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CHAPITRE 2 S ITUATION EN ZONE D ’ ORIGINE 88

B. Bords de route 121

Wasmannia auropunctata est une espèce commune dans ces milieux. Dans les 17 sites où nous l’avons détectée, ses densités ne sont très élevées et elle coexiste avec de nombreuses autres espèces. Les espèces des genres Pheidole et Crematogaster occupent le plus d’appâts.

1. Distribution de la myrmécofaune le long des transects

La composition de la myrmécofaune diffère dans les différentes zones définies le long des transects. Le nombre d’appâts occupé par certaines espèces diminue avec la fermeture du milieu, jusqu’à devenir quasiment nul au niveau de la forêt. C’est le cas de W. auropunctata et des espèces des genres Ectatomma et Solenopsis (Figure 31). Les Diplorhoptrum ont eu une distribution inverse, leur présence sur les appâts augmentant avec la fermeture du milieu.

Dans les trois premières zones (Bord, Bord/Lisière et Lisière), la seule espèce présente de Solenopsis est S. saevissima ; d’autres espèces ont ensuite été détectées dans la forêt (Figure 31). Solenopsis saevissima est une fourmi de feu et la piqûre infligée par ses ouvrières est très douloureuse. Elle peut ponctuellement constituer une peste dans les milieux ruraux de Guyane (Dejean com. pers.).

Parmi les différentes espèces de Crematogaster détectées, l’espèce la plus fréquemment rencontrée est Crematogaster limata, connue pour initier des jardins de fourmis (Davidson 1988, Kleinfeldt 1986). Elle est considérée comme une dominante en Amérique du Sud, où elle est une composante essentielle des mosaïques de fourmis arboricoles (Dejean et al. 1999, Majer 1993). Mais ses ouvrières peuvent également fourrager au niveau du sol.

De nombreuses espèces de Pheidole ont été détectées le long des transects et nous avons remarqué Pheidole sp.G2 dans les milieux ouverts.

Figure 33. Distribution de W. auropunctata et des autres espèces de fourmis dans différentes zones le long de transects partant du bord de la route en Guyane. 20 sites sur 10 km ont été échantillonnés. Les appâts ont été visités après 30 et 60 min.

2. Exploitation des appâts

Nous avons observé le recrutement des espèces les plus présentes dans les 3 premières zones, où W. auropunctata était la plus présente (Figure 34).

Figure 34. Nombre moyen d’ouvrières (± ES) des fourmis les plus présentes sur les appâts dans les trois premières zones des transects de bords de routes, après 30 min (Kruskal-Wallis : Khi² = 11,179 ; ddl = 4 ; P = 0,028) et 60 min (Kruskal-Wallis : Khi² = 12, 79 ; ddl = 4 ; P = 0,017).

Les nombres d’ouvrières recrutées diffèrent selon les espèces (Figure 34). Les effectifs recrutés par Ectatomma ont été les plus faibles à 30 et 60 minutes. W. auropunctata et S. saevissima ont recruté plus d’individus que les Crematogaster et Pheidole, mais les différences ne sont pas significatives (Figure 34).

De nombreuses espèces peuvent se trouver dans le même milieu que W. auropunctata (Figure 35). Quand les ouvrières de W. auropunctata sont détectées sur les appâts, elles y sont seules dans la majorité des cas (Figure 35A). Sur les 36 appâts où W. auropunctata a été détectée au premier passage, elle a été remplacée par une autre espèce dans 4 cas : une fois par S. saevissima et Crematogaster limata et 2 fois par des Pheidole spp. De nombreuses espèces ont été détectées sur les 85 appâts autour desquels des ouvrières de W. auropunctata ont été signalées (Figure 35B).

Figure 35. Occupation des appâts le long des transects de bords de routes. Espèces dont les ouvrières sont présentes sur les appâts en même temps que les ouvrières de Wasmannia auropunctata (A). Espèces dont les ouvrières sont présentes sur les appâts alors que les ouvrières de W. auropunctata sont détectées à vue autour des appâts (B).

3. Confrontations entre Wasmannia auropunctata et des dominantes

Parmi les nombreuses espèces présentes dans ces milieux, nous avons choisi de tester l’habilité de Solenopsis saevissima et de Crematogaster limata à défendre des ressources de nourriture contre W. auropunctata au cours d’expérience d’introductions à court terme, ces deux espèces étant parmi les plus présentes sur les appâts. Notre choix de C. limata a été aussi orienté par le fait que nous voulions tester une espèce arboricole dominante. Les expériences impliquant C. limata ont été réalisées en laboratoire en Guyane. Nous avons installé un jardin de fourmi sur une fourche de bois dans un bac dont les parois étaient recouvertes de fluon ; un pont permettait aux ouvrières de C. limata de fourrager dans un autre bac contenant de la nourriture.

Figure 36. Nombre d’ouvrières sur les appâts (moyenne ± SE) avant l’introduction des ouvrières de Wasmannia auropunctata (Pre), 20 min après l’introduction et 30 minutes après leur retrait (test-t pour données appariées suivi pas une correction de Bonferroni ; NS : P>0,05).

Les effectifs des 2 espèces testées n’ont pas varié de manière significative après l’introduction puis le retrait des ouvrières des W. auropunctata (Figure 36). On observe une légère diminution chez S. saevissima et une légère augmentation chez C. limata. Les ouvrières de W. auropunctata ont initié autant d’interactions que celles des deux autres espèces. Néanmoins, elles ont en perdu la majorité contre S. saevissima. Elles ont en gagnée autant que celles de C. limata (Tableau 17).

Tableau 17. Tendance de Wasmannia auropunctata et des espèces compétitrices à initier ou gagner les interactions (test du Khi² : NS = P > 0,05 ; * = P < 0,05 ; ** = P < 0,01).

Initiation (%) Issue (%)

Espèces No de

rencontres Wasm Autres P Wasm Autres P

S. saevissima 75 56 44 NS 10,7 89,3 **

C. limata 75 53,3 46,7 NS 54,7 43,3 NS

Les ouvrières de S. saevissima ont gagné toutes les interactions qu’elles ont initiées et une grande partie de celles initiées par W. auropunctata. Cela indique que ses ouvrières arrivent tout aussi bien à attaquer qu’à se défendre. Les ouvrières de C. limata, ne gagnent que 63% des interactions qu’elles ont initiées et n’en gagnent plus que 30% si ce sont les ouvrières de W. auropunctata qui les ont initié, néanmoins la différence n’est pas significative (Tableau 17).

Tableau 18. Pourcentage d’interactions gagnées par les ouvrières des différentes espèces, selon qu’elles aient initié ou reçu les attaques des ouvrières de Wasmannia auropunctata. Sont indiqués les résultats du test du Khi².

Espèces de Fourmis Initiateur Récepteur Khi² P

S. saevissima 100 81 0,015 NS

C. limata 62,9 30 2,946 NS

Bien que ces deux espèces soient des Myrmicinae, elles utilisent des mécanismes d’attaque différents. Les ouvrières de S. saevissima piquent leurs adversaires, elles injectent donc leur venin. Lors d’un corps à corps, la morphologie des ouvrières de S. saevissima leur permet de replier leur abdomen complètement sous elles et de piquer les ouvrières de W. auropunctata qui les attaquent. Les ouvrières de C. limata quant à elles vont déposer leur venin sur la cuticule de leurs adversaires, néanmoins elles l’utilisent le plus souvent en tant que répulsif. Leur morphologie est bien adaptée efficace pour repousser les compétiteurs, et elles ont peu de chance de s’en sortir si elles se font saisir par les ouvrières de W. auropunctata, qui rappelons le ne lâchent pas prise tant que l’adversaire n’est pas mort.

Figure 37. Mécanismes utilisés par les ouvrières de Wasmannia auropunctata (A) et celles des autres fourmis (B) durant les interactions un - contre - un sur des appâts.

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