Hiriyan 2004). En g´en´eral, l’abondance d’Ae. aegypti est li´ee `a des fac-teurs abiotiques (i.e. temp´erature, humidit´e, photop´eriode, pluviom´etrie) et humains. En ef-fet, des facteurs humains comme l’urbanisation incontrˆol´ee, les probl`emes socio´economiques et la carence d’infrastructures de sant´e publique, peuvent ˆetre `a l’origine du maintien de ce mous-tique avec des taux d’infestation ´elev´es dans le milieu urbain des pays ´emergents et en voie de d´eveloppement.

Le d´ebut de migration de cette esp`ece n’est pas connu. Il a ´et´e sugg´er´e qu’en migrant du centre vers les r´egions du Nord de l’Afrique, la forme Ae. aegypti formosus aurait ´evolu´ee puis

se seraitdiff´erenci´ee en Ae. aegypti aegypti au contact de l’homme (Failloux et al. 2002).

Du 15`eme au 19`eme si`ecle, la traite des esclaves et les ´echanges maritimes auraient permis `a Ae. aegypti aegypti d’envahir les Am´eriques, l’ensemble du bassin M´editerran´een, l’Est et l’Ouest de l’Afrique (Lounibos 2002 ; Smith 1956 ; Tabachnick 1991). Cependant, il aurait disparu du bassin m´editerran´een `a cause de l’´epandage de DTT (dichloro-diphenyl-trichloro-ethane) lors de la lutte contre le paludisme pendant les ann´ees 1950-1960 (Gubler 1998).

Au cours du XXeme`

si`ecle, Ae. aegypti a ´et´e introduit en Asie depuis les Am´eriques (Brown et al. 2013 ; Tabachnick 1991). Le transport humain et de mat´eriel pendant la deuxi`eme guerre mondiale a ´egalement contribu´e `a l’expansion d’Ae. aegypti, notamment dans les ˆıles de l’Oc´ean Pacifique (Gubler 1998). Aujourd’hui, Ae. aegypti est pr´esent essentiellement dans les r´egions tropicales et subtropicales (45 N- 35 S) africaines, am´ericaines, asiatiques et en Oc´eanie (Bracco et al. 2007 ; Slosek 1986) (Figure 20). En Europe, Ae. aegypti est pr´esent sur l’ˆıle de Mad`ere (Portugal) et dans le Sud-Est de la Russie et de la Georgie (Medlock et al. 2015).

3.2.2 Ae. albopictus

L’esp`ece Ae. albopictus (Skuse, 1894) ou  moustique tigre  d’origine asiatique (Smith

1956) a ´et´e d´ecrite pour la premi`ere fois `a Calcutta en Inde. Ce moustique a ´et´e longtemps n´eglig´e en tant que vecteur d’arboviroses humaines. Cependant, son importance m´edicale est majeure puisqu’il est capable de transmettre 26 arbovirus de familles diff´erentes (Annexe 2) (Paupy et al. 2009). De plus, Ae. albopictus a ´et´e impliqu´e comme vecteur dans plusieurs

Les moustiques vecteurs, Aedes aegypti et Aedes albopictus

Figure 20 – Distribution g´eographique mondiale d’Ae. aegypti et Ae. albopictus.

´epid´emies de DENV dans des pays o`u Ae. aegypti est absent (Gjenero-Margan et al. 2011),

et il est suspect´e de maintenir la circulation du DENV dans certaines zones rurales (i.e. Bang-kok) (Gratz 2004). Concernant le CHIKV, il a ´et´e impliqu´e en tant que vecteur principal dans la plupart des ´epid´emies depuis l’´episode de La R´eunion (Grandadam et al. 2011 ; Gratz 2004 ; Rezza et al. 2007 ; Schuffenecker et al. 2006).

La r´epartition de cette esp`ece se limitait encore au d´ebut du XX`eme si`ecle au sous-continent indien, `a l’Asie et aux ˆıles de l’Oc´ean Indien (Madagascar, ˆıle de La R´eunion) (Gratz 2004). C’est notamment par l’interm´ediaire du commerce international qu’au cours des trois derni`eres d´ecennies, cette esp`ece s’est r´epandue sur les cinq continents aussi bien dans des zones temp´er´ees que tropicales (Figure 20) (Lounibos 2002). Aedes albopictus peut coloniser aussi bien des gˆıtes naturels que des gˆıtes artificiels (Paupy et al. 2009). La diversit´e de ces habitats larvaires per-met d’expliquer l’abondance de cette esp`ece aussi bien dans les zones rurales que p´eri-urbaines. Ce moustique pr´esente ´egalement des pr´ef´erences trophiques diverses, piquant indiff´eremment l’homme et les animaux (i.e. amphibiens, reptiles, oiseaux, mammif`eres) avec deux pics d’agres-sivit´e, le matin `a l’aube et le soir au cr´epuscule. Une ´etude r´ecente a montr´e que lorsqu’il a le choix, Ae. albopictus pr´ef`ere l’homme `a l’animal (Delatte et al. 2010). Des ´etudes sur la

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gie d’Ae. albopictus ont mis en lumi`ere l’existence d’une forme tropicale et une forme temp´er´ee (Hawley et al. 1987). En effet, `a la diff´erence d’Ae. aegypti, certaines populations d’Ae. albopic-tus des r´egions temp´er´ees sont capables de s’adapter aux temp´eratures froides et leurs œufs

de-meurent viables `a des temp´eratures basses, avoisinant 5

C (Hawley et al. 1987). Les œufs peuvent ´egalement rentrer en diapause facultative et ainsi passer la saison hivernale dans cet ´etat pour ensuite ´eclore aux premi`eres pluies du printemps (Hanson & Craig 1994 ; Mori & Oda 1981).

La grande plasticit´e ´ecologique de cette esp`ece lui conf`ere son caract`ere invasif aussi bien en r´egions tropicales qu’en r´egions temp´er´ees. Ae. albopictus a ´et´e d´etect´e pour la premi`ere fois en Afrique (Nigeria) en 1991 (Savage et al. 1992), en Am´erique en 1983 (Reiter & Darsie 1984), en Oc´eanie en 1990 (Kay et al. 1990) et en Europe (Albanie) en 1979 (Adhami & Reiter 1998). Pour ce qui est de l’Europe, sa pr´esence a ´et´e signal´ee de fa¸con progressive : en Italie en 1991 (Dalla Pozza & Majori 1992), en Belgique en 2000 (Schaffner et al. 2004), en Suisse en 2003 (Wymann et al. 2008), en Croatie en 2004 (Klobucar et al. 2006), en Espagne en 2004 (Aranda et al. 2006), aux Pays-Bas en 2005 (Scholte et al. 2008) et en France en 1999 (Schaffner & Karch 2000). Bien que l’esp`ece ait ´et´e identifi´ee pour la premi`ere fois en France en Normandie en 1999 (Schaffner & Karch 2000), ce n’est que depuis 2004 (Delaunay et al. 2009) que l’esp`ece s’est implant´e durablement dans le sud-est de la France et a commenc´e une colonisation progressive du pays jusqu’`a atteindre 20 d´epartements actuellement (Paty et al. 2014). D´esormais Ae. albopictus est pr´esent dans plus de 20 pays Europ´eens (Medlock et al. 2015).

3.3 Principes de g´en´etique des populations et mesures