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Dispositifs exp´erimentaux d’´etude de l’effet des contraintes hydro-

1.4 La r´eponse cellulaire `a des sollicitations externes

1.4.6 Dispositifs exp´erimentaux d’´etude de l’effet des contraintes hydro-

Au cours des deux derni`eres d´ecennies, diff´erents dispositifs exp´erimentaux ont ´et´e mis

au point pour ´etudier les effets du flux sur l’adh´esion cellulaire. Le principe de

fonction-nement et les r´esultats qu’ils ont permis d’obtenir sont pr´esent´es dans les paragraphes

ci-dessous.

1.4.6.1 Le syst`eme cˆone-plan

Le syst`eme cˆone plan est une enceinte remplie de milieu de culture, dont la paroi

inf´erieure est fixe et la paroi sup´erieure est constitu´ee d’un cˆone mobile tournant autour

d’un axe (Fig. 1.24). La rotation du cˆone `a la vitesse angulaire ω met le fluide en

mou-vement, g´en´erant ainsi une contrainte de cisaillement σ sur les cellules adh´erentes ou en

suspension dans le milieu de culture, dont l’expression est donn´ee par σ =

µωα

o`uµ est la

viscosit´e du fluide et α l’angle du cˆone.

le sens de l’´ecoulement sous l’effet des contraintes de cisaillement (Dewey et al., 1981), les

modifications de forme et d’orientation d´ependant du temps d’application et de l’amplitude

du cisaillement. Makinoet al.ont utilis´e un tel dispositif cˆone-plan pour ´etudier l’effet d’un

cisaillement sur des cellules, et en particulier les petites GTPases de la famille Rho (Rac1,

Rac2, cdc42 et rhoA). L’activit´e de ces prot´eines est contrˆol´ee par la dur´ee d’application

et l’amplitude des contraintes de cisaillement g´en´er´ees par le flux (Makino et al., 2005).

Fig. 1.24: Dispositif cˆone-plan. Le cˆone tourne `a la vitesse angulaireω g´en´erant un taux de cisaillement

˙

γ constant ˙γ =

ω

α

et des contraintes de cisaillement tangentielles sur les cellules cultiv´ees en suspension

ou adh´erentes sur le disque inf´erieur.

1.4.6.2 La chambre d’´ecoulement radial

La chambre d’´ecoulement radial est compos´ee de deux plaques circulaires de rayon

R parall`eles espac´ees d’une distance e. Le disque sup´erieur poss`ede un orifice au centre

connect´e `a un r´eservoir de milieu de culture. Ceci permet d’introduire le fluide dans

l’en-ceinte par le centre, il est ensuite ´evacu´e par les paroi lat´erales (Fig. 1.25). Les lignes de

courant sont donc radiales, tout comme les contraintes de cisaillement g´en´er´ees, donn´ees

par la relation : σ(r) =

πre32

, o`u Q est le d´ebit et η la viscosit´e du fluide. La contrainte

de cisaillement ´etant li´ee `a la distance au centre du disque, un tel dispositif produit une

plage continue de contraintes de cisaillement au cours d’une mˆeme exp´erience.

Fig. 1.25: Chambre d’´ecoulement radial. Le fluide circule du centre vers la p´eriph´erie des deux disques,

g´en´erant des contraintes de cisaillement radiales sur les cellules en suspension ou adh´erentes au fond de

la chambre.

Un tel dispositif a d’abord ´et´e utilis´e pour ´etudier le d´etachement de billes de latex

portant un r´ecepteur d’une plaque de verre fonctionnalis´ee avec le ligand correspondant.

Cozens-Roberts et al. ont utilis´e comme couple ligand-r´ecepteur des immunoglobulines

de ch`evre et des anti-immunoglobulines de ch`evre de lapin soumis `a des contraintes de

ci-saillement comprises entre 0 et 40dynes/cm

2

(Cozens-Robertset al., 1990). Ils ont montr´e

exp´erimentalement que la contrainte seuil, i. e. la contrainte de cisaillement entraˆınant le

d´etachement des billes, augmente lin´eairement avec la densit´e de r´ecepteurs sur le

sub-strat et avec la densit´e de ligands sur les billes, ce qui est coh´erent avec les mod`eles

math´ematiques ´etablis par Bell, Hammer et Lauffenburger (Bell, 1978; Hammer et

Lauf-fenburger, 1987).

Des exp´eriences de d´ecollement de cellules adh´erentes ont ´egalement ´et´e r´ealis´ees en

chambre d’´ecoulement radial. D´ecav´eet al.ont ´etudi´e la cin´etique de d´etachement de

dic-tyostelium disco¨ıdeum induit par un flux (D´ecav´e et al., 2002). Leurs travaux ont montr´e

que le d´etachement de la cellule du substrat se produit lorsque la contrainte de cisaillement

est sup´erieure `a une valeur seuil, et qu’il suit alors une loi cin´etique du premier ordre. Ils ont

´egalement ´etudi´e l’effet des propri´et´es physicochimiques du substrat, et conclu qu’elles

mo-difient `a la fois l’efficacit´e d’attachement (d´etermin´ee par la contrainte de cisaillement pour

laquelle 50% des cellules restent adh´erentes) et la cin´etique de d´etachement : sur le verre,

l’attachement est moins efficace que sur des surfaces fonctionnalis´ees, mais la cin´etique

est plus rapide. Leurs exp´eriences ont aussi mis en ´evidence le rˆole des microfilaments

d’actine dans la cin´etique de d´etachement, celui-ci ´etant acc´el´er´e par la destruction du

r´eseau d’actine. La confluence des cellules adh´erentes est ´egalement un facteur influen¸cant

la cin´etique et l’efficacit´e du d´etachement par un flux, comme l’ont prouv´e Peel et DiMilla

(Peel et DiMilla, 1999) `a partir d’exp´eriences sur des cellules de moelle osseuse de souris.

Leurs r´esultats montrent que la contrainte de cisaillement critique pour le d´etachement

est plus ´elev´ee `a confluence moyenne (10−40%).

1.4.6.3 La chambre d’´ecoulement `a parois parall`eles

Un autre type de chambre d’´ecoulement est la chambre d’´ecoulement `a paroi parall`eles.

Elle est constitu´ee d’un canal de section rectangulaire dans lequel on fait circuler le fluide

(Fig. 1.26). En l’absence de perturbations, les lignes de courant sont des droites dans la

direction du canal. Dans le cas d’un canal applati (de sectionw×havec w≫h, et orient´e

selon l’axe z), la contrainte de cisaillement g´en´er´ee `a la paroi (loin des bords verticaux)

est donn´ee par la formule :

σ

zy wall

= 6ηQ

wh

2

(1.38)

pour w≫ h et x ≪

w2

, et o`u η, Q, w et h sont respectivement la viscosit´e du fluide, son

d´ebit volumique, la largeur et la hauteur du canal (pour le calcul, voir la partie 1.4.4).

Fig. 1.26: Chambre d’´ecoulement `a parois parall`eles : le fluide est introduit par une des extr´emit´es du

canal parll´el´epip´edique

L’utilisation de chambre d’´ecoulement a permis de mettre en ´evidence l’alignement de

cellules endoth´eliales confluentes et la r´eorganisation de leur cytosquelette sous l’effet d’un

flux :

– Galbraith et al. ont observ´e la r´eorganisation spatiale du cytosquelette d’actine de

cellules endoth´eliales adh´erentes `a la paroi d’une chambre d’´ecoulement et soumises

`a un flux correspondant `a des valeurs physiologiques de cisaillement (Galbraithet al.,

1998). Ils d´ecrivent la r´eponse des cellules au flux en trois phases : dans les premi`eres

heures, les cellules s’allongent, acqui`erent de plus en plus de fibres de stress et de

microfilaments dans la zone apicale, les jonctions intercellulaires s’´epaississent. Apr`es

6 heures d’exposition au flux, les noyaux ainsi que les centres d’organisation des

microtubules (les centrosomes) gagnent les r´egions situ´ees en avant de la cellule, face

au flux. Au cours de la derni`ere phase, apr`es 12 heures de cisaillement, les cellules

sont orient´ees dans la direction du flux, avec des fibres de stress plus grosses et plus

longues, et des jonctions intercellulaires plus ´epaisses.

– Bruder et al. ont utilis´e une chambre d’´ecoulement `a paroi parall`eles pour ´etudier

l’effet d’un polyph´enol pr´esent dans la peau de raisin, le resveratrol, sur des cellules

endoth´eliales soumises `a un flux. Ils ont ainsi montr´e que l’association du resveratrol

et d’un flux de cisaillement induit une ´elongation des cellules endoth´eliales. Cette

´etude avait pour but de comprendre le faible taux d’ath´eroscl´erose et de maladies

coronariennes chez les populations du sud de la France consommant r´eguli`erement

du vin rouge (Bruder et al., 2001).

Plusieurs travaux en chambre d’´ecoulement `a parois parall`eles ont ´egalement montr´e

que des cellules adh´erentes isol´ees se d´eforment sous l’effet d’un ´ecoulement :

– Dans des exp´eriences r´ealis´ees par Makino et al. sur des neutrophiles et des cellules

HL-60 adh´erents `a la paroi d’une chambre d’´ecoulement `a parois parall`eles, un flux

g´en´erant une contrainte de cisaillement `a la paroi (5dyn/cm

2

) induit une diminution

rapide de l’aire de contact cellule-substrat et une r´etraction des pseudopodes (Makino

et al., 2005). Ils ont ´egalement test´e l’effet d’un flux sur des leucocytes de souris

mutantes priv´ees de Rac1 et Rac2 : de tels leucocytes adh´erents `a la paroi de la

chambre d’´ecoulement ne se r´etractent pas sous l’effet du flux, mais continuent `a

accroˆıtre leur aire sur le substrat.

– Caoet al. ont ´etudi´e des lymphocytes soumis `a des contraintes similaires en chambre

d’´ecoulement `a parois parall`eles. Ils ont mis en ´evidence un comportement

bipha-sique : dans une premi`ere phase, les neutrophiles poursuivent leur ´etalement sur

le substrat, la surface de contact croˆıt, puis dans une deuxi`eme phase leur aire de

contact se r´eduit et ils se d´ecollent progressivement du substrat (Cao et al., 1998).

– D’autres exp´eriences en chambre d’´ecoulement parall´el´epip´edique ont permis

d’ob-server l’applatissement de cellules HL60 sous l’effet d’un flux, puis leur roulement sur

le substrat (Dong et Lei, 2000).

1.4.6.4 Les micropipettes

A la diff´erence des chambres d’´ecoulement o`u l’´ecoulement g´en`ere des contraintes de

cisaillement homog`enes et contrˆol´ees dans tout le volume de la chambre, les micropipettes

permettent d’appliquer un flux de fa¸con localis´ee sur une cellule adh´erente (Fig. 1.27). La

contrainte de cisaillement sur la cellule vis´ee d´epend alors de la distance entre la pointe

de la micropipette et la cellule (typiquement 10µm) et de la vitesse du fluide `a la sortie

de la micropipette (Moazzam et al., 1997; Coughlin et Schmid-Sch¨onbein, 2004). Elle est

contrˆol´ee par le r´eservoir de pression qui alimente la micropipette.

Fig. 1.27: Micropipette utilis´ee pour appliquer un flux sur une cellule. La pointe de la pipette est situ´ee

`a environ 10µmdu centre de la cellule.

Bohnet et al. ont utilis´e des micropipettes pour stopper la migration d’une cellule : en

focalisant de fa¸con pr´ecise le flux sortant de la micropipette sur une zone du bord avant

d’une cellule en migration, ils ont observ´e une indentation dans le lamellipode : au niveau

du jet de la pipette, l’´etalement de la cellule est bloqu´e par la force hydrodynamique

en-gendr´ee par le flux sortant. Ils ont ainsi pu estimer `a quelques piconewtons par microm`etre

la force d’arrˆet de la cellule en migration (Bohnet et al., 2006).

Ce dispositif a ´egalement permis de montrer la complexit´e des ph´enom`enes adh´esifs,

la r´eponse d’un leucocyte soumis au jet d’une micropipette ´etant diff´erente selon son ´etat

d’activation. En effet, dans les travaux de Coughlinet al., des leucocytes adh´erant de fa¸con

passive, i. e. ayant initialement une forme sph´erique, s’´etalent lorsqu’ils sont soumis au

flux sortant d’une pipette (2dyn/cm

2

), ce comportement n´ecessitant un r´eseau d’actine

intact et des mol´ecules de myosine activ´ees (Coughlin et Schmid-Sch¨onbein, 2004). Au

contraire, dans le cas de leucocytes ´etal´es et formant des pseudopodes, le flux (1dyn/cm

2

)

a l’effet inverse : les leucocytes adh´erents se r´etractent (Moazzam et al., 1997).

1.4.6.5 Les dispositifs microfluidiques

Les d´eveloppements r´ecents de la microfluidique ont rendu possible l’´etude dans des

en-vironnements confin´es de certains ph´enom`enes cellulaires tels que la migration et l’adh´esion,

ce qui permet de se rapprocher des conditions dans lesquelles se d´eroulent ces ph´enom`enes

in vivo. Les dispositifs microfluidiques, dont la pr´ecision atteint aujourd’hui le micron,

sont fabriqu´es en PDMS `a partir de moules obtenus selon la m´ethode de

photolithogra-phie douce (McDonald et al., 2000; Duffyet al., 1998). Les parois sont fonctionnalis´ees de

fa¸con `a ˆetre biocompatibles.

Dans un canal microfluidique de forme parall´el´epip´edique (section w×h), l’´ecoulement

est parabolique dans la direction du canal. La contrainte de cisaillement `a la paroi est

obtenue par la formule :

σzy wall = ηQπ

2

2h

2

P

∞ n=1,3,5...n12

h

1−

cosh(nπxh ) cosh(nπw 2h )

i

P

∞ n=1,3,5...n14

w−

2h

tanh

wnπ2h

(1.39)

Dans le cas d’un microcanal de section applatie (w≫h), la contrainte de cisaillement `a

la paroi est donn´ee par la formule simplifi´ee : σ=

6whηQ2

(voir les calculs dans le paragraphe

1.4.4).

La plupart des exp´eriences sous flux en microcanaux consistent en une quantification de

l’adh´esion ou de la migration `a la fin d’une p´eriode de cisaillement, adapt´ee au dispositif

et au protocole utilis´es :

– Un moyen de quantification est le comptage du nombre de cellules restant adh´erentes

`a la paroi d’un microcanal apr`es une p´eriode de flux. Lu et al. ont par exemple

´etudi´e l’influence de la fonctionnalisation en d´enombrant la fraction de cellules

(fibro-blastes) restant adh´erentes apr`es une p´eriode de flux pour des canaux fonctionnalis´es

avec des solutions de fibronectine de concentrations comprises entre 0 et 10µg/mL,

d´emontrant ainsi la n´ecessit´e de fonctionnaliser les parois pour avoir une adh´esion

r´esistante au flux (Lu et al., 2004). L’effet du flux peut ´egalement ˆetre ´evalu´e en

appliquant des contraintes de cisaillement plus ou moins ´elev´ees en variant soit le

d´ebit dans le canal (Wankhede et al., 2006; Kwon et al., 2007), soit la dimension

du canal (Lu et al., 2004; Gutierrez et Groisman, 2007), ce qui permet de montrer

que le nombre de cellules adh´erentes diminue lorsque la contrainte de cisaillement

augmente.

– La quantification peut aussi se faire en mesurant la distance parcourue `a la fin d’une

exp´erience de migration. Cette m´ethode a ´et´e utilis´ee pour quantifier le ph´enom`ene

de chimiotaxie en g´eom´etrie confin´ee : grˆace `a une g´eom´etrie judicieuse, Saadi et al.

ont cr´e´e un gradient non lin´eaire d’EGF

13

dans la direction transverse `a l’´ecoulement

au sein de leur dispositif microfluidique, et ´etudi´e la migration de cellules canc´ereuses

dans ce dispositif (Saadi et al., 2006). Avec un dispositif diff´erent, Irimia et al. ont

cr´ee un gradient dans la direction d’un canal de section tr`es petite (comprise entre

15 et 100µm

2

), ce qui leur a permis de mesurer la distance parcourue par des

cel-lules leuc´emiques HL60 tr`es confin´ees et soumises `a un gradient de chimioattracttant

(Irimia et al., 2007).

– Certaines exp´eriences consistent `a compter le nombre de cellules qui franchissent un

r´etr´ecissement, comme dans les travaux de Chawet al.qui ont construit un dispositif

microfluidique comportant une s´erie de microcanaux en parall`ele, mod´elisant les

mi-crocapillaires sanguins, pour ´etudier l’extravasation des cellules canc´ereuses (Chaw

et al., 2007). Ils ont ainsi mesur´e le pourcentage de cellules qui traversent cette zone

tr`es confin´ee, dans diff´erentes conditions de fonctionnalisation et/ou pr´esence d’une

couche de cellules endoth´eliales sur les parois des microcanaux.

1.4.7 Observations en fluorescence du cytosquelette d’une cellule adh´erente