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Ce mémoire s’intéresse aux parents d’enfants ayant un TDAH afin de corroborer et de mieux comprendre les niveaux élevés de stress parental retrouvés dans plusieurs études s’intéressant à cette population de parents. Plus précisément, le but de ce mémoire était d’étudier le stress parental de cette population de parents et d’explorer les caractéristiques pouvant le prédire. Le stress parental a été mis en relation avec trois caractéristiques qui permettraient possiblement d’aider ces parents, soit le trait de PC, la compassion pour soi et la PC parentale.

Niveau moyen de stress parental des parents de l’échantillon

Pour le stress parental, le score moyen des participants de l’échantillon dépasse largement celui de l’échantillon de parents ayant permis d’élaborer les normes canadiennes-françaises. Cette différence entre le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH et celui de parents provenant de la population générale peut être mise en lien avec les résultats d’une méta-analyse de Theule et ses collaborateurs (2013) qui montre que les parents d’enfants ayant un TDAH ont des niveaux de stress parental plus élevés que des parents provenant d’un groupe contrôle.

Associations entre les trois caractéristiques et le stress parental

Les résultats obtenus aux analyses corrélationnelles soutiennent la première hypothèse de l’étude puisque le trait de PC, la compassion pour soi et la PC parentale sont toutes les trois liées de façon statistiquement significative au niveau de stress parental. Ces associations modérées trouvées dans la présente étude sont cohérentes avec les résultats d’autres études menées auprès de populations de parents d’enfant au développement typique qui trouvent que le stress parental est associé de la même façon au trait de PC (Campbell et coll., 2017), à la compassion pour soi (Moreira et coll., 2014) et à la PC parentale (Gouveia et coll., 2016). Deux de ces associations n’avaient jamais été démontrées auprès d’une population de parents d’enfants ayant un TDAH, soit celle entre le stress parental et le trait de PC et celle entre le stress parental et la compassion pour soi. En ce qui concerne la PC parentale, une seule étude s’est intéressée à la relation entre cette variable et le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH. En effet, une thèse de Murdock (2017) montre une association forte et négative (r = -0,63) entre le niveau de stress parental de 120 parents d’enfants ayant un TDAH âgés entre 6 et 17 ans et leur niveau de PC parentale, alors que

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la présente étude trouve une association modérée et négative. La différence de force entre les deux corrélations pourrait être expliquée par le fait que les deux caractéristiques ne sont pas mesurées à l’aide des mêmes outils. En effet, dans la thèse de Murdock (2017), la PC parentale fut mesurée à l’aide de la version abrégée (10 items) de l’IMP tandis que le stress parental fut mesuré à l’aide du

Parental stress scale, ce qui pourrait contribuer à la divergence de force entre les deux associations.

Par ailleurs, l’échantillon de cette étude est davantage composé de pères (72%) que celui de la présente étude (4,1%), ce qui pourrait possiblement expliquer cette différence de force d’association entre les deux construits.

Modèle explicatif du stress parental

Afin de tester la seconde hypothèse de l’étude, un modèle de régression visant à prédire le stress parental fut testé. Le modèle intègre les trois variables d’intérêt de l’étude ainsi que trois variables contrôles qui corrèlent avec le stress parental: le revenu du répondant, la présence de comorbidités chez de l’enfant ayant un TDAH et la présence de diagnostic psychologique chez le parent. Ces trois variables contrôles retenues peuvent être mises en lien avec la littérature sur le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH puisque d’autres études trouvent qu’il s’agit de variables associées au niveau de stress parental de ces parents. Tout d’abord, le revenu du répondant a été associé au stress parental dans une étude de Gupta (2007) s’intéressant au niveau de stress parental de quatre cohortes de parents: des parents d’enfants ayant (1) un TDAH, (2) une problématique développementale, (3) le VIH et l’asthme et (4) un développement typique. Les résultats indiquent que les parents d’enfants ayant un TDAH ayant un faible revenu ont des niveaux plus élevés de stress parental que les autres groupes de parents. Cette association trouvée uniquement dans le groupe TDAH pourrait être expliquée par les coûts parfois élevés des services pour le TDAH. Ensuite, une méta-analyse de Theule et ses collaborateurs (2013) ayant pour thème le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH montre que la présence de comorbidités au TDAH de l’enfant est fortement corrélée au stress du parent, puisque la symptomatologie de l’enfant devient ainsi plus complexe et plus exigeante pour le parent. Finalement, le diagnostic psychologique du parent a déjà été démontré comme étant une variable associée au stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH : des études trouvent que la présence de dépression chez les mères d’enfants ayant un TDAH est fortement corrélée à leur niveau de stress parental (Anastopoulos et al., 1992; Breen & Barkley, 1988; van der Oord et al., 2006).

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L’analyse de régression multiple indique que les coefficients de régression pour les trois variables contrôles sont atténués par l’inclusion du trait de PC, de la compassion pour soi et de la PC parentale au modèle. Par ailleurs, le modèle explicatif du stress parental élaboré dans la présente étude montre que la présence de diagnostic psychologique chez le parent ne permet plus d’expliquer de façon statistiquement significative le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH lorsque les trois variables d’intérêt sont incluses dans le modèle. Cela suggère que le lien entre le diagnostic psychologique du parent et son stress parental pourrait être statistiquement médiatisé par l’une, l’autre ou toutes les variables d’intérêt (trait de PC, compassion pour soi et PC parentale). En d’autres termes, le diagnostic psychologique du parent pourrait être associé à un niveau de stress parental plus élevé, car il limite la capacité du parent à avoir de la compassion pour soi et à faire preuve de PC parentale. Cette hypothèse concorde avec deux revues systématiques de Fischer (1990) et de Johnston & Mash (2001) qui montrent que pour ces parents, le diagnostic psychologique du parent est un facteur important dans l’augmentation du stress parental. Afin de mieux comprendre l’apport du diagnostic psychologique du parent dans le stress parental de l’échantillon étudié, une analyse de médiation serait nécessaire. Toutefois, cette relation de médiation n’avait pas été postulée dans les hypothèses et n’a donc pas été réalisée dans ce mémoire. De plus, le diagnostic du parent est une variable complexe incluant diverses psychopathologies (trouble dépressif, trouble anxieux, trouble bipolaire, trouble de personnalité, etc.), ce qui nécessiterait une analyse plus détaillée des caractéristiques individuelles de chaque diagnostic psychologique en relation avec le stress parental.

En ce qui concerne l’apport simultané des trois variables d’intérêt au stress parental, le modèle de régression linéaire retenu montre que seules la compassion pour soi et la PC parentale contribuent significativement à expliquer le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH. La compassion pour soi est également la variable qui contribue le plus fortement au stress parental. Cela confirme partiellement la seconde hypothèse de l’étude qui voulait que les trois caractéristiques parentales aient une contribution statistiquement significative au stress parental.

La compassion pour soi et le stress parental. La compassion pour soi permet de prédire le niveau de stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH possiblement puisque cela leur permettrait d’être plus bienveillants envers eux-mêmes et de prendre soin des émotions difficiles qu’ils sont amenés à vivre au quotidien dans leur rôle de parent. En effet, les parents d’enfants

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ayant un TDAH sont souvent confrontés à la symptomatologie comportementale de l’enfant, augmentant ainsi les occasions de vivre des émotions négatives et souffrantes puisque l’enfant peut être difficile à comprendre et que les interactions parent-enfant peuvent rapidement devenir conflictuelles. À titre d’exemple, la symptomatologie du TDAH peut faire en sorte que l’enfant soit turbulent lors des sorties familiales, générant ainsi de la honte, de l’impuissance et de la tristesse au parent qui l’accompagne. Puisque ces émotions difficiles entrent en contradiction avec l’amour et la bienveillance que les parents ressentent également envers leur enfant, il peut leur arriver de se critiquer et de se percevoir comme de mauvais parents. Ces émotions souffrantes peuvent être d’autant plus difficiles à contenir lorsque le parent est épuisé par les demandes de l’enfant. Pour les parents d’enfants ayant un TDAH, la compassion pour soi pourrait avoir comme principale fonction d’aider à l’auto-régulation émotionnelle. Plus précisément, elle leur permettrait d’accueillir de façon bienveillante les émotions souffrantes qui sont vécues au quotidien. Elle permettrait également de diminuer les pensées auto-critiques et d’atténuer le sentiment de honte qui peut parfois être ressenti (Gilbert & Irons 2004; Gilbert & Procter 2006). En d’autres mots, en ayant davantage de compassion pour soi, un parent d’enfant ayant un TDAH a la capacité d’entrer en relation différemment avec sa propre souffrance, notamment en se rappelant que la souffrance est une expérience ressentie par tous les êtres humains et qu’il importe d’en prendre soin et de rester bienveillant envers soi-même lors des instants marqués par les émotions difficiles. En se positionnant de cette façon par rapport à son ressenti, un parent est apte à calmer plus aisément et plus rapidement l’intensité de ses émotions. Il peut alors se sentir en contrôle de ses émotions et de ses actions, ce qui peut l’aider à agir différemment avec son enfant. De plus, la compassion pour soi pourrait aider ces parents à avoir de meilleures relations avec leur enfant. En effet, les individus qui font preuve de compassion pour soi sont en mesure de s’accepter comme des êtres humains imparfaits, ce qui les rend plus enclins à accepter les limites des autres lorsqu’ils entrent en relation. Cet aspect bénéfique apporté par la compassion pour soi dans les relations interpersonnelles a davantage été étudié au sein des relations amoureuses: une étude de Neff et Beretvas (2013) montre que plus les individus ont un niveau élevé de compassion pour soi plus ils rapportent avoir des relations saines et plus les partenaires amoureux de ces individus les décrivent comme étant acceptants, peu contrôlants et exigeants. Ces aspects positifs de la compassion pour soi dans les relations interpersonnelles pourraient possiblement se transposer dans la relation parent-enfant et aider les parents d’enfants ayant un TDAH à être moins réactifs envers les facettes qu’ils aiment

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moins de leur enfant. En résumé, la compassion pour soi permettrait aux parents de mieux s’autoréguler et à avoir des relations avec leur enfant plus saines ce qui, ultimement, pourrait entraîner une diminution de leur stress parental.

La PC parentale et le stress parental. La PC parentale permettrait elle aussi de prédire le niveau de stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH, possiblement puisque la PC parentale permettrait d’atténuer les interactions conflictuelles qui sont vécues entre le parent et son enfant. En effet, il s’agit de parents qui vivent des relations souvent conflictuelles avec leur enfant et ces conflits sont associés au stress parental (Theule, 2013). En retour, l’augmentation du stress parental ajoute à la réactivité du parent dans la relation avec son enfant, créant ainsi un cercle vicieux qui risque d’envenimer la relation parent-enfant. La PC parentale pourrait être un outil qui permettrait de briser ce cercle vicieux puisqu’elle permet aux parents de prendre du recul sur la façon dont se déroulent les interactions entre lui et l’enfant. À titre d’exemple, un parent qui s’efforce d’observer ses réactions automatiques lorsqu’il entre en relation avec son enfant pourrait voir plus rapidement que la colère s’empare de lui et il devient alors plus apte à prendre une décision qui risque de changer la suite des interactions. Le parent pourrait alors se retirer afin de calmer ses émotions et s’expliquer plus calmement à son enfant par la suite. Par ailleurs, la PC parentale permet de sortir de ses réactions automatiques afin de mieux cerner les nuances dans le moment présent. Cela permettrait aux parents de voir leurs enfants pour ce qu’ils sont vraiment, soit des êtres humains avec des qualités et des défauts. Plus concrètement, un parent pourrait devenir apte à reconnaître qu’il a tendance à souligner les défauts de l’enfant, lui permettant ainsi de mieux apprécier les bons coups de l’enfant et de renforcer ceux-ci. Cette clarté que la PC parentale peut offrir risque d’être aidante pour l’enfant, mais aussi pour la relation parent-enfant. En effet, lorsque l’enfant cesse de recevoir de l’attention uniquement pour ses mauvais comportements, ces derniers sont moins renforcés par l’attention du parent, permettant ainsi d’améliorer graduellement la relation parent-enfant et ultimement de diminuer le stress parental. Finalement, en étant plus à l’écoute de soi-même et de l’enfant, le parent en vient à mieux comprendre ses propres besoins et à mieux cerner ceux de l’enfant. Le parent est alors apte à mieux exprimer ses sentiments envers son enfant et il peut devenir plus habile pour cerner les besoins et les intentions que l’enfant tente d’exprimer à travers certains comportements. En résumé, la PC parentale permet d’observer ses automatismes, d’apporter des nuances à certaines perceptions et

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d’être plus à l’écoute de ses propres besoins et de ceux de l’enfant. Ces qualités permettent d’assainir graduellement la relation parent-enfant et, ultimement, de diminuer le stress parental.

Le trait de PC et le stress parental. Bien que le trait de PC soit négativement associé au stress parental de façon statistiquement significative, les résultats de l’analyse de régression montrent que cette caractéristique ne permet pas de prédire le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH lorsque toutes les variables sont considérées. Ce résultat soulève l’hypothèse que d’autres variables incluses dans le modèle de régression permettent de prédire davantage le niveau de stress parental des parents de l’échantillon. Cette absence de contribution du trait de PC au stress parental pourrait s’expliquer par la composante interpersonnelle prédominante du stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH. En effet, selon Theule et ses collaborateurs (2013), le stress de ces parents est davantage centré sur les difficultés de l’enfant et sur la relation que le parent entretient avec son enfant. Le trait de PC étant davantage intrapersonnel, il est possible de penser qu’il agit moins directement sur la relation entre le parent et l’enfant comme le ferait la PC parentale qui est davantage de nature interpersonnelle. Toutefois, le trait de PC est possiblement important dans le stress parental puisque d’appliquer les attitudes de la PC à soi-même pourrait en définitive mener à leur application dans ses relations interpersonnelles. Deux études trouvent d’ailleurs que le trait de PC permet d’augmenter la PC parentale et que c’est cette dernière caractéristique qui permettrait de diminuer le stress parental (Murdock, 2017; Gouveia et coll., 2016). Selon ces conceptualisations, il serait possible que le trait de PC permette aux parents d’enfants ayant un TDAH de reconnaître ses propres émotions et pensées dans le moment présent, mais cette capacité ne permettrait pas à elle seule d’influencer le stress parental. Toutefois, le trait de PC viendrait nourrir la capacité du parent à être pleinement conscient dans la relation avec son enfant et c’est cette caractéristique qui pourrait avoir un impact dans le stress parental.

Résumé du modèle explicatif du stress parental. Selon le modèle présenté dans cette étude, la compassion pour soi et la PC parentale permettraient de prédire le stress parental des parents de l’échantillon. En ce qui concerne le trait de PC, celui-ci pourrait être utile pour initier les parents aux concepts de la PC en vue de les amener à l’appliquer dans leur rôle de parent. Toutefois, bien que le trait de PC, la compassion pour soi et la PC parentale permettent d’expliquer une variance considérable du stress parental des répondants (19%), il n’en demeure pas moins qu’une variance importante (81 %) n’est pas attribuable à ces mesures et reste inexpliquée par le

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modèle. Ainsi, une intervention ciblant uniquement la PC parentale et la compassion pour soi ,pourrait avoir des effets limités pour réduire le stress parental si ces autres facteurs ne sont pas identifiés et pris en compte dans les interventions ou les analyses.

Forces et limites de l’étude

Forces. Tout d’abord, il s’agit de la première étude qui vise à comprendre le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH en tenant compte de trois variables provenant des pratiques contemplatives. De plus, cette étude a pris soin d’interpeller spécifiquement et explicitement les pères, puisque ceux-ci sont reconnus pour moins s’investir dans les études qui s’intéressent aux parents. Une autre force de cette étude est de s’être adaptée aux commentaires des répondants en modifiant l’ordre du questionnaire en cours de route, rendant ainsi l’étude plus agréable et moins longue à remplir. Une autre force de cette étude est d’avoir recueilli plusieurs informations sur des variables parentales pouvant contribuer au stress parental (revenu, diagnostics, âge, situation familiale, etc.), ce qui est cohérent avec la littérature sur les parents d’enfants ayant un TDAH soulignant l’importance de s’attarder à la contribution du parent dans le stress parental (Johnston & Mash, 2001, Fischer, 1990) plutôt que de mettre uniquement l’emphase sur les facteurs appartenant à l’enfant. Ensuite, la sélection des variables a été faite sur la base de la littérature et des données probantes actuelles, ce qui constitue une autre force de cette étude. Finalement, la grande taille de l’échantillon contribue à l’augmentation de la puissance statistique et constitue une autre force de l’étude.

Limites. Une première limite de cette étude est que les participants, qui répondaient de façon volontaire à une série de questionnaire en ligne, devaient s’identifier eux-mêmes aux critères d’inclusion afin de juger s’ils sont éligibles à participer à l’étude et qu’il est impossible de vérifier la validité des informations médicales qu’ils rapportent. Cela pourrait possiblement affecter la validité des diagnostics de TDAH ou des autres conditions psychologiques mentionnées par le répondant. Toutefois, afin d’assurer un meilleur diagnostic, il était demandé aux participants que le diagnostic de TDAH de l’enfant ou du parent soit déjà complété (et non en cours ou soupçonné) et qu’il ait été fait par un médecin, un psychologue ou un neuropsychologue. Par la suite, deux des questionnaires utilisés dans l’étude n’ont pas été préalablement validés au sein d’une population francophone. Toutefois, les méthodes de traduction utilisées permettent d’assurer une bonne

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fiabilité des résultats obtenus à l’aide de ces outils. Aussi, l’échantillon de l’étude est majoritairement composé de mères, les pères n’ayant que très peu répondu aux questionnaires en ligne. Il s’agit d’un problème qui avait été envisagé lors de l’élaboration de l’étude et qui a été soulevé à de maintes reprises dans la communauté scientifique. En effet, un relevé de littérature de Fabiano (2007) met en lumière le manque de participation des pères d’enfants ayant un TDAH dans les interventions comportementales et émet des recommandations qui permettraient de recruter plus de pères dans les études. De façon plus générale, le recrutement des pères est un défi

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