• Aucun résultat trouvé

Le dispositif expérimental pour mener à bien cette étude est montré Figure VII-11.

Figure VII-11: Dispositif expérimental mixant la thérapie et l’imagerie ultrasonores.

Un échantillon frais de blanc de poulet est placé dans une cuve remplie d’eau. L’eau ainsi que le morceau de poulet sont dans un premier temps soigneusement dégazés pour éviter la cavitation. La sonde de thérapie, composée de 60 transducteurs de puissance, est placée sur un côté de la cuve. Perpendiculairement à celle-ci, la barrette ultrasonore liée à l’échographe ultrarapide est positionnée à la profondeur de focalisation de la sonde thérapeutique pour réaliser des coupes transversales de l’échantillon traité. Les deux électroniques (thérapie et imagerie) ont été synchronisées de manière à assurer le couplage des expériences de chauffe et d’imagerie de contrôle. Nous décrivons ci-dessous l’ensemble des outils utilisés pour cette étude expérimentale.

peut atteindre 1000 W.cm-2. Les caractéristiques géométriques de la tache focale sont de 1.7 mm de

diamètre dans le plan focal et de 7.5 mm de longueur axiale. La Figure VII-12 montre une photo de la sonde ainsi qu’une coupe du champ de pression engendrée par la sonde à la profondeur de la focale. L’électronique contrôlant cette sonde est composée de 200 voies indépendantes et programmables (dont 60 furent utilisées pour cette expérience) et d’un voltage crête-crête de 80 V.

Figure VII-12: photo de la sonde de thérapie et coupe du champ de pression qu’elle induit à sa focale

• Système d’imagerie

Le système d’imagerie est composé d’une simple barrette linéaire ultrasonore (Vermon, 128 élément, 4.3 MHz) liée à l’échographe ultrarapide. Il est capable de fournir plusieurs types d’informations pour étudier la séquence de thérapie : des images échographiques classiques, une imagerie quantitative de température ainsi que des cartes d’élasticité par SSI. La Figure VII-13 montre la façon dont les cartes d’élasticité sont acquises : la barrette échographique génère une onde plane de cisaillement dans le plan focal transverse de la sonde de thérapie.

Figure VII-13: Génération d’une onde plane de cisaillement dans le plan focale de la sonde thérapeutique pour étudier l’élasticité au cours du traitement.

Cette onde basse fréquence se propage dans le milieu et passe notamment à travers la tache focale de chauffe, ce qui permet ainsi d’étudier l’évolution de l’élasticité au cours de l’échauffement du tissu.

• Protocole expérimental

Deux séries d’expériences ont été menées. La première était destinée à comprendre l’évolution de l’élasticité des tissus au cours de l’échauffement des tissus avant d’atteindre le seuil de nécrose. L’objectif étant de comprendre si la variation du module de cisaillement est un paramètre intéressant pour contrôler un processus de chauffe. Plusieurs séquences HIFU ont ainsi été réalisées avec des temps d’application variables : de 5s à 50s par pas de 5s. L’intensité acoustique au foyer a été fixée à 250 W.cm-2. Après chaque

séquence de chauffe la température induite dans les tissus est calculée par la technique ultrasonore d’imagerie de température développée et validée au LOA. Une carte d’élasticité est également déduite par SSI. Une séquence typique couplée thérapie-imagerie pour cette première série d’expériences est montrée Figure VII-14. Tout d’abord une image échographique de référence est acquise. La séquence de HIFU choisie est ensuite lancée et suivie d’une série d’acquisitions d’images échographiques ultrarapides de manière à pouvoir réaliser des cartes de température et d’élasticité.

Figure VII-14: séquence mixte thérapie-imagerie

Dans une seconde série d’expériences, les capacités de SSI à détecter une nécrose induite par HIFU sont testées. L’intensité du faisceau de thérapie est alors fixée à son maximum (1000 W.cm-2) et la séquence

HIFU rallongée pour s’assurer de la génération d’une nécrose tissulaire. 10 insonifications de 5s à puissance maximale sont induites dans l’échantillon de poulet. Une carte d’élasticité est calculée par SSI à la fin de la séquence de thérapie.

VII.C.3. Résultats

• Première série d’expériences : variation de l’élasticité en fonction de la température Dans cette première série, l’induction d’une nécrose a volontairement été évitée de manière à pouvoir contrôler l’échauffement par la technique d’imagerie de température ultrasonore (celle-ci n’étant plus valable au-delà du seuil de nécrose). Une image de température typique obtenue lors d’un des processus de chauffe (durée d’insonification de 30 s) est montrée Figure VII-15 (gauche). Celle-ci a été superposée sur l’image échographique de l’échantillon. On observe clairement une zone d’échauffement correspondant à la tache focale induite par la sonde de thérapie. Les différentes durées des séquences HIFU ont échauffé les tissus graduellement et de manière réversible sur une fenêtre de variation de température de 30 °C (de 20 à 50 ° C par pas de 5 °C). Au cours de ces séquences aucune variation notable d’élasticité n’a été

de chauffe de 30s) obtenue par SSI. La carte est assez homogène avec une élasticité moyenne de 4 kPa et une variance de 4%.

Figure VII-15: carte de température et d’élasticité pour une séquence HIFU de 30 s.

La Figure VII-16 donne la variation de la valeur moyenne de la carte d’élasticité dans la zone de chauffe en fonction du maximum de température induit par chaque séquence.

Figure VII-16: évolution de l’élasticité dans la zone de chauffe de la température

La courbe met clairement en évidence une absence de variation de module de cisaillement avec la température. Ces résultats, en accord avec d’autres publications sur la gamme de température étudiée [126], montre que l’étude des variations de module de cisaillement n’est pas intéressante pour contrôler un processus d’échauffement pré-nécrotique. La variation du module de compression, qui est à la base de l’imagerie de température par ultrasons, semble être un paramètre beaucoup plus pertinent.

• Deuxième série d’expériences : détection d’un nécrose par SSI

La seuil de nécrose a cette fois été franchi grâce à la séquence HIFU haute puissance. La Figure VII-17 (à gauche) montre une photo de l’échantillon de blanc de poulet après traitement. La zone imagée par la barrette échographique est représentée par un rectangle noir. La nécrose, blanche, circulaire, de diamètre 5 mm, s’y distingue clairement sur le coté gauche de la zone imagée. L’image échographique acquise juste

après le traitement par HIFU est également montrée Figure VII-17 (en haut à droite). La zone nécrotique présente un fort caractère échogène dû à la présence de bulles créées par les ultrasons de haute intensité. Ces bulles s’étalent sur une zone plus large que la nécrose elle-même et ont un caractère temporaire puisqu’elles disparaissent au bout de quelques secondes. Ceci met en évidence les lacunes de l’imagerie échographique simple pour contrôler un processus thérapeutique ultrasonore. La carte d’estimation de température n’a pas été calculée puisque l’algorithme ne peut s’accommoder de la décorrélation du speckle entraînée par la présence de la nécrose. La carte d’élasticité obtenue par SSI sur l’échantillon nécrosé est montré Figure VII-17 (en bas à droite). Elle met en évidence une forte corrélation entre les variations d’élasticité et les variations de propriétés optiques dues à la présence de la nécrose (voir photo de l’échantillon): la zone nécrosée apparaît nettement plus dure que les tissus environnants (dont l’élasticité est toujours en moyenne de 4 kPa).

Figure VII-17: Photo, image échographique et carte d’élasticité de la zone nécrosée

Afin d’évaluer de manière plus précise la qualité de l’information fournie par SSI, la carte d’élasticité est comparée avec la géométrie réelle de la nécrose induite. On peut raisonnablement supposer que la géométrie de la nécrose peut être simplement évaluée en quantifiant les variations de propriétés optiques du tissu : la zone nécrosée, donc cuite, est blanche, sa couleur contrastant nettement avec le rose du tissu intact. La photo de l’échantillon a donc été convertie en niveau de gris et normalisée par rapport à son

Figure VII-18: zoom sur la photo. Les traits noirs indiquent les axes où les variations d’élasticité et de brillance optique ont été comparées.

La Figure VII-19 montre les variations d’élasticité et de brillance optique selon les deux axes considérés. Précisons que, pour que la comparaison soit possible, les variations d’élasticité ont été centrées par rapport à la valeur moyenne de l’élasticité dans les zones intactes de l’échantillon (4 kPa) puis normalisées par rapport à la valeur maximale mesurée sur l’axe étudié. Il en est de même pour les variations de niveau de gris reflétant la brillance optique de l’échantillon.

Figure VII-19: variations d’élasticité (trait plein) et de brillance optique (pointillés) selon les deux axes x et z.

La taille de la nécrose selon chacun des axes est définie, sur les deux courbes, comme la largeur à –6 dB (ou à mi hauteur). Le diamètre réel de la nécrose est de 5 mm alors que la zone de grande élasticité a, selon les définitions choisies, une largeur de 4.1 ±0.1 mm selon l’axe x et une longueur de 4.3±0.2 mm selon l’axe z. Les résultats montrés Figure VII-19 confirment la très forte corrélation qu’il y a entre la géométrie réelle de la nécrose et les caractéristiques de la carte d’élasticité. La carte d’élasticité donne, cependant, une taille de nécrose légèrement sous-estimée possédant un gradient aux frontières moins élevé que celui observé sur la courbe des variations de brillance optique. Nous avions déjà souligné ce phénomène lors de la validation in vivo de l’Elastographie Impulsionnelle, ou les tumeurs détectées apparaissaient plus petites sur la carte d’élasticité que sur l’image échographique. Ceci s’explique par

l’inexactitude de l’algorithme d’inversion sur les bords d’une hétérogénéité. Rappelons qu’une des hypothèses fondatrices de la formulation du l’algorithme est de supposer le milieu homogène par parties. L’estimation de l’élasticité est donc fausse sur les bords de la nécrose. Cette erreur est de plus légèrement étalée sur une distance de l’ordre du millimètre et le gradient d’élasticité atténué à cause du filtrage spatial effectué sur le champ des déplacements lors de l’application de l’algorithme d’inversion. Ces deux remarques expliquent l’atténuation du gradient d’élasticité et la sous-estimation de la taille de la zone nécrosée. Notons que l’erreur relative sur la géométrie, due à la présence des bords, doit diminuer avec la taille de la nécrose à détecter. Enfin, une fois les bords définis, la valeur moyenne de l’élasticité à l’intérieur de la nécrose peut être estimée. Elle vaut 10.5 ±0.2 kPa. Le contraste d’élasticité entres les tissus sains et nécrosés est de 2.6 ce qui est relativement cohérent avec les résultats obtenus par d’autres groupes de recherche.

VII.C.4. Discussion

Confirmée sur plusieurs autres échantillons de tissus biologiques, la capacité de la SSI à détecter la présence de zones nécrotiques induites par HIFU est ici démontrée. Son intérêt pour suivre l’échauffement des tissus est en revanche inexistant. Elle se positionne ainsi comme une technique complémentaire de l’imagerie de température par ultrasons. L’association de ces deux techniques offre un système complet de contrôle de traitements thérapeutiques par HIFU uniquement basé sur les ultrasons. L’expérience présentée montre que la SSI est capable de détecter l’apparition de nécroses tout en quantifiant leur élasticité en quelques millisesondes. Cette rapidité d’acquisition offre la possibilité de faire du contrôle temps réel de traitements par HIFU, ce qui n’est pas la cas de la majorité des techniques élastographique proposées jusqu’à présent. La petite taille de la nécrose détectée met en lumière les capacités d’hyper-résolution de la technique discutée au chapitre V : alors que la longueur d’onde des ondes de cisaillement engendrées dans l’échantillon était de 2 cm, la taille de la lésion détectée est de 5mm (c'est-à-dire un quart de la longueur d’onde de l’onde mécanique).

Le LOA développe actuellement un prototype mixte combinant astucieusement les deux sondes d’imagerie et de thérapie. La sonde de thérapie, annulaire, est composée de 192 transducteurs de haute puissance (de surface 0.3 cm2) pouvant générer chacun jusqu’à 4 W.cm-2. Ce système est capable de

focaliser électroniquement des faisceaux ultrasonores en 3D. Il possède en son centre une ouverture rectangulaire permettant de placer une barrette linéaire d’imagerie. Cette barrette, spécialement conçue pour ce système mixte possède une fréquence centrale de 4 MHz et peut être directement reliée à l’échographe ultrarapide. La Figure VII-20 montre une photo du système mixte. Entièrement basé sur les ultrasons, il permettra la réalisation traitements par HIFU tout en contrôlant le processus par un système d’imagerie capable de fournir des images échographiques, des cartes de température et des cartes d’élasticité, le tout en temps réel. Les premier tests sur ce prototype sont prévus très prochainement.