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1.3 Instabilités structurales des pérovskites

1.3.1 Distorsions ferroélectriques

Définition

La ferroélectricité est l’aptitude de certains cristaux à posséder une polarisation spontanée (Figure 1.7), réversible sous l’action d’un champ électrique extérieur suffisamment fort.

Figure 1.7 – Polarisation dans lesABO3: déplacements atomiques correspondant à une transition de phase FE dans la direction z.

A l’origine, le choix du terme ferroélectricité par Muller en 1935 a pour but de rappeler l’ana-logie entre le comportement de la courbe d’hystérésis de la polarisation électrique macroscopique en fonction du champ électrique appliqué (Figure 1.7) et celle de l’aimantation en fonction du champ magnétique dans les substances ferromagnétiques. Cohen [34] a démontré que l’hybrida-tion dynamique entre les états 3d du métal de transition et 3p de l’oxygène est essentielle pour la ferroélectricité.

Lorsque, en calculant les fréquences de phonons, dans une phase on observe un mode trans-verse optique polaire instable au centre de zone, c’est-à-dire possédant une fréquence imaginaire en Γ, cela signifie que la phase étudiée présente une instabilité ferroélectrique. Comme dit pré-cédemment, au niveau structural, l’instabilité en Γ se caractérise par des déplacements en sens contraires des anions et des cations, engendrant une polarisation spontanée (Ps, Figure A.2(b)).

Souvent l’instabilité en Γse prolonge en une branche instable pouvant s’étendre jusqu’en bords de zone (et donc non polaire globalement), conduisant éventuellement à une phase

antiferroélec-1.3 Instabilités structurales des pérovskites

trique. Dans ce cas, on observe que la polarisation change d’orientation lorsqu’on va d’une maille prototype à une autre (Figure 1.8(b)).

Figure 1.8 – Orientation de dipôles dans la maille élémentaire (a) ferroélectrique et (b) antiferro-électrique. (c) Structure antiferroélectrique du PbZrO3 selon le modèle de Sawaguchi [10]. La maille élémentaire (en rouge) est de dimensions

2a×2

2a×2a.

Dans un crystal ferroélectrique, la direction de la polarisation spontanée Ps est la même au sein du domaine (Figure 1.8(a)), tandis que dans un antiferroélectrique, les mailles successives ont différentes orientations (Figure 1.8(b)), de sorte que la moyennePs= 0.

Polarisation d’un matériau ferroélectrique

Un matériau ferroélectrique est divisé en régions dans lesquelles les dipôles sont orientés de façon unidirectionnelle. Chaque région appeléedomaineprésente donc une polarisation spontanée homogène et uniforme. Comme la répartition des domaines est aléatoire, le matériau est globale-ment non polaire et possède une symétrie sphérique (∞∞m). La frontière entre deux domaines est appeléemurouparois de domaines. Les axes de polarisation des domaines forment entre eux des angles bien définis.

Lorsqu’on applique un champ externe, les domaines dont la direction de polarisation est voisine de celle du champ vont croître en volume au détriment des autres domaines moins fa-vorablement orientés. Ce processus s’appelle lapolarisation du matériau. Celui-ci présente alors une polarisation macroscopique, il devient anisotrope et possède une symétrie conique (∞m).

La réorientation des domaines dépend donc de leur configuration initiale. Dans les matériaux de structure pérovskite, le basculement des domaines à 180 est total car il ne nécessite pas de déformations structurales importantes, contrairement aux réorientations des domaines à 71, 90 et 109 dits ferroélastiques qui entraînent des distorsions importantes de la maille [35]. La Figure 1.9 donne une description qualitative du processus de réorientation des domaines lors de la polarisation d’une céramique ferroélectrique.

Cycle d’hystérésis ferroélectrique

Du fait de la structuration en domaines ferroélectriques, un monocristal ne présente pas de po-larisation globale macroscopique (Figure 1.10(a)). La particularité des composés ferroélectriques est de présenter une polarisation réorientable. Ainsi, sous l’effet d’un champ électrique extérieur, les parois de domaines se déplacent de façon à favoriser les domaines orientés dans le sens du champ, au détriment des autres. Cette action n’est pas réversible, c’est-à-dire que les parois de domaines ne reviennent pas à leur position initiale lors de la suppression du champ. Une polarisa-tion rémanente (Pr) persiste donc en tant que valeur de la polarisation à champ nul. L’apparition

Figure 1.9 –Représentation planaire du processus de polarisation dans une céramique polycristalline (Ep, champ polarisant etPR, polarisation rémanente).

d’une phase ferroélectrique résulte toujours7, lorsque la température du système est abaissée, du développement dans la phase paraélectrique d’uneinstabilitéde polarisation (encore appelée ca-tastrophe de polarisation [36]). Cette polarisation peut être ensuite inversée par l’application d’un champ électrique de sens opposé. Le champ minimum, nommé champ coercitif (Ec), est le champ électrique externe nécessaire pour la réorientation des dipôles du matériau ferroélectrique et sa direction d’application définit le nouvel axe de polarisation. Ces différentes étapes peuvent être répétées, on obtient alors un cycle d’hystérésis P versus E(Figure 1.7), caractéristique des matériaux ferroélectriques.

(a) (b) (c)

Figure1.10 –Variation de la polarisationPen fonction du champ électrique appliquéEdans un système diélectrique (a) paraélectrique, (b) ferroélectrique (une courbe d’hystérésis) et (c) antiferroélectrique (double courbe d’hystérésis), avec un champ électrique Ec permettant d’induire la transition AFE−FE.

Représentation schématique des dipôles élémentaires.

Pour être ferroélectrique, un matériau doit donc être un isolant et montrer une polarisation électrique spontanée, dont le sens peut être inversé entre deux états équivalents par l’application d’un champ électrique (supérieur au champ coercitif). Ces propriétés caractéristiques de la ferro-électricité sont notamment utilisés dans deux types d’applications : les mémoires non volatiles et les diodes optiques. D’autres applications utilisent les fortes valeurs de la constante diélectrique (condensateurs), du coefficient pyroélectrique (détecteurs infrarouges), des constantes piézoélec-triques (transducteurs, actuateurs), des coefficients non linéaires optiques (doubleurs) et des

7. Sauf dans le cas de la ferroélectricité dite impropre dont nous ne parlons pas ici.

1.3 Instabilités structurales des pérovskites

coefficients électro-optiques (modulateurs en télécommunications et holographie).

Température de Curie

Cette caractéristique des matériaux ferroélectriques permet de mieux comprendre l’étroite relation liant ces matériaux à la température. La ferroélectricité est définie sur un certain inter-valle de température dont la borne supérieure est appeléetempérature de CurieTc. Au-dessus de cette température le cristal est dit paraélectrique, en dessous, il est ferroélectrique. Le caractère ferroélectrique d’un cristal se traduit au niveau microstructural par une légère distorsion de la maille paraélectrique (aux hautes températures) non polaire de manière à obtenir une phase po-laire de plus basse symétrie aux basses températures. La transition de phase s’accompagne donc, comme nous l’avons dit précédemment, de changement de distances interatomiques et/ou des angles entre plans cristallins. Une des conséquences de cette transition de phases est que, aux alentours de la température de Curie, les caractéristiques des cristaux ferroélectriques montrent des anomalies comme par exemple une valeur de permittivité diélectrique relative anormalement très élevée (Sec. 1.4).

Chaque phase ferroélectrique présente donc, en l’absence de perturbation externe, deux géo-métries différentes, dont l’analyse structurelle révèle qu’elles sont énantiomorphes et caractérisées ainsi par une même valeur de la polarisation spontanée (Ref. [31]).

Vieillissement et champ interne dans les matériaux ferroélectriques

Le vieillissement d’un échantillon est défini comme étant le changement de ses propriétés avec le temps et il peut être provoqué par des sollicitations externes mécaniques, électriques ou thermiques. Dans les matériaux ferroélectriques, la variation d’une propriété p avec le temps t peut généralement être décrite sur plusieurs décades de temps par la dépendance logarithmique suivante :

p(t) =p(t0) +Aln( t t0

) (1.17)

oùt0est le point de départ de la mesure dep. La constanteA, qui donne la vitesse de vieillissement peut être positive ou négative. La relation (1.17) n’est pas valable indéfiniment, sinonpprendrait une valeur infinie ou nulle.

Le vieillissement est généralement relié à la variation progressive de la configuration de do-maines avec le temps. Ainsi, les matériaux vieillis présentent une configuration de dodo-maines stabilisée qui peut se traduire par la présence d’un champ interne. Ce champ interne Ei vient s’ajouter au champ coercitif et se manifeste par un déplacement du cycle d’hystérésis le long de l’axe du champ externe dans le cas d’un matériau polarisé ou sinon par un cycle d’hystérésis non saturé (Figure 1.11).

1.3.2 Distorsions antiferrodistortives