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Trait de pleine conscience, pleine conscience parentale et compassion pour soi chez les parents d'enfants ayant un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)

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Academic year: 2021

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Trait de pleine conscience, Pleine conscience parentale et Compassion pour soi chez les parents d’enfants ayant un Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

(TDAH)

Mémoire doctoral

Élie Marticotte

Doctorat en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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ii Résumé

Les difficultés comportementales associées au Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) altèrent significativement le fonctionnement du système familial et provoquent un fort niveau de stress parental. Cette étude a pour objectif d’étudier le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH et de mesurer la contribution de diverses caractéristiques à leur niveau de stress parental. Entre autres, le trait de pleine conscience, la compassion pour soi et la pleine conscience parentale ont été associés négativement au stress parental dans la littérature, mais n’ont jamais été évalués chez ces parents spécifiquement. Au total, 579 parents (555 mères et 24 pères) d’enfants ayant un TDAH ont rempli une série de questionnaires en ligne. Les résultats indiquent qu’une majorité de ces parents ont des niveaux de stress parental cliniquement significatifs. Le trait de pleine conscience, la compassion pour soi et la pleine conscience parentale sont également associés négativement au stress parental. De plus, l’analyse de régression indique que seules la compassion pour soi et la pleine conscience parentale contribuent significativement à expliquer le niveau de stress parental lorsque les variables contrôles sont prises en compte. Ces résultats permettent de mettre en lumière de nouveaux leviers d’interventions qui permettraient d’aider les parents d’enfants ayant un TDAH.

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iii Table des matières

Résumé ... ii

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Introduction ... 1

Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité ... 1

La prise en charge des enfants TDAH. ... 3

L’héritabilité du TDAH. ... 4

Impacts du TDAH de l’enfant sur le bien-être des parents. ... 5

Le stress parental ... 6

Le modèle théorique du stress parental... 8

Les caractéristiques de l’enfant qui influencent le stress parental. ... 9

Les caractéristiques du parent qui influencent le stress parental. ... 10

1. La présence de psychopathologie chez les parents ... 11

2. La pleine conscience ... 11

Le trait de PC et le stress parental. ... 15

3. La pleine conscience parentale (Mindful Parenting) ... 16

Le modèle théorique de la PC parentale. ... 17

La PC parentale et le stress parental. ... 19

4. La compassion pour soi ... 21

Distinctions théoriques entre la compassion et l’empathie. ... 21

Les bienfaits de la compassion pour soi. ... 24

La compassion pour soi et le stress parental. ... 24

Chapitre 1 - Objectifs de l’étude ... 27

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iv

Participants ... 28

Mesures ... 31

Questionnaire développemental. ... 32

Stress parental. ... 32

Trait de pleine conscience... 33

Pleine conscience parentale. ... 34

Compassion pour soi. ... 34

Procédure ... 35

Analyses statistiques ... 36

Chapitre 3 - Résultats ... 38

Analyses préliminaires ... 38

Hypothèse 1. Comparaison du niveau de stress parental de l’échantillon de l’étude à celui de l’échantillon normatif de l’ISP-SF ... 39

Hypothèse 2. Associations entre le stress parental et les trois variables d’intérêt ... 39

Hypothèse 3. Modèle de régression visant à prédire le score de stress parental ... 41

Chapitre 4 - Discussion ... 44

Niveau moyen de stress parental des parents de l’échantillon ... 44

Associations entre les trois caractéristiques et le stress parental ... 44

Modèle explicatif du stress parental ... 45

La compassion pour soi et le stress parental. ... 46

La PC parentale et le stress parental. ... 48

Le trait de PC et le stress parental. ... 49

Résumé du modèle explicatif du stress parental. ... 49

Forces et limites de l’étude ... 50

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v

Limites. ... 50

Autres apports à la recherche ... 51

Suggestions pour les recherches futures ... 52

Implications pour la pratique clinique ... 53

Conclusion ... 54

Bibliographie ... 55

Annexe A : Indice de Stress Parental – Version brève ... 80

Annexe B : Five Facet Mindfulness Questionnaire ... 86

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vi

Liste des tableaux

Tableau 1. Données sociodémographiques des répondants 30

Tableau 2. Profil psychologique des répondants et de leur enfant 32 Tableau 3. Niveaux de stress parental des parents de l'échantillon et de l'échantillon normatif

39 Tableau 4. Résultats des parents de l'échantillon sur les trois variables à l'étude 40 Tableau 5. Coefficients de corrélation (r de Pearson) entre les variables à l'étude 41 Tableau 6. Coefficients de corrélation (r de Pearson) entre le stress parental et les variables

contrôles 42

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vii

Liste des figures

Figure 1. Le modèle de stress parental (Abidin, 1992) 9

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1

Introduction

Les parents d’enfants ayant un Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) sont de plus en plus reconnus pour vivre des niveaux très élevés de stress parental, un type particulier de stress vécu dans le contexte de la parentalité1. La plupart des interventions

actuellement disponibles visent à mettre en place des stratégies pour encadrer les comportements de l’enfant ou à lui offrir une thérapie cognitive comportementale. Étant donné leur efficacité parfois limitée et dans le but de développer de nouvelles interventions basées sur les données probantes, ce mémoire s’intéresse au niveau de stress parental de ces parents et vise à étudier trois caractéristiques qui ont déjà été associées au stress parental dans la littérature: le trait de pleine conscience (PC), la PC parentale ainsi que la compassion pour soi. Ces trois caractéristiques sont présentes chez tous les parents et il est possible de les améliorer généralement à l’aide d’interventions basées sur la PC. Les résultats de cette étude permettront de mieux comprendre le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH et de cibler les caractéristiques qui pourraient être améliorées afin de guider l’élaboration de nouvelles interventions pour aider cette population de parents.

Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental hautement héritable dont la prévalence est estimée à 5% chez les enfants d’âge scolaire (American Psychiatric Association, 2015) et constitue le diagnostic le plus fréquent dans la population pédopsychiatrique. Le TDAH est défini par des dysfonctions comportementales associées à des niveaux d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité excessifs pour l’âge ou pour le niveau de développement. L’inattention se manifeste chez l’enfant par une distractibilité, une difficulté à soutenir son attention lors d’efforts mentaux et des difficultés d’organisation. L’hyperactivité, quant à elle, correspond à une activité motrice excessive dans des situations où cela est inapproprié, ce qui fait en sorte que l’enfant peut parler et bouger constamment ainsi qu’avoir de la difficulté à rester assis ou en place lorsque le contexte et la tâche l’exigent.

1 Ce terme décrit la fonction de parent sur les plans juridiques, moral et socioculturel. Le terme “parentage” aurait également pu être utilisé pour décrire le même concept.

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L’impulsivité réfère à des actions précipitées sans considérer préalablement leurs possibles conséquences, par exemple courir pour traverser la rue sans regarder des deux côtés, interrompre la parole, parler sans réfléchir, etc. (American Psychiatric Association, 2015). Afin que le diagnostic soit émis, ces symptômes doivent être associés à des dysfonctions significatives au quotidien, et ce, dans au moins deux milieux de vie de l’enfant. Aussi, puisqu’il s’agit d’un trouble très hétérogène, le diagnostic doit être spécifié à l’aide de sous-types en fonction de la nature des symptômes, soit TDAH à prédominance « inattentive », « hyperactive/impulsive » ou « combinée » (American Psychiatric Association, 2015). La symptomatologie comportementale du TDAH fait en sorte que les enfants qui en sont atteints vivent des difficultés dans plusieurs sphères de leur vie. Notamment, ils ont plus de risque d’être en retard dans leurs apprentissages, suspendus de l’école, rejetés par leurs pairs, d’avoir moins d’amis et davantage de blessures non intentionnelles (Hinshaw, 2002). Ces difficultés sont souvent exacerbées par les taux élevés de comorbidités associées au TDAH qui complexifient et diversifient significativement le portrait clinique de l’enfant. En effet, parmi tous les enfants ayant un diagnostic de TDAH, 50 % à 90 % présentent une comorbidité psychologique (Spencer, Biederman, & Wilens, 1999; Wilens et al., 2002). De plus, près de la moitié des enfants ayant un diagnostic de TDAH vivent même avec deux comorbidités psychologiques (Kessler et al., 2006; Biederman, Newcorn, & Sprich, 1991). Les troubles oppositionnels et les troubles des conduites font partie des conditions comorbides les plus fréquentes, avec 30 % à 60 % des enfants qui auront aussi l’un ou l’autre de ces diagnostics (Biederman et al., 1991; Faraone, Biederman, & Monuteaux, 2002). Ces enfants sont également à risque de présenter des troubles d’apprentissage (31 % à 45 %; DuPaul, Gormley, & Laracy, 2013) et de vivre à un moment de leur vie un trouble anxieux (33%; Wilens et al., 2002) ou un trouble de l’humeur incluant la manie, le trouble bipolaire ou le trouble dépressif majeur (18 % à 60 %; Dilsaver et al., 2003).

Sur le plan neuropsychologique, des déficits cognitifs peuvent coexister avec les symptômes de TDAH de l’enfant. Auparavant, des déficits au niveau des fonctions exécutives étaient perçus comme étant la cause du trouble (Barkley, 1997), mais les études plus récentes suggèrent que seulement 30 % à 50 % des enfants et des adolescents ayant un TDAH rencontreront les critères (-1 à -1,5 écart type comparativement à la moyenne de la population normale) de déficits des fonctions exécutives (Vézina, Sanscartier, Mérette, & Rouleau, 2018; Lambek et al., 2011; Biederman et al., 2004; Nigg, Willcutt, Doyle, & Sonuga-Barke, 2005). Ainsi, près de la moitié

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des enfants ayant un TDAH vivront à la fois avec la symptomatologie comportementale du trouble et avec des déficits cognitifs qui, lorsqu’ils sont présents, seraient observés surtout sur les plans de l’inhibition, la mémoire de travail, la flexibilité, la variabilité des temps de réaction ainsi que la vigilance (Vézina, Mérette, & Rouleau, in prep; Seidman, 2006; Willcutt, Doyle, Nigg, Faraone, & Pennington, 2005). Puisque ces fonctions occupent une place centrale dans les apprentissages scolaires, le fonctionnement quotidien ainsi que dans les habiletés interpersonnelles, les enfants ayant un TDAH qui vivent aussi avec des déficits cognitifs sont plus à risque de vivre des difficultés à l’école ainsi que des difficultés à développer et à maintenir des relations sociales et familiales satisfaisantes (Wilens, Biederman, & Spencer, 2002). Il existe ainsi une grande variabilité dans les profils cliniques des enfants ayant un TDAH, ce qui vient complexifier à la fois le diagnostic clinique (Hamed, Kauer & Stevens, 2015) et la prise en charge de ces enfants.

La prise en charge des enfants TDAH. En regard des symptômes et des dysfonctions associées, l’enfant doit être pris en charge le plus précocement possible. À ce jour, il existe diverses interventions soutenues empiriquement afin de réduire les difficultés liées au TDAH. La majorité d’entre elles peuvent être classées en trois catégories : (1) les interventions pharmacologiques, (2) les interventions comportementales et (3) une combinaison de ces deux interventions (van der Oord, Prins, Oosterlaan, & Emmelkamp, 2008; Miller & Hinsaw, 2011; Paykina & Greenhill, 2007; Evans & Hoza, 2011; Briars & Todd, 2016; Brown et al., 2018; MTA Cooperative Group, 1999). Le traitement de première intention demeure la médication psychostimulante, ayant pour but d’atténuer les symptômes comportementaux de l’enfant. Plusieurs études randomisées contrôlées montrent que la pharmacologie est l’option la plus efficace pour le traitement du TDAH (Biederman & Faraone, 2005; Goldman et al., 1998; Plizka, 2007). Deuxièmement, les lignes directrices pour le TDAH (Canadian ADHD Resource Alliance, CADDRA, 2018) recommandent des interventions comportementales qui s’adressent principalement aux adultes qui côtoient ces enfants ainsi qu’à l’enfant lui-même (DuPaul & Eckert, 1997; Fabiano et al., 2008; Pelham & Fabiano, 2008). Le but des traitements comportementaux est de mettre en place un système de récompenses et de punitions constant dans les divers environnements de l’enfant afin d’augmenter les comportements désirés et diminuer les comportements perturbateurs de l’enfant (Pelham & Fabiano, 2008). Finalement, les lignes directrices recommandent le traitement multimodal, soit la combinaison d’un traitement pharmacologique et d’une intervention comportementale. Il s’agit d’une combinaison de traitement qui serait plus efficace pour diminuer les symptômes de TDAH

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et qui est associée à une amélioration de la relation parent-enfant, de la performance académique et des relations sociales de l’enfant (MTA Cooperative Group, 1999; Majewicz-Hefley & Carlson, 2007; Pelham, et al., 2005). Bien que ces traitements aient été démontrés efficaces, ils présentent certaines limites. En ce qui concerne le traitement pharmacologique, les symptômes du TDAH de l’enfant tendent à resurgir dès que la médication est cessée (Taylor et al., 2004; Abikoff et al., 2004). De plus, environ 64% des enfants vivront des effets indésirables à un certain moment tels que des difficultés de sommeil, une diminution de l’appétit, des maux de tête, des maux de ventre, de l’agitation et une exacerbation de leur anxiété (MTA Cooperative Group, 1999; Charach, Ickowicz, & Schachar, 2004; Storebo et al., 2015; Graham & Coghill, 2008; Conners et al., 2001). Malgré l’efficacité reconnue du traitement pharmacologique, 10 % à 30 % des enfants devront cesser leur médication parce que les effets secondaires sont trop dérangeants ou parce qu’ils n’y répondent pas efficacement (MTA Cooperative Group, 1999). En ce qui concerne les interventions comportementales adressées aux parents d’enfants ayant un TDAH, bien que celles-ci soient associées à une diminution du stress parental et des comportements négatifs de l’enfant, elles comportent le risque d’être moins efficaces lorsque le parent lui-même vit avec le TDAH (Sonuga-Barke, Daley, & Thompson, 2002). En effet, ces interventions nécessitent la mise en place de techniques qui demandent du temps et une constance dans leur application, ce qui peut être difficile pour un adulte ayant un TDAH.

L’héritabilité du TDAH. Le TDAH est un trouble hautement héritable, faisant en sorte qu’une grande proportion de parents d’enfants ayant un TDAH vivront eux aussi avec le trouble. En effet, la littérature estime que l’héritabilité de ce trouble est de 76% (Biederman, 2005; Faraone et al., 2005; Kuntsi & Stevenson, 2000; Li, Chang, Zhang, Gao, & Wang, 2014) et qu’environ 50% des enfants dont le parent a un TDAH en manifesteront eux aussi des symptômes (Biederman, 2005). Il s’agit d’un trouble qui ne se résorbe généralement pas à l’âge adulte et dans 50% à 90% des cas, il sera chronique (Vézina et al., 2018; Sibley, Mitchell, & Becker, 2016). Les enfants ayant un TDAH continuent alors de vivre avec des symptômes au cours de leur développement. Conséquemment, dans une grande proportion des cas, le parent vivra lui aussi avec les mêmes symptômes que son enfant, devant ainsi composer avec ses propres difficultés personnelles, professionnelles et relationnelles (Safren, Sprich, Cooper-Vince, Knouse, & Lerner, 2010; Levy, Hay, & Bennett, 2006) tout en essayant d’aider son enfant à gérer des symptômes qu’il a parfois lui-même de la difficulté à gérer. De plus, les adultes ayant un TDAH vivent eux aussi avec des

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conditions psychologiques comorbides telles que l’anxiété (47 %), un trouble de l’humeur (38 %), et un trouble de l’usage des substances (15 %; Kessler et al., 2006; Ohnishi et al., 2019). Finalement, la parentalité de ces individus est d’autant plus complexifiée lorsqu’on considère que le TDAH est fréquemment présent chez plus d’un enfant (Chen et al., 2008).

Impacts du TDAH de l’enfant sur le bien-être des parents. De manière générale, la nature de la symptomatologie du trouble fait en sorte que les enfants ayant un TDAH requièrent davantage d’assistance et d’encadrement de la part des adultes, et ce, pendant plus longtemps que des enfants sans problématique développementale. Ainsi, les parents vivent aussi les conséquences du trouble de leur enfant. En effet, ces parents sont quotidiennement confrontés aux symptômes de l’enfant et doivent mettre en place et maintenir des stratégies d’adaptation parfois complexes et exigeantes pour apprendre à l’enfant à s’autoréguler dans le but de favoriser ses relations sociales et sa réussite scolaire (Deault, 2010). Puisqu’ils n’arrivent pas toujours à gérer les comportements problématiques de leur enfant, ces parents se perçoivent souvent comme peu compétents et conçoivent que leurs interventions auprès de leur enfant sont peu efficaces (Harrison & Sofronoff, 2002). Ils ont également tendance à se blâmer et en arrivent même parfois à se considérer comme étant la cause des comportements problématiques de l’enfant (Harrison & Sofronoff, 2002). Des études ont d’ailleurs démontré que ces parents ont moins d’estime personnelle et qu’ils présentent des taux élevés d’anxiété et de dépression (Cunningham, Benness, & Siegel, 1988; Johnston & Mash, 2001). Par ailleurs, le TDAH de l’enfant affecte tant les interactions de l’enfant avec sa famille (parents et fratrie) que la façon dont les parents vont interagir avec eux (Theule, 2013; Johnston & Jassy, 2007; Barkley, 2005). En effet, les parents d’enfants ayant un TDAH auraient davantage de réactions de colère et de réactions négatives envers leur enfant puisqu’ils sont constamment confrontés à la symptomatologie du trouble et qu’il devient difficile à long terme d’interagir avec un enfant souvent inattentif, hyperactif ou qui a de la difficulté à moduler ses états internes (Johnston & Jassy, 2007). De plus, une grande proportion des parents de ces enfants vivent eux aussi avec les symptômes du TDAH, faisant en sorte qu’ils peuvent être davantage impulsifs face aux comportements de leur enfant. Avec le temps, les parents sont à risque de développer et de maintenir des pratiques parentales inadaptées ou contre-productives. Notamment, ils peuvent cesser de renforcer les comportements acceptables de l’enfant, lui donner davantage de commentaires négatifs et adopter un style disciplinaire incohérent, désengagé ou réactionnel (Johnston & Mash, 2001; Patterson, DeBaryshe, & Ramsey, 1990). Conséquemment, porter plus

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d’attention sur les comportements problématiques de l’enfant a en retour le potentiel d’exacerber les difficultés comportementales de ce dernier (Patterson et al., 1990; Daly, Creed, Xanthopoulos, & Brown, 2007) puisque l’enfant apprend à obtenir l’attention de ses parents via ses comportements perturbateurs. Cette spirale favorise la dégradation de la relation parent-enfant (Danforth, Barkley, & Stokes, 1991; Lifford, Harold, & Thapar, 2008), et ce, dès les premières années de vie de l’enfant (Sroufe & Waters, 1982).

En résumé, le TDAH est un trouble complexe et les parents sont confrontés à d’importantes difficultés qui entraînent des sentiments de détresse et d’impuissance se traduisant par des niveaux très élevés, voire pathologiques de stress parental. En effet, une récente étude pilote de notre laboratoire a démontré que le niveau moyen de stress parental de ces parents dépasse le seuil clinique (Marticotte, Pilote-Laroche, Martinez-Cano & Rouleau, 2014) de la version longue de l’Indice de Stress Parental (ISP; Abidin, 1986), un outil clinique visant à mesurer le stress des parents. À ce jour, six revues qualitatives de la littérature portent sur le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH (Theule, Wiener, Tannock, & Jenkins, 2013; Deault, 2010; Fischer, 1990; Johnston & Mash, 2001; Mash & Johnston, 1990; Morgan, Robinson, & Aldrige, 2002). Ces études concluent que les parents d’enfants ayant un TDAH vivent davantage de stress parental que des parents d’enfants n’ayant pas de trouble clinique. Ce mémoire traitera donc du stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH et sera mis en lien avec trois variables, soit le trait de pleine conscience (PC), la compassion pour soi et la PC parentale puisqu’il s’agit de caractéristiques pouvant constituer de nouveaux leviers d’intervention en vue d’aider cette population de parents. Le stress parental

Selon Abidin (1986), le stress parental peut être conceptualisé comme un type spécifique de stress ressenti par un individu dans le contexte de la parentalité. Ce stress vécu par un individu lorsqu'il est confronté à son rôle de parent présente plusieurs dimensions: le parent est restreint dans ses activités personnelles, il est soumis à de nombreuses demandes de la part de l'enfant et il doit adapter son quotidien en fonction des besoins de l'enfant (Abidin, 1983). Plus précisément, le stress parental se définit par l’écart ressenti entre les demandes ou les exigences auxquelles il doit répondre dans son rôle de parent et les ressources ou les capacités qu’il a l’impression de posséder afin de pouvoir satisfaire à ces demandes (Abidin, 1992; Deater-Deckard, 1998). Plus le parent

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ressent un grand écart entre ces deux aspects, plus il vivra de l’inconfort ou de la souffrance, ce qui constitue le stress parental (Abidin, 1986). Par exemple, un parent vit davantage de stress parental lorsqu’il perçoit qu’il est peu compétent, qu’il a peu de soutien émotionnel ou social (par ex.: l’aide d’un conjoint, de parents, d’amis) et lorsqu’il perçoit l’enfant comme ayant un comportement difficile (Mash & Johnston, 1990). Cette conceptualisation du stress parental a été choisie puisqu’elle cible le niveau d’adaptation subjectif d’un individu envers sa parentalité, une adaptation qui est particulièrement ardue lorsqu’on doit éduquer un enfant vivant avec une condition neurodéveloppementale telle que le TDAH.

Selon Deater-Deckard et ses collaborateurs (2005), le stress parental est davantage associé aux pratiques parentales et au développement de l’enfant que d’autres types de stress. Plus précisément, les conséquences du stress parental pourraient être regroupées en trois catégories: (1) le parent, (2) la relation parent-enfant et (3) l’enfant (Campbell, Thoburn, & Leonard, 2017; Abidin, 1992; Deater-Deckard & Scarr, 1996). Premièrement, pour tous les parents, un niveau élevé de stress parental est associé à une diminution de la satisfaction face au rôle de parent (Crnic & Greenberg, 1990) ainsi qu’à une diminution de la qualité de la relation conjugale (Lavee, Sharlin, & Katz, 1996; Östberg, Hagekull, & Hagelin, 2007). Le stress parental est également associé à des attitudes parentales négatives (par ex.: se frustrer facilement, être très sévère avec l’enfant, ne pas écouter l’enfant) ainsi qu’à une diminution du bien-être psychologique des parents (Crnic, Gaze, & Hoffman, 2005; Crnic & Low, 2002; Deater-Deckard & Scarr, 1996; Roach, Orsmond, & Barratt, 1999; Smith, Oliver, & Innocenti, 2001; Skreden et al., 2012). Deuxièmement, il est reconnu que le stress parental influence la qualité de la relation parent-enfant. En effet, plusieurs études ont démontré que les parents qui rapportent des niveaux plus élevés de stress parental seraient moins sensibles, moins impliqués, plus autoritaires et même négligents ou abusifs avec leur enfant (Belsky, Woodworth, & Crnic, 1996; Conger, Patterson, & Ge, 1995; Deater-Deckard & Scarr, 1996; Rodgers, 1998). Finalement, le stress parental a une influence sur l’enfant puisque les pratiques parentales plus négatives, réactives et inconstantes qu’il entraîne ont un impact sur les plans développemental, émotionnel, social et comportemental de l’enfant (Crnic & Greenberg, 1990; Crnic & Low, 2002; Huth-Bocks & Hughes, 2008). Notamment, un parent stressé peut devenir plus réactif et moins chaleureux, ce qui procure à l’enfant des opportunités d’apprendre à approcher les gens de façons plus négatives. Les parents les plus stressés ont aussi plus de risques d’avoir un enfant avec un attachement insécure (Jarvis & Creasey, 1991; Teti, Nakagawa, Das, &

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Wirth, 1991) et ils sont moins susceptibles d’interagir avec leur enfant de façon régulière, ce qui le prive de la stimulation sociale nécessaire à son bon développement (Adamakos et al., 1986).

À ce jour, l’Indice de Stress Parental - Version Brève (ISP-SF; Abidin 1986, 1995) est une mesure fréquemment utilisée pour quantifier le niveau de stress parental (Haskett et al., 2006; Zaidman-Zait et al., 2010). Une récente étude de Holly et ses collaborateurs (2019) ayant pour but d’évaluer les huit outils de mesure les plus fréquemment utilisées pour mesurer le stress parental (dont l’ISP-SF) a montré que cet outil est toujours l’un des plus cité à l’heure actuelle. De plus, leur étude avait pour but de qualifier les différents outils de mesure selon trois catégories: adéquat, bon ou excellent. Les résultats obtenus permettent aux auteurs de qualifier l’ISP-SF de “bon” et ils soulignent sa précision pour mesurer le concept de stress parental tel qu’il est défini par le modèle. Il est à noter qu’aucun outil n’a été qualifié “d’excellent” par ces auteurs et l’ISP-SF se démarque d’autres outils visant à mesurer le stress parental, tels que le Parenting Daily Hassles Questionnaire (PDH; Crnic & Greenberg, 1990) ou le Caregiver Strain Questionnaire (CGSQ; Brannan, Heflinger, & Bickman, 1997). Cet outil comporte trois catégories de questions qui permettent d’évaluer l’origine du stress parental selon la perspective du répondant: (1) les stresseurs associés au domaine du parent (c.-à-d.: le stress qui provient de facteurs appartenant au parent), (2) les stresseurs associés au domaine de l’enfant (c.-à-d.: le stress qui provient de facteurs appartenant à l’enfant) et (3) les stresseurs associés au domaine de la relation parent-enfant (c.-à-d.: le stress qui provient de la relation entre le parent et l’enfant). La plus récente méta-analyse sur le TDAH et le stress parental inclut la version longue de l’ISP (qui contient deux sous-échelles : domaine du parent et domaine de l’enfant) et démontre que les parents d’enfants ayant un TDAH rapportent des niveaux de stress parental significativement plus élevés que ceux du groupe contrôle au score total de stress parental (d = 1,80) et à ceux associés au domaine du parent (d = 0,90) et au domaine de l’enfant (d = 2,12; Theule et al., 2013).

Le modèle théorique du stress parental. Le modèle théorique dominant du stress parental élaboré par Abidin (Figure 1, 1992) stipule que ce type de stress est influencé par des caractéristiques de l’enfant (par ex., son humeur, sa capacité d’adaptation) et par des caractéristiques du parent (par ex., sentiment de compétence, relation avec l’autre parent, le soutien social perçu). En effet, selon cette conceptualisation les attitudes et les comportements du parent affectent les attitudes et les comportements de l’enfant, qui affectent en retour celles du parent et

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ainsi de suite. Cette influence entre le parent et l’enfant a en retour un impact sur la relation parent-enfant.

Figure 1. Le modèle de stress parental (Abidin, 1992)

Les caractéristiques de l’enfant qui influencent le stress parental. Dans la littérature, plusieurs caractéristiques de l’enfant et du parent sont rapportées comme ayant une influence sur le stress parental. Tout d’abord, en ce qui concerne les caractéristiques de l’enfant, on retrouve sa condition physique et mentale (McCubbin & Patterson, 1983). En effet, il a été démontré que des conditions physiques comme le VIH (Gupta, 2007), l’épilepsie (Chiou & Hsieh, 2008) ou des troubles neurodéveloppementaux comme le trouble du spectre autistique (TSA; Hayes & Watson, 2013) et le TDAH (Theule et al., 2013) exacerbent le stress parental puisqu’elles exigent que les parents s’adaptent à la condition de leur enfant. Deuxièmement, la sévérité des symptômes de l’enfant est une autre caractéristique qui influence le stress parental. C’est le cas du TDAH où il existe une relation bien établie entre la sévérité de la symptomatologie de l’enfant et le stress parental (Morgan et al., 2002; Anastopoulos, Guevremont, Shelton, & DuPaul, 1992; Baker & McCal, 1995; Breen & Barkley, 1988; Podolski & Nigg, 2001; Vitanza & Guarnaccia, 1999). En effet, une méta-analyse auprès de cette clientèle (Theule et al., 2013) démontre une association significative (r = 0,51) entre les symptômes de TDAH de l’enfant et le niveau de stress parental

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total. Ces résultats diffèrent légèrement entre les pères et les mères. En effet, bien que les résultats montrent que les deux partis ont des niveaux similaires de stress parental associé au domaine du parent, ils indiquent que les mères ont des niveaux plus élevés de stress parental associé au domaine de l’enfant et donc des niveaux plus élevés de stress parental total. Ces différences entre les pères et les mères doivent toutefois être nuancées puisque la majorité des études incluses dans cette méta-analyse (n = 24) étaient réalisées uniquement auprès de mères et neuf études n'offraient aucune information quant au nombre de pères et de mères dans les échantillons étudiés. Pour ce qui est des autres études incluses dans la méta-analyse, celles-ci étaient tout de même majoritairement composées de mères (85 % ou plus de l’échantillon). Par ailleurs, des études ont aussi démontré que le stress parental des parents d’enfants ayant un TDAH diminuait significativement lorsque leur enfant diagnostiqué recevait un traitement pharmacologique (p. ex., Barkley, 1989), ce qui serait en partie dû à la diminution des symptômes de TDAH de l’enfant ainsi qu’à l’amélioration de la relation parent-enfant. Finalement, une autre caractéristique associée à l’enfant qui exacerbe le stress parental est la présence de troubles comorbides. Plus spécifiquement, dans le TDAH, il existe une association modérée et significative entre la présence de comorbidités chez l’enfant et les niveaux de stress parental total (r = 0,51) et de stress associé au domaine de l’enfant (r = 0,66; Theule et al., 2013). Ces résultats indiquent que la présence de comorbidité chez l’enfant ayant un TDAH est liée à une augmentation générale du stress parental et ce stress serait davantage associé à la façon le parent perçoit son enfant et ses difficultés. Toutefois, ces résultats ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre les deux variables et il est aussi possible que le parent, avec ses caractéristiques, puisse avoir une influence sur l’enfant.

Les caractéristiques du parent qui influencent le stress parental. Les parents ont eux aussi des caractéristiques qui peuvent altérer leur niveau de stress parental telles que la présence de psychopathologie (van der Oord, Prins, Oosterlaan, & Emmelkamp, 2006), le trait de PC (Connor & White, 2014; Campbell et al., 2017), la PC parentale (Gouveia et al., 2016; Bögels et al., 2014) et la compassion pour soi (Neff & Faso, 2015). Le trait de PC, la PC parentale et la compassion pour soi seront abordés plus en détail, puisque ces concepts sont plus spécifiquement reliés aux objectifs de la présente étude.

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11 1. La présence de psychopathologie chez les parents

Dans la population générale, bien que les liens entre la psychopathologie parentale et le stress parental soient peu étudiés, quelques études mettent l’accent sur les impacts fonctionnels que la psychopathologie parentale peut entraîner. Dans la population générale, une méta-analyse de 46 études de Lovejoy, Graczyk, O’Hare et Neuman (2000) visant à étudier l’impact de la dépression maternelle sur la parentalité démontre que la dépression des mères serait associée à un comportement parental davantage négatif (d = 0,40) et désengagé (d = 0,29). Dans le même ordre d’idée, la dépression des mères d’enfants ayant un TDAH serait associée au niveau de stress parental (Anastopoulos et al., 1992; Breen & Barkley, 1988; van der Oord et al., 2006). Par ailleurs, une méta-analyse de Park, Hudec et Johnston (2017) ayant pour but de faire la synthèse de 32 études portant sur les parents ayant eux-mêmes un TDAH et les impacts du trouble du parent sur la famille démontre que les symptômes du parent sont significativement associés à des comportements parentaux sévères (r = 0,17) et relâchés (r = 0,18). Bien que les moyennes des tailles d’effets ressorties par cette étude soient faibles, elles sont similaires à celles retrouvées chez d’autres populations de parents ayant des psychopathologies.

2. La pleine conscience

La pleine conscience (PC) est une autre caractéristique influençant le stress parental. Le concept de PC réfère à la prise de conscience des expériences internes et externes dans l’immédiat avec une attitude de curiosité, d'ouverture et d'acceptation (Bishop et al., 2004). Selon Kabat-Zinn (1991), la PC implique de se familiariser davantage avec l’expérience qui est vécue d’instant en instant. Elle consiste à être présent dans tous les moments où l’on est éveillés, que ce soit en mangeant consciemment ou en conduisant consciemment sa voiture. Cette habileté permet de naviguer consciemment à travers chaque instant et les difficultés qui peuvent y être rencontrées: les tempêtes de l’esprit et celles du corps, les tempêtes de la vie extérieure et celles de la vie intérieure (Kabat-Zinn, 1991). Ainsi, la PC permet d’être simplement présent à chaque expérience vécue dans l’instant présent (qu’elle soit perçue comme négative ou positive) tout en gardant à l’esprit que ce moment finira par passer et qu’il sera remplacé par une nouvelle expérience l’instant d’ensuite (Kabat-Zinn 2003; Wallace & Shapiro 2006). Dans la littérature scientifique sur le sujet, la PC a été associée théoriquement et empiriquement au bien-être psychologique. En effet, les

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éléments centraux de la PC (notamment la régulation attentionnelle et l’acceptation sans jugement des émotions, sensations ou pensées vécues à chaque instant) sont de plus en plus reconnus comme efficaces pour contrer la détresse psychologique qui est alimentée par une tendance automatique à éviter, réprimer ou réagir fortement à ses pensées ou à ses émotions (Hayes & Feldman, 2004; Kabat-Zinn, 1990).

Selon Davidson (2010), la PC peut être conceptualisée en fonction d’un état de pleine conscience, qui réfère à un état d’esprit temporaire qu’il est possible de retrouver à tout moment de la journée et dans lequel une personne agit consciemment avec une attitude d’ouverture et de curiosité face à toutes les expériences vécues dans l’instant présent (Davidson, 2010). Afin de mieux le comprendre, l’état de PC peut être mis en opposition à un “mode automatique” où une personne agit sans être entièrement consciente de ce qu’elle fait, ressent ou pense. L’état de PC est temporaire et il fluctue dépendamment des activités, des situations ou des émotions auxquelles l’individu fait face (Campbell et al., 2017). En effet, certains événements de la journée font naître diverses réactions émotionnelles et risquent d’éloigner la personne d’un tel état. Un individu peut toutefois s’entraîner à remarquer plus rapidement lorsque son esprit n’est plus centré sur le moment présent afin de pouvoir retourner vers cet état. À long terme, cet exercice d’autorégulation de l’attention rend le retour vers un état de PC plus accessible. Deuxièmement, le trait de pleine

conscience, plus stable contrairement à la notion transitoire d’état, est défini comme une tendance

naturelle à être conscient du moment présent, à réguler son attention et à être ouvert aux expériences (Brown & Ryan, 2003; Campbell et al., 2017) et présent chez tous les individus à des degrés variables. Ainsi, des outils comme le Five Facet Mindfulness Questionnaire (FFMQ; un questionnaire auto-rapporté) ont été élaborés afin de mesurer objectivement cette propension à être dans un état de PC dans la vie quotidienne (Baer et al., 2006; Brown & Ryan, 2003). Troisièmement, la PC peut être conceptualisée en termes d’activités qui visent à induire un état de PC et à entraîner un individu à y retourner. En effet, il s’agit d’activités accessibles à tous et qui permettent à des individus de tous âges de s’exercer à réguler leur attention sur l’instant présent. Ces activités peuvent être formelles (par ex., le balayage corporel, la méditation assise, le yoga) ou informelles, c’est-à-dire intégrées aux activités de la vie quotidienne (par ex., porter attention aux sensations ressenties en se brossant les dents, en lavant la vaisselle). Ultimement, s’entraîner ainsi à retourner vers des états de PC permet d’améliorer le trait de PC. Finalement, la PC peut être conceptualisée sous la forme d’interventions (Davidson, 2010). Puisque le développement de la

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PC est associé à différents bienfaits sur la santé mentale et physique, des interventions ont été créées afin d’exposer les individus à la pratique de différentes activités de PC afin de permettre le développement d’une meilleure capacité d’autorégulation émotionnelle, ce qui a été démontré comme ayant plusieurs bénéfices sur le bien-être psychologique (Baer, 2003). Ces interventions sont souvent offertes à des populations d’individus ayant une condition psychologique, physique et/ou médicale particulière afin de les aider à diminuer leurs symptômes et elles sont de durées variables, la majorité d’entre elles s’étalant sur une période de huit semaines, le Mindfulness-Based

Stress-Reduction (MBSR; Kabat-Zinn, 1991) et le Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT;

Williams et al., 2007).

Entraîner l’esprit à revenir dans le moment présent lorsqu’il s’égare dans nos pensées permet le développement de sept attitudes qui, selon Kabat-Zinn (1991), constituent les piliers de la PC. La première attitude est le non-jugement et réfère au fait que la PC est cultivée en adoptant une position de témoin impartial de l’expérience vécue, où un individu vise à devenir de plus en plus conscient et à se dégager du flot de réactions qui surviennent en réponse aux expériences dans lequel il est habituellement pris. La deuxième attitude, la patience, réfère à la compréhension et à l’acceptation que les choses doivent parfois se déployer à leur propre rythme: un individu peut décider d’être patient et de se donner l’espace pour vivre pleinement chaque expérience plutôt que d’être impatient avec lui-même lorsqu’il remarque que son esprit émet des jugements ou lorsqu’il est tendu ou agité. Ensuite, l’esprit du débutant est une attitude qui implique de se libérer de ses attentes (qui sont basées sur les expériences passées) et d’essayer de voir avec des yeux neufs les personnes, les endroits et les problèmes qui sont familiers plutôt que de voir simplement le reflet des pensées à leur sujet. La quatrième attitude, la confiance, réfère au développement pour un individu d’une confiance fondamentale en lui-même et en ses sentiments, en sa sagesse et en sa bonté fondamentale qui sont très importantes dans tous les aspects de la PC. La cinquième attitude,

le non-effort, réfère au fait que la méditation est différente de toutes les autres activités humaines,

dans l’optique où elle n’a d’autre but pour un individu que d’être lui-même à chaque instant: s’il se sent tendu, il s’agit de porter attention à la tension; s’il se critique, il s’agit d’observer l’activité de jugement de l’esprit; s’il a mal, il s’agit de rester avec la douleur du mieux qu’il le peut, et ainsi de suite. La sixième attitude est l’acceptation et signifie de voir les choses telles qu’elles sont réellement dans le moment présent plutôt que d’essayer de forcer les situations à être comme on voudrait qu’elles soient. Par exemple, si quelqu’un n’aime pas certains aspects de son tempérament,

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il n’est pas bon d’attendre d’avoir travaillé complètement sur ces aspects avant de commencer à s’apprécier: il faut que la personne réalise que c’est possible et parfaitement adéquat de s’aimer avec le tempérament qu’elle a présentement, l’acceptation étant une partie importante du processus de changement (Kabat-Zinn, 1991). Finalement, le lâcher-prise, ou le non-attachement, réfère au fait de laisser être ce qui est présent. Cela signifie de mettre délibérément de côté la tendance à valoriser certains aspects de l’expérience humaine et à en rejeter d’autres (Kabat-Zinn, 1991) et de les accepter, peu importe la valence affective qui leur est accordée.

Les études démontrent que cultiver la PC et ses attitudes est associé à plusieurs bénéfices dans la population générale autant chez les enfants et les adolescents (Felver et al., 2016; Black, Milam, & Sussman, 2009) que chez les adultes (Hofmann, Sawyer, Witt, & Oh, 2010). Chez les enfants, bien que la recherche dans le domaine en soit encore à ses débuts, les revues systématiques et les études récentes suggèrent qu’il est faisable d’entraîner les enfants à la PC (Black et al., 2009; Burke, 2010; Simard, 2019) autant dans les populations d’enfants au développement typique que dans les populations cliniques. D’une part, des interventions ont été implantées avec succès auprès d’enfants au développement typique dans des écoles primaires (Felver et al., 2016; Zenner, Herrnleben-Kurz, & Walach, 2014). D’autre part, la PC s’est avérée bénéfique dans divers contextes cliniques comme chez les adolescents ayant un TDAH (van der Oord, Bögels, & Peijnenburg, 2012; van de Weijer-Bergsma, Formsma, Bruin, & Bögels, 2012) et ceux vivant avec différents problèmes de conduites (Bögels et al., 2008). De plus, des études récentes de notre laboratoire ont démontré la faisabilité ainsi que les effets d’un programme de PC auprès d’enfants ayant un TDAH âgés entre 8 et 11 ans par le biais de notre programme PEACE (Programme d’Entraînement de l’Attention et de la Compassion chez l’Enfant; Simard, 2019).

Chez les adultes, les effets de cette pratique sont davantage connus et plusieurs études démontrent que de cultiver la PC permet une augmentation de la régulation émotionnelle, de la satisfaction face à la vie, de la santé psychologique ainsi qu’une plus grande acceptation des émotions (Baer, Fischer, & Huss, 2005; De Vibe, Bjørndal, Tipton, Hammerstrøm, & Kowalski, 2012; Keng, Smoski, & Robins, 2011). Une récente revue systématique sur le sujet (Tomlinson, Yousaf & Vittersø, 2018) montre que le trait de PC est négativement corrélé aux symptômes dépressifs, à la rumination et à la catastrophisation et qu’il est positivement lié à des processus cognitifs adaptatifs tels que la régulation émotionnelle. Les effets de la PC ont déjà été étudiés dans

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plusieurs contextes cliniques où elle aurait des impacts positifs chez des adultes souffrant de troubles alimentaires (Baer et al., 2005), d’abus de substances (Bowen et al., 2014), de dépression (Williams, Teasdale, Segal, & Kabat-Zinn, 2007), d’anxiété (Tacón, McComb, Caldera, & Randolph, 2003), de comportements agressifs (Wupperman et al., 2012) et de TDAH (Zylowska et al., 2008). Plusieurs études démontrent également que la PC serait négativement associée au stress (Brown et al. 2012) à l’anxiété (Hou et al. 2015) ainsi qu’au stress parental (Benn et al., 2012; Parent et al., 2010; Singh et al., 2010; Smith & Dishion, 2014; van der Oord et al., 2012).

Le trait de PC et le stress parental. Campbell et ses collaborateurs (2017) ont proposé un modèle afin d’expliquer comment la PC et le stress parental agissent ensemble chez les parents. Selon eux, le stress parental aurait un rôle médiateur dans l’association entre le trait de PC et la

sensibilité parentale (c-à-d. la sensibilité et l’écoute des besoins de l’enfant). Leurs résultats

démontrent que le stress parental (mesuré avec l’Indice de Stress Parental) explique une grande partie de la covariance entre le niveau de trait de PC d’un parent (mesuré avec le Five Facet Mindfulness Questionnaire) et la sensibilité parentale (mesuré avec The Child-Rearing Practice Report Questionnaire—Nurturance Scale). En d’autres mots, plus un parent a un trait de PC élevé, plus sa sensibilité parentale est positive et appropriée, c’est-à-dire que le parent est davantage flexible, attentif et chaleureux envers son enfant. Ce phénomène serait expliqué par les niveaux plus faibles de stress parental qui eux sont associés aux niveaux plus élevés de trait de PC. Ultimement, puisqu’elle permet de diminuer le stress parental, la PC serait particulièrement importante pour les parents qui doivent élever un enfant ayant une psychopathologie puisqu’ils vivent des niveaux élevés de stress. Toutefois, très peu d’études s’intéressent à la PC et au stress parental chez ces populations de parents et la plupart des quelques études réalisées visent les parents d’enfants ayant un trouble du spectre autistique (TSA). Par exemple, Conner et White (2014) proposent que le trait de PC agisse comme un facteur de protection contre le stress parental chez les mères d’enfants TSA. Leur étude démontre qu’il existe une association forte et négative entre le trait de PC et le stress parental (r = -0,54) chez un échantillon composé de 67 mères d’enfants TSA et 87 mères d’enfants au développement typique, ce qui suggère qu’un parent ayant un plus haut niveau de PC vivrait moins de stress parental. Chez les parents d’enfants ayant un TDAH, peu d’études s’intéressent au trait de PC et à son influence sur le stress parental. Une étude de van Der Oord et ses collaborateurs (2012) a étudié 22 dyades parent-enfant (21 mères, un père) afin d’évaluer l’efficacité d’un programme de pleine conscience de huit semaines offert à l’enfant ainsi

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qu’au parent. Dans cette étude, l’enfant et le parent avaient tous les deux un diagnostic de TDAH. Chez les enfants, les résultats indiquent qu’il existe une diminution significative des symptômes d'inattention (d = 0,80) et d’hyperactivité (d = 0,56) tels que mesuré par les parents après l’intervention. Pour les parents, les résultats des mesures auto-rapportées montrent que l’intervention de pleine conscience est associée à une diminution de leurs symptômes d’inattention et d’hyperactivité (d = 0,36 et 0,48 respectivement) ainsi qu’à une augmentation de leur trait de PC (d = 0,28). De plus, les parents rapportent une diminution de leur niveau de stress parental suite à l’intervention (d = 0,57). Bien que le nombre de participants de cette étude soit faible, les résultats suggèrent qu’un trait de PC plus élevé entraînerait une diminution du stress parental chez les parents d’enfants ayant un TDAH. Ces résultats rejoignent ceux d’une récente étude menée par notre laboratoire s’intéressant au stress parental (mesuré avec l’Indice de Stress Parental; ISP) et au trait de PC (mesuré avec le FFMQ) de soixante parents d’enfants ayant un TDAH âgés entre 6 et 17 ans. Les résultats de l’analyse corrélationnelle montrent que ces deux caractéristiques sont corrélées significativement (r = -0,28) chez ces parents (Marticotte et al., 2014). Un des objectifs de la présente étude sera d’évaluer à nouveau les niveaux de stress parental et de trait de PC chez un échantillon plus grand de parents d’enfants ayant un TDAH et d’étudier la relation entre ces deux construits, en plus d’étudier d’autres variables concomitantes.

3. La pleine conscience parentale (Mindful Parenting)

Une troisième caractéristique des parents ayant une influence sur le stress parental est la PC parentale. Bien que la PC ait initialement été étudiée comme un phénomène intrapersonnel (attention centrée sur ses propres sensations corporelles, émotions, pensées), un plus grand intérêt est porté sur la façon dont les qualités de la PC peuvent être transposées dans les relations interpersonnelles. C’est le cas de la PC parentale qui étend le concept au contexte spécifique de la relation parent-enfant (Duncan, Coatsworth, & Greenberg, 2009; Kabat-Zinn & Kabat-Zinn, 1997; Steinberg, 2004). Selon Kabat-Zinn et Kabat-Zinn (1997), la PC parentale réfère au fait de porter attention à l’enfant et à sa parentalité d’une façon particulière: intentionnellement, ici et maintenant et avec une attitude de non-jugement. Métaphoriquement, les émotions et les pensées dans la parentalité peuvent être comparées à des conditions météorologiques continuellement changeantes qui peuvent obscurcir la capacité des parents à apprécier ce qui se passe dans le moment présent. Porter une attention de non-jugement à l’instant présent dans le rôle parental permet une plus

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grande clarté et une plus grande connexion entre le parent et son enfant (Duncan, 2007). Sur le plan empirique, quelques études appuient ces différences entre les deux concepts. Parent et ses collaborateurs (2016) ont mesuré le niveau de trait de PC, le niveau de PC parentale et les pratiques parentales de 615 parents (55 % de mères) d’enfants âgés entre 3 et 17 ans. Ils se sont également intéressés aux enfants des participants, plus précisément à leurs mécanismes de gestion des émotions internalisées (par ex.: déprime, anxiété) et externalisées (par ex.: frapper, crier). Leurs résultats démontrent que le trait de PC des parents est associé à des niveaux plus élevés de PC parentale. Toutefois, seuls les niveaux de PC parentale sont directement associés à des niveaux plus élevés de pratiques parentales positives et à des niveaux plus faibles de pratiques parentales négatives. Ainsi, le trait de PC peut favoriser la PC parentale des parents et cette dernière caractéristique pourrait favoriser la façon dont un parent entre en relation avec son enfant.

Le modèle théorique de la PC parentale. Le modèle théorique dominant de la PC parentale élaboré par Duncan et ses collaborateurs (2009) présente les attitudes d’un parent ayant cultivé la PC dans son rôle de parent ainsi que leurs conséquences sur l’enfant et sur la relation parent-enfant (Figure 2). Le modèle comporte cinq attitudes qui définissent les comportements associés à la PC parentale: (1) écouter son enfant avec toute son attention; (2) adopter une attitude d’acceptation et de non-jugement envers soi-même et envers son enfant; (3) développer une attention émotionnelle pour soi-même et pour l’enfant; (4) faire preuve d’autorégulation dans la relation parent-enfant; et (5) avoir de la compassion pour soi en tant que parent ainsi que pour l’enfant (Duncan et al., 2009). Le modèle de Duncan et ses collaborateurs (2009) propose que ces attitudes aient des effets positifs sur la parentalité, sur la façon dont le parent éduque son enfant ainsi que sur la relation parent-enfant. Ultimement, cela aurait des effets bénéfiques sur l’enfant, tels que la diminution des problèmes de conduite et l’amélioration de son bien-être.

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Figure 2. Le modèle de la pleine conscience parentale de Duncan et al. (2009)

Les bienfaits de la PC parentale. Incorporer la PC dans son rôle parental permet à un parent

de s’arrêter et d’observer comment il interagit avec son enfant, de modifier la façon dont il entre en relation avec lui dans le moment présent et de mieux considérer les besoins de l’enfant en prenant des décisions et des actions éclairées tout en faisant preuve de régulation émotionnelle (Duncan et al., 2009). La PC parentale permet également à un parent de prendre conscience de son stress, de réduire sa réactivité et de diminuer la transmission intergénérationnelle de pratiques parentales inefficaces (Bögels et al., 2008; 2010). Ainsi, la PC parentale permet d’être entièrement présent à la relation parent-enfant avec une attitude d’acceptation, de compassion et de gentillesse en plus d’être davantage sensible et réceptif aux besoins de l’enfant (Bögels & Restifo, 2014), ce qui est bénéfique pour le parent, pour l’enfant et pour la relation parent-enfant. En effet, pour le parent, la PC parentale offre un espace mental où il apprend à décider s’il répond ou non à ses réactions automatiques et à ses émotions négatives. Cela fait en sorte qu’il est apte à adopter de nouveaux comportements plus adaptés et qu’il se sent plus compétent dans son rôle puisqu’il prend

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des décisions réfléchies en accord avec ce qu’il souhaite pour son enfant (Williams & Wahler, 2010). Pour les enfants, il est bénéfique que le parent soit davantage centré sur le moment présent puisqu’un parent inquiet ou qui rumine à propos de ses préoccupations a moins de ressources attentionnelles à offrir à son enfant (Duncan et al., 2009). Aussi, la PC parentale aide le parent à être plus ouvert et à porter moins d’attention aux mauvais comportements de l’enfant, ce qui fait en sorte que ce dernier se sent compris et accepté avec ses qualités et ses défauts (Duncan et al., 2009). Finalement, puisque le parent est moins réactif et plus positif envers son enfant, la relation parent-enfant est positivement affectée.

La PC parentale et le stress parental. Des études démontrent que la PC parentale permet de diminuer le stress parental, notamment puisqu’elle a des impacts à plusieurs niveaux et qu’elle a le potentiel d’améliorer la dynamique entre le parent et l’enfant. Dans la population générale, Gouveia et ses collaborateurs (2016) ont démontré que le niveau de PC parentale est associé à des niveaux plus faibles de stress parental. Plus précisément, les résultats obtenus auprès de 333 parents (87 pères, 246 mères) d’enfants au développement typique démontrent que la PC parentale et le stress parental sont négativement et significativement corrélés (r = -0,43). Une étude de Bögels et ses collaborateurs (2014) démontre aussi que lorsque des parents (9 pères, 77 mères) participent à un programme de PC parentale, leur niveau de PC parentale augmente et leur stress diminue. Ces résultats soutiennent l’idée qu’améliorer cette ressource intérieure aide les parents à avoir un meilleur ajustement psychologique (Duncan et al., 2009). Chez une population de parents d’enfants ayant un TSA, Beer, Ward et Moar (2013) ont mesuré les niveaux de base de PC parentale chez 28 parents (4 pères, 24 mères) afin d’observer si la PC parentale est associée à leurs niveaux de stress parental et de symptômes dépressifs. Les résultats des mesures auto-rapportées complétées par les parents démontrent que la PC parentale est négativement corrélée (r = -0,44) aux symptômes dépressifs des parents. Les résultats de l’étude démontrent aussi que les niveaux de PC parentale des parents d’enfants TSA sont négativement associés (r = -0,37) aux résultats du QRS-F, une mesure de stress parental. En ce qui concerne les parents d’enfants ayant un TDAH, une seule étude s’est intéressée à la PC parentale et au stress parental dans cette population. Plus précisément, le mémoire de Murdock (2017) avait pour objectif d’étudier l’association entre le trait de PC, la PC parentale et le stress parental de 140 parents d’enfants ayant un TDAH. Les résultats de l’analyse de médiation montrent que le trait de PC est positivement relié à la PC parentale chez les participants de l’étude et que seulement la PC parentale permettrait de prédire un niveau plus faible

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de stress parental. La présente étude aura également pour but d’étudier la PC parentale des mères et des pères d’enfants ayant un TDAH.

La PC parentale peut être entraînée par des programmes d’intervention développés dans des contextes non-cliniques (par ex., Coatsworth et al., 2010, 2015; Duncan et al., 2009) et cliniques (par ex., Bögels, Lehtonen, & Restifo, 2014; Bögels et al., 2014; Neece, 2014). Les parents qui prennent part à un programme de PC parentale apprennent à développer de nouvelles façons d’entrer en contact avec leur enfant. Les parents développent également une plus grande résilience face aux stresseurs de la vie quotidienne et sont outillés pour aider leur enfant à faire de même. Ces programmes ont une durée de 8 à 12 semaines et abordent différents thèmes qui aident les individus dans leur rôle de parent: les réactions automatiques, entrer en relation avec son enfant en pleine conscience, faire face aux difficultés avec bienveillance, prendre soin de soi en tant que parent, etc. Il s’agit d’interventions prometteuses et les résultats permettent de mieux cerner les bienfaits associés à des niveaux plus élevés de PC parentale. Coatsworth et ses collaborateurs (2015) ont mené une étude visant à évaluer l’efficacité d’un programme d’intervention déjà existant (Strenghtening Family Program; SFP) ayant été bonifié avec l’ajout de composantes de PC parentale (désormais nommé Mindfulness-Enhanced Strenghtening Families Program; MSFP). Cette étude menée auprès de 432 familles (66% d’entre elles incluant les deux parents) utilise un design randomisé contrôlé afin de comparer les deux programmes. À la suite de l’intervention, les mères du groupe MSFP rapportent des niveaux similaires de PC parentale que les mères du groupe contrôle. Les résultats sont toutefois différents du côté des pères, dont les résultats post-intervention montrent une plus grande amélioration de leur sensibilité émotionnelle face à leur enfant (d = 0,28 et d = 0,23, respectivement). De façon générale, leurs résultats démontrent que le MSFP est aussi efficace que le SFP pour améliorer le fonctionnement familial. Cependant, le traitement bonifié avec la PC permettrait d’augmenter significativement la PC parentale des pères et les résultats démontrent que le MSFP entraîne des effets positifs plus perceptibles que dans les deux autres groupes sur la gestion de l’agressivité, sur le sentiment d’être plus connecté aux émotions de son enfant et sur la perception que les mères ont des émotions positives et négatives de leur enfant. Cela est conforme à d’autres études qui démontrent que la PC parentale s’avère bénéfique pour la relation parent-enfant (Bögels et al., 2014; Duncan et al., 2009; Singh et al., 2007). Par ailleurs, Singh et ses collaborateurs (2006), dans une étude de série de cas, ont étudié trois mères d’enfants TSA qui recevaient individuellement une intervention de PC parentale d’une durée de 12 semaines.

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Les mères décrivent que l’utilisation régulière de la PC augmente leur satisfaction face à leurs aptitudes parentales et face aux interactions qu’elles ont avec l’enfant.

4. La compassion pour soi

Une dernière caractéristique qui influence le stress parental est la compassion pour soi. Afin de bien saisir ce concept, il est important de se familiariser avec le concept plus large de compassion pour les autres. La compassion pour les autres réfère au sentiment qui survient lorsqu’on est confronté à la souffrance d’autrui et qui entraîne un désir de voir l’autre libéré de cette souffrance (Gilbert, 2010; Lazarus, 1991; Nussbaum, 2001). Dans la culture occidentale, la compassion est principalement conçue comme une attention bienveillante envers la souffrance des autres (Goetz, Keltner, & Simon-Thomas, 2010). Thupten Jinpa, fondateur du Stanford Compassion Cultivation

Training Program, définit la compassion comme un construit multidimensionnel qui possède

quatre composantes: (1) une conscience de la souffrance (composante cognitive), (2) une préoccupation en lien avec le fait d’être touché émotionnellement par la souffrance (composante affective), (3) un souhait de voir le soulagement de cette souffrance (composante intentionnelle), et (4) une réponse et une disposition à vouloir aider la diminution de cette souffrance (composante motivationnelle; Jazaieri et al., 2013). Un exemple de compassion serait lorsqu’une personne est en contact avec un ami qui vit un deuil. La personne est capable de s’imaginer la détresse et la souffrance vécues par son ami endeuillé (composante cognitive), ce qui vient la toucher émotionnellement et génère de la tristesse (composante affective). En retour, cela fait naître en elle le désir que son ami cesse de vivre de la souffrance (composante intentionnelle) et elle pourrait alors prendre du temps pour écouter son ami (composante motivationnelle). Dans cette situation, l’individu ne fait pas seulement que ressentir les émotions négatives avec son ami, ce qui s’apparenterait davantage à de l’empathie.

Distinctions théoriques entre la compassion et l’empathie. Théoriquement, la compassion nécessite de reconnaître les émotions négatives, mais également de générer des émotions positives à l’égard de la personne qui les vit et de souhaiter l’apaisement de ses souffrances. Ce désir de voir disparaître la souffrance constitue une distinction majeure entre la compassion et l’empathie. Selon le modèle élaboré par Decety et Jackson (2004), l’empathie est définie comme une expérience subjective où l’on partage les sentiments d’une autre personne.

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Toutefois, partager ainsi les sentiments de l’autre n’implique pas nécessairement l’envie d’aider la personne qui vit des émotions négatives, cette dernière notion s’apparentant davantage à la compassion. Batson (1991, p. 86), quant à lui, définit l’empathie comme une famille de réponses qui sont davantage orientées vers l’autre que vers soi-même et qui inclut les sentiments de sympathie, de compassion, de tendresse, etc. Toujours selon cet auteur, l’empathie serait une première étape essentielle qui permettrait la reconnaissance de l’émotion et qui pourrait ensuite aider à générer de la compassion. Cela est compatible avec les propos de Gilbert (2010) et de Kanov et ses collaborateurs (2004) qui proposent une définition de la compassion comme étant un processus qui nécessite de l’empathie. Ces auteurs suggèrent toutefois que la compassion irait au-delà de la notion d’empathie, notamment puisqu’elle comporte un désir de voir la diminution de la souffrance. Une autre différence entre l’empathie et la compassion est que cette dernière est ressentie spécifiquement en réponse à la souffrance, alors que l’empathie peut s’appliquer autant dans les situations joyeuses que tristes (Pommier, Neff & Tóth-Király, 2020). Les différences entre ces deux concepts seraient même perceptibles au niveau cérébral. En effet, la littérature récente en neurosciences démontre que les régions cérébrales activées en réponse à l’entraînement à la compassion et à l’empathie sont différentes. Dans leur étude, Klimecki, Leiberg, Ricard, & Singer (2014) ont présenté des images de personnes souffrantes à deux groupes de participants : le premier groupe avait comme tâche de générer un sentiment de compassion face aux images tandis que le second groupe devait être empathique face à celles-ci. Les signatures neuronales du premier groupe étaient similaires à celles d’émotions positives telles que l’amour maternel, le courage et la détermination à trouver un moyen d’aide. À l’inverse, les activations neuronales du second groupe provenaient de régions associées à la douleur et à la souffrance, ce qui entraîne des réactions d’évitement, d’aversion et de détresse. Toutefois, lorsqu’il leur a été demandé de générer de la compassion face aux images, les individus du groupe empathie ont cessé de les percevoir comme très négatives (Klimecki et al., 2014). En résumé, bien que les deux termes soient souvent utilisés de façon interchangeables, il y a une distinction à faire entre la notion de compassion et celle d’empathie, tant dans la définition que dans les mécanismes neuronaux sous-jacents.

La compassion pour soi réfère aux mêmes processus que ceux de la compassion pour les autres, à l’exception qu’ils sont dirigés vers soi-même plutôt que vers une cible extérieure. Bien qu’il soit généralement bien vu d’être gentil et de faire preuve de compassion pour les autres, les individus ont souvent tendance à être durs et critiques envers eux-mêmes. La compassion pour soi

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implique de faire preuve de gentillesse et de bienveillance envers soi-même de la même façon qu’on le serait avec une personne chère. La conceptualisation la plus connue a été proposée par Neff (2003a). Selon cette auteure, la compassion pour soi implique d’être touché et ouvert à sa propre souffrance, de ne pas l’éviter ni de s’en déconnecter, ce qui permet de générer le désir de la soulager et de prendre soin de soi. Son modèle de compassion pour soi comporte trois composantes principales: (1) la bonté et la bienveillance envers soi-même (self-kindness), (2) la reconnaissance de notre humanité (common humanity) et (3) la pleine conscience (mindfulness). Premièrement, la composante de bonté et de bienveillance envers soi-même signifie d’être gentil et soutenant envers soi-même lors des moments difficiles. À titre d’exemple, un individu vivant une rupture amoureuse pourrait être très critique envers lui-même, ce qui risque d’entraîner une exacerbation de sa souffrance. À l’inverse, il pourrait développer un discours intérieur plus doux et bienveillant envers lui-même, de la même façon qu’il le ferait avec un ami qui vivrait une situation similaire. Deuxièmement, la composante de reconnaissance de son humanité implique de se rappeler que chaque être humain possède des forces et des faiblesses et que chaque être humain expérimente de la souffrance à un moment ou un autre. À titre d’exemple, un étudiant qui est déçu de son résultat à un examen pourrait avoir tendance à se rabaisser et à se juger très sévèrement, ce qui risque de générer en lui le sentiment d’être différent, inférieur et isolé des autres. Plutôt que de s’isoler et de ruminer, cet étudiant pourrait s’efforcer de reconnaître que sa souffrance est passagère, naturelle et que d’autres étudiants autour de lui peuvent aussi partager le sentiment d’échec qu’il ressent. Cette reconnaissance du caractère humain de sa souffrance pourrait aider cet étudiant à s’ouvrir à un ami et à s’auto-apaiser plutôt que de se critiquer. Dernièrement, la pleine conscience est une autre composante de la compassion pour soi qui permet à un individu de prendre une distance avec ses pensées et ses émotions douloureuses et de les reconnaître comme étant passagères (Neff, 2003a). Lorsqu’un individu est souffrant, il peut en résulter une sur identification, ce qui signifie que la personne s’identifie à ses émotions ainsi qu’à ses pensées négatives pour en tirer des conclusions sur sa personne. À titre d’exemple, un individu qui vit des émotions de frustration et des pensées négatives lors d’une journée difficile au travail pourrait se juger et s’identifier à ses émotions afin de se percevoir comme une personne négative et fâchée. Pour cet individu, la composante de pleine

conscience serait aidante afin de reconnaître les émotions et de s’en distancer. De plus, cette

composante peut permettre à l’individu de se rappeler les éléments contextuels qui contribuent à cet état (par ex., mauvaise nuit de sommeil, manque de personnel au travail).

Figure

Figure 1. Le modèle de stress parental (Abidin, 1992)
Figure 2. Le modèle de la pleine conscience parentale de Duncan et al. (2009)

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