3. Les seniors dans les accords d’entreprise : synthèse et préconisations 27
3.2. Des dispositifs inégalement développés
Les négociations se sont ouvertes le plus souvent sur la base des données extraites des bilans sociaux. Le plus souvent, il n’y a pas eu d’études spécifiques sur les seniors pour connaître leur répartition par métiers, leurs attentes, leur accès à la formation. Lorsque ces études sont conduites, elles restent un instrument pour la négociation et ne circulent pas dans l’entreprise ni à l’extérieur. Les diagnostics restent donc souvent invisibles.
Par ailleurs les seuils d’âge habituellement utilisés (45 ans, 55 ans), en particulier dans les accords interprofessionnels, sont très largement repris, sans être discutés au regard du contexte particulier de l’entreprise.
Enfin, rendre compte de l’impact des accords se heurte à deux difficultés. D’une part les bilans des accords ne sont mis à disposition que des signataires et les données qu’ils contiennent sont considérées comme confidentielles. Les éléments de suivi des accords qui ont été mis à notre disposition dans certaines entreprises ne sont donc pas présentés ici. D’autre part, les bilans sont souvent réalisés par les directions des ressources humaines à un moment donné de l’année, et sous la forme de comptage. Il n’est donc souvent pas possible de comparer le nombre de bénéficiaires au nombre de personnes potentiellement concernées, ni a fortiori de savoir quelles sont les caractéristiques des personnes bénéficiaires de certains dispositifs.
3.2.1. Une gestion (de l’âge) des départs en retraite
Les dispositifs les plus largement présents concernent les départs en retraite. Compte tenu de l’arrivée à échéance d’accords antérieurs ou de dispositifs à durée déterminée, ce sont aujourd’hui les seuls dont disposent les entreprises étudiées.
La conception de ces dispositifs traduit généralement un ajustement de la possibilité de partir avant l’âge de la retraite à taux plein : soit une réduction dans le temps des critères d’accès (d’âge et d’ancienneté notamment) notamment compte tenu des critères d’accès aux dispositifs de préretraite antérieurs, soit une restriction de l’accès à certains salariés. S’y ajoute fréquemment l’obligation pour le salarié qui souhaite en bénéficier de s’engager sur la date de son départ en retraite.
Nature du dispositif Critères d’accès ou conditions d’utilisation
Application Congé de fin de carrière (2006)
ou rachat de trimestres
CET ou CET spécifique de fin de carrière
Engagement sur la date de départ en retraite
Nés avant janvier 1953, et ancienneté >10 ans
Salariés ayant opté pour un temps partiel compris entre 80 et 95% du temps plein (min 1 an, max 5 ans) Versement min 10 jours par an sur le CET (max 4 ans)
Complexe et contraignant, Mal connu et mal compris peu appliqué Caisses régionales du Crédit Agricole
Indemnité de départ à la retraite améliorée (2006) pour mise à la retraite avant 65 ans
Salariés de 60 ans ayant acquis leurs droits à retraite à taux plein
Beaucoup de départs Schneider
Electric
Congé de fin de carrière (1995) Droits à une retraite à taux plein ou à une retraite anticipé pour longue carrière à la prise du congé
Indemnité de rupture avant 65 ans (2005) Mal connu, réticence des directions régionales AGEFOS PME Rachat de trimestres (2007), abondé par l’entreprise
Utilisation du CET Congé de fin de carrière, via le
compte épargne-temps Rachat de trimestres (2006), avec prise en charge de 50% des intérêts si souscription d’un prêt
10 ans d’ancienneté
Engagement sur une date de départ Option intérêts des prêts très peu utilisée Caisse des dépôts et consignations
Accompagnement des départs en retraite à taux réduit
10 ans d’ancienneté au moins et possibilité exercer droit à retraite
3.2.2. L’aménagement des fins de carrière
Dans les trois cas où ils ont été repérés via les accords, les aménagements portent essentiellement sur des possibilités de temps partiel en fin de carrière, le plus souvent compensé au niveau de la rémunération par l’utilisation des jours épargnés sur le compte épargne-temps. On peut y faire figurer également les fonctions de tutorat, de conseil, de formateur interne, et la mise à disposition extérieure à l’entreprise.
Ici aussi les critères d’accès aux dispositifs ont parfois évolué dans le temps. C’est par exemple le cas du congé solidaire de la Caisse des dépôts et consignations, devenu beaucoup plus restrictif que dans l’accord triennal précédent (hausse de l’ancienneté requise, engagement désormais de partir en retraite à l’issue du congé).
Nature du dispositif Critères d’accès ou conditions d’utilisation Application Caisses régionales du Crédit Agricole
Temps partiel de fin de carrière (2006)
Engagement sur la date de départ en retraite
Nés avant janvier 1953, et ancienneté >10 ans
Salariés ayant opté pour un temps partiel compris entre 80 et 95% du temps plein (minimum 1 an, maximum 5 ans)
Inscription au Compte épargne-temps spécifique fin de carrière, avec abondement de l’entreprise (2006)
Complexe et contraignant, Mal connu et mal compris Peu de temps partiel en général peu appliqué PSA Peugeot Citroën
Temps partiel en fin de carrière, éventuellement lié à une mission tutorale (2005, modifié en 2007)
2 ans avant la liquidation de la retraite
Avoir plus de 58 ans ou pouvoir bénéficier dans les deux ans du dispositif carrières longues 5 ans d’ancienneté Temps plein Adaptation progressive du temps de travail (2006) A partir de 57 ans Caisse des dépôts et consignations
Congé solidaire (2002, modifié
en 2006) 10 ans de services effectifs Maximum 3 ans : départ en retraite à l’issue du congé
Notons qu’aucun des accords étudiés ne met en place de mesure spécifique d’aménagement des conditions de travail pour les seniors. L’accord spécifique de PSA sur l’amélioration des conditions de travail de 2001 recherche en effet une adéquation générale entre les hommes et les postes de travail. L’accord GPEC 2008 de Schneider Electric mentionne que des aménagements de poste pourront être envisagés.
3.2.3. Formation et 2ème partie de carrière
L’essentiel des dispositifs concernant la formation et la seconde partie de carrière s’inscrit dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels de 2003 et de la loi de 2004. Sont ainsi mentionnés dans les accords d’entreprise :
- le plan de formation ;
- le droit individuel à la formation ;
- les périodes de professionnalisation ;
- le tutorat.
Les quelques variantes apportées correspondent d’une part à l’affirmation d’une priorité donnée aux salariés seniors (mais sans plus de précisions) pour tout ou partie des dispositifs
place d’un passeport formation et un « Rendez-vous formation » tous les 4 ans au Crédit agricole). A la différence des dispositifs de gestion des départs et d’aménagements de fin de carrière, il n’y a pas forcément de bilan formalisé.
S’y ajoutent dans les accords GPEC de Schneider Electric et de PSA, repris de l’accord
interprofessionnel sur l’emploi des seniors de 2005, un entretien de 2ème partie de carrière à
partir de 45 ans puis tous les 5 ans et un bilan de compétences également en 2ème partie de
carrière. L’accord GPEC de PSA mentionne en outre une priorité à la mobilité interne pour la reconversion d’un salarié exerçant un métier sensible et au bénéfice des plus de 50 ans.
Pour conclure sur les dispositifs prévus par les accords, notons qu’en dehors de l’affirmation dans l’accord PSA sur la diversité et la cohésion sociale d’un principe de non discrimination sur l’âge, les accords concernant les seniors ne mettent pas en place de mesures visant à réduire la discrimination sur l’âge ou à favoriser le recrutement externe de seniors (à la différence des accords de branche sur l’emploi des seniors présentés au chapitre 2).