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1.2 L’origine du Mini-Ring

2.1.3 Le refroidissement par dissociation

2.1.3.3 Dissociation des PAH

Pour la plupart des PAH, deux voies de fragmentation sont prépondérantes : la perte de H et la perte de C2H2. Holm et al. [84] ont calculé avec la méthode DFT (Density Functional

Theory) les énergies de dissociation ED de plusieurs PAH, neutres, simplement chargés et multichargés, et celles concernant les voies principales de dissociation des PAH sont répertoriées pour les cations naphtalène, anthracène, pyrène et coronène dans la Table 2.3.

Table 2.3 : Énergies de dissociation calculées pour la perte de H et de C2H2 pour les cations naphtalène, anthracène, pyrène et coronène [84]. Toutes les énergies sont en eV.

naphtalène+ anthracène+ pyrène+ coronène+

ED(eV) H 4.8 5.3 5.1 5.2

C2H2 4.6 3.3 6.4 7.3

Les rapports de branchement entre ces deux voies de dissociation dépendent de l’énergie interne des molécules. Pour les petits PAH comme le naphtalène et l’anthracène, il y a une réelle compétition entre la perte d’un atome d’hydrogène et la perte d’une molécule de C2H2. Pour des PAH plus gros comme le pyrène et le coronène la perte d’hydrogène est majoritaire. A titre d’exemple, les rapports de branchement entre les deux voies de dissociation principales pour le naphtalène, l’anthracène, le pyrène et le coronène, sont répertoriés dans le tableau 2.4.

Table 2.4 : Rapport de branchement pour la perte de H et de C2H2de 4 cation PAH neutres. Ces rapports ont été calculés à partir des spectres de masse du NIST [85] obtenus par des collisions énergétiques molécule-électrons à 70 eV.

naphtalène+ anthracène+ pyrène+ coronène+ C10H8+ C14H10+ C16H+10 C24H+12 H/C2H2(%) 64/36 54/46 95/5 97/3

Ils sont calculés à partir des spectres de masse du NIST [85] obtenus par impact électronique à 70 eV sur les PAH neutres. Cependant, il est important de souligner que les rapports de branchement varient avec l’énergie interne de l’ion considéré (figure 2.10 paragraphe suivant pour le cas du cation naphtalène) et qu’il est de ce fait difficile de les déterminer.

Cas du naphtalène

Le cation naphtalène se dissocie principalement suivant 4 voies : la perte de H et de C2H2(voies majoritaires comme pour la plupart des PAH), de H2et de C4H2. La figure 2.7 tiré de l’article de West et al. [86] montre le spectre MIKES (Mass analyzed Ion Kinetic

2. Refroidissement des PAH 43

d’accélération. En changeant le potentiel d’accélération, les rapports de branchement entre les différentes voies de fragmentation peuvent être déterminés.

Figure 2.7 : Spectre MIKES (Mass analyzed Ion Kinetic Energy Spectrometry) du cation naphtalène C10H8+ ac-céléré à 6, 7 et 8 kV [86].

Nous ne tiendrons pas compte du phénomène de multifragmentation qui a lieu lorsque les ions ont une grande énergie interne, et les quatre équations principales de réaction de dissociation du cation naphtalène sont donc les suivantes :

C10H•+8 −→ C10H7++ H (2.23)

C10H•+8 −→ C8H6•++ C2H2 (2.24)

C10H•+8 −→ C6H6•++ C4H2 (2.25)

C10H•+8 −→ C10H6•++ H2 (2.26) La Table 2.5 répertorie les mesures expérimentales et les calculs concernant les énergies de dissociation du cation naphtalène, ED, suivant les quatre voies principales. La perte de H et la perte de C2H2sont les processus les moins énergétiques, et donc les plus probables

Table 2.5 : Énergies de dissociation du cation naphtalène pour la perte de H, C2H2, C4H2 et H2. Toutes les énergies sont en eV.

Expérience Théorie

iPEPICO [86] Gotkis [87] Ho [88] Dyakov [89] Holm [84] H 4.20 ± 0.04 4.23 4.48 ± 0.10 3.79 4.8 C2H2 4.12 ± 0.05 4.6 4.41 ± 0.20 3.89 4.6

C4H2 4.27 ± 0.07 4.50

H2 4.72 ± 0.06 3.25

Les mécanismes de dissociation principaux du naphtalène ont été étudiés en profondeur par Dyakov [89] et West [86], et nous résumons ici quelques informations sur la structure des fragments chargés issus de la dissociation du cation naphtalène. La figure 2.8 résume les structures les plus stables des ions fils après la dissociation du cation naphtalène par une des 4 voies principales.

44 2.1. Désexcitation d’une molécule isolée

Figure 2.8 : Les quatre voies de dissociation principales du cation naphtalène. En bleu les voies majoritaires.

Perte de H : la réaction (2.23) d’élimination d’un atome d’hydrogène peut se dérouler en une seule étape directement avec la rupture de la liaison C-H, ou bien peut être précédée par une ou plusieurs migrations d’atome d’hydrogène. Dans les deux cas, le clivage de liaison C-H ne passe pas par un état de transition. Il n’est pas possible de localiser le site qui a éliminé l’hydrogène.

Perte de C2H2: théoriquement il y a deux structures possibles pour C8H•+6 provenant de la réaction (2.24). Au début des années 90, le phénylacétylène était supposé être la structure la plus stable [87,88,90]. Ling et al. [91] ont tenté d’élucider la nature de l’ion C8H•+6 provenant du naphtalène et la combinaison de calculs théoriques et des mesures expérimentales mon-trèrent que deux structures étaient possibles : le benzocyclobutadiène et le phénylacétylène. Grâce à différentes techniques de spectrométrie de masse et notamment la spectrométrie CR (Charge Reversal), Schroeter et al. ont déduit expérimentalement que la structure pour C8H•+6 est celle du benzocyclobutadiène ionisé [92], ce qui a été confirmé théoriquement par Dyakov et al. [89]. La figure 2.9 montre les deux chemins énergétiques menant à la formation des deux structures moléculaires possibles pour C8H•+6 . Toutes les valeurs des énergies sont relatives à l’isomérisation de l’azulène en naphtalène, processus non représenté sur la figure 2.9. Le premier chemin, pouvant partir de deux voies différentes repérées avec des flèches vertes, mène au cation benzocyclobutadiène. Cette voie peut raisonnablement être décrite comme une réaction de dissociation avec une unique barrière d’énergie, relative au niveau de l’état de transition TS24-P2 (95.3 kcal/mol par rapport à l’azulène, soit environ 4.1 eV). Le deuxième chemin partant en pointillés bleus correspond à la voie de formation du cation phénylacéthylène. Après un déplacement des atomes d’hydrogène (étape 2 → 17), un des deux cycles benzéniques s’ouvre (17→ 25) et la réaction est suivie par l’élimination de C2H2 du cycle ouvert. L’énergie du produit est 89.7 kcal/mol (soit environ 3.9 eV), c’est l’énergie la plus haute de ce chemin réactionnel ; elle est également supérieure à celle de l’état final du premier chemin, 85.7 kcal/mol (3.7 eV) pour le benzocyclobutadiène, qui est le produit final le plus stable.

2. Refroidissement des PAH 45

Figure 2.9 : Dissociation du cation naphtalène par élimination d’un molécule d’acétylène C2H2. La photodisso-ciation est initiée par la photoexcitation du cation azulène (non représenté sur la figure) qui s’isomé-rise ensuite en naphtalène [89]. Les énergies de barrière sont en kcal/mol (1 kcal/mol  0.043 eV).

Perte de H2: la perte d’une molécule de H2, caractérisée par la réaction (2.26), est initiée par la migration d’un atome d’hydrogène autour du cycle benzénique. Le groupe CH2peut alors éliminer la molécule de H2, avec une probabilité égale quelque soit la position du carbone sur le cycle benzénique. Le produit de dissociation C10H•+6 avec une triple liaison carbonée et celui avec la conversion d’un cycle benzénique en bicycle de 5 et 3 atomes (dont 2 en commun) sont les produits les plus stables. La perte de H2est une voie en compétition avec la perte de H.

Perte de C4H2: le fragment issu de la dissociation du cation naphtalène par la réaction (2.25) est attribué au cation benzène.

Les rapports de branchements relatifs aux différentes voies de dissociation du cation naphtalène varient avec l’énergie interne du cation, et ces variations sont tracées dans la figure 2.10 [89] pour une gamme d’énergie de 120 à 280 kcal/mol soit de 5.2 à 12.1 eV. Les rapports de branchement les plus importants concernent la perte d’un atome d’hydrogène et d’une molécule de C2H2. Typiquement dans notre gamme d’énergie autour de 8 eV (180 kcal/mol), Dyakov et al. [89] ont prédit qu’environ 45% des cations naphtalène se dissociant perdent une molécule de C2H2, 42% un atome d’hydrogène, 11% une molécule de H2et 3% une molécule de C4H2. Dans toute la suite de notre étude sur le cation naphtalène, nous considérerons seulement les deux voies de dissociation principales, c’est-à-dire la perte de H ou d’une molécule de C2H2.

46 2.1. Désexcitation d’une molécule isolée

Figure 2.10 : Rapports de branchement en pourcentage, calculés pour les voies principales de dissociation du cation naphtalène, en fonction de l’énergie interne de la molécule entre 120 et 280 kcal/mol soit entre 5.2 et 12.1 eV (figure extraite de [89]).

Les taux de dissociation du naphtalène dans la littérature résultent généralement d’ajus-tements expérimentaux avec un modèle statistique de type R.R.K.M. ou bien de calculs d’états de transition. La figure 2.11 rassemble quelques taux de dissociation dans la littérature, concernant la perte de H, kH

Diss(E) (courbes en pointillés) et de C2H2, kC2H2

Diss (E) (lignes pleines) du cation naphtalène. Les valeurs de Gotkis [87] (en vert), Ho [88] (en orange), West [86] (en rose) et Jochims [90] (en violet) résultent de l’ajustement de données expérimentales avec un modèle R.R.K.M.

Figure 2.11 : kDiss(E) pour la perte de C2H2 et de H par C10H8+, provenant d’un ajustement de données expérimentales avec un modèle de type R.R.K.M. Les courbes de Gotkis [87], Ho [88], West [86] et Jochims [90] sont présentées dans ce graphique.

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La désexcitation d’une molécule isolée peut avoir lieu sur des temps longs : par exemple pour un cation naphtalène d’énergie entre 6 et 10 eV, à partir des kDiss(E) et des kElec(E) on peut en déduire que le processus de dissociation a lieu sur une échelle de temps de 0.1 s à 0.1 μs et le refroidissement radiatif par fluorescence entre 10 ms et 0.1 ms. Le refroidissement radiatif par émission IR est quant à lui de l’ordre de la seconde. Afin d’étudier ces différents processus, il est nécessaire de pouvoir observer le comportement des molécules sur des temps longs, et donc de les piéger. C’est là tout l’intérêt du Mini-Ring, qui nous permet de stocker des paquets de particules chargées jusqu’à des temps de l’ordre de quelques centaines de millisecondes. Il faut donc étendre ce que nous venons de voir à un ensemble de molécules.