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CHAPITRE 2 S ITUATION EN ZONE D ’ ORIGINE 88

D. Discussion 106

Wasmannia auropunctata est une espèce que l’on retrouve dans plusieurs types de milieux guyanais, allant des milieux anthropisés ou dégradés à certaines zones naturelles comme les marigots. Ces résultats sont en accord avec les informations réunies dans la littérature (Tableau 13). Néanmoins, nous ne l’avons pas retrouvée à l’intérieur des forêts humides jouxtant les routes ou les marigots.

Dans les plantations de café, les deux situations rencontrées rappellent celles observées au Brésil et au Costa rica, où W. auropunctata peut être tantôt dominante, tantôt rare (c.f. Tableau 13). On a remarqué la diversité beaucoup plus faible de la myrmécofaune dans la plantation dominée par W. auropunctata.

Les transects réalisés le long de la route apportent plusieurs informations sur W. auropunctata dans ces milieux. Cette espèce y est commune mais ne domine que très rarement. Plus on s’enfonce dans l’intérieur de la forêt (i.e. plus le milieu se referme), moins on détecte d’ouvrières de W. auropunctata sur les appâts : elle est quasiment absente sur les appâts déposés en forêt. L’étude réalisée dans la forêt secondarisée, montre que W. auropunctata peut être localement ultra dominante. Les densités de population observées dans cette zone sont si importantes qu’elle est en situation de monopole : les autres espèces sont exclues et ne sont détectées à nouveau que plus loin dans la forêt. Cette situation rappelle celle observée dans une forêt de Nouvelle-Calédonie en cours d’invasion (Article 2).

La présence de W. auropunctata dans 9 marigots sur les 10 échantillonnés laisse penser que cette espèce est très commune dans ce type de milieu, du moins en Guyane. Elle semble être bien intégrée au sein de la communauté de fourmis et nous n’avons pas relevé de sites où ses populations dominaient des zones entières comme dans certaines zones dégradées. Les marigots sont des zones naturelles instables. En effet, en saison humide les fortes pluies font monter les niveaux des cours d’eau qui inondent les fonds de vallées. Généralement, on considère que les organismes vivant dans des environnements instables, se caractérisent par de larges niches écologiques et un niveau élevé de plasticité (Morse 1980) : le fait que W. auropunctata se retrouve dans ces milieux prouve qu’elle est adaptée pour y vivre.

Si l’on considère ces milieux comme les zones de répartition naturelle, on peut penser que l’instabilité qui y règne a pu sélectionner des aptitudes qui prédisposent cette espèce à coloniser d’autres zones instables, si elle y trouve des conditions favorables à son

développement. Nos résultats confirmeraient donc la qualification de « disturbance specialist » donnée à W. auropunctata par Majer et Delabie (1999).

Enfin, les densités de populations observées dans la petite plantation de café, dans la forêt secondarisée et dans d’autres zones perturbées laissent penser qu’en Guyane les populations de W. auropunctata peuvent être organisées en structures polycaliques et polygynes à une petite échelle spatiale, une situation équivalente à celle décrite par Ulloa- Chacón dans une autre zone de son aire d’origine (Ulloa-Chacón 1990).

IV. Structure sociale des populations de W. auropunctata dans sa zone d’origine

Comme le soulignent Tsutsui et Suarez (2003), on considère que le succès des fourmis envahissantes repose sur un changement de structure sociale durant la phase d’introduction ou quelque temps après. Ainsi ces sociétés passeraient du stade de petites colonies, avec des territoires de petites tailles à celui de « super colonies » couvrant de larges territoires, avec des densités de nids très importantes. Nous avons montré qu’en Nouvelle-Calédonie une seule super colonie de W. auropunctata occupe la quasi-totalité de la surface de l’île. Mais qu’en est il de la situation en Amérique du Sud, zone d’origine ?

A. Zones agricoles

Une étude portant sur l’agressivité intraspécifique de W. auropunctata a été réalisée dans quatre plantations de cacao au Brésil, une des zones d’origine de l’espèce (Article 1). A l’échelle d’une plantation, des ouvrières provenant de colonies séparées de plusieurs km ne montrent d’agressivité réciproque. Entre les plantations, les ouvrières montrent une agressivité très marquée, sauf dans un cas, mais on observe alors que des plants de cacao ont été transportés entre les deux plantations en cause. Ainsi, à l’échelle régionale, W. auropunctata se comporte comme une espèce multicoloniale.

En Guyane, nous avons testé l’agressivité de W. auropunctata au sein des deux plantations de café étudiées, distantes de 500 m. Deux colonies avec reine (s) séparées d’au moins 10 mètres ont été récoltées dans chacune des plantations. Le protocole utilisé pour évaluer l’agressivité est celui décrit dans l’article 1. Nous avons d’abord testé l’agressivité entre des ouvrières de colonies provenant d’une même plantation, puis entre des ouvrières provenant des deux plantations.

Figure 22. Résultats des expériences d’agressivité intraspécifique entre colonies de Wasmannia auropunctata récoltées dans des plantations de café en Guyane. A : Au sein de la plantation 1 ; B : Au sein de la plantation 2 et C : entre les plantations 1 et 2. (N = 10 pour chaque cas)

Aucune agressivité inter et intra plantation n’a été décelée (Figure 22). Même si les distances sont très faibles, ces résultats confirment qu’en Guyane les populations de W. auropunctata peuvent être organisées en structure polycalique. Nous retrouvons donc le même pattern qu’en Nouvelle-Calédonie, mais sur une petite échelle. Il faut souligner que ces expériences ont été menées dans des zones agricoles, qui sont des zones perturbées.

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